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» Le sieur Durand ayant intérêt d'avoir la main-levée de cette Opposition, a fait assigner à cette fin les sieur et dame Benoit devant le sénéchal de Toulouse.

» Les sieur et dame Benoit se sont présentés pour demander la nullité de l'assignation, sous prétexte de contravention à l'édit du mois de juin 1771, qui veut que les opposans soient assignés au domicile élu par eux dans leur Opposition.

» Sentence du sénéchal, qui déboute les sieur et dame Benoit de leur demande.

» Appel au parlement de Toulouse. » Me. Doyeau, defenseur des sieur et dame Benoit, a soutenu que cette sentence devait être nécessairement réformée, et l'assignation donnée à ses parties, cassée; il a cité l'art. 22 de l'édit du mois de juin 1771, qui défend de changer le domicile élu par l'Opposition, si ce n'est par une nouvelle élection qui doit être enregistrée à la marge de l'Op position, et visée par le conservateur, de la même manière que l'Opposition. Il a cité aussi l'art. 31 du même édit, qui oblige en cas de vente par décret forcé, les créanciers saisissans, de dénoncer leur saisie- réelle à ceux qui sont opposans au bureau des hypotheques, dans les domiciles elus par l'acte d'Opposition, à peine de nullite de la procédure de décret.

» Me. Viguier, avocat du sieur Durand, a fait valoir la convention des parties dans l'acte de vente des sieur et dame Benoît, l'élection de domicile irrévocable, faite dans cet acte pour son exécution circonstance, disait-il, qui a engagé le sieur Durand à donner la préférence pour l'assignation au domicile élu dans l'acte de vente, à celui qui avait été élu pour la forme dans leur Opposition. Qu'importe, ajoutait Me. Viguier, que l'assignation ait été donnée aux sieurs et dame Benoit, dans le domicile irrevocable qu'ils ont élu eux-mêmes, au lieu de celui qu'on leur a donné dans l'Opposition, et sans doute à leur insçu? La demande en nullité ne peut provenir que d'un esprit de vexation, et tend à ruiner entièrement le sieur Durand, qui est vivement poursuivi par son acquéreur et les autres créanciers opposans que celui-ci ne paie pas, vu le défaut de main-levée des sieurs et dame Benoît. La copie de l'assignation leur est parvenue, puisqu'ils l'ont rapportée devant le sénéchal; ainsi, ils sont sans griefs. Les articles de l'édit ne sont pas applicables à notre espèce, où les parties s'étaient imposé des lois particulières, longtemps avant l'édit de 1771.

» Par arrêt du ver. août 1783, le parlement

a démis les parties de Doyeau de leur appel (c'est-à-dire, a confirmé la sentence), avec amende et dépens ».]

voir, que, dans le cas de vente par décret V. L'art. 31 porte, comme on vient de le force, les créanciers qui ont fait saisir réellement un immeuble, sont tenus de faire dénoncer, un mois au moins avant l'adjudication, leur saisie-réelle à ceux qui se trouvent avoir formé leur Opposition sur cet immeuble, aux domiciles qu'ils ont élus par l'acte d'Opposition, à peine de nullité de la procédure de décret, relativement aux créanciers qui ont formé leurs Oppositions entre les mains du conservateur des hypothèques, et de tous dépens, dommages et intérêts des opposans.

Le mème article ajoute que ces Oppositions ont d'ailleurs la même valeur que si elles avaient été formées au greffe de la ju.

ridiction où se poursuit le décret.

VI. Il y a trois cas où le législateur a dispensé de former Opposition pour conserver les droits d'hypothèque.

Le premier, établi par l'art. 32, s'applique au douaire, soit des femmes, soit des enfans, lorsqu'il n'est pas encore ouvert.

[[ En était-il de même des deniers dotaux ? V. l'article Lettres de ratification, no. 2.]]

Le second cas établi par l'art. 33, concerne les biens substitués, lorsque les substitutions ont été insinuées et publiées au désir des ordonnances.

