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Juin 162.

qu'aprez la messe il la verroit, et qu'il le vint retrouver; et en mesme temps commanda à Boulanger d'aller quérir le marquis de la Viéville.

COPIE DE LA LETTRE DE M. LE COLONEL AU ROY.

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« Sire,

» Lorsque la calumnie et le crédit de mes ennemis ont eu le pouvoir de me fère commander par Vostre Majesté de quicter la charge dont vous m'aviez honoré auprez de Monseigneur vostre frère, et mesme vostre présence, j'ay incontinent obéy. Mais quand leur violence les a portez jusques à arracher de vostre bouche des parolles de cholère contre mon innocence, et un commandement de me retirer au Pont Sainct-Esprit, que je ne pouvois exécuter sans me confesser coupable, j'ay très humblement supplié Vostre Majesté, ainsy que je fais encores, de m'en vouloir dispenser; et de considérer, s'il luy plaist, que sy dans vostre cour, et depuis n'en estant qu'à vingt lieues, on a bien peu vous desguiser sy malicieusement la vérité de mes actions, il n'y a point d'accusation que je ne deusse craindre lorsque je serois comme relégué en l'une des extrémitez de vostre royaume. Sire, bien que mes ancestres ayent eu le bonheur de se rendre assez recommendables à la France par leurs services, j'atribue toutesfois principallement à leur inviolable fidellité le grand nombre d'honneurs et de charges importantes qu'ilz ont reçeus des roys vos prédécesseurs, sçachant qu'ilz

n'ont jamais eu tant de soin de leur fortune ny de leur vye, comme de se garentir non seullement de blasme, mais du moindre soubçon. Ceste mesme passion envers mon Roy m'estant héréditaire, et ne trouvant rien de difficile pour en rendre preuve à Vostre Majesté, j'ay mieux aymé, affin d'oster tout subject à mes ennemis de continuer leurs calumnies, me résoudre à perdre ma liberté dans une prison, que me retirer en des places dont l'assiette leur fourniroit des prétextes de donner continuellement des deffiences de moy à Vostre Majesté. Ainsy je ne résiste à leurs persécutions que par les respectz et la souffrance, qui sont les seulles armes dont je me sers contre eux, puisqu'ilz se servent de vostre authorité, que je révère mille fois plus en effect qu'ils ne le font en apparence. J'espère de vostre bonté, Sire, que malgré leurs artifices vous aurez maintenant agréable qu'en abandonnant tout le reste, je conserve au moins mon honneur, qui m'est incomparablement plus cher que ma vye, et attens de vostre justice qu'aprez que vous aurez recognu la sincérité de mes intentions et la fide!lité de mes services, Vostre Majesté me redonnera bientost la place qu'on m'a voulu fère perdre en l'honneur de ses bonnes grâces, lesquelles je m'efforceray tousjours de mériter par les plus passionnez debvoirs que vous puisse rendre, vostre très humble, très obéissant et trèsfidelle subject et serviteur.

D'ORNANO.

De Paris, ce 3 juin 1624.

Le Roy, au retour de la messe, ayant esté chez la Reyne-mère, où le marquis de la Viéville se trouva, dit au sortir de là au comm(issai)re le Berche, qui luy demanda s'il luy avoit pleu de voir la lettre de Monsieur le Colonel ? qu'il l'avoit veue. Et le Berche luy demandant s'il luy plaisoit de luy rendre response? le Roy dit que non, et qu'il luy dist seullement qu'il vouloit obéissance. Et le Berche luy ayant demandé s'il luy avoit pleu de considérer les raisons de Monsieur le Colonel? Il respondit : « J'ay tout veu; dictes luy seullement que je veux obéissance. » Et incontinent (?) aprez, ayant rencontré le Berche, il luy dit les mesmes choses, et luy commanda de s'en aller.

