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ACADÉMIE

DES

SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

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TOME CINQUANTE-NEUVIÈME (CLIX DE LA COLLECTION)

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ALPHONSE PICARD & FILS

Libraires des Archives natlocales et de la Société de l'Ecole des Chartes Éditeurs des Comptes Rendus

de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

82 RUE BONAPARTE, 82

1903

dépouillés; nous ne les provoquons point à assaisonner de condiments nouveaux et de quelques épices exotiques le ragoût de nos propres ouvrages. Nous savons que les réformes sociales s'opèrent presque toujours autrement qu'on ne les propose dans le cabinet ou qu'on ne les dispose dans les laboratoires; bref, ce que nous désirons que l'on nous dise, c'est que nous ne savons pas. Nous ne nous exposerons point, et pour cause, à nous attirer cette réplique de l'auguste Agamemnon au bouillant Achille :

Pourquoi le demander, puisque vous le savez?

Des questions ainsi posées par de grands maîtres, qui ne prétendaient pas tout savoir, et, en cela justement, se montraient de grands maîtres, ont fait avancer des connaissances, suscité des vocations, fait de la science et fait des savants, et il en est qui sont l'honneur de cette Académie, que je pourrais rappeler et désigner du même nom, s'ils n'étaient pas si près de moi. D'où vient donc une sorte de temps d'arrêt que nous observons dans l'envoi des manuscrits à certains de nos concours, et l'obligation où je suis de discourir aujourd'hui du petit nombre des élus, non par le défaut de récompenses, mais par le manque ou l'insuffisance des postulants? A quoi devons-nous attribuer cette fâcheuse nécessité où nous sommes souvent, et cette annéeci peut-être plus que de coutume, de remettre en délibération des questions demeurées sans réponses, sinon décisives, au moins étudiées, mûries, satisfaisantes? Serait-ce infirmité de la jeunesse laborieuse ou désintéressement de ces belles spéculations?

Je n'en crois rien, car on n'a jamais travaillé davantage et je ne crois pas qu'on ait jamais travaillé mieux. Jamais les inscriptions aux prix que nous décernons aux ouvrages imprimés, aux prix sans programme ou à programme très large, n'ont été plus abondantes, et quelle que soit la générosité des donateurs, la bonne volonté des candidats la

dépasse infiniment. Jamais enfin la curiosité de la recherche, dans tous les domaines de la philosophie pure à la statistique, de la sociologie qui traite de la masse des hommes à la psychologie qui traite de l'individu, de la morale à l'histoire, n'a été plus ardente que de nos jours, parmi notre jeunessse studieuse. Mais je penserais volontiers que fort indépendante d'esprit et désireuse de prendre son essor, cette jeunesse se donne volontiers à la tâche choisie par elle-même. Les questions qu'elle essaie de résoudre sont, peut-être par prédilection, celles qu'elle se pose dans son inquiétude de la vie et dans sa fièvre de croissance. Au travail entrepris, sur la suggestion des maîtres, en vue d'une consécration académique, elle préfère la récompense attribuée au travail conçu et exécuté spontanément. Elle aime mieux être jugée sur son offre que sur notre demande. Je ne saurais lui en vouloir, ayant été, en mon temps, de cette humeur-là. D'ailleurs s'il y a un lieu où l'indiscrétion ne saurait être imputée à défaut, c'est ici, en cette matière des connaissances humaines, car la connaissance acquise n'est plus une indiscrète, et la curiosité, même quand c'est la vérité qu'elle cherche, est toujours la bienvenue.

C'est pourquoi plusieurs d'entre nous se sont demandé s'il ne conviendrait pas, sans nous imposer d'ailleurs une règle inflexible, d'élargir nos portes, d'en faciliter l'accès, autant que le permettent les prescriptions de nos donateurs qui sont notre loi; et d'étendre aux imprimés, évoqués par nous-mêmes ou présentés par les auteurs, des concours jusqu'à présent réservés exclusivement aux manuscrits, sur programme donné. J'en ajoute une autre raison qui concerne particulièrement l'histoire, c'est que la recherche de l'inédit, l'investigation des archives prenant, et à juste titre, de plus en plus d'importance, il est souvent difficile à plusieurs candidats de travailler sur les mêmes documents, et que ces documents essentiels sont trop sou

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