Le troisième, établi par l'art. 34, en faveur des seigneurs féodaux ou censiers, tant laïques qu'ecclésiastiques, s'étend sur le fond des cens, rentes foncières et autres droits seigneuriaux auxquels sont assujetis les heritages, fiefs et droits qui sont dans la censive et mouvance de ces seigneurs; mais à l'égard. des arrerages de ces droits et autres dettes généralement quelconques, les seigneurs sont obligés de former leur Opposition entre les mains du conservateur, comme tous les

autres créanciers.

VII. Le roi ayant été informé que, par des interprétations opposées à l'esprit de la loi qui avait substitue les lettres de ratifica. tion à l'usage des décrets volontaires, certains acquéreurs, sous prétexte d'accélérer leur libération, et divers créanciers, pour se procurer plus promptement leur paiement, provoquaient journellement l'ordre et la distribution du prix des biens vendus aussitót qu'ils étaient instruits que les lettres de ratifications étaient scellées, et ne laissaient

au vendeur aucun délai pour se concerter avec eux, et disposer par lui-même à leur profit du prix des ventes qu'il avait faites pour se libérer; que, d'un autre côté, plusieurs des receveurs des consignations, au lieu de se conformer à ce qui s'est constamment observé par les receveurs des consignations des cours et juridictions de Paris, prétendaient, par erreur ou abus, sur la similitude entre les Oppositions à la charge desquelles les lettres de ratifications seraient scellées, et cells qui subsistaient après le sceau des decrets volontaires, avoir le droit de décerner et décernaient en effet des contraintes contre les acquéreurs dont les lettres de ratification avaient été scellées à la charge d'Oppositions, obligeaient à la consignation, et en exigeaient les droits, au préjudice commun des débiteurs et des créanciers; sa majesté, pour faire cesser ces abus, a donné, le 5 septembre 1783, une déclaration que le parlement de Paris a enregistrée le 9 janvier 1784, et qui contient les dispositions suivantes.

« Art. 1. Dans quinzaine au plus tard du jour du sceau des lettres de ratification, obtenues sur un contrat de vente volontaire d'immeubles, scellées à la charge d'Oppositions, l'acquéreur sera tenu de donner connaissance à son vendeur, soit à l'amiable, soit par la voie juridique, de toutes les Oppositions qui auront été formées au sceau desdites lettres, à peine, contre l'acqué reur, de toutes pertes, dépens, dommages et intérêts.

» 2. L'acquéreur ne pourra former aucune demande contre son vendeur, soit à fin de main-levée des Oppositions, soit à fin d'être libéré du prix de son contrat, qu'après quarante jours de délai, à compter du jour du sceau des lettres de ratification, sans néanmoins que l'acquéreur puisse profiter de ce délai pour retarder le paiement du prix de son acquisition, dans le cas où les lettres de ratification seraient scellées sans Oppositions, et où il n'y aurait aucun empêchement de la part des créanciers du vendeur et de tous

autres.

» 3. Les opposans au sceau des lettres de ratification ne pourront également former aucune demande juridique, soit à fin d'être payés sur le prix de la vente, soit à fin d'ordre et distribution en justice, qu'après l'expiration du délai de quarante jours, à compter du jour du sceau des lettres de ratification; le tout, à peine, contre l'acquéreur et les créanciers opposans, de nullité de procedure, et de toute perte, dépens, dommages et intérêts. TOME XXII.

» 4. Les Oppositions subsistantes au sceau des lettres de ratification, en quelque nombre qu'elles soient formees, ne pourront, en aucun cas, donner lieu à la consignation du prix des immeubles vendus volontairement, ni à aucuns droits envers les receveurs des consignations faisons expresses inhibitions et défenses auxdits receveurs d'exiger ladite consignation, ni aucuns droits, si ce n'est lorsqu'après le sceau desdites lettres de ratification à la charge d'Oppositions, le dépót du prix de la vente sera ordonné en justice, ou que l'ordre et la distribution en seront faits en justice, sur les contestations réglées entre créanciers, conformément à l'art. 16 de l'édit du mois de février 1689, ou que les actes de contribution qui pourront en être faits, seront homologues, conformément à l'art. 16 de la déclaration du 16 juillet 1769, ou leur exécution ordonnée par justice, ou enfin lorsque, sur les Oppositions formées, après le sceau des lettres de ratification, entre les mains des acquéreurs, il s'introduira une instance de préférence, conformément à l'art. 18 dudit edit du mois de février 1689; dans tous lesquels cas le prix sera consigné et les droits payés aux receveurs des consig. nations.

