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TOUS DROITS RÉSERVÉS

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Le 5 février 1600, les archiducs Albert et Isabelle, souverains des Pays-Bas, firent leur joyeuse entrée dans la ville de Lille. Ce règne commençait sous les auspices les plus heureux : tous les cœurs s'ouvraient à l'espérance et à la joie. Aussi la capitale de la Flandre wallonne voulut faire à ses nouveaux princes une réception qui effaçât en splendeur ce que l'on avait vu jusqu'alors'.

1. Ces fêtes sont décrites dans un beau manuscrit provenant de Saint-Pierre, qui porte aujourd'hui le n° 636 (246 de l'ancien catalogue) à la Bibliothèque communale de Lille. Millin en a publié de longs extraits dans le tome v des Antiquités nationales, n° LXI, Bibliothèque de Saint-Pierre à Lille. Il a rapporté la plupart des inscriptions, et fait reproduire par la gravure les dessins en gouache dont l'original est orné.

M. Houdoy a publié, d'après un manuscrit des archives de la ville de Lille, une autre narration, qui diffère de la précédente pour quelques details. (Joyeuse entrée d'Albert et d'Isabelle. Lille, 1873.) Il a mis en avant de ce texte une

Floris Van der Haer, le savant trésorier de SaintPierre, fut prié par le magistrat de dresser le programme des fêtes. Le plan qu'il proposa et qui fut réalisé, consistait à représenter les principaux épisodes de l'histoire de Lille, figurés par des personnages vivants, sur des théâtres disposés le long de l'itinéraire que devait suivre le cortège. Il y avait aussi des groupes symboliques, des arcs de triomphe superbement ornés, des inscriptions en prose et en vers, en français, en latin et en grec. Plusieurs furent composées par Van der Haer. Les autres avaient pour auteurs Hubert Le Clerc et Jean Boniface, du collège de Saint-Pierre; le P. Jean Herreng, recteur du collège de la compagnie de Jésus, et quelques lettres lillois, Maximilien Montaigne, Salatier de Hellin, Hippolyte Petitpas, Jean Le Fel1.

Au jour fixé, Jean de Robles, gouverneur de Lille, avec les députés des états de la châtellenie, beaucoup de nobles et une suite nombreuse, alla recevoir les princes sur les limites de sa juridiction, près du village d'Halluin. Albert et Isabelle arrivèrent à midi, venant de Courtrai, dans un coche attelé de six chevaux blancs.

introduction intéressante, et, ce qui donne une valeur particulière à sa publication, il y a joint le compte des dépenses faites à cette occasion et arrêté le 5 septembre 1601.

Le texte du manuscrit de Saint-Pierre est plus récent que celui qu'a publié M. Houdoy. Il a dû être copié et quelque peu modernisé vers 1660. Quant aux gouaches dont il est orné, elles ont bien été faites pour ce volume. Un coup d'œil suffit pour se convaincre qu'elles n'ont pas été découpées d'un texte plus ancien et rapportées, comme le suppose M. Houdoy (p. 10).

A la suite de la relation de l'entrée d'Albert et d'Isabelle, ce manuscrit renferme une chronique souvent citée dans cette Histoire, sous le nom d'Anonyme de SaintPierre. Elle va jusqu'à l'année 1662.

1. Houdoy, p. 32, 33. Van der Haer reçut, de la part de don Gaston Spinola, écuyer de Leurs Altesses, un présent de vingt-quatre quennes de vin (Houdoy, p. 116). En outre il eut de la ville « pour une partie de ses peines et travaux », une somme de cent vingt livres (ib., p. 117). On trouve des dons plus modestes pour Jean Boniface (p. 111), et les autres poètes (p. 116-118). Les serviteurs de Van der Haer obtiennent douze livres quatre sols « pour avoir escrit et mis au net plusieurs escrits faits ») (p. 113).

Le trésorier de Saint-Pierre fut cette année commissaire au renouvellement de la loi.

