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kouffieh', de façon qu'on ne voyait, de toute la figure, que les yeux.

« Hé! bonjour, les filles du marchand de fèves!» leur cria le Sultan, dès qu'il les eut aperçues.

La cadette, prenant cette fois la parole, lui

dit :

«Bonjour, seigneur ! que sont devenus tes sourcils, et la moitié de ta barbe où est-elle ? Qu'as-tu fait de la moitié de tes moustaches?... As-tu trouvé bon ce que tu as mangé hier?... J'espère que cela t'a fait du bien ! »

Le Sultan comprit tout de suite que celui qui s'était annoncé comme « le diable, fils du diable» n'était autre que cette troisième fille du marchand de fèves, et il jura de la perdre sans plus tarder.

Il fit donc venir le marchand de fèves en sa

I. Sorte de serviette en soie, généralement jaune, rayée de couleurs vives. Les hommes s'en servent pour envelopper leur tête, leur nuque et leurs épaules, pour les garantir contre les ardeurs du soleil. Le nom est dérivé du nom de la ville de Kouffa, dans la basse Mésopotamie, où cette étoffe se travaillait et d'où la mode de s'en envelopper la tête se répandit dans les pays arabes.

présence et lui dit qu'il voulait se marier avec sa fille cadette; il ajouta qu'il ne souffrirait pas de refus.

Le marchand de fèves rentra chez lui tout bouleversé. Il raconta à sa fille le désir du Sultan, et lui dit que si elle refusait, lui, elle et ses sœurs auraient le cou tranché. Il la supplia donc de consentir à ce mariage. Sa fille lui dit :

«Très bien ! » et elle consentit.

On fit les préparatifs des noces, on les commença et la nuit du doukhoule1 étant proche, la fiancée fit faire par un confiseur habile, une statue tout en sucre qui lui ressemblait entièrement comme traits, formes et tout 2.

Elle renferma la poupée en sucre dans une de ses caisses et la fit porter ainsi, avec son trousseau, au palais du Sultan.

1. Nuit de l'entrée de la mariée dans la chambre nuptiale.

2. J'ai entendu un conte grec qui ressemblait beaucoup à celui-ci, au moins en ce qui regarde le courroux du Sultan ou du Basilios, son idée de vengeance et de mariage. Dans ce conte, la statue en sucre est remplacée par un gros pot rempli de miel.

Lorsqu'elle-même y arriva, qu'on l'entra dans la chambre nuptiale et qu'on la laissa seule, vite, elle sortit la poupée de sa caisse, l'habilla de ses vêtements de nuit, la coucha sur ses matelas ', la couvrit de ses couvertures, abaissa la moustiquière et alla ellemême se cacher dans un coin obscur de la salle.

Le Sultan, en entrant dans la chambre nuptiale, dégaîna son grand sabre, alla droit au lit et asséna un coup formidable sur la poupée en sucre, croyant tuer sa fiancée.

La poupée en sucre se cassa en mille morceaux; un des éclats entra dans la bouche entr'ouverte du Sultan. Sentant la douceur du sucre dans sa bouche, le Sultan tout surpris, s'écria :

Depuis des siècles les confiseurs du Caire sont renommés pour faire, avec du sucre, toutes sortes d'objets et de figurines, tandis qu'en Grèce le sucre n'existe ou n'existait pas; on le remplaçait par le miel.

1. L'usage des lits en bois ou en fer est encore trop peu répandu en Égypte. Le peuple ne connaît que des matelas placés à terre au milieu d'une chambre sur un tapis ou une natte; plus on est riche, et plus il y a de matelas, qui sont remplis de coton cardé.

<< Malheur à moi ! tu me remplis ma bouche et ma vie d'amertume quand tu étais en vie, et en mourant tu la remplis de la douceur de ta chair'!... >>

Et de désespoir, croyant avoir réellement tué la femme qu'il aimait, le Sultan voulut se tuer aussi. La fiancée sortant de sa cachette lui retint le bras et lui dit :

<< Pardonnons-nous mutuellement et vivons heureux !

Qu'il soit fait ainsi, » dit le Sultan. Persévérant et prospérant, ils laissèrent beaucoup d'enfants.

1. Le conte grec ne dit pas que la fille ait rempli la bouche du roi d'amertume, aussi le roi s'écrie :

« J'ai tué la douceur elle-même, puisque son sang même est doux. »

Le conte arabe fait ressembler le sucre à la chair ferme et douce, et le conte grec le miel au sang.

XVI

LE TURC JALOUX ET SA FEMME

CAIROTE 1

A

UTREFOIS un Turc arriva au Caire avec l'intention de s'y établir.

Il avait beaucoup voyagé, beaucoup vu et acquis une grande connaissance de la vie.

Pensant qu'un homme ne peut vivre heureux sans être marié, il se décida à prendre femme.

Mais, ayant une grande expérience, il savait qu'on ne devait songer à prendre femme sans prendre toutes sortes de précautions pour prévenir les malheurs qui sont les suites de la légèreté de la nature féminine.

Après de mûres réflexions, il fit venir une laveuse.

«Ma mère, lui dit-il, je désire me marier.

1. Publié dans le Bulletin de l'Institut Egyptien, 2 série, no 6, 1885, p, 311.

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