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PROLEGOMÈNES.

étymologie.

Morins,

Morinie, origine, géographie, chorographie, caractère, mœurs, usages, religion, gouvernement, etc.

Comme tous les écrivains qui ont entrepris de tracer l'histoire des anciens peuples, nous sommes obligé, en commençant l'histoire des Morins, de faire cet aveu en quelque sorte banal : l'origine du pays qui nous occupe se perd dans la nuit des temps.

En effet, réduit que nous sommes à ne nous appuyer que sur des conjectures et une inextricable controverse, comment nous serait-il donné de préciser l'époque où les hommes sont venus la première fois habiter le coin de terre que l'histoire désigne sous le nom de Morinie? comment nous serait-il donné de deviner d'où sont venus ces hommes? On le comprend assez, nous sommes, à ce sujet, forcé de nous traîner à la remorque de nos devanciers, en n'avançant rien que de dubitatif, pour ne pas nous exposer à partager leur erreur. Les uns croient les Morins descendus des Cimbres, les autres les croient descendus des Gaulois.

D'après la première opinion, l'origine de l'établissement, dans nos parages, des hommes désignés sous le nom de Morins, daterait de 113 ans avant l'ère chré

tienne, puisque c'est à cette époque que les Cimbres et les Teutons, chassés de la Chersonèse par les progrès de la mer, sont venus se réfugier dans les Gaules. D'après la seconde opinion, les Morins seraient venus d'Égypte ou d'Arménie, ou bien encore auraient été poussés sur nos bords après la ruine de Troie; telle est, en effet, la triple origine que donnent aux Celtes une foule d'écrivains.

Quoi qu'il en soit de ces opinions, il paraîtrait, selon Pline, que les Morins étaient connus de plusieurs peuples bien avant l'irruption des Cimbres et des Teutons. Selon Pline (1), Polybe parle dans un de ses ouvrages d'un port qu'il appelle: Portus Britannicus Morinorum.

Ces assertions, on le voit, ne sont à proprement parler que des conjectures ou peut-être de véritables fictions auxquelles se sont abandonnés, dans leur désir de tout expliquer, ceux qui ont voulu pénétrer les mystères de notre histoire. Touchant les premiers habitants de la Morinie, il est, selon nous, un livre qui doit nous servir de Génèse, c'est celui qu'a écrit le premier conquérant des Gaules. César ne nous apprend-il pas que les Morins eux-mêmes ignoraient leur origine, qu'ils se croyaient descendus de Pluton, et que dans cette persuasion ils comptaient les mois et les années par le nombre des nuits (2). Dès lors, n'est-il pas déraisonnable d'entasser hypothèse sur hypothèse, de chercher à franchir une limite si bien marquée.

Disons-le donc, au-delà de César on ne peut tomber que dans le vague en ce qui touche les Morins; l'histoire de ce peuple se trouve résumée dans les Commentaires, et tout incomplète que soit sans doute cette

(1) Lib. IV. ch. XXIII.

(2) Cas, de bell. Gall. L. VI.

histoire, acceptons-la plutôt que d'en inventer une

autre.

La situation géographique du pays des Morins est assez déterminée par la position bien connue du lieu qui servait de capitale à ce pays, lieu désigné dans les Commentaires de Jules César; mais il n'en est pas de même des limites de la Morinie; on est encore à savoir au juste l'espace qu'elle embrassait, et, à l'exception de ses bornes à l'occident, on est encore à connaître le cercle dans lequel elle était circonscrite; les commentaires et les autres ouvrages anciens qui parlent de la Morinie ne fournissant rien de suffisant à cet égard.

Comme il est raisonnable de s'en rapporter à César, touchant le nombre des combattants fournis contre lui, dans la confédération des Morins avec les Belges, la Morinie devait être de beaucoup plus étendue que le pays des Atrébates et que celui des Amiénois. Munster (1), qui confond les Morins avec les Nerviens, en disant qu'ils s'étendaient jusqu'à Calais au commencement de l'ère chrétienne, ne nous apprend rien de la circonscription de leur contrée. Marchantius affirme que les lieux où l'on remarque aujourd'hui les villes de Boulogne, Calais, Bourbourg, Gravelines, Dunkerque, Bergues et Nieuport, formaient la Morinie. Plusieurs écrivains, enfin, disent que lors de l'invasion romaine, des Morins s'étendait, d'un côté, d'Amiens à Calais, de l'autre, de Montreuil à Anvers,

le pays

Malbrancq (2) de son côté ne dit rien que de vague sur la topographie de la Morinie, à moins qu'on ne considère comme preuves positives les assertions sans fondement de cet historien qui recule les confins du pays des Morins au-delà d'Ostende et de Tournai.

