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en 1727, nous sommes encore à désirer un glossaire françois.... Sans doute, de nobles efforts ont été faits pour « débrouiller le cahos des Antiquités françoises », d'après le célèbre Guillaume de Bellay, qui, dès le temps de François Ier, « forma le dessein de démêler les origines des Gaulois et des François, en remuant les titres, livres, chartres, fondations et autres choses antiques. » Mais avec l'aide d'un glossaire, ces efforts eussent été moins pénibles et plus fructueux. Malgré les difficultés et la longueur d'un pareil travail, << si l'on s'était une fois bien persuadé qu'à ce prix on eût pu rendre un service considérable aux lettres, à la nation, certainement d'autres avant moi se seraient chargés de cette entreprise. Quelle confiance d'ailleurs ne devait point donner l'exemple du célèbre du Cange, dont la mémoire ne périra pas, tant qu'il restera parmi nous une étincelle de cet amour de la patrie, qui doit animer tous nos savants.... » Pour montrer à quelles mésaventures le manque d'un glossaire général français expose les plus érudits, Sainte-Palaye rappelle la polémique, célèbre dans les fastes de l'Académie des belles-lettres, entre Boindin, Boivin et Lancelot, lesquels se chamaillèrent longtemps, et comme on se chamaille entre savants, au sujet du mot hiéroglyphique caienaire, inscrit à la suite du nom de Louis IX dans un vieux manuscrit. « Ce ne fut qu'après bien des discussions qu'on s'assura qu'il fallait lire, en trois mots, cai en aire, qui signifiaient ça en arrière, c'est-à-dire que le prince en question était alors décédé. » L’illustre Mabillon, lui-même, « de qui toute l'Europe savante apprit à déchiffrer les anciennes écritures, n'avait-il pas commis, dans la publication des sermons français de saint Bernard, des méprises qui prouvaient qu'il ne connaissait pas si bien le vieux français que la latinité du moyen âge? Après un tel exemple, aucun savant ne pouvait se flatter de ne pas commettre des fautes semblables, ou rougir de les avoir commises. »

Nous faisons des vœux sincères pour que l'éditeur de Niort réunisse promptement les cinq cents souscripteurs qui lui sont indispensables pour donner suite à l'impression de ce grand ouvrage. A ces courageux auxiliaires de la première heure, l'ouvrage ne coûterait que 300 fr. en papier ordinaire, 500 fr. en papier dit de Hollande. Cinq exemplaires seulement seraient tirés sur un papier supérieur, au prix de 1000 fr. Les quelques pages jointes

manuscrit a été consulté avec fruit par les meilleurs lexicographes, notamment par M. Littré, par Kastner, le regrettable auteur de la Parémiologie musicale, et qu'ils ont laissé encore beaucoup à glaner après eux. Cette réimpression est une œuvre méritoire, difficile, mais non impossible. Le grand succès obtenu par la Grammaire historique de M. Brachet et pour d'autres ouvrages semblables, montre combien ces études sont en faveur aujourd'hui parmi les bons esprits. En bien comme en mal, la France va toujours aux extrêmes avec elle, il ne faut jamais désespérer des meilleures choses, ni des pires!

Nous n'aimons guère, pour plus d'un motif, à parler des publications modernes. Toutefois, nous croyons de notre devoir de rappeler ici le succès exceptionnel qu'obtient la splendide illustration du Jésus-Christ de M. Veuillot, édité par la maison Didot. Un premier tirage à trois mille exemplaires était loin d'avoir épuisé le succès de ce beau et bon livre; la plus grande partie des exemplaires du nouveau tirage était retenue d'avance, et le reste s'enlève rapidement. C'est un des succès les plus brillants et les mieux mérités de la librairie moderne. Malgré quelques lacunes, cette illustration est une œuvre d'un grand mérite; elle fait honneur à l'érudition et au goût de M. Dumoulin (de la maison Didot), qui l'a dirigée. La reproduction de ce choix de fresques, mosaïques, peintures à l'huile, sculptures, miniatures, gravures, se rapportant à la vie du fondateur du christianisme, constitue, à elle seule, une histoire presque complète de l'art chrétien.

Toutefois, c'est surtout à ceux qu'on estime qu'on doit la vérité. Nous regrettons qu'on ait absolument exclu de ce musée, comme insuffisamment chrétiens, plusieurs artistes d'une grande valeur, par exemple, le Corrége, l'un des maîtres des maîtres, le Dominiquin, Daniel de Volterre. La Nativité du premier, la Communion de saint Jérôme du second, le groupe sublime de la Vierge évanouie dans la Descente de croix du troisième, sont des œuvres capitales, auxquelles le sentiment religieux ne fait pas défaut et bien supérieures toutes les trois au mélodramatique Massacre des Innocents de Guido Reni, qu'on a admis comme spécimen de peinture naturaliste. Les maîtres espagnols et flamands ont été enveloppés dans la même proscription; l'exclusion spécialement prononcée contre Rubens est accompagnée de critiques plus que sévères. Sans doute il est permis de regretter que ce

en re

grand homme ait trop souvent cherché le succès dans les témérités du sensualisme. Mais n'est-on pas allé trop loin, si loin que nul esprit calme et impartial ne suivra jusque-là, fusant à Rubens toute élévation de style, toute expression!!... De tels emportements compromettent les meilleures causes, et l'on pourrait reprocher à M. Cartier, comme à M. Veuillot luimême, d'être «< plus catholique que le pape. »

