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correction typographiques, car l'éditeur de la Société sera M. A. F. Didot. Nous reviendrons prochainement sur cette Société, dès qu'elle sera définitivement constituée.

B. E.

NOUVELLES ET VARIÉTÉS.

M. Bachelin-Deflorenne vient de perdre contre M. le comte de Jonage un curieux procès qui intéresse tous les bibliophiles.

M. de Jonage avait vendu à M. Bachelin, libraire, sur les instances de celui-ci, un Horace, édition d'Alde, portant la date de 1509, dans une reliure en maroquin rouge portant la devise et le nom de Grolier. La cession, faite sur l'envoi d'une fiche contenant la désignation du livre, fut conclue au prix de 2200 francs. Mais quand M. Bachelin-Deflorenne fut en possession du volume il déclara que son commettant refusait de l'accepter, attendu que si ce livre était bien édité par Alde l'Ancien, il n'était pas dans une reliure dite de Grolier faite exprès pour lui et par conséquent n'avait jamais appartenu au célèbre bibliophile, contrairement à l'inscription mise au verso de la reliure. M. le comte de Jonage persiste, lui, dans sa demande en payement des 2200 fr., soutenant qu'il n'avait rien dissimulé à son acheteur; que la fiche qu'il avait envoyée à Bachelin-Deflorenne ne renfermait que des indications parfaitement exactes, que l'Horace édité par Alde en 1509 était dans une reliure avec la devise de Grolier, et qu'en somme, il n'avait entendu garantir que l'origine de l'édition et l'authenticité de la reliure.

Vainement M. Bachelin-Deflorenne a fait plaider que le tribunal ne pouvait admettre qu'il eût acheté pour le prix de 2200 fr. un ouvrage remboîté et que M. le comte de Jonage avait payé 500 fr. au libraire Gromier, peut-être par erreur de sa part. Le tribunal a répondu par le jugement suivant:

« Attendu que la vente du livre dont il s'agit a été faite sur « une fiche, rédigée par de Jonage et remise à Bachelin-Deflo

<< renne; que cette fiche contient la désignation du livre vendu et << porte notamment une indication annonçant que c'est un Horace « d'Alde, édité en 1509, qu'il est dans une reliure en maroquin << rouge, etc.; que cette fiche indique encore que sur la couver«<ture, côté du verso, on lit au bas: Joh. Grolieri et amicorum;

« Attendu qu'il est acquis aux débats que le livre présenté à << Bachelin-Deflorenne est bien un Horace d'Alde de 1509; qu'il « est bien placé dans une reliure portant les mentions indiquées << sur la fiche ayant servi à conclure le marché; que si aujour<< d'hui le défendeur prétend qu'il aurait acheté un livre non << remboîté, ayant appartenu à Grolier et devant lui être livré « dans l'état même, c'est-à-dire avec le texte et reliure primitifs, << il y a lieu de reconnaître que si une erreur a été faite, Bache<< lin-Deflorenne doit se l'imputer à lui-même; qu'en sa qualité << de libraire s'occupant spécialement de livres anciens, il aurait « dû savoir que de l'avis des bibliographes les plus autorisés, la «< seule édition d'Horace d'Alde ayant appartenu à Grolier était « datée de 1527 et non de 1509; qu'en l'état la chose offerte << était bien celle promise par le comte de Jonage, et que les ar<< tistes étant d'accord sur le prix, il y a lieu de décider que la << vente est parfaite et qu'en conséquence le défendeur doit être obligé au payement de la somme de 2200 fr. qui lui est récla<< mée;

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<< Par ces motifs,

<< Le tribunal condamne le défendeur à payer au demandeur << 2200 fr. avec les intérêts, suivant la loi, et aux dépens.

>>

Nous reviendrons sur cette affaire qui est à la Cour d'appel et qui offre des observations intéressantes sur l'appréciation des curiosités bibliographiques par les gens du monde.

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M. Jean Gay, déjà connu par quelques travaux bibliographiques estimables (les Chats, Bibliographie du jeu des échecs, etc.), vient de faire paraître une Bibliographie des ouvrages relatifs à l'Afrique et à l'Arabie (San Remo, 1875, in-8°), 312 pages et 3693 numéros. De fait, le nombre des ouvrages indiqués est plus considérable, parce que souvent plusieurs sont inscrits sous un même numéro, et il y a des numéros bis. Ce répertoire spécial est le fruit de recherches fort laborieuses, et il offre une utilité réelle.

LES AMATEURS D'AUTREFOIS

XVI

JACQUES-AUGUSTE DE THOU

(1553-1617)

