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En 1782, Henri-Louis-Marie de RohanGuémenée, et Armande-Victoire-Josephe de Rohan Soubise, son épouse, tombent en déconfiture. Leurs créanciers s'unissent.

Divers arrêts du conseil évoquent toutes les contestations nées et à naître, tant entre les débiteurs et l'union, qu'entre les créan ciers respectifs, et les renvoient devant une commission.

Cette commission est dissoute par la loi du 27 avril 1791; mais l'union continue: elle se dissoud néanmoins par le fait ; et en ventôse an 2, il en est formé une nouvelle entre plusieurs créanciers, qui ne lui donnent aucune suite et ne la font pas même homologuer.

Dans le cours de l'an 4, la dame de Gué menée est inscrite sur la liste des émigrés. Mais bientot elle en est rayée; et le 27 bru maire an 5, un arrêté du bureau des domaines nationaux du département de la Seine la renvoie provisoirement en possession de tous ses biens.

Le 24 thermidor an 8, le préfet du départe ment de la Seine déclare cet arrêté définitif.

En conséquence, la dame de Guémenée rentre dans tous ses biens, les regit et en dispose sans le concours de ses créanciers.

Le 7 pluviose an 10, le sieur Bouret de Vézelay et la dame Delambre, cessionnaires d'une partie de ses droits, obtiennent à la cour d'appel de Paris, contre la dame de Guémenée, un arrêt contradictoire, qui, en confirmant un jugement du tribunal de pre mière instance de Pontoise, les déclare créan ciers, savoir, le sieur Bouret d'une rente viagère de 22,500 livres constituée à son profit, par contrat notarié du 12 août 1774, et la dame Delambre des arrérages échus de cette rente, lesquels s'élèvent à la somme de 280,976 livres; et néanmoins réserve à la dame de Guémenée de prouver, suivant son allégation, que la rente viagère a été réduite par la commission du conseil, à 21,000 livres.

En exécution de cet arrêt, le sieur Bouret et la dame Delambre poursuivent l'expropriation forcée de l'hôtel Soubise, appartenant à la dame de Guémenée.

La dame de Guémenée demande la nullité de leurs poursuites, et se fonde, entre autres moyens, sur divers actes dont il résulte, suivant elle, que le sieur Bouret a été colloqué utilement dans l'ordre arrêté entre les syndics de l'union; que, par-là, elle a été valablement libérée envers lui, et qu'elle ne lui doit plus rien.

Par arrêt du 26 nivóse an 13, confirmatif d'un jugement du tribunal de première inTOME XXII.

stance du département de la Seine, la cour d'appel de Paris rejette la réclamation de la dame de Guémenée, et ordonne qu'il sera passé outre à l'expropriation.

Enfin, l'expropriation est consommée; et l'ordre du prix est ouvert entre les créanciers inscrits au bureau des hypothèques.

Le sieur Bouret et la dame Delambre produisent le contrat du 12 août 1772; et comme il n'y a point d'hypothèque inscrite avant la leur, ils demandent d'être colloqués au premier rang, après les créances privilégiées.

Le sieur Chantrel et le sieur Bienfait produisent des contrats de rente viagère qui leur donnent hypothèque à compter de l'année 1785; et pour parvenir à exclure le sieur Bouret, ainsi que la dame Delambre, ils soutiennent, comme l'avait déjà fait la dame de Guémenée, que le sieur Bouret a été entierement payé des deniers de la direction. Le 13 fructidor an 13, jugement du tribunal de première instance du département de la Seine, qui, sans avoir égard aux prétentions des sieurs Chantrel et Bienfait, colloque le sieur Bouret et la dame Delambre au premier rang des créanciers hypothécaires.

Les sieurs Chantrel et Bienfait appellent de ce jugement, et forment, à l'appui de leur appel, une tierce-Opposition aux arrêts des 7 pluviose an 10 et 26 nivôse an 13. Le 30 août 1806, arrêt par lequel,

« Considérant que Chantrel et Bienfait ne sauraient détruire l'effet des titres, jugemens et arrêts de Bouret contre la dame de Guémenée, débitrice commune, qu'en justifiant, soit de quittances valables, soit d'une collocation utile, suivie d'un emploi réel de fonds spécialement affectés à la sûreté et au service de sa rente viagère, soit enfin de tous les autres actes constatant une véritable libération, et qu'ils ne font aucune justification de ce genre;