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Tout en regrettant ces exagérations, nous approuvons fort, en principe, qu'on ait fait la plus large part aux maîtres préraphaélites, trop longtemps délaissés. Ce genre d'illustration était bien conforme à l'esprit d'une œuvre profondément, passionnément chrétienne. Nous recommandons surtout le Jugement dernier d'Orcagna, supérieur à celui de Michel-Ange au point de vue psychologique et religieux; le Lazare, l'Apparition du Christ à Madeleine, admirables compositions de Giotto; l'Agonie au jardin des Oliviers, où Fra Angelico a eu l'heureuse idée de placer, dans un compartiment séparé, la veille anxieuse des saintes femmes en regard des disciples lâchement endormis; l'étonnante composition de Simone del Martino, qui a représenté la procession des Justes, défilant au sortir des Limbes, devant le Christ libérateur. Leur pieuse allégresse ressort encore mieux par la mine déconfite des pauvres diables geôliers, dont l'un montre, d'un air piteux, ses grosses clefs désormais inutiles.

Les compositions des artistes hollandais et allemands, tant peintres que graveurs, se distinguent plus en général, par la naïveté et le pittoresque, que par la profondeur du sentiment religieux. Il y a toutefois des exceptions; par exemple, la superbe composition de Wohlgemüth, artiste du quinzième siècle, Dieu révélant aux anges le mystère de l'Incarnation.

Plusieurs des miniatures reproduites, et la plupart des lettres ornées sont empruntées à la précieuse collection de M. A.-F. Didot. Dans celle des Noces de Cana, on remarquera le geste charmant de la Vierge, retournant une amphore, pour bien montrer à son fils qu'elle est vide. En regard de cette œuvre naïve d'un siècle de foi, on a placé la composition théâtrale de Paul Véronèse; au point de vue chrétien, la comparaison n'est pas à l'avantage de celle-là. Une autre miniature, « l'Exposition de la couronne d'épines à la Sainte-Chapelle, » offre un intérêt spécial. L'original

M. Didot avait généreusement donné à l'Hôtel de Ville de Paris. On sait ce qu'elle a fait, ou laissé faire, en 1871, cette bonne ville de Paris, de son hôtel et de ses trésors littéraires et artistiques! C'est donc en vain que nous cherchons, comme ce Denys Lambin de tout à l'heure, un allégement dans les beaux livres, dans la contemplation des chefs-d'œuvre de l'art. A toute issue, << au bout de toute fuite »>, nous sommes guettés, repris par ces

lamentables souvenirs!

B. E.

NOUVELLES ET VARIÉTÉS.

NAVIGATIONS DE PANURGE.

Parmi les productions qui se

rattachent à la littérature rabelaisienne, on distingue le Disciple de Pantagruel, ou le Voyage et Navigation que fist Panurge aux isles incongneues et estranges. Dès 1537 et 1538, cette relation parut à la suite d'éditions séparées du Pantagruel, et sous le titre de Merveilleuses navigations de Panurge, dans d'autres éditions de 1547 et de 1548. Cette facétie fut bien accueillie du public, et bien avant la fin du seizième siècle, il en parut une douzaine d'éditions successives; le Manuel du Libraire, t. V, col. 1067, les énumère en détail. M. Brunet dit que « cette pastiche ne saurait être de Rabelais,» et de L'Aulnaye l'apprécie avec une excessive sévérité et sans avoir pris certainement la peine de la lire avec attention; il avance que c'est « la plus misérable, la plus bête, la plus plate production qu'ait pu enfanter l'esprit humain. >>

Telle n'est point, il s'en faut, l'opinion de M. Paul Lacroix, qui vient de joindre un avant-propos à une réimpression du Disciple de Pantagruel, récemment mise au jour et tirée à petit nombre. Le bibliophile Jacob pense que l'écrit en question est bien de Rabelais lui-même, préludant ainsi au cinquième livre de son œuvre immortelle; on sait que la première publication imparfaite de ce livre n'eut lieu que quelques années après la mort

de Rabelais; l'authenticité en a été contestée, mais à tort sans doute, la griffe du maître y est empreinte.

Rabelais vécut longtemps après l'apparition du Disciple de Pantagruel et ne le désavoua pas. Nodier a établi, d'après des arguments très-plausibles, que les Grandes et inestimables chroniques de Gargantua qui devancèrent la première édition du récit des faits et gestes du père de Pantagruel, sont bien l'œuvre de maître François s'exerçant ainsi et traçant rapidement une esquisse qu'il se réservait de modifier profondément plus tard, mais dans laquelle il ne pouvait s'empêcher de jeter quelques-uns des traits de sa fougueuse satirique. Il en est de même de la Navigation de Panurge.

Après tout, ce qui est certain, c'est que les diverses impressions de ce livret, mises au jour de 1537 à 1595, sont d'une rareté excessive. Lorsqu'un exemplaire se présente dans une vente publique (on en a vu deux depuis vingt-cinq ans), il obtint un grand prix (520 fr., vente Solar). Il était donc nécessaire de procurer aux rabelaisiens les moyens de connaître cette facétie, et d'examiner par eux-mêmes le problème que soulève la question de paternité.

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BIBLIOTHÈQUE DU PROTESTANTISME. · La Bibliothèque du protestantisme français, incessamment alimentée par des dons volontaires, se compose aujourd'hui d'environ quinze mille volumes, classés, catalogués et à la disposition du public le jeudi de chaque semaine, de une heure à cinq heures, place Vendôme, 16, à Paris. MM. F. Schickler, W. Martin, A. Labouchère, C. Frossard, J. Bonnet et A. Franklin en sont tour à tour les bibliothécaires obligeants.

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