I

Ce que je disais de Grolier peut s'appliquer à plus juste titre à de Thou : C'est l'amour des livres qui a sauvé son nom de l'oubli. Magistrat distingué, écrivain remarquable, historien d'un rare mérite, homme d'État d'un bon sens exceptionnel et d'une grande portée de jugement, ce qui survit en lui c'est le bibliophile. Qui se souvient qu'il contribua à l'abjuration de Henri IV, qu'il fut un des plus actifs négociateurs de l'Édit de Nantes? Personne. Qui lit l'Histoire de son temps, « cette grande et fidèle histoire, » disait Bossuet? Personne encore. Mais demandez au dernier bouquiniste de quel chiffre il marquait ses livres; interrogez-le sur les vicissitudes de sa bibliothèque : il vous répondra sans se tromper d'une lettre ou d'un chiffre. Tourmentez la réputation, courtisez la renommée, évertuez-vous à devenir célèbre : vous perdrez votre temps et la postérité se chargera de vous détromper. Mais consacrez votre fortune et vos loisirs à la satisfaction d'un goût; collectionnez des médailles, des dessins, des estampes, des livres : votre nom a grande chance de ne pas mourir. Sans vouloir faire de paradoxe, je crois que c'est justice. Un collectionneur, pourvu qu'il ait l'instinct élevé, est mû par la religion du passé; il recherche ces épaves du temps que le présent dédaigne. L'avenir acquitte la dette du passé. Je le répète :

c'est justice. Que les gens graves nous raillent; nous leur faisons la nique et la postérité est notre complice.

Je n'ai pas à raconter en détail la vie de de Thou comme magistrat et homme politique; elle se trouve partout. Je me bornerai à donner quelques dates dans leur ordre chronologique, réservant pour la seconde partie ce qui touche à l'amateur de livres.

Jacques-Auguste de Thou, troisième fils de Christophe de Thou et de Jacqueline de Tulleu, naquit à Paris le 9 octobre 1553. Destiné par son père, le grand président, à l'état ecclésiastique, il reçut une éducation en rapport avec les traditions parlementaires et ses futures fonctions. En 1563, il entrait au collège de Bourgogne (1), passait en 1567 au Collège de France, et allait en 1570 à Orléans commencer l'étude du droit qu'il terminait à Bourges et à Valence. De retour à Paris au moment de la Saint-Barthélemy, il s'installait, en 1573, dans le cloître de Notre-Dame, succédant comme chanoine à son oncle Nicolas, nommé évêque de Chartres, qui plus tard devait sacrer Henri IV.

Les neuf années de 1573 à 1582 furent remplies par des voyages. D'abord séjour d'une année en Italie à la suite de l'ambassadeur Paul de Foix. Pendant ce séjour, mai 1574, il rencontra à Venise Henri III fuyant le trône de Pologne. Puis excursion dans les Pays-Bas, 1577, en Tourraine et Bretagne, 1580, en Guienne, où il connut Montaigne, 1581, en Bourgogne, Dauphiné et Auvergne. C'est alors qu'il perdit son père. Prévenu de sa maladie, il hâta son retour et n'arriva à Paris que le lendemain de sa mort, 1er novembre 1582. Conseiller clerc au Parlement dès 1578, il fut nommé maître des requêtes en 1584, et président en survivance de son oncle Augustin, en mars 1586. La mort de ses deux frères en avait fait l'aîné de la famille et l'héritier du nom. Dans ces circonstances, il céda aux instances de sa mère et

(1) Ce collége occupait l'emplacement actuel de l'École de Méde

demanda à être relevé de ses vœux. L'autorisation ecclésiastique lui fut accordée le 29 mars 1586. L'année suivante, il épousait Marie de Barbançon, fille de François de Barbançon, seigneur de Cany, dont la famille était alliée à la maison de Guise (1).

On était au plus fort de la Ligue. Royaliste convaincu, de Thou ne marchanda pas ses services à Henri III. A partir de la journée des Barricades jusqu'à la rentrée de Henri IV à Paris, il donna dans les conseils, dans les ambassades, aux armées, des preuves manifestes de loyauté, de fermeté et de jugement. Quand le roi quitta Paris, il le suivit à Chartres et à Blois (1588); devint à Blois le héros d'une scène muette bien curieuse qu'il raconte dans ses Mémoires (2), accompagna en Allemagne Gaspard de Schomberg, chargé d'enrôler des mercenaires (mai 1589), et revint en France en 1590, après avoir appris à Venise l'assassinat de Henri III. Il retrouva Henri IV à Châteaudun, et mena auprès de lui cette vie de combats et de négociations terminée par l'entrée à Paris. J'ai dit plus haut qu'il fut un des députés qui négocièrent à Suresnes l'abjuration du roi, d'où dépendait la prise de possession de la capitale (3).

De Thou ne s'endormit pas dans le triomphe. Dès 1595, en faisant enregistrer l'édit de Saint-Germain qui concédait aux protestants le droit de célébrer leur culte, il préludait à

(1) Le père du chanoine Maucroix avait été intendant du frère de Marie de Barbançon Cany. (Voir Tallemant des Réaux: Historiette de Mad, des Brosses et de Maucroix.)

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(2) « Allant prendre congé du Roi, il l'attendit dans un passage obscur qui conduisait à son cabinet. Là ce prince lui tint la main pendant un < temps considérable sans lui parler. Après ce qui arriva à Blois, de Thou << crut que le Roi, rempli de son projet, avait eu d'abord envie de le << charger d'instructions plus secrètes; mais qu'y faisant réflexion pen«dant ce profond silence, il avait jugé plus sûr de renfermer son se

<< cret. >

(3) Il existe à la Bibliothèque nationale, cabinet des manuscrits, plusieurs lettres inédites de de Thou, adressées au duc de Bouillon, qui constituent des mémoires politiques de la plus haute portée sur toutes les questions qui intéressaient alors la France.

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