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N raconte qu'il y avait jadis un marchand appelé El-Saïd Aly qui comptait parmi les plus grand richards de son siècle. Il s'était acquis une juste renommée par ses généreuses libéralités, car il dépensait journellement une forte somme pour les indigents de la ville où il était établi.

Pour son malheur, il arriva qu'un jour, notre libéral marchand oublia, en rentrant le soir, la clef sur la porte de son vaste magasin où était aussi son immense coffre-fort. Le lendemain, en y retournant, il le trouva littéralement vide; tout avait été enlevé : marchandises, papiers, argent. Le richard était devenu pauvre. Il se sentit mal, s'évanouit et fut transporté chez lui où il garda le lit fort longtemps.

Il vendit pendant sa longue et pénible maladie tout ce qu'il avait chez lui pour fournir tout l'argent nécessaire dans cette terrible circonstance.

Quand il releva de maladie, il était absolument ruiné, il manquait même de ce qui est indispensable aux besoins d'une famille.

Sa femme, ne prenant point en considération leur triste situation, ordonna un jour à son mari de lui acheter en rentrant un gâteau fait avec du beurre fondu.

Le pauvre homme, qui redoutait le courroux de sa femme, se mit au travail de grand matin et ne cessa qu'au coucher du soleil, en mettant de côté cinq paras par cinq paras. Mais, hélas! tout son gain ne suffisait pas pour acheter le fameux gâteau qui devait suffire à toute la famille. Il ne savait que faire, il se dirigea cependant vers le pâtissier et le pria de lui donner un gâteau au beurre pour la somme qu'il avait; le pâtissier considéra l'argent et lui dit qu'il ne suffisait même pas pour acheter un gâteau à l'huile, mais que par amitié il lui en donnerait un pour ce prix.

Notre homme accepta le gâteau à l'huile et alla chez lui, espérant que sa femme serait satisfaite. Au seuil de sa porte il la trouva et, avant de le faire entrer, elle lui demanda s'il avait apporté le gâteau ou non. Quand il eut répondu affirmativement, elle le fit monter avec elle et bientôt les enfants les entourèrent; alors il montra à tout le monde le gâteau. Sa femme, qui était tout yeux, ne tarda pas à s'apercevoir que ce n'était pas cela. Elle fit un bond et de sa plus grosse voix elle dit à son mari : « Qu'est ceci? Ne t'ai-je pas dit qu'il me fallait un gâteau au beurre et non à l'huile? Pourquoi ne t'es-tu pas conformé à ma volonté ? etc., etc. » Une forte querelle s'en suivit entre les deux époux, pendant laquelle leur chat s'empressa d'enlever le gâteau et de se sauver. Tous les enfants se mirent à le poursuivre pour lui enlever le gâteau, mais en vain.

Ce jour-là l'infortuné mari reçut de sa chère femme encore plus de coups que de coutume, et ils se couchèrent tous sans prendre aucune nourriture.

Le lendemain matin sa femme le somma de

lui apporter un autre gâteau en le menaçant, s'il ne le faisait pas, de le maltraiter encore plus que la veille.

Il partit fort embarrassé et travailla sans trève toute la journée, voyant arriver avec terreur la fin du jour, c'est-à-dire les cris et les coups de sa femme. A la fin du jour il eut une cruelle déception, tout l'argent qu'il avait amassé n'égalait pas celui de la veille. Il eut les larmes aux yeux, prit sa besace sur son dos et s'en alla chez lui s'attendant à tout.

Comme la veille sa femme l'attendait à la porte et lui posa la même question que la première fois. Il lui répondit qu'il n'apportait rien et que telle était la volonté divine. Elle se mit à l'injurier et ne voulut pas le laisser en

trer.

Il reprit sa besace et se mit à marcher jusqu'à minuit dans les faubourgs de la ville; il arriva enfin dans un cimetière. Il y entra, se promena au milieu des tombes, en trouva une ouverte, et tout tremblant de peur y descendit et s'endormit dans un coin. Un moment après il vit le mur s'entr'ouvrir et un homme d'aspect sinistre en sortit et s'avança vers lui.

Cet homme avait une large face, un long nez, point d'oreilles et une seule main; il tenait de celle-ci une longue cravache et dans la bouche un filet. Il lui dit d'une voix rauque ? « Qui es-tu, toi? Qui t'a amené dans ce lieu : Pour quelle raison y es-tu venu? » Le malheureux, en entendant ces mots, trembla de tous ses membres et ne retrouva la parole et sa présence d'esprit qu'au bout d'un certain temps.

Il eut confiance dans le monstre et lui raconta son histoire d'un bout à l'autre, en lui exposant toutes les méchancetés de sa femme. Le tyran n'eut pas l'air de s'en soucier trop et de s'apitoyer sur son sort; mais il lui dit : « Ferme-les yeux, puis ouvre-les. » C'est ce qu'il fit et il se trouva dans une ville resplendissante de beauté, avec des habitants tout autres que lui quant à leur forme et à leur mode d'habillement. Il en fut très étonné et les autres le furent aussi en voyant parmi eux un étranger pareil. Ils l'entourèrent pour le contempler et lui demander qui il était et d'où il venait. Un d'eux le prit à l'écart et voulut savoir le motif de sa présence

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