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N homme avait un fils beau, bien fait et

fort studieux, qui allait au Medressa (école) et apprenait tout ce qu'on lui ensei-> gnait. Ce garçon voulait toujours apprendre' davantage.

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Quand il arriva à l'âge viril, son père lui choisit une femme et le maria.

A peine les noces eurent-elles pris fin que, le jeune homme dût porter le deuil de son père.

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Après les funérailles et les quarante jours de deuil, il reprit ses études.

Un de ses camarades, qui venait d'un pays fort éloigné, lui dit qu'il existait dans le pays d'où il venait un savant le plus consommé et le saint le plus parfait, en un mot, le modèle des vertus des temps présents. Notre jeune homme conçut aussitôt le

projet d'aller suivre les cours de ce saint homme si renommé.'

Il rentre chez lui, prend ses sandales et sa besace, son bâton et quelques effets et part pour ce lointain pays, à l'effet d'étudier sous la direction du saint maître.

Il marche consécutivement pendant quarante jours et quarante nuits et arrive enfin dans le pays si ardemment désiré. ›› Il se présente au maître. ⠀

« Que veux-tu, lui dit celui-ci, qui était un simple forgeron.

élève.

Apprendre la science », lui dit le jeune

Le forgeron lui met entre les mains la chaine du soufflet et lui dit de tirer. L'élève obéit, tire et relâche les cordons du soufflet pour activer le feu de la forge où travaillait le maître.

Un jour, deux jours, une semaine et puis un mois; une année et encore d'autres se passent sans que personne lui parle dans la forge.

Il voit des hommes venir, dire un mot au maître, en recevoir une réponse et repartir.

D'autres comme lui sont assignés à un service spécial et continuent à faire ce service comme lui le sien sans désemparer, sans dire

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un mot, sans proférer une plainte ni un murmure,

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Cependant dix ans se passent! Un jour, à bout de patience, le jeune homme se hasarda à dire :

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La science...

- Tire la ficelle », lui répond le maître, qui continue à s'occuper de sa forge.

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Le seul plaisir du jeune élève était lorsque, harassé de fatigue du travail de la journée, au coucher du soleil, il mangeait sa faible. pitance et qu'il étudiait dans ses livres ou les livres de ses camarades ou de son maître.

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Le silence étant de règle soit à l'atelier, soit à la maison, personne ne lui parlait et il ne parlait à personne. Tout au plus, s'il avait besoin d'être éclairé sur un, point ou un cas de grammaire, d'exégèse, de commentaire ou de droit, en un mot, sur un point de la science qu'il ne comprenait pas, alors il lui

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était permis d'écrire sa demande et de la présenter au maître, le matin en entrant à la forge. Le maître jetait l'écrit au feu ou bien le mettait dans les plis de son turban.

Lorsqu'il jetait l'écrit au feu, c'est que la demande ne valait pas une réponse; lorsque au contraire le papier était placé dans le turban, le soir, en rentrant, le jeune homme trouvait la réponse du maître écrite en lettres d'or sur son chevet.

D'ailleurs, le maître agissait ainsi avec tous ses élèves; sans jamais lire aucun de ces écrits, il les brûlait ou les gardait dans son turban.

Il y avait exactement vingt ans que notre héros était à la forge, quand un jour le Maître lui dit : « Tu peux retourner dans ton pays, maintenant, mon cher garçon; la science que tu cherches tu l'as dans le mot « Patience ». Le jeune homme baisa la main du maître et retourna dans sa ville natale.

Pendant tout le trajet qui dura encore quarante jours, il réfléchit

patience.

sur le mot

Quand il arriva, il s'étonna de reconnaître

si peu de monde, lui qui avant de partir en connaissait tant.

Il arrive, enfin, devant sa maison et se réjouit déjà du bonheur que sa femme aura à le revoir.

Avant de frapper à la porte, il regarde par une lucarne.

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O horreur ! Que voit-il? Que reconnaît-il ? Sa femme assise sur un tapis, appuyée sur des coussins et, près d'elle, un jeune homme de vingt ans, tous deux riant, causant ét se donnant du bon temps.

Le voyageur prend dans son carquois une flèche, bande son arc et s'apprête à transpercer le jeune homme et sa femme du même coup, lorsque le mot patience lui revient à l'esprit.

Il frappe à la porte; on lui ouvre; c'est le même jeune homme qu'il a vu par la lucarne. Il entre, sa femme l'aperçoit, se précipite vers lui en criant : « O Ahmed, ô mon fils, voici ton père! >>

Le mari se jette le visage contre terre en se tournant du côté de la kibla' et s'écrie : « O

1. La direction de la Mosquée de la Mekke.

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