» 5. Pour éteindre et assoupir toutes les contestations pendantes dans les différens tribunaux, à fin de consignation du prix des contrats, pour raison des Oppositions subsistantes au sceau des lettres de ratification, nous déclarons nulles et de nul effet toutes contraintes décernées dans ce cas par aucuns receveurs des consignations, ainsi que les jugemens qui auraient fait droit sur ces contraintes; leur faisons défenses d'en décerner de pareilles à l'avenir; ordonnons auxdits rece veurs des consignations de restituer tant les sommes qui, dans l'espèce, auraient été consignées, que les droits par eux perçus : enjoignons à tous acquéreurs ou dépositaires des deniers des ventes volontaires d'immeubles, dont le dépôt a été ordonné en justice, ou dont l'ordre ou la disposition se fait en justice, sur contestations réglées entre les créanciers, de consigner lesdits deniers entre les mains desdits receveurs; quoi faisant, ils en demeureront bien et valablement quittes et déchargés, et seront lesdits acquéreurs ou dépositaires mis hors de cause et de procès, en justifiant de la notification par eux faite auxdits receveurs, des Oppositions qui auront été formées au sceau des lettres de ratification, pour tenir en leurs mains et en demeurer garans jusqu'à décharge valable des deniers consignés.

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» 6. Les édits, déclarations, arrêts et règle mens rendus sur le fait des consignations, seront au surplus exécutés selon leur forme et teneur, en tout ce qui n'y est pas dérogé par ces présentes ». (M. GUYOT.) *

[[V. l'article Consignation, no. 27. VIII. Quel était, sous le régime hypothécaire de 1771, le caractère de l'Opposition formée par un créancier chirographaire?

Donnait-elle à celui-ci droit de contraindre l'acquéreur qui avait payé comptant à son vendeur le prix de son acquisition, de rapporter et consigner ce prix ?

Le créancier qui n'était que chirographaire au moment où il s'était rendu opposant, et qui était devenu hypothécaire avant le sceau des lettres de ratification, devait-il, en vertu de son Opposition, être colloqué en ordre d'hypothèque?

Voici une espèce dans laquelle ces trois questions sont présentées.

Le 7 pluviose an 4, Jacques-Louis Pillet, créancier chirographaire de Ravenel, forme, au bureau des hypothèques de Caen, une Opposition sur tous les biens de son débiteur.

Le 28 ventose an 5, il obtient contre Ravenel un jugement au moyen duquel sa créance, originairement chirographaire, est convertie en créance hypothécaire.

Les 15 et 18 nivôse 5 et 7 pluviose an 6, Ravenel vend des immeubles aux sieurs Pinot,

Avril et Leboucher, qui lui en paient le prix

comptant.

Ceux-ci obtiennent, sur leurs contrats, des lettres de ratification qui sont scellées à la charge, 1o. des Oppositions qu'ils avaient formées sur eux-mêmes, comme créanciers hypothécaires de leur vendeur, à raison du prix qu'ils lui avaient payé; 2o. de l'Opposi tion formée, le 7 pluviose an 4, par Jacques. Louis Pillet.

Le 28 prairial an 6, postérieurement au sceau de ces lettres, Jacques-Louis Pillet renouvelle son Opposition du 7 pluvióse an 4.

Quelque temps après, il fait assigner les sieurs Pinot, Avril et Leboucher en rapport du prix de leurs acquisitions, afin que, dans l'ordre qui en sera dressé, il soit colloqué à son rang d'hypothèque.

Pour toute réponse, les sieurs Pinot, Avril et Leboucher soutiennent qu'il ne peut être considéré comme opposant au sceau de leurs lettres, qu'en sa qualité de créancier chirographaire; qu'il était réduit à cette qualité lors de son Opposition du 7 pluvióse an 4; que, devenu créancier hypothécaire, il n'a renouvelé cette Opposition qu'après la consolidation

de leurs contrats respectifs; qu'ainsi, ils doivent tous le primer, aux termes de l'art. 19 de l'édit de juin 1771, puisque tous ont formé des Oppositions sur eux-mêmes, comme créan ciers hypothécaires de leur vendeur.

