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mièrement par Messieurs Sédileau et Chazelles, sur les corrections et les mémoires que l'Académie leur avoit donnés, avoit été nouvellement rétablie par Monsieur de La Faye. On montra à Sa Majesté les endroits qu'on avoit établis par les observations immédiates de Messieurs de l'Académie par l'ordre du Roy, par Messieurs Picard, de La Hire, Richer, Varin, Duclos et des Hayes, en Dannemarck, sur les costes de France, en Cayenne, au cap Verd, aux Antilles, et par les pères jésuites mathématiciens du Roy au cap de Bonne-Espérance et à Siam, d'où l'on avoit appris que les vrayes différences de longitude sont ordinairement plus petites que celles qui sont marquées dans les cartes.

Sa Majesté dit que l'on avoit aussi observé en Angleterre où l'on avoit mesuré un degré de la circonférence de la terre qu'on avoit trouvé être de 72 milles d'Angleterre au lieu qu'auparavant on le supposait de 60 milles; que les milles d'Angleterre sont de différentes grandeurs, mais que ceux dont il s'agit icy sont de 5000 p. de Londres.

On dit à Sa Majesté qu'avant cela, dez l'année 1668, une des premières opérations de l'Académie royale des sciences avoit été de mesurer avec un grand soin, aux environs de Paris, par les grands triangles, un degré de la circonférence de la terre que l'on avoit trouvé de 57060 toises de Paris, et Sa Majesté Britannique ayant souhaitté que l'on en fit la comparaison avec la mesure trouvée en Angleterre, on promit à Sa Majesté de l'en informer.

On représenta à Sa Majesté que pour avoir la mesure de la circonférence de la terre avec plus d'évidence et d'exactitude, l'Académie des sciences s'étoit proposé de mesurer les degrez et minuttes et le nombre de toises qui sont dans le travers de ce royaume, du septentrion au midy; qu'à cet effet l'on avoit prolongé la méridienne de l'observatoire, d'un côté jusques dans la Flandre et de l'autre côté jusqu'au Bourbonnois, et que l'on l'avoit mesurée par de grands triangles liés ensemble dont le premier est fondé sur une base mesurée actuellement, et que par cette manière l'on auroit huit degrés de la circonférence de la terre dans lesquels il n'y auroit pas plus d'erreur que dans un degré.

Sa Majesté Britannique dit qu'il étoit d'une grande importance d'avoir une mesure la plus exacte qu'il fût possible, pour servir à la géographie et à la navigation dans la réduction des degrez en lieues et en milles et des milles en degrez. Sa Majesté dit qu'elle avoit fait mesurer la distance qui est entre la montagne des Roches, en Irlande, près de Dublin, et la montagne du Cap en Angleterre, par un triangle dont la base et ses angles fussent mesurés aux trois Roches qui donnèrent la distance de 46 milles et demi d'Angleterre.

On dit à Sa Majesté que Monsieur de La Hire avoit mesuré, par un triangle dont la base est assez grande, la distance qui est entre le port de Calais et le château de Douvres. Cette distance fut trouvée de 21 360 toises, un peu plus de sept lieues, à 300 toises par lieue, qui est l'estime ordinaire de cette distance, quoyque les cartes la fassent ordinairement plus grande.

Sa Majesté marqua sur la carte les endroits où des pilotes anglois ont tenté le passage aux Indes orientales par le nord-ouest et dit que les plus grands obstacles qu'ils avoient eus avoient été les brouillards qui, en ces endroits, empêchoient de jour de voir le ciel et la terre, de sorte que l'on ne pouvoit naviguer que la nuit pour l'observation des étoiles fixes, et que Monsieur Vossius avoit jugé que la saison la plus propre pour tenter ce passage seroit l'hyver quand ces brouillards seroient tombez. Elle parla aussy des passages faits par les Anglois, par le détroit de Magellan, dont on avoit fait des cartes exactes, et de quelque autre route qu'ils avoient trouvée plus vers le midy pour passer à la mer Pacifique ; que l'on avoit trouvé que dans ces parties méridionales à pareille distance de l'équinoxial et du soleil, le froid est plus grand à proportion que dans nos climats, et on remarqua aussi que dans notre climat, le froid est plus grand dans le Canada qu'en France, quoyque le Canada soit sous le même parallèle.

