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d'épis, beaucoup de grappes se confondent en une masse unique, ainsi nos excellents princes, par la grâce de Dieu, vivant avec leurs fidèles sujets dans une paix constante et une union toute sainte, parviennent à ce banquet éternel que Jésus-Christ a figuré par le pain et le vin dans la dernière cène. »

L'archiduc répondit : « Cette offrande nous est fort agréable, à cause de la signification que vous venez d'exposer.» I continua quelque temps son discours: après quoi l'infante prit le pain des mains du doyen Gifford, et l'archiduc le reçut du trésorier Van der Haer; le vin fut présenté à l'une par l'écolâtre Le Duc, à l'autre par le chanoine Bidault.

Un grand acte se prépare. Les souverains s'avancent au bas de l'autel. Le doyen s'exprime en ces termes : « Plaît-il à vos Altesses Sérénissimes de prêter à cette église le serment accoutumé de leurs prédécesseurs ? » L'archiduc répond: « Nous le voulons. » Le doyen lit la formule suivante :

« Nous, Albert et Isabelle, archiducs d'Autriche, ducs de Bourgogne, comtes de Flandre, nous promettons et jurons de garder les droits, libertés, immunités de l'église de Saint-Pierre de Lille, et d'observer fidèlement ses privilèges. Ainsi Dieu nous soit en aide et tous les saints du ciel. >>

Les princes posèrent la main sur le missel et répétèrent les paroles du serment: après quoi ils baisèrent le texte sacré, et partirent avec leur cortège pour se rendre au Grand-Marché. Là, devant la halle échevinale, était dressée une superbe estrade, haute de soixante pieds. Les princes y prirent place avec les seigneurs. Jean Richardot, président du Conseil d'État, prononça un discours devant une foule immense qui s'entassait jusque sur les toits.

Le rewart lut le texte du serment, que les archiducs prêtèrent en touchant l'évangile. Quand ils se furent ainsi

engagés solennellement devant Dieu à garder les lois, franchises et libertés de la ville, le peuple, à son tour, en levant la main, jura d'être fidèle à ses princes, de défendre toujours leurs personnes et «<leur héritaige de la comté de Flandres ». Ainsi des engagements réciproques, consacrés par le lien religieux, scellaient l'union intime des peuples et des souverains1.

Le cardinal Bentivoglio, dans les Relations qu'il écrivit pendant sa nonciature de Bruxelles, a tracé d'intéressants portraits des archiducs 2. Il représente Albert comme un prince d'une grande sobriété, parfaitement réglé dans ses mœurs, religieux et plein de zèle pour les choses saintes, aimant la justice et se consacrant tout entier au bien de son peuple. C'était un esprit cultivé, sachant beaucoup de choses et possédant plusieurs langues. On lui reprochait sa lenteur, l'indécision de son caractère: il portait la réserve et la gravité jusqu'à l'extrême. Les Flamands, dit le prélat, veulent que leur prince soit plus aimable et plus avenant; d'autre part, la guerre demande un esprit prompt et résolu. Pour tout dire en un mot, Albert était plutôt estimé qu'aimé des populations.

Quant à l'infante Isabelle, dans l'âge mûr elle conservait encore une beauté majestueuse : elle avait je ne sais quoi de doux et de grand tout ensemble, qui captivait les esprits. Bentivoglio la regarde comme une des plus grandes princesses qui aient jamais existé. Ses royales vertus rappellent Isabelle de Castille, dont elle porte le nom, dont le sang coule dans ses veines. On ne peut dire combien elle est affable et bonne, combien elle aime la justice, et surtout combien sont éminentes sa religion et sa piété. Elle n'a point de désir plus ardent que de voir l'Eglise reprendre possession des âmes dans les provinces ravagées par l'hérésie.

1. Houdoy, p. 91-95.

2. Les Relations du cardinal Bentivoglio (trad. Paris, 1642) p. 166-174.

Quoique la souveraineté des Pays-Bas lui appartînt en propre, et que sous tous rapports elle fût supérieure à son époux, Isabelle voulut lui laisser l'exercice du pouvoir. Il ne faisait rien sans la consulter la plus parfaite union régnait entre eux.

Pendant plus de vingt années (1598-1621), Lille jouit des bienfaits de leur gouvernement. La princesse, après avoir perdu son époux, continua de diriger les affaires au nom de Philippe IV, jusqu'à ce qu'elle mourût ellemême en 1633. Son mariage étant demeuré stérile, aux termes de l'acte de donation, les Pays-Bas faisaient retour à l'Espagne.

