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sinon plus académique, mais il y a laissé de sa personnalité et surtout il a perdu beaucoup de ce qui faisait son originalité dans la première lettre, la préoccupation visible du placement des produits de son associé.

D'après la France littéraire de Quérard, Grognard ne se serait pas borné à ces deux opuscules, et, outre une Lettre sur le voyage littéraire de l'abbé Fortis, il aurait également commis, en plus, quelques relations de ses excursions en Russie et en Suède. Nous ne le suivrons pas aujourd'hui, et pour cause, dans ces régions, et nous nous séparons de lui. En terminant, rectifions une assertion de Quérard qui nous paraît hasardée. Ce bibliographe a supposé que la Lettre à la duchesse d'Albe, qui ne porte pas de nom de ville ni d'imprimeur, était sortie des mêmes presses que l'Extrait d'un Voyage, etc., qui est indiqué comme imprimé à Bayonne, chez la veuve Duhart-Fauvet. Cela est plus que douteux, car tout diffère dans ces deux impressions, papier, caractère, coloration de l'encre et jusqu'à l'épaisseur du trait qui, dans l'un et l'autre opuscule, sépare l'en-tête de la première page du texte qui vient après. Nous serions plus disposé à attribuer aux presses lyonnaises l'impression de cette lettre, et elle a d'ailleurs un caractère de prospectus qui a dû déterminer la maison Camille Pernon et Cie à en faire les frais. Nous avions espéré rencontrer la solution de cette question dans le catalogue de M. Coste (Bibliothèque lyonnaise, 1853), mais les seules mentions applicables à notre sujet que nous ayons su y trouver

celles-ci :

sont

« N° 12,368. A MM. les amateurs du voyage pittoresque à Lyon, par M. Fortis. Réponse de M. F. Grognard à une lettre anonyme écrite par un prétendu Lyonnais à M. Fortis. Paris, Cellot (1822), in-8, 7 pp. (cité par Quérard).

« N° 14,068 (portraits). Grognard (François) gravé par Quenédey, au physionotrace. Profil à droite, in-18.

« N° 15,882 (autographes). Grognard (François) philan

thrope (1), né à Lyon en 1748, mort à Fontenay-sous-Bois, près Paris, le 5 novembre 1823. Billet par lequel il demande à M. Coste les doubles des portraits de Lyonnais illustres qu'il a en portefeuille, pour une collection qu'il forme. Il lui offre, en échange, les doubles qu'il possède. Paris, 10 août 1821. Autogr. signé. In-8, 1 p. »

(1) Les legs faits par Grognard à sa ville natale (voy. la biographie Michaud) ont sans doute motivé cette appellation.

W. O.

UN PORTRAIT DE LONGEPIERRE

LETTRE A M. CHARLES BOCHER

MON CHER AMI,

Vous m'avez demandé quelques renseignements sur le portrait que nous avons vu ensemble au château de Mello lors de notre séjour dans cette belle et hospitalière résidence. Voici ma réponse: En passant par le Bulletin, elle pourra intéresser en même temps un certain nombre de bibliophiles, race curieuse par excellence et pour laquelle il n'existe pas de petits détails.

Votre œil exercé vous avait déjà fait remarquer ce portrait, et cet examen avait éveillé chez vous le pressentiment que le nom qu'il portait était un nom au hasard n'ayant rien de commun avec le personnage représenté. Vous ne vous trompiez pas en voici la

preuve.

sonnage est vu debout, de grandeur naturelle, jusqu'aux genoux, tourné de profil à gauche, la tête presque de face. Il est vêtu d'une longue robe de chambre rouge carmin glacée d'argent. La tête est couverte d'une grande perruque à la mode entre 1710 et 1720 comme en portent les personnages de Watteau. Physionomie régulière, gracieuse et intelligente, rappelant celle de M. de Julienne. Tous ces collectionneurs sont charmants. Comme marques distinctives deux petits signes sur la joue droite près du nez. La main gauche tombant le long du corps tient un livre entr'ouvert. La droite s'appuie sur le dossier d'un large fauteuil.

Jusqu'ici rien ne permet de mettre sur ce portrait un nom de préférence à un autre. Mais voici qui devient plus caractéristique et ressemble fort à une preuve. A droite au fond, dans un corps de bibliothèque, des volumes richement reliés portent sur le dos le fameux fer de Longepierre, celui qui, vous le savez, éveille tant de convoitises chez les bibliophiles pauvres et provoque tant de folies chez les bibliophiles riches: La toison d'or.

Vous vous rappelez la joie que nous causa cette découverte. Rien n'échappe à votre œil investigateur. Vous êtes d'une famille où le goût des livres est un héritage fidèlement conservé. Vous avez été bercé avec les noms de Grolier, de De Thou, de Mme de Chamillart, de Longepierre, de Girardot de Préfont, de Randon de Boisset, de Lavallière, ces paladins de la bibliophilie. L'imagination partit, la preuve vous parut acquise, vous ne doutâtes plus de l'identification du portrait avec Longepierre.