Le sieur Pillet soutient, au contraire, que toute Opposition formée en exécution de l'édit de 1771, conserve à l'opposant l'hypothèque acquise, soit à l'instant où elle est faite, soit à toute autre époque de sa durée légale; que l'Opposition conserve la créance telle qu'elle existe, ou qu'elle se trouve modifiée pendant le cours des trois ans dans lesquels cette durée est circonscrite; que la même Opposition qui conserve la créance purement chirographaire, la conserve avec son hypothèque lorsqu'elle devient hypothécaire, avec son accroissement lorsqu'elle vient à s'augmenter, avec ses arrél'édit rages lorsqu'il s'en accumule; que de 1771 autorise l'Opposition pour les créances chirographaires comme pour les créances hypothécaires; qu'aucune loi n'assujetit le créancier opposant à renouveler son Opposition à chaque modification qu'éprouve la créance pour la conservation de laquelle il l'a formée; que ce renouvellement serait sans motif, puisque l'Opposition qui n'est point libellée, ne pourrait être renouvelée que dans la même forme et dans les mêmes termes; que, dans tous les cas, le seul objet de l'Opposition est d'empêcher que l'aliénation des biens du debiteur ne se fasse au préjudice des droits du créancier opposant ; qu'ainsi, tous les droits de ce créancier, quels qu'ils soient, sont maintenus par son Opposition.

Le 4 pluviôse an 8, jugement du tribunal civil du département du Calvados, qui, adop tant les moyens de défense des sieurs Pinot, Avril et Leboucher, déboute le sieur Pillet de

sa demande.

Sur l'appel, arrêt du 12 thermidor de la même année, par lequel,

<< Considérant que les lettres de ratification remplaçaient les décrets volontaires; que leur effet était de purger les hypothèques et priviléges; que, pour prévenir les inconvéniens qui auraient pu en résulter pour les créan ciers de cette espèce, la voie de l'Opposition avait été introduite;

» Que, pour former à l'avance une pareille Opposition, il fallait donc être créancier privilégié ou hypothécaire; que la simple créance chirographaire ne donnait ouverture qu'à l'action personnelle contre le débiteur, et non à l'action réelle contre le tiers-acquéreur; que c'était l'hypothèque qu'il s'agissait de conserver contre ce dernier, et non la

créance en elle-même qui ne peut s'éteindre faute d'Opposition;

» Que, s'il était vrai que l'Opposition ne produisit son effet qu'à l'instant du sceau des lettres de ratification, il n'était pas moins vrai que, pour déterminer cet effet, il fallait remonter à la cause; que, dans le cas dont il s'agit, la cause de l'Opposition formée le 7 pluviose an 4, était une simple créance chirographaire; et qu'ainsi, Pillet n'avait pu conserver, par cette Opposition, une hypothèque qui n'existait pas encore, parcequ'on ne peut conserver ce qui n'existe pas;

» Que l'hypothèque que Pillet avait acquise depuis son Opposition, était un droit qui, à l'égard du tiers-acquéreur, doit être distingué de la créance elle-même, puisque c'est ce droit seul qui intéresse le tiers-acquéreur; que, pour conserver ce droit récemment acquis, il devait faire une nouvelle Opposition ».

La cour d'appel de Caen confirme le jugement du tribunal civil du département du

Calvados.

Le sieur Pillet se pourvoit en cassation.

Le 12 brumaire an 10, arrêt de la section des requêtes, au rapport de M. Gandon, qui admet sa demande. En conséquence, la cause est portée à l'audience de la section civile, et elle y est plaidée contradictoirement.