On parla de l'isle Taprobane, connue aux anciens, que quelques géographes modernes supposent être l'isle de Ceilam (1), quelques autres l'isle de Sumatve (2). On dit que la situation que Ptolémée luy donne s'accorde mieux à celle de l'amas des Isles Maldives, qu'on dit être au nombre de onze mille, dont les anciens n'ont point parlé; que Ptolémée place Taprobane vis à vis du promontoire Cori, qui est le plus avancé dans la mer, entre l'Inde et le Gange, que ce promontoire ne sçauroit être que celuy qu'on appelle présentement Commori ou Commorin qui est dans la mesme situation entre l'Inde et le Gange, que ce géographe place Taprobane sous l'équinoxial qui la divise en deux parties inégales, à peu près en la même proportion, de sorte que la plus petite partie est du côté du midy et la plus grande du côté du septentrion. Ces isles étant étendues à peu près du midy au septentrion, comme la Taprobane de Ptolémée.

Que les Maldives, suivant la relation de Picard, sont exposées à un courant furieux qui heurte contre les rochers qui les environnent et en emporte de temps en temps quelques-unes qui ne sont, la plus part, séparées des autres que par des canaux qui, dans la basse mer,

(1) Ceylan.
(2) Sumatra.

n'ont que deux ou trois pieds d'eau, quoyqu'il y ait douze canaux larges et profonds qui distinguent ces Isles en douze amas qu'on appelle Attolons.

Que les Malabares, suivant Linscot, rapportent que ces isles ont été autrefois unies au continent, d'où elles ont été séparées par les courants, qu'elles ont donc pu former l'isle Taprobane, et particulièrement si elles ont été unies à l'isle de Ceilam, qui, étant éloignée de plus de six degrés de l'équinoxial, ne peut pas toute seule former cette isle divisée par l'équinoxial.

Ensuite Sa Majesté considéra le planisphère d'argent que Monsieur Cassini avoit fait faire au sieur Buterfield pour le Roy, et la facilité des opérations astronomiques que l'on fait par son moyen. Elle considéra aussi la machine des trois systèmes faits à la manière de Copernic, de Tycho et de Ptolémée, qui est au dos de ce planisphère pour faire voir le rapport d'un système à l'autre, ces systèmes y étant disposez de manière qu'ils s'accordent à montrer précisément les mesmes apparences. Les cercles des planettes y étant dans la juste. proportion et dans la véritable situation, on y trouve en tout temps leurs véritables longitudes vües du soleil et de la terre, et leurs véritables distances en diamètres de la terre et en millions de lieües par le moyen d'une alidade divisée à cet effet, dont Sa Majesté vit l'usage et remarqua avec plaisir la justesse du rapport de ces trois systèmes dont les hypothèses semblent être si différentes.

Ayant vu un anneau astronomique, d'un pied de diamètre, qui marque distinctement et avec justesse toutes les minutes des heures, et montre en même temps la déclinaison de l'aiman, Sa Majesté dit qu'elle en avoit un à peu près de cette grandeur, et qu'elle trouvoit que c'étoit l'instrument le plus propre pour trouver exactement et promptement l'heure dans les voyages, et à l'occasion de la déclinaison de l'aiman, que l'on trouve par ces anneaux, comme on parla des observations que l'on en avoit faites à Paris et ailleurs, et de celles de la variation, Sa Majesté dit que l'on avoit observé en Angleterre la variation des variations de l'aiman, et que l'on avoit trouvé des règles qui répondoient aux observations et que l'on avoit fait une éphéméride de cette variation pour dix ans qui s'étoit trouvée conforme aux observations; que ces observations avoient été faites par le moyen d'un grand hémisphère concave de pierre placé à Witehal, dans lequel on avoit tracé la ligne méridienne avec un soin extraordinaire, ce qui avoit été fait sous le règne de Jacques premier, ayeul de Sa Majesté. Que par cet hémisphère, on s'étoit aperçu, en le comparant à la pendule, qu'il y avoit quelque petite différence entre les heures du matin et les heures du soir, ce que l'on dit pouvoir être attribué aux réfractions qui peuvent être un peu plus grandes le matin que le soir.

On représenta à Sa Majesté qu'il est difficile d'établir ces règles de la variation de l'aiman, vù les irrégularités de différences que l'on a observées à Paris, et la longueur du temps qu'il seroit requis pour la vérifier, quoyque l'entreprise de le tenter soit fort louable.

Sa Majesté ayant rapporté la pensée de Monsieur Newton et de quelques autres qui jugeoient que la figure de la terre n'est pas parfaitement ronde, on répondit que cette pensée étoit venue à quelques uns, à l'occasion des observations de Jupiter, qui a paru quelquefois n'être point parfaitement sphérique, mais que la partie de l'ombre de la terre qui tombe sur la lune dans les éclipses de lune, paroissoit assez circulaire pour persuader que la figure de la terre ne s'éloigne pas fort sensiblement de la sphérique. Que cette conjecture avoit été aussy fortifiée par les observations de la longueur du pendule faites par des personnes envoyées par l'Académie royale des sciences à la Cayenne, au Cap Verd et aux Antilles, où le pendule à secondes s'est trouvé constamment et sensiblement plus court que dans notre climat, mais que cette différence pouvoit être attribuée au tempérament de l'air, puisque dans le même lieu, nous trouvons un peu de différence entre l'été et l'hyver. Qu'il faudroit pouvoir régler cette différence pour corriger les pendules.