Je n'ai malheureusement pas l'enthousiasme aussi facile que vous; et, bien que cette toison d'or ressemblât singulièrement à une preuve, je me promis cependant d'en trouver d'autres.

C'était facile grâce aux trésors réunis au cabinet des estampes. En feuilletant les huit cents volumes de portraits, j'eus bientôt trouvé à la lettre L un portrait de Longepierre gravé vers 1740, d'après une peinture de Detroy. Le personnage est vu en buste seulement, mais il est coiffé de la même façon. Quant au type, ce sont les mêmes traits, la même physionomie, la ressemblance est identique. C'est bien le même personnage. Vous pouvez donc annoncer en toute sûreté de conscience, à vos amis bibliophiles que vous avez trouvé au château de Mello un portrait authentique d'un de leurs plus glorieux ancêtres Requeleyne de Longepierre.

Reste la question d'attribution artistique. Ici je serai moins affirmatif n'ayant pas de preuves à apporter à l'appui de mon opinion.

Le tableau qui nous occupe est certainement un original; et, en outre, c'est un tableau très-agréable et très-bien conservé.

Quel en est l'auteur ? Si l'on ne peut pas le dire d'une façon certaine, au moins peut-on, en circonscrivant la question et en procédant par élimination, dire de qui il n'est pas. Longepierre est mort en 1721. Le costume qu'il porte est celui de 1710 à 1720. Le portrait a donc été peint entre ces deux dates. Or à ce moment les peintres de portraits les plus en vogue étaient Detroy, Coypel, les deux Boullogne, Hyacinthe Rigaud et Largillière. Il ne viendra à personne l'idée de penser aux quatre premiers; et sur ce point votre tact et votre expérience confirment mon opinion. Restent Rigaud et Largillière.

La liste des portraits de Rigaud, vous le savez, a été publiée dans les Mémoires inédits des Académiciens. Le nom de Longepierre n'y figure pas. Cette liste n'est pas complète; mais l'examen du portrait de Mello confirme le silence des Mémoires inédits. Le modelé de Rigaud est plus accentué, sa brosse est plus ferme, sa couleur plus vigoureuse, les plis de ses draperies plus étoffés et plus somptueux. Reste donc Largillière; et devant ce portrait je mets en fait que sur dix noms prononcés celui de Largilière se présentera au moins huit fois. C'est son élégance et son charme; c'est le fondu savant de son pinceau, c'est de cette façon qu'il fait jouer la lumière sur les miroitements du velours, ou les brillantes cassures du satin, ce sont ces contours riches encore, mais où la coquetterie remplace l'apparat et l'élégance la somptuosité. Je suis donc convaincu que le portrait de Longepierre a été peint par Largillière, sans pouvoir cependant apporter de preuve matérielle à l'appui de mon opinion.

J'ai fini. Je n'ai pas à vous retracer la biographie de Longepierre; vous la connaissez mieux que moi. Vous êtes au fait de ses charges auprès du Régent et plus tard auprès du duc de Berry; vous avez lu sa tragédie de Médée ou la Toison d'or qui très-probablement a été l'origine du fer qu'il mettait sur le dos et sur les plats de ses volumes; j'espère que vous ne la savez pas par cœur. Je ne crois pas me rappeler que sur les

Longepierre. Mais si vous n'en avez pas, vous en aurez certainement un jour, et l'intention est déjà quelque chose. C'est ce que dans le langage des controversistes on appelle la résipiscence. Je ne puis vous souhaiter qu'une chose en terminant : c'est d'en avoir beaucoup.

Au revoir et mille amitiés bien cordiales.

L. CLÉMENT De Ris,

PROSPER MÉRIMÉE

BIBLIOPHILE

La bibliothèque de Prosper Mérimée a été entièrement détruite dans les incendies allumés pendant la résistance de la Commune, le 23 mai 1871; la vaste maison portant le no 52, qui se dressait à l'angle de la rue de Lille et de la rue du Bac, brûla depuis la cave jusqu'au faîte; l'appartement de Mérimée adossé à la caisse des dépôts et consignations, également consumée, fut donc littéralement pris entre deux feux; il n'en subsista rien. Lorsque M. Du Sommerard, exécuteur testamentaire de l'académicien, pénétra dans les décombres, il retrouva seulement un fragment de pipe turque que Mérimée fumait volontiers. C'était, avec les valeurs et l'argenterie déposées chez lui, tout ce qui restait de la succession de son ami. Les documents matériels manquent donc pour reconstituer la physionomie de la bibliothèque dont nous nous occupons. Mais Mérimée aimait si fort les livres, il avait un si louable souci de la confection et du format de ses propres œuvres, il a rendu aux travailleurs de si réels

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