« Il est reconnu entre les parties (ai-je dit à l'audience du 6 fructidor an 11), et il résulte clairement de l'art. 19 de l'édit du mois de juin 1771, que, si le citoyen Pillet n'a pu, à l'époque du sceau des lettres de ratification des cit. Pinot, Avril et Leboucher, être considéré comme opposant qu'en sa qualité de créancier chirographaire, il doit être prime par eux dans la distribution du prix de leurs acquisitions respectives, par la raison que cha cun d'eux avait hypothéque sur les biens du vendeur commun, pour la restitution des sommes qu'il lui avait payées comptant, et que chacun d'eux était opposant sur lui-même. » Il est également reconnu entre les parties, et il résulte encore de l'art. 19 de l'édit de 1771, que, si, à l'époque dont il s'agit, le cit. Pillet a dû être considéré comme opposant en sa qualité de créancier hypothécaire, il doit, au contraire, primer les cit. Pinot, Avril et Leboucher, par la raison qu'il avait une hypothèque antérieure à celle de chacun d'eux, et qu'entre créanciers opposans au sceau, ce n'est pas la priorité d'Op. position, mais la priorité d'hypothèque, qui détermine la préférence.

» La question sur laquelle vous avez à prononcer, se réduit donc à savoir si le

cit. Pillet était opposant, comme créancier hypothécaire, ou s'il ne l'était que comme créancier chirographaire, au sceau des lettres de ratification des cit. Pinot, Avril et Leboucher.

» Un point de fait bien constant dans la cause, c'est que le cit. Pillet n'était que creancier chirographaire de Ravenel, lorsqu'il a formé son Opposition du 7 pluviôse an 4.

» Un autre point de fait, non moins constant, c'est que le cit. Pillet est devenu, après cette Opposition et avant le sceau des lettres de ratification des acquéreurs, créancier hypothécaire de Ravenel.

» Enfin, un troisième point, sur lequel il n'y a pas plus de contradiction que sur les deux précédens, c'est que l'Opposition renouvelée par le cit. Pillet, après la conversion de sa créance chirographaire en créance hypothécaire, ne l'a été que postérieurement au sceau des lettres de ratification, et par conséquent trop tard pour qu'il puisse en

tirer aucun droit.

» Mais ce qui n'est pas aussi clair, ce qui forme véritablement le noeud de la difficulté soumise à votre examen, c'est l'effet qu'a dû produire l'Opposition du 7 pluviose an 4, combinée avec le jugement qui depuis, c'està-dire, le 28 ventóse an 5, a revêtu d'une hypothèque la créance pour raison de laquelle le cit. Pillet l'avait faite.

» Et d'abord, l'Opposition du 7 pluviose an 4, considérée isolément, était-elle valable vis-à-vis des acquéreurs Pinot, Avril et Leboucher? Ou, en d'autres termes, si Pinot, Avril et Leboucher n'avaient pas eu la précaution de former Opposition, sur eux-mêmes, avant le sceau de leurs lettres de ratification, auraient-ils pu être forcés, par le seul effet de l'Opposition du 7 pluviôse an 4, abstraction faite du titre hypothécaire dont elle a été suivie, de rapporter au cit. Pillet le prix de leurs acquisitions, qu'ils avaient paye comptant à leur vendeur Ravenel?

» Sur cette question hypothétique, qui n'a été traitée qu'incidemment dans les mémoires des parties, mais dont la solution doit jeter un grand jour sur la difficulté principale, le tribunal d'appel de Caen paraît avoir embrassé la négative. Cela résulte de la partie des motifs de son jugement, où il dit que l'hypothèque acquise par le cit. Pillet, depuis son Opposition, était un droit qui, à l'égard du tiers acquéreur, doit être distingué de la créance elle-même, puisque c'est ce droit seul qui intéresse le tiers-acquireur. Si, dans l'opinion du tribunal d'appel de Caen, l'hypothèque seule interesse le

tiers-acquéreur, si la créance purement chirographaire qui sert de base à l'Opposition, ne l'interesse pas, il est clair que le tribunal d'appel a regardé l'Opposition fondée sur un titre purement chirographaire, comme ne pouvant nuire au tiers acquéreur qui s'est libéré envers son vendeur, avant de prendre des lettres de ratification; il est clair, par conséquent, qu'aux yeux du tribunal d'appel, l'Opposition du 7 pluviose an 4, considérée isolement, et abtraction faite de l'hypothèque acquise depuis par le cit. Pillet, n'avait pas pu lier les mains aux cit. Pinot, Avril et Leboucher, ni les empêcher de se libérer entre les mains de leur vendeur, au moment même de la signature de leurs contrats d'acquisition.