Sa Majesté Britannique dit que les pendules pouvoient être d'un grand usage dans la navigation pour l'observation des longitudes, qu'un pilote anglois, nommé Holms, en avoit fait l'expérience, se servant de deux pendules qu'il comparoit ensemble, que par ce moyen il avoit réussi, ayant trouvé son point avec assez de justesse. On répondit qu'on en avoit aussi fait l'expérience en France, suivant la proposition de Monsieur Huygens et que, nonobstant les difficultés qui s'y trouvent, il faut avouer qu'employant plusieurs pendules et les comparant ensemble, les unes par les autres, on en peut faire un bon usage.

Sa Majesté monta ensuite à la Salle des machines où elle admira principalement celle des Éclipses inventée par Monsieur Rœmer et exécutée par le sieur Thuret d'une manière toute particulière. Elle vit aussy celle des planètes suivant le système de Copernic, qu'un seul mouvement fait tourner toutes différemment autour du soleil.

Sa Majesté, ayant vu divers modèles de cabestans, parla des conditions qu'ils doivent avoir afin que la force des hommes y soit bien appliquée, et de quelle manière elle les avoit fait faire dans les flottes qu'elle avoit commandées, où il y avait eu souvent des hommes tués par la mauvaise construction de ses instrumens.

Elle considéra les machines hydrauliques pour élever les eaux, parla de celle que le chevalier Morland avoit inventées et

d'autres d'une meilleure construction qui avoient été inventées par un autre ingénieur anglois nommé Gourdon.

Elle vit aussi diverses machines pour élever les fardeaux et particulièrement une de Monsieur Perrault qui les élève en se balançant et celle qui sert présentement à l'Église des Invalides, où la force est appliquée fort loin du fardeau que l'on veut élever, et elle considéra le modèle d'un pont portatif que Monsieur Couplet a inventé, dont chaque soldat transporte une pièce et l'accroche en un instant, pourvu que l'appuy au bord de la rivière soit inébranlable.

A l'occasion des machines du chevalier Morland, Sa Majesté fit voir deux plaques d'argent en forme de médaille, dont une servoit pour trouver pendant plusieurs siècles, à chaque jour de l'année proposée, le jour de la semaine, dont l'une étoit selon le calendrier Julien, l'autre suivant le Grégorien, mais elle dit que cette dernière étoit fautive et ne pouvoit servir que jusques à la fin de ce siècle, parce qu'on n'avoit pas pris garde au jour qu'il faut ôter à l'année 1700, ce qui donna occasion à Monsieur Cassini de parler d'une table. exacte et perpétuelle qu'il a faite pour le calendrier Grégorien.

L'heure du midy s'approchant, on passa à la tour occidentale du second appartement, où il y avoit le miroir ardent fait par le sieur Villète, et l'on fit l'expérience de faire fondre une pièce d'argent.

Sa Majesté Britannique vit les instrumens que Monsieur Sédileau avoit apresté pour observer, par lesquels on prit la hauteur méridienne. Elle régla en même temps ses montres dans lesquelles il y avoit une invention nouvelle qui sert à faire répéter les heures et les quarts sans bruit, toutes les fois qu'on la presse en un certain endroit.

Sa Majesté Britannique vit par occasion le niveau de Monsieur Picard, qui a servi à faire tous les grands nivellemens de Versailles.

Sa Majesté Britannique, étant montée sur la terrasse, vit les bassins quarrés où depuis longtemps Monsieur Sédileau fait, par ordre de Monsieur de Louvois, les observations de la quantité de l'eau qui tombe du ciel et de celle qui s'évapore. On fit voir que la plus grande hauteur que la pluye a faite en 24 heures, depuis deux ans, a été de 14 lignes, et en une année de 17 à 18 pouces ; que la plus grande évaporation en 24 heures a été de 2 à 3 lignes.

Nous fumes tous pleins d'admiration des vastes connoissances que Sa Majesté Britannique fit paroître en ces entretiens beaucoup d'intelligence dans toutes ces matières, et elle eut la bonté de témoigner qu'elle étoit fort contente de tout ce qu'elle avoit vu et entendu.

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