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Aussi, dans un tems de révolution, les fonctious de jurés ne présentent rien d'intéressant à cette sorte d'esprit public. Elles demandent même un calme et une raison qui n'appartiennent pas toujours au mouvement du tems, et auxquels ceux qui poursuivent de plus hautes destinées, pourraient difficilement se plaire.

Aussi, ce n'est que dans un tems de repos et de calme, que ce faux esprit public disparaissant, s'établit et se raisonne le véritable attachement à la patrie; qu'il s'affermit par une législation sage, et le bien-être qui en résulte; l'esprit public, ce sentiment pur, se répand et se généralise à l'aspect de la prospérité générale, et c'est alors qu'il se développe tout entier, contre tout ce qui pourrait altérer le repos et la félicité commune.

G'est l'esprit public de l'Angleterre, (et là aussi on shonore des fonctions de jurés) on ne les regarde pas comme une charge, on ne les éloigne pas comme une gêne, et si elles sont un travail, un travail pénible, qui distrait quelques momens des intérêts privés, loin de regretter ce léger sacrifice, on s'applaudit d'avoir été utile à la patrie, et d'avoir rendu à ses concitoyens, un service qu'à leur tour ils viendront bientôt rendre à la société.

Les succès de l'institution du jury tiennent aussi essentiellement aux mœurs d'une nation; elle est, si je puis m'exprimer ainsi, la religion de la justice.

Pour pouvoir prendre utilement, dans l'ordre ordinaire des hommes, les juges de ceux qui oublient leurs devoirs, il faut que la probité soit une qualité commune; la haine du crime une vertu domestique. Pour avoir le droit de punir ceux qui s'écartent de ce que prescrivent les lois, il ne faut pas seulement. que l'on n'ait pas à en redouter les rigueurs par sa conduite apparente, mais que l'on ait en soi - même cette moralité qui rend étrangères à l'homme de bien, toutes les lois qui punissent.

Ainsi, dès l'origine de l'institution du jury en France, et jusqu'à présent, de grandes causes étrangères à l'institution elle-même, en ont retardé l'utilité et empêché les succès (1).

Celle qui est produite par le peu de moralité, sera malheureusement peut-être la plus longue et la plus difficile à détruire; mais il faut cependant oser l'espérer. Dans un gouvernement paisible et heureux,

(1) Ce que l'institution du jury peut assurer de liberté et de prospérité à la France, par celle qu'elle conserve et qu'elle produit en Angleterre, ne nous aurait-il paş été envié par une nation rivale et jalouse, qui aurait regretté de nous voir jouir, avec avantage, d'une institution qui lui est si précieuse, et n'aurait-elle pas craint assez les succès que lui assurerait l'opinion, pour aider, avec un malin plaisir, aux moyens qui auraient pu empêcher qu'elle ne s'y affermît. Heureusement cette cause secrette eût encore cessé d'exister, par la réunion des deur. nations.

où il y a des ressources pour le travail et pour l'industrie, des consolations et des secours pour le malheur, et justice pour tous, les vertus publiques et privées renaissent; les mœurs reprennent leur empire; on rougit d'être coupable; une telle honte est déjà une loi puissante: et il me semble que l'institution du jury doit occuper une place dans les moyens qui peuvent produire une amélioration aussi désirable et aussi glorieuse pour une nation.

Ce qui fait que l'institution du jury reçoit, en An-` gleterre, une exécution si facile et si satisfaisante, n'a pas une égale force en France. Elle a pour elle chez cette nation, la continuité de l'usage, les facilités d'exécution qui en résultent, l'autorité de l'expérience et de l'opinion; elle est précisément soutenue en Angleterre par tout ce qui contrarie son affermissement en France; et nul doute que si elle y eût subsisté depuis l'époque reculée où elle y exista, et où le caractère, les mœurs simples de la natión, ainsi que la législation du pays, lui étaient favorables, elle y serait aussi fermement établie, aussi respectée et aussi utile qu'elle l'est en Angleterre et aux Etats-Unis.

Mais ces différences ne peuvent être d'aucun poids pour ne pas la conserver dans nos institutions; elles font seulement apercevoir qu'il faut rechercher dans son exécution ce qui peut le mieux s'accorder au caractère national, et avec une bonne administration de la justice.

Un point important est de la vouloir, de la vouloir fortement, d'y attacher les Français par la preuve de ses avantages et de leur en rendre l'exécution la plus simple et la plus facile, sans nuire à ses effets et à son influence sur la prospérité publique.

SV.

De l'abus qui a été fait en France de l'Institution

du Jury.

Quand tout ce qui s'est opposé jusqu'à présent à l'affermissement de l'institution du jury en France, n'eût pas existé, les abus multipliés qui en ont été faits, eussent bientôt détruit tous ses avantages; et ainsi ils ont dû fortifier les causes d'éloignement et de peu d'attachement à une institution qui, pure dans les motifs de ceux qui avaient cru présenter un bienfait à l'humanité, fut bientôt corrompue et asservie aux plus viles passions de la vengeance, de l'intérêt et de la cruauté.

Non: l'institution du jury n'a pas encore existé en France.

Organisée par la loi de 1791, à peine les premiers pas, encore chancelans et incertains, des hommes appelės à en faire l'application, commençaient-ils à s'assurer, et l'instruction et l'expérience répandaient-elles un rayon de lumière qui devait conduire au but que le législateur avait montré au loin, que la tyrannie s'est

effrayée d'une institution dont le principe était justice et humanité..

Le tems des proscriptions approchait ; déjà depuis long-tems elles étaient méditées dans le silence du crime, et son antre vomit les tribuuaux et les commissions révolutionnaires.

Dans celles-ci, l'institution du jury fut entièrement écartée; elles ne furent formées que selon les circons. tances; composées d'hommes dévoués à la cruauté de ceux qui leur départageaient le soin d'assouvir leurs passions et leurs vengeances, c'est par elles que les partis et les factions qui se succédaient, assuraient leur triomphe de sang, sur la faction vaincue, et qu'ainsi elles s'égorgeaient tour-à-tour.

Dans les tribunaux révolutionnaires, on conserva une apparence des formes ordinaires; mais on ne pouvait espérer que des citoyens honnêtes et paisibles, appelés alternativement à venir prononcer sur le sort de leurs semblables, accusés de trop de vertu ou de crimes imaginaires, viendraient s'associer à la cruelle férocité des assassins du peuple français ; et de la fonction momentanée de vengeur du crime, mais de protecteur de l'innocence, on fit un office en titre et permanent de jugeurs à mort (1).

(1) La loi du 22 prairial an 2, nomme elle-même les jurés du tribunal révolutionnaire. Celle du 8 nivôse an 3, les met en réquisition. Thouret, qui sentait le danger de

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