» C'est ainsi, en effet, que l'auteur du Dictionnaire de droit normand, au mot Hypothèque, envisage l'Opposition qui n'a pour cause qu'une créance chirographaire.

» Après avoir soutenu que les créanciers hypothécaires n'ont que deux mois à compter, du jour de l'affiche du contrat, pour en surenchérir le prix, et qu'ils sont déchus de cette faculté, par le seul laps des deux mois, quoique les lettres de ratification ne soient pas encore scellées (système que vous avez hautement proscrit, le 29 germinal dernier, en cassant un jugement du tribunal d'appel d'Amiens, qui l'avait adopté en faveur du cit. Devinck, contre la dame Denorth), Houard se propose la question suivante : Les créanciers chirographaires n'étant pas recevables à enchérir, mais étant en droit de s'opposer, suivant l'art. 19 de l'édit, aux lettres de ratification, quel effet leur Opposition a-t-elle contre l'acquéreur?

» Et voici sa réponse : Il faut examiner si l'acquéreur a payé comptant le prix de son acquisition, ou s'il le doit encore. Au premier cas, les Oppositions des chirographaires sont inutiles; car n'ayant aucun droit sur l'immeuble vendu, dès l'instant de la vente, au préjudice de l'acquéreur, puisque les lettres de ratification ne sont pas nécessaires pour la validité du contrat et pour la translation de la propriété, mais uniquement pour effa cer les hypothèques dont cette propriété est grevée, le contrat seul rend cette propriété exempte de toute attaque de la part des créanciers auxquels elle n'est pas hypothe quée. Au second cas, les Oppositions des chirographaires équivalent à un arrét sur le prix de vente dans les mains de l'acqué

reur ».

» Mais Houard ne s'est-il pas trompé sur ce point comme sur le précédent? Si l'Oppo

sition d'un créancier chirographaire n'équivalait pour lui qu'à une saisie-arrêt du prix de la vente, elle ne lui donnerait pas de privilége sur les créanciers non opposans de sa classe. Car, en fait de meubles, et dans le cas de déconfiture, la contribution a toujours lieu entre les créanciers saisissans et les créanciers non saisissans. Ainsi l'a réglé l'art. 179 de la coutume de Paris, qui forme, à cet égard, le droit commun de la France. Cependant l'art. 19 de l'édit de 1771 établit bien clairement que les créanciers chirographaires, opposans au sceau des lettres de ratification, doivent primer les créanciers de la même classe qui ne sont pas opposans.

» Et c'est déjà un puissant argument contre l'opinion d'Houard. Mais il y a plus.

» La base fondamentale de cette opinion, vous venez de le voir, est que les créanciers chirographaires ne sont pas recevables à surencherir le prix du contrat au sceau duquel ils forment Opposition. Or, c'est là une assertion qu'il est très-permis de révoquer en doute, d'après l'art. 9 de l'édit de 1771": Tout créancier légitime du vendeur, porte cet article, peut surenchérir; et ce mot tout parait embrasser les créanciers chirographaires comme les créanciers hypothécaires. C'est même sur ce fondement, que le 2 ventose an 10, vous avez cassé un jugement du tribunal civil du département du Calvados, qui avait décidé, au profit du cit. Renoult, contre les créanciers unis d'Étienne Dubuc, que le bénéfice d'une surenchère faite par des créanciers chirographaires surenchérisseurs, appartenait, non aux créanciers chirographaires surenchérisseurs, mais à l'acquéreur, en vertu de son hypothèque, pour l'indemnité résultant de ce qu'il avait été obligé de couvrir cette surenchère, pour conserver son acquisition (1).

» Mais si les créanciers chirographaires, opposans au sceau du contrat de vente, sont admis à en surenchérir le prix, il est évident que leurs Oppositions ne doivent pas être assimilées à de simples saisies-arrêts entre les mains de l'acquéreur, et qu'elles ont,

l'é

gard de celui-ci, un tout autre caractère. Il ne serait donc pas étonnant qu'elles obligeassent l'acquéreur de rapporter aux oppomême il l'aurait payé comptant à son vensans le prix entier de son acquisition, quand deur; et c'est effectivement ce que l'on jugeait sous le régime hypothécaire de 1771. Écou

(1) V. l'article Lettres de ratification, no. 1.

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