» Considérant d'autre part, que la rente viagère en question ayant été liquidée à forfait, doit subsister pour 21,000 livres, montant de la reduction, et y demeurer invariablement fixée....;

» La cour dit qu'il a été mal jugé........; en ce que le jugement du 13 fructidor an 13 colloque Bouret et la femme Delambre sur le pied de 22,500 livres de rente viagère et annuelle, au lieu de 21,000 livres seulement....; émendant, décharge Chantrel et Bienfait de ladite disposition; au principal, ayant aucunement égard aux demandes des dits Chantrel et Bienfait, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur tierce-Opposition

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à l'arrêt du 7 pluviose an 10, ordonne que la rente viagère dont il s'agit, demeurera réduite et fixée à 21,000 livres par an, en conformité de la liquidation qui en a été faite le 18 décembre 1787, par la commission du conseil.... ».

Les sieurs Chantrel et Bienfait se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

«Ils fondent leur recours (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 27 avril 1807) sur quatre moyens:

» Violation de l'art. 2 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667, en ce que la cour d'appel de Paris a refusé de les recevoir opposans ses arrêts des 7 pluviose an 10 et 26 nivòse an 13;

à

» Violation des actes de l'union qui faisaient la loi des parties;

» Violation de la règle d'après laquelle la perte des deniers versés dans la caisse du séquestre de l'union, devait être à la charge du sieur Bouret;

» Violation des lois relatives à la libération.

» Le premier de ces moyens vous présente deux questions à décider :

» La cour d'appel de Paris a-t-elle dû et aurait-elle pu recevoir la tierce-Opposition formée par les sieurs Chantrel et Bienfait à ses arrêts des 7 pluvióse an 10 et 26 nivôse an 13? » A-t-elle fait, relativement à l'objet de cette tierce-Opposition, tout ce que lui permettaient, tout ce que lui commandaient les principes de la matière ?

» La première question se réduit à savoir si les sieurs Chantrel et Bienfait avaient qualité, comme créanciers hypothécaires posté rieurs au sieur Bouret, pour former une tierce Opposition aux deux arrêts qui avaient jugé contradictoirement avec leur débitrice, que le sieur Bouret était encore créancier de celle-ci.

» Les principes sur la tierce-Opposition sont fixés depuis long-temps par la doctrine uniforme des auteurs et par la jurisprudence invariable des arrêts; et le Code de procédure civile n'a fait que confirmer l'ancien droit, quand il a dit, art. 474, qu'une partie peut former une tierce Opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle, NI CEUX Qu'elle repRÉSENTE, n'ont été appelés. Il faut donc, pour l'admissibilité d'une tierce Opposition, que celui qui la forme, n'ait pas été représenté, lors du juge ment qui en est l'objet, par la partie contre laquelle ce jugement a été rendu : si donc celui qui forme une tierce Opposition à un jugement, a été représenté dans ce jugement

par la partie contre laquelle il a été rendu, nul doute que la tierce-Opposition ne doive être repoussée sans examen.

» Or, est-il un créancier qui puisse dire n'avoir pas été représenté par son débiteur, dans les jugemens qui ont été rendus entre celui-ci et des tiers? Qu'est-ce qu'un créancier relativement à son débiteur? Rien autre chose que l'ayant-cause du débiteur luimême : c'est du débiteur lui-même, c'est du contrat qu'il a passé avec lui, qu'il tire son droit; et certainement entre une personne qui tire son droit d'une autre, et un ayantcause de cette autre personne, il n'y a aucune différence réelle. Cela est si vrai que l'art. 26 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667 confond et identifie absolument ces deux dénominations: Si les arrêts (porte-t-il ) ou jugemens en dernier ressort produits ou communiqués (dans une instance pendante dans un autre tribunal que celui dont ils sont émanés) sont définitifs et rendus entre les mêmes parties, ET AVEC CEUX DONT ILS ONT DROIT OU CAUSE..., les parties se pourvoiront, en cas de requête civile, pardevant les juges qui les auront donnés.

» Et remarquez, messieurs, que, par cet article, il est établi implicitement que la requête civile est la seule voie que puissent prendre contre un arrêt, ceux qui ont droit ou cause des parties avec lesquelles il a été rendu.

» Mais une chose plus remarquable encore, c'est que ce que cet article n'établit qu'implicitement, l'art. 1 du même titre le dit de la manière la plus positive: Les arrêts et jugemens en dernier ressort ne pourront être rétractés que par lettres en force de requéte civile, à l'égard de ceux qui auront été par. ties ou dúment appelés, et de leurs héritiers, successeurs ou ayant-cause.