(1) Cosmogr. univ.

(2) De Morinis. Malbrancq.

Wastelain (1) émet, sur l'étendue de la Morinie avant les Romains, une opinion qui nous paraît être d'un grand poids; selon lui, il est probable que les diocèses de Boulogne, St.-Omer et Ypres, érigés après la suppression de celui de Térouane, composaient le territoire de l'ancienne Morinie. D'après cette donnée, le pays des Morins devait se trouver borné à l'occident et au septentrion par l'océan, à l'orient par les Menapiens, depuis Nieuport jusqu'à Warneton-sur-Lys, au midi par la Canche et la Lys.

Inutile de rapporter ici les opinions d'une foule d'autres écrivains, puisque la circonscription qu'ils donnent à la Morinie n'est appuyée sur rien; citons donc pour résumer les travaux des auteurs modernes sur ce point, le tableau dressé par Mentelle, de l'Institut, d'après Danville et Dom Martin. Selon Mentelle, les points principaux de la Morinie étaient : Ulterior Portus, Marci, Itius Portus, Gesoriacus, Luttomagus, Adrallia, TERUENNA, Minariacum ou Minardacum et Castellum Morinorum. D'où il résulte que le pays des Morins pourrait s'entendre d'une ligne qui, partant de l'Aa, abstraction faite des bornes au nord, se projéterait par Cassel et Térouane jusqu'à la Canche.

Quelque respect qu'on ait pour la science profonde de Mentelle, peut-on raisonnablement admettre l'exactitade du tableau de cet auteur, quand on y remarque l'absence de quelques-uns des lieux connus même de Jules César? En effet, bien que ce conquérant ne désigne nommément que le Portus Itius comme un des points principaux de ses opérations stratégiques, lors de ses deux expéditions contre l'Angleterre, il ne fait pas moins connaître les autres lieux de la Morinie qui

(1) Descrip. de la Gaule-Belgique, S. VII, C. XVI.

ont servi dans ces expéditions; ainsi, pourquoi Mentelle, qui cite Ulterior Portus et Itius Portus, ne cite-t-il pas aussi Citerior Portus, Sinus Itius, Sithiu? etc., etc.

Le tableau dressé par Mentelle peut d'ailleurs servir à bien peu de chose, puisque, à l'aide de la nomenclature qu'il donne, on ne peut positivement rapporter les désignations aux localités actuelles. Ainsi nous ne voulons pas parler de la position du Portus Itius, encore si conjecturale, malgré les savantes recherches de M. Henry (1); mais nous voulons parler de Marci, 'de Luttomagus et d'Adrallia. Où sont situés ces trois points géographiques que Mentelle considère comme -autant de points principaux du pays des Morins?

Marci. Est-ce bien Marquise que Mentelle a voulu désigner (2)? Tout porte à le croire; car nous ne supposons pas qu'il ait voulu faire un point important de Marck (Mercurium) que l'on trouve écrit sur différentes cartes Markium, Markia, et nous sommes d'autant plus fondé à le penser ainsi, que Marquise s'écrivait Markis avant l'année 800 de notre ère, ainsi qu'on peut le voir dans différentes cartes (3).

A laquelle des localités actuelles rapporterons-nous maintenant Luttomagus? Montreuil, que la plupart des cartes modernes désignent sous le nom de Monstreòlum You Monastereolum, et qui s'appelait antérieurement Bragum, est aussi désigné par plusieurs auteurs, en

(1) Essai hist., topogr. et statist. sur l'arr. de Boulogne-sur-Mer, 1810.

(2) Dans une carte sans nom d'auteur, publiée en 1702, on trouve Marici, ce qui est évidemment une erreur, cette désignation appartenant aux peuples de Ligurie dans la Gaule Cisalpine.

(3) Carte de Pierre Renard, 1756, qui paraît n'être qu'une copie légèrement modifiée de celle de Malbrancq. Carte du Boulonnais après la retraite des Romains, par M. Henry.

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