Le mardy 4 juin (1624). Le dit exempt revint à trois heures asprès midy trouver Monsieur le Colonel, et luy dit que les vingt-quatre heures estant passées, il venoit sçavoir s'il n'avoit point changé de résolution. Monsieur le Colonel respondit que non, d'autant que sa fidélité et son honneur l'obligeoient à préférer une prison exempte de tous soubçons, à la liberté qu'il auroit ailleurs subjecte aux calumnies de ses ennemis. Ce que ledit exempt luy dit qu'il feroit entendre au Roy; et néantmoins fit comme la première fois. — M. le mydlord des Hayes, comte de Carlie, ambassadeur extraordinaire d'Angleterre touchant le mariage, arrive à Compiègne fort acompagné, et eut audience le lendemain, en laquelle il mit le genoul en terre devant Madame, mais non devant les Reynes.

Mécredy 5 juin (1624). Monsieur l'archevesque

de Tours vient trouver Monsieur le Colonel sur les dix heures ou dix heures et demie du matin, luy dit qu'ayant appris à Compiègne le jour précédent les refus qu'il avoit faictz d'obéir au commandement du Roy, d'aller au Sainct-Esprit, et en estant trèsaffligé, comme son amy, à cause de l'extresme faulte qu'il faisoit en cela, il estoit monté en carrosse à l'heure mesme, sans en parler à personne (M. de Tours recogneu depuis qu'il avoit parlé au Roy auparavant que de venir, et est aisé de juger par ses discours que le Roy l'avoit envoyé); et le venoit trouver pour le conjurer de changer de résolution. Sur cela, estant entrez dans le cabinet de Monsieur le Colonel, ils y demeurèrent environ trois quartz d'heures; et là, M. de Tours ayant dit à Monsieur le Colonel tout ce qu'il se peust imaginer pour luy persuader d'aller au Sainct-Esprit, tant s'en fault qu'il y peust rien gangner, qu'au contraire il trouva qu'il s'affermissoit tousjours de plus en plus. Après, M. de Tours estant allé parler à Me la marquise de Montlord, et Monsieur le Colonel entendre la messe qui se dit chez luy, comme le prestre avoit quasy achevé, l'exempt entra avec quatre archers ayant leurs casacques et leurs carabines et pistolletz. Monsieur le Colonel, qui prioit Dieu fort attentivement dans la chapelle, n'apercevant rien de cela, M. de Chaudebonne le luy feit dire; et aussytost Monsieur le Colonel se leva, sortit de la chapelle, et vint à l'exempt, qui luy dit qu'il luy avoit desjà faict divers commandemens de la part du Roy de se retirer au

me

Sainct-Esprit ; que maintenant il luy en apportoit un, dernier et absolu, ou bien un autre qui estoit de le suivre à la Bastille. Monsieur le Colonel, avec visage non seullement constant, mais guay, respondit: Que quant au premier des deux commandemens qu'il luy apportoit, il ne le pouvoit exécuter, pour les raisons qu'il avoit desjà tant de fois représentées, et mesmes escriptes au Roy; mais que pour le second, il y obéissoit de tout son cœur. Et en disant cela, alla embrasser l'exempt, puis luy dit, en se retournant vers l'autel: Je vous jure sur mon salut, devant Dieu que voilà, que je n'ay jamais receu nouvelle avec davantage de joye. Maintenant je ne crains plus les calumnies de mes ennemis; je suis en la protection du Roy, auquel, malgré tous leurs artifices, je tesmoigneray ma fidellité aux despens de ma liberté. Et comme l'exempt le pressoit de vouloir aller au Sainct-Esprit, il luy respondit en haussant sa voix : Je remetz de trèsbon cœur ma fortune et ma vye entre les mains du Roy; il en peult disposer absolument. Mais quant à mon honneur, il n'y a homme vivant soubz le ciel qui y ayt puissance. Et l'exempt luy représentant ensuitte qu'il luy seroit beaucoup plus advantageux d'aller au Sainct Esprit, il luy respondit qu'il estoit le seul gentilhomme de France qui ne se pouvoit passer des bonnes grâces du Roy; que les autres pouvoient vivre chez eux sans le Roy, de ce que Dieu leur avoit donné de bien. Que quant à luy, pouvant jurer avec vérité que M. le mareschal d'Or

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