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tions. Nous avons désormais sous les yeux des découvertes tout à fait inattendues sur la sépulture du pape Caïus,et les dernières dans l'ordre du temps confirment les conjectures les plus hardies, peut-être, émises dans les pages précédentes. L'exploration du sépulcre de sainte Sotère et du tombeau de famille des ancêtres de saint Ambroise, qui a conduit à son tour à la restitution de plusieurs autres martyrs du même nom, l'étude de l'arénaire d'Hippolyte et de ses compagnons connus sous le nom de martyrs grecs, dont les actes sont publiés pour la première fois tels qu'ils nous ont été conservés par le passionnaire unique de S. Maria ad martyres, la découverte probable des martyrs indiqués dans les actes de saint Sébastien, la publication d'éloges et d'inscriptions historiques qui éclairent les temps troublés de Libère et de ses successeurs, celle d'épitaphes appartenant, selon toute apparence, à la famille de sainte Paule, la grande disciple de saint Jérôme, enfin la mise au jour de nombreux titres sépulcraux se rapportant à des chrétiens de race sénatoriale contemporains de Dioclétien et des premières années du Ive siècle, tous ces faits, dont les ramifications rayonnent en tous sens et se rattachent à des problèmes de tout ordre, forment autant de pages dont l'histoire générale de l'Église et de l'empire romain enregistrera le résultat.

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Mais la vaste nécropole appio-ardéatine n'est pas seule à livrer des révélations de cet ordre: le petit cimetière de Generosa, pauvre, consacré à la population rustique de la campagne, nous offre, lui aussi, son tribut de données de tont genre. Les plus importantes au point de vue hagiographique, se groupent autour du tombeau et des images des mar tyrs Simplicius, Faustinus, Viatrix, Rufinnianus et de la basilique élevée enleur honneur par le pape Damase, noble édifice dont les ruines m'apparaissent encore, au sommet de la colline qui domine le Tibre, telles qu'on les vit au début des fouilles, avec les fragments de son inscription dédicatoire, avec ses chapiteaux renversés de marbre blanc, ses débris de stuc rouge et ses blocs brisés de vert antique.

Là n'est pas encore, cependant, l'aperçu le plus neuf qui se rattache aux monuments de la via Portuensis. L'étude des liens topographiques spéciaux qui les associent au temple et au bois sacré des Arvales, cette antique corporation païenne aussi vieille que Rome elle-même, a fourni à l'érudition de M. de Rossi une page saisissante de l'histoire des édifices païens sous les empereurs chrétiens. Elle nous montre Damase, le poëte des tombes sacrées, se faisant, au milieu du triomphe du christianisme l'observateur fidèle des lois impériales relatives à la conservation de la cité. Remarquable spectacle qui nous fait voir le Pontife luttant contre Symmaque, le chef du parti idolâtrique, quand celui-ci cherche à relever l'autel de la Victoire dans la salle du Sénat, et prenant en même temps sa défense contre les spoliateurs des édifices païens avec lesquels il repousse toute complicité. Peut-être, à cette

heure où la bataille s'achevait, le chef de l'Église sentait-il déjà, par une communauté inconsciente de pensée avec ses plus illustres successeurs, que ces débris du passé deviendraient, selon l'expression éloquente d'un grand religieux contemporain, comme les captifs destinés par la Providence à escorter le char du triomphateur !