Après les premiers compliments et les salves de mousqueterie, on se mit en marche vers Lille. Au lieu dit la Croix des Poissonniers, où commençait la banlieue, le magistrat, ayant à sa tête le rewart, présenta les clés de la ville sur un plateau d'argent le premier conseiller pensionnaire exprima les sentiments de fidélité, d'affection, de reconnaissance dont la ville était animée envers ses souverains.

Du faubourg de la Madeleine on passa devant les portes de Courtrai, des Reignaux, de Fives et de Saint-Sauveur, pour atteindre la porte des Malades. C'est par là que d'ordinaire les princes faisaient leur entrée.

Les archiducs s'arrêtèrent pour se chauffer, car le froid était rigoureux, et prirent quelque peu de nourriture dans une ferme. Ils montèrent ensuite sur des chevaux blancs, et le cortège se déroula dans les rues magnifiquement parées à droite et à gauche, des torches espacées de cinq pieds éclairaient tout le parcours. Douze gentilshommes tenaient au-dessus des princes un riche baldaquin aux armes de la ville, que soixante bourgeois précédaient avec des flambeaux.

Quand on eut traversé le pont de Fins, on se dirigea vers Saint-Pierre, par la place et la Grande-Chaussée. Le chapitre attendait à l'entrée de son territoire. Dans l'église, à quelques pas du porche, deux coussins étaient préparés sur un tapis. Le doyen Gifford présenta l'eau bénite puis il offrit à la vénération des princes la relique insigne de la vraie croix. Après l'avoir baisée pieusement, ceux-ci s'avancèrent jusqu'au maître-autel, et se mirent à genoux pendant que l'on chantait en musique le Benedictus. Les oraisons dites, Gifford prononça une harangue latine, à laquelle l'archiduc répondit dans la même langue il remercia les chanoines des sentiments exprimés au nom du chapitre, et promit de tout faire pour répondre à leurs espérances. Elles se résumaient en un mot: la paix après tant de troubles, de discordes intestines et de sanglantes guerres; la paix

dans l'ordre et la tranquillité de la justice; la paix dans la liberté et la protection des intérêts religieux 1.

Le soir, il y eut des feux de joie et des feux d'artifice: le magistrat réunit en un banquet, à la halle échevinale, les chevaliers de la Toison d'or et les principaux seigneurs qui accompagnaient les princes. Les enfants de choeur et les musiciens de la collégiale exécutèrent, pendant le repas, des chants de circonstance 2.

Le lendemain dimanche, le magistrat, en robes, alla prendre les archiducs au palais de Rihour. On se rendit à Saint-Pierre, en passant par le palais de la Chambre des Comptes. Les chanoines, à l'arrivée du cortège, ne quittèrent point leurs stalles. On chanta la messe avec grande solennité : l'abbé de Loos, Pierre Carpentier, officiait pontificalement.

Le saint sacrifice terminé, le doyen et le trésorier du chapitre s'avancèrent, chacun d'eux portant un pain enveloppé de damas; l'écolâtre Le Duc et le plus ancien chanoine, Jean Bidault, suivaient avec deux flacons d'argent, remplis, l'un de vin clairet, l'autre de vin blanc.

Quand ils furent arrivés devant l'oratoire établi pour les princes, le doyen, prenant la parole, expliqua en langue latine la signification de ces présents.

« Sérénissimes princes, Vos Altesses ayant daigné nous honorer de leur auguste présence et assister à l'office divin, qu'il nous soit permis de leur offrir les distributions3 comme nos anciens le faisaient à vos prédécesseurs, au moment de leur inauguration. Avec ces deux substances, aliment principal de l'existence humaine, c'est notre vie entière que nous offrons et consacrons à votre service. Plaise à Dieu que, comme dans le pain et le vin beaucoup

1. Le discours de Guillaume Gifford se trouve tout au long dans Houdoy, p. 73-76.

2. Houdoy, p. 110.

3. Allusion aux distributions quotidiennes de pain et de vin que les chanoines recevaient autrefois pour l'assistance aux offices.

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