Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

NOTICE

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

DE

J.-D. LANJUINAIS.

Justum et tenacem propositi virum
Non civium ardor prava jubentium,
Non vultus instantis tyranni
Mente quatit solida ;

Si fractus illabatur orbis,
Impavidum ferient ruinæ.

HORACE.

JEAN-DENIS LANJUINAIS naquit le 12 mars 1753,

à Rennes, où son père exerçait avec distinction la profession d'avocat. Son enfance fut signalée par une intelligence précoce, par une assiduité rare aux leçons de ses maîtres, et par une ample moisson de lauriers classiques.

Doué d'une ame tendre et impétueuse, il embrassa avec ardeur les croyances du christianisme, et en

pratiqua la morale avec une austérité digne des premiers disciples: aussi, la vie domestique, la vie politique, la vie scientifique, n'ont été les formes variées de la vie religieuse.

pour lui

que

C'est là l'explication de cette immobilité de principes, de ce courage inébranlable, qui ont valu à Lanjuinais l'estime de tous ses contemporains, et l'admiration de ceux qui ont traversé avec lui les tempêtes révolutionnaires.

A seize ans il était sorti du collége et partageait les laborieuses veilles de son père. L'étude de l'histoire et du droit ecclésiastiques, celle du droit civil, faisaient l'objet principal de ses travaux, dans lesquels la philosophie et l'histoire générale n'étaient pas omises. Reçu par dispense d'âge avocat et docteur en droit, il venait d'atteindre dix-neuf ans lorsqu'une chaire de droit fut mise au concours à Rennes. Son extrême jeunesse ne lui permettait pas de se présenter. Il obtint une nouvelle dispense, et justifia ces faveurs par le talent et la science qu'il déploya dans ses épreuves. Il y emporta le suffrage de ses concurrens et du public; mais les juges du concours ne voulurent pas se donner un collègue imberbe. Il ne recueillit pas moins le fruit de ses efforts : son habileté comme jurisconsulte fut connue, et sa place fut honorablement marquée au barreau.

Plein de confiance dans l'avenir, il reprit les travaux de son cabinet, et se livra à des études plus vastes qui devaient lui assurer de nouveaux succès.

Ne s'arrêtant pas aux commentateurs connus du droit civil et canonique, il se procura à grands frais de nombreux ouvrages sortis des universités allemandes, et pour la plupart ignorés en France, et puisa à ces sources une érudition, contre laquelle devaient échouer les efforts de ses adversaires et la mauvaise volonté de ses juges.

L'occasion ne tarda pas à se présenter. En 1775 un concours s'ouvrit pour une chaire de droit ecclé siastique. Lanjuinais, alors âgé de vingt-et-un ans, y parut avec une supériorité non contestée. Mais les uns le trouvaient trop jeune, les autres le trouvaient trop savant. La majorité se déclara encore contre lui. Alors, M. Loisel, l'un des professeurs de la faculté, faisant éclater la plus vive indignation, se répandit en reproches contre ses collègues, et déclara qu'il se croirait déshonoré s'il signait leur décision. Cet acte de fermeté ramena les esprits, et Lanjuinais fut nommé à la chaire vacante, où il se distingua en combattant les routines de l'école, et en ouvrant des voies plus larges à l'enseignement.

D'aussi brillans succès accrurent rapidement sa réputation, et dans l'âge des débuts, il se trouva placé aux premiers rangs du barreau. Consulté pour les affaires les plus importantes de la province, sa probité sévère, ses connaissances profondes et la vigueur de sa logique, justifièrent toujours la confiance de ses cliens: aussi en 1779 il fut élu par les trois ordres, l'un des conseils des états de Bre

tagne, place réservée d'ordinaire à des hommes blanchis dans la pratique des affaires.

Lanjuinais, qui avait puisé dans l'Évangile autant que dans la philosophie contemporaine le principe de l'égalité entre les hommes, condamnait les priviléges de la noblesse et du clergé. Cette disposition d'esprit l'entraîna à laisser dans une consultation, imprimée en 1779, quelques paroles qui soulevèrent contre lui ces deux ordres. Il s'agissait de savoir si le droit de colombier, réservé en Bretagne à la seule noblesse, pouvait se prouver par titres, ou s'il fallait de plus que le titre fût accompagné de possession ancienne. La question intéressait toute la noblesse de Bretagne, très-jalouse de ses droits féodaux.

[ocr errors]

Lanjuinais soutenait l'insuffisance des titres sans possession; et combattant un mémoire de ses adversaires où ceux-ci avaient invoqué les procèsverbaux de discussion relatifs à l'article de la coutume qui donnait lieu au procès, il s'exprima ainsi : Qu'il y ait eu de grands débats entre la noblesse >> et le tiers-état au sujet des colombiers, que l'or» dre de l'église ait pris le parti de la noblesse con+ » tre le tiers, ainsi qu'il fait presque toujours, » prépondérance de la noblesse sur le tiers par le » moyen de l'église ne prouve sûrement pas que »notre article soit l'ouvrage de la raison saine et >> impartiale. .... . »

cette

Ce mémoire, qui contenait d'autres passages aussi

hardis, fut dénoncé par le procureur-général et supprimé par arrêt du parlement de Bretagne, comme injuriant et calomniant les trois ordres de l'état.

Le barreau, qui jouissait alors d'une liberté véritable, ne dissimula pas son indignation contre l'arrêt injuste dont un de ses membres étoit victime. Sur la demande de M. Gohier (depuis membre du directoire), l'ordre des avocats fut convoqué et se réunit tout entier. Le mémoire fut lu, les passages incriminés furent discutés, et il fut déclaré unanimement que le mémoire supprimé était l'ouvrage d'un savant et digne jurisconsulte, et qu'il devait être placé dans la bibliothèque comme renfermant des principes que l'ordre entier s'engageait à soutenir. Le bâtonnier fut chargé de remettre la délibération à l'avocat-général, pour la communiquer au parlement, qui la laissa subsister'.

Lanjuinais avait pour adversaire dans cette cause Duparc-Poulain, célèbre jurisconsulte de ce tems. Celui-ci, plusieurs fois mis en défaut par son jeune confrère, l'attaqua avec une aigreur extrême et le ton d'une supériorité dédaigneuse. Justement blessé des manières hautaines de son adversaire, Lanjuinais répondit avec une rudesse et une sévérité qui lui firent regretter ses attaques inconsidérées.

Voici la première phrase de son mémoire, en

' Ces détails sont confirmés par une lettre de M. Gohier, insérée dans le Courrier du 20 janvier 1827.

« VorigeDoorgaan »