Tels sont quelques-uns des points d'histoire sur lesquels le jour se fait dans ce livre, sans que, cependant, grâce aux obstacles dont nous avons parlé, il atteigne sous ce rapport la hauteur des révélations qui nous ont été fournies par M. de Rossi dans les deux premiers volumes. Mais il en est autrement pour ce qui concerne la partie didactique de l'œuvre, c'est-à-dire celle où le savant déroule et enseigne les principes de la science qu'il a fondée. Le présent volume ne le cède point à ses devanciers sous cet aspect, le plus important, je ne crains pas de le dire, de ces études; car c'est à la méthode et à la doctrine qu'il appartient de confirmer les découvertes du passé et de préparer celles de l'avenir. Il contient avant tout, dans sa troisième partie, à l'occasion de l'étude du cimetière à ciel ouvert qui s'étend au-dessus de la nécropole souterraine de Calliste, un traité dont on ne saurait assez faire ressortir la variété, la richesse et l'érudition. Dans ce travail, l'auteur, s'élançant des exemples particuliers à la théorie générale de son sujet, l'embrasse dans toute son ampleur. Il y comprend tous les ordres de relation des cimetières chrétiens antiques établis à la superficie du sol avec les cimetières souterrains, et y étudie successivement tous les liens des uns et des autres «< avec la législation civile, avec l'architecture et la terminologie spéciales des diverses formes de sépulcres ou de mausolées comme avec la constitution ecclésiastique et l'administration économique, avec la liturgie et les rites funèbres, enfin avec la chronologie générale de la Rome souterraine. » Ce sont là les paroles mêmes de M. de Rossi; mais elles sont tout à fait insuffisantes pour faire concevoir ce que renferme cet exposé, de 250 pages environ, d'enseignements les uns absolument nouveaux, les autres nouvellement formulés. Il faut le lire en entier avant toutes les autres parties du volume, ainsi que le recommande l'auteur, et alors seulement on verra tout ce qu'il y a de lumière projetée sur les sujets les plus graves, par exemple sur le mode d'existence légale du corpus Christianorum et tout ce qui s'y rattache, comme sur les matières les mieux faites pour piquer la curiosité chrétienne. Tels sont, pour me borner å quelques points: l'ornementation et la décoration des premiers tombeaux à ciel ouvert, le but et l'usage des grands cubicula polygonaux, ronds ou surmontés de coupoles, créés par l'architecture souterraine à son apogée, les réunions liturgiques qui s'y tenaient, les fêtes des martyrs, les offrandes, les agapes, les fleurs, les baumes, les lampes, dans les sépulcres des fidèles, le tout mis le plus souvent en regard, pour en rehausser l'intérêt, avec les rites païens.

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Une classification générale des objets de toute nature enchâssés dans le ciment qui ferme les tombes, fragments de parures, jouets d'enfants, jetons, meubles domestiques, et des ustensiles découverts dans les diverses parties des cimetières, candélabres, vases, ampoules, fournit encore au lecteur, avec une abondance incroyable d'inforınations, des aperçus qui confirment merveilleusement les conclusions chronologiques données par les autres monuments.

Enfin la science épigraphique et la connaissance des phases artistiques qu'ont traversées les premières sociétés chrétiennes, reçoivent de ce volume des éléments de synthèse nouveaux et puissants.

En ce qui touche l'épigraphie, le cimetière de Calliste, avec ses cinq mille inscriptions dont mille environ voient le jour pour la première fois, a offert à la sagacité de M. de Rossi tant de groupes, tant de familles déterminées par des caractères communs, par la langue, la nomenclature, et les formules, les observations fournies par les signes révélateurs des dates, par la rareté, la fréquence ou la nature des monogrammes, ont été si nombreuses et si précises, qu'il ne serait pas impossible d'établir dès à présent des règles chronologiques qui, sauf certaines modifications locales, se vérifieraient au moins dans tous les cimetières de la zone suburbaine.

Quant aux fresques, celles que nous ont données les deux premiers volumes ne dépassaient guère la fin du siècle. Deux nouveaux groupes, dont la belle exécution des planches chromolithographiques nous permet d'étudier les traits avec soin, sont soumis maintenant à notre examen. Le premier correspond à la fois aux dernières persécutions et aux premières années de la paix constantinienne; le second, qui appartient surtout à la région libérienne, embrasse la seconde. partie du Ive siècle et les années voisines du ve. Malgré les désastres dus à la mauvaise qualité des enduits, on peut encore reconnaître les types, le choix des sujets et le système décoratif de cette période tardive des peintures souterraines, la dernière qui soit contemporaine des sépultures, et compléter ainsi l'aperçu que j'ai tenté dans ce recueil, il y a plusieurs années, et dont quelques lecteurs bienveillants ont peutêtre conservé le souvenir.

Les sarcophages ornés de bas-reliefs ne font pas défaut non plus, et donnent à l'auteur l'occasion de jeter sur cette classe importante de monuments un de ces coups d'œil qui illuminent tout un sujet en en découvrant les phases successives et en en délimitant les contours. Un certain nombre de graffiti symboliques empruntés aux inscriptions, de bronzes et de verres, complètent enfin l'appareil iconographique du cimetière de Calliste et achèvent de nous donner une série de monuments figurés de l'art chrétien, scientifiquement ordonnés selon leurs dates, et embrassant la période qui s'étend du II° siècle aux premières années du ve. Qu'on veuille bien confronter ces résultats à ceux dont

nous étions forcés de nous contenter il y a vingt ans, et alors seulement on appréciera les travaux auxquels ils sont dus à leur juste valeur!