Quand commença le règne des archiducs, l'ordre était rétabli dans la Flandre wallonne : il fallait achever la pacification, relever les ruines matérielles et morales accumulées par quarante années de troubles. Lille sans doute avait moins souffert de ces commotions que beaucoup d'autres villes on pouvait néanmoins constater un ébranlement des esprits, un certain affaiblissement, non peut-être des croyances, mais du pouvoir incontesté qu'elles exerçaient auparavant sur la vie sociale et sur toutes choses. Les pratiques religieuses étaient suivies moins fidèlement; les mœurs s'étaient relâchées.

Le relèvement ne tarda point à se manifester. Les nombreuses fondations qui eurent lieu dans le cours de ce siècle en fourniraient, au besoin, la preuve 1. Le magistrat, auparavant si difficile pour admettre de nouvelles maisons religieuses, s'inspire maintenant d'un esprit plus large: il contribue à les fonder, et même prend tous les frais à sa charge lorsque l'établissement revêt un caractère marqué d'utilité publique. L'inter

1. Tous les historiens de Lille en donnent l'énumération. Un manuscrit du XVIIIe siècle, provenant de Saint-Pierre, contient beaucoup de particularités peu connues et de documents inédits. C'est celui qui porte à la Bibliothèque communale le n° 675 (ancien 249): Histoire abrégée de différentes fondations pieuses faites dans la ville de Lille et ses environs.

vention de l'infante Isabelle s'accuse ou se laisse deviner; d'autre part, les agrandissements successifs de la ville font naître des besoins et donnent des facilités inconnues quand l'enceinte, trop étroite, pouvait à peine contenir les habitants.

Les premiers qui s'établirent après les troubles furent les capucins. Par la sainteté et l'austérité de leur vie, par la vigueur apostolique et le ton populaire de leur prédication, ces humbles fils de saint François exerçaient sur les masses une influence considérable. Lors de leur arrivée à Lille, en 1592, ce fut le prévôt de Saint-Pierre, Maximilien Manare; qui les hébergea dans son hôtel jusqu'à ce qu'il pussent se procurer une installation 1. Voyant le bien qu'ils produisaient, le magistrat leur bâtit

un couvent.

Le magistrat encore fit élever aux frais du public, vers cette même époque, le splendide collège des Jésuites. Ce n'est pas seulement au point de vue de l'éducation de la jeunesse que ces religieux rendaient de signalés services. Prédicateurs attitrés de la collégiale, ils se faisaient entendre aussi chez eux et ailleurs ils enseignaient la doctrine chrétienne dans les petites écoles, et remplissaient les fonctions du ministère des âmes.

Ce fut le doyen de la collégiale, Josse Van den Berghe, qui les appela et qui mit à leur disposition la principale chaire de Lille 2: ce fut le prévôt, Vincent de Zélandre, qui posa la première pierre de leur collège, le 22 mai 16063. Ce prélat fit voir combien il leur était affectionné, en demandant la sépulture dans leur église. Les chroniques ont soin de noter la part que prit notre chapitre à toutes leurs grandes cérémonies, par exemple à la

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procession solennelle qui eut lieu le 10 octobre 1610, pour transporter le Saint-Sacrement et les reliques de l'ancienne maison de la rue des Malades, dans la nouvelle église du quartier de Rihour 1.

Les pères jésuites possédaient maintenant une installation parfaite. La ville et les états de la châtellenie leur allouèrent une somme annuelle de trois mille florins pour le personnel consacré à l'enseignement; mais les nécessités croissantes du ministère demandaient un plus grand nombre d'ouvriers, et les revenus de la maison ne suffisaient point pour assurer leur subsistance.

Dans ces conjonctures, le P. Jean Lobbet, recteur du collège, alla trouver le prévôt de Saint-Pierre, Engelbert des Bois, et lui fit connaître son embarras. Un moyen de lui venir en aide se présentait comme possible. L'antique chapelle d'Esquermes, appartenant à la mense prévôtale, était quelque peu délaissée : elle avait des revenus, elle possédait un bénéfice et une dotation. Après avoir obtenu le consentement de son chapitre, le prévôt céda la chapelle avec ses rentes aux pères du collège, à condition qu'ils se chargeraient de la desservir et qu'ils en assumeraient toutes les obligations. Dans le cas où le sanctuaire cesserait d'être occupé par les jésuites, la concession deviendrait caduque: les choses seraient remises sur l'ancien pied.

L'union de la chapelle d'Esquermes au collège de la compagnie de Jésus fut réalisée par lettres du 14 février 1622 2.

Grâce au zèle de ces religieux, le pèlerinage ne tarda pas à revivre. Ils établirent le long d'un chemin qui menait de la ville à la chapelle sept petits oratoires rappelant les voyages de la Mère de Dieu pendant sa vie

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