La nécessité d'envoyer ces pages à l'impression, m'oblige à ne pas étendre plus loin ce premier regard jeté sur cette grande œuvre, mais ne peut me contraindre toutefois à passer sous silence les deux savants mémoires dont M. Michel de Rossi a accompagné les études de son frère. L'un d'eux traite d'un sujet absolument neuf et décrit les méthodes techniques employées par les ouvriers et les ingénieurs des catacombes, si l'on peut ainsi parler, pour accomplir leur immense tâche. L'autre a pour titre De la conservation des matières organiques et animales dans les catacombes romaines, avec l'analyse chimique et microscopique d'une fiole de verre contenant du sang. Il se rattache à un sujet trop précieux à la fois devant l'histoire et devant la piété chrétienne, pour qu'il soit nécessaire d'en faire ressortir l'intérêt.

Tel qu'il est, ce livre suffirait pour illustrer à lui seul une vie de savant. Et pourtant il n'est qu'un fragment, je le répète, de ce vaste ensemble de publications, rappelant par son ampleur celles des Mabillon et des Montfaucon, que le grand archéologue romain poursuit, sans défaillir un jour, au milieu des ébranlements et des émotions de l'histoire contemporaine.

Puisse-t-il continuer pendant de longues années ces services désintéressés rendus à la science et à la vérité, et puissions-nous bientôt voir paraître le volume dans lequel se dérouleront devant nous les richesses du cimetière de Prétextat ou, au moins, celles de la belle nécropole de Domitilla, contemporaine par ses origines de l'âge apostolique et dont plusieurs monuments sont au niveau des plus précieux par leur importance et leur nouveauté !

Ceux qui voudront hâter cette heure achèteront le tome qui leur est offert aujourd'hui. Ils y joindront, s'ils veulent m'en croire, le premier volume', réimprimé tout récemment, dont le contenu se rattache étroitement aux matières traitées dans le troisième, et ils posséderont ainsi, peut-on dire, une œuvre à part et complète, comprenant tout ce qui touche à la science générale des cimetières primitifs de la Rome chrétienne.

COMTE DESBASSAYNS DE RICHEMONT.

1 Le second volume est épuisé en ce moment.

IV

LE ROYAUME DE TLEMCEN ET LES ÉMIRS BENI-ZEIYAN

Avant de fouiller les sépultures des rois zéiyanites, et d'en tirer la substance d'un mémoire plein d'intérêt, au point de vue historique 1, M. Ch. Brosselard, ancien préfet d'Oran, avait retrouvé, à l'aide des manuscrits arabes de sa collection, notamment avec le secours du Bostân 2, les signes du mouvement littéraire qui se produisit du XII au XIVe siècle, dans cette partie de l'Afrique septentrionale; nous lui devons une série d'études sur les oualy et les savants qui, par leur vie édifiante ou par des ouvrages devenus classiques, ont obtenu des droits au souvenir de la postérité. Cette œuvre, qui attira l'attention des érudits, avait paru dans la Revue africaine 3, sous le titre beaucoup trop modeste d'Inscriptions arabes de Tlemcen.

Il faut lire le tableau saisissant de cette cité magrebine, que l'auteur place au commencement de l'Introduction, comme pour nous en faire mieux comprendre l'importance politique: « En 1248, une révolution considérable s'accomplit dans les destinées de Tlemcen. De ville déjà florissante, mais considérée cependant comme un point secondaire dans le vaste empire almohade, qui embrassait à la fois l'Afrique occidentale et les pays conquis par les Musulmans, en Espagne, Tlemcen devint à son tour siége d'un gouvernement et capitale d'un royaume particulier. Le berbère Yarmoracen, émir de la tribu des Abdelouad, génie hardi et entreprenant, homme de guerre, aventureux et rusé politique, est l'auteur de cette révolution.... Tlemcen atteint alors son

1 Mémoire épigraphique et historique sur les tombeaux des émirs BeniZeiyan et de Boabdil, dernier roi de Grenade, découverts à Tlemcen par M. Ch. BROSSELARD. Paris, imprimerie nationale (librairie Challamel aîné), 1876, in-8 de 200 p.

2 El-Bostan fi dzeker el-aoulïa ou'l-oulama bi-Tlemçân est une histoire des marabouts savants auxquels Tlemcen s'honore d'avoir donné le jour. L'auteur de ce Recueil hagiographique est Mohammed-ben-Mohammed, surnommé Ibn-Meriam, qui vivait vers le milieu du xvre siècle de notre ère. La bibliothèque d'Alger possède une copie moderne et assez correcte du Bostân. 3 Nos 14 à 27.

* Ce nom est écrit Ramracen, sur l'épitaphe no 30. M. Brosselard fait remarquer que c'est la forme vulgaire de ce nom célèbre. Les historiens espagnols en ont fait Gamarazan.

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