» Que, dans ces mots, ou ayant-cause, les créanciers soient compris ni plus ni moins que les donataires, les légataires et les acquéreurs à titre onéreux, c'est ce que dit expressément Jousse sur cet article: ayantcause (ce sont ces propres termes), comme sont les créanciers qui exercent les droits de leur débiteur.

» Nous lisons la même chose dans le Journal des audiences, à l'occasion d'un arrêt du parlement de Paris, qui y est rapporté sous la date du 22 février 1701, comme ayant jugé que les créanciers de celui avec lequel des arrêts ont été rendus, ne peuvent s'y op poser, non plus qu'aucun ayant-cause du débiteur. La dame d'Harcourt, en faveur de laquelle cet arrêt a ainsi prononcé, inve

quait la maxime, que ce qui est fait avec le debiteur et les arrêts rendus avec lui, doivent être exécutés contre ses créanciers, qui sont, disait-elle, compris sous le nom d'ayant cause dans l'art. 1 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667; et M. Joly de Fleury, avocat général, dit, sur cette proposition, que la maxime était vraie, et que les créanciers d'un débiteur ne pouvaient attaquer un arrêt que par les mêmes voies qu'il l'aurait pu faire; que leur Opposition n'était pas recevable.

» Brillon, au mot Opposition, no. 1, cite également un arrêt du grand conseil, de 1704, qui juge que les créanciers ayant les mêmes droits que leur débiteur, ne peuvent venir par Opposition contre un arrêt rendu contradictoirement avec lui, et qu'il faut alors prendre la voie de la requéte civile.

» Enfin, messieurs, comme vous l'a dit M. le rapporteur, cette doctrine a été formellement consacrée par un arrêt de la cour, du 12 fructidor an 9, rendu au rapport de M. Rousseau et sur nos conclusions. Le sieur Forestier demandait la cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Caen, qui avait, à son prejudice, reçu le sieur Godet tiers-opposant à deux jugemens en dernier ressort, que le sieur Forestier avait obtenus par defaut, contre le sieur Delessart, leur débiteur com. mun; et cette cassation, la cour l'a prononcée, attendu que la réserve des droits des tierces personnes, dont parle l'art. 11 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, ne concerne que celles qui n'ont pas été appelées ni repré sentées; que cela résulte du rapprochement de cet article avec le premier du tit. 35; que Godet, comme créancier de Delessart, qui avait consenti une hypothèque envers lui, était à cet égard son ayant-cause; qu'il est constant que Delessart a été appelé; qu'il n'a point été allégué qu'il se soit pourvu dans le délai, contre le jugement en dernier ressort rendu par défaut, au tribunal de district de Caen; que néanmoins Godet, en qualité d'ayant cause de Delessart, n'aurait pu être recevable à attaquer ce jugement, qu'autant qu'il eût été justifié que Delessart aurait été lui-même admissible à se pourvoir.... ·; qu'il résulte de tout ce que dessus, que les juges du tribunal d'appel de Caen, ayant reçu tierce Opposition de Godet, sous le motif pris des dispositions de l'art. 11 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, ont fait une fausse application dudit article, violé l'art. 5 du même titre, concernant l'autorité de la chose jugée, et contrevenu formellement à l'art. 1 du titre 35, qui ne permet de rétracter autre. ment que par requête civile, les jugemens en

la

dernier ressort rendus avec ceux qui ont été parties, ou leurs ayant-cause (1).

» Il n'y a donc pas, il ne peut donc pas y avoir le plus léger doute sur le principe qu'un créancier n'est pas recevable à former une tierce Opposition contre le jugement rendu avec son débiteur.

» Mais ce principe est-il applicable à notre espèce ?

» Sans contredit, il ne le serait pas, si la dame de Guémenée et ses créanciers étaient encore respectivement dans le même état où ils avaient été placés par les arrêts du conseil des 28 septembre et 7 décembre 1782, par le concordat du 4 mars 1788 et par le jugement du 10 juin suivant. Ces arrêts, ce concordat, ce jugement avaient dessaisi la dame de Guémenée de l'entière administration de ses biens, et l'avaient confiée d'abord au notaire Boulard, en qualité de séquestre, ensuite aux syndics de l'union, enfin au sieur Latache; et de là était résultée une dévolution com

plète de l'actif de la dame de Guémenée à l'union de ses créanciers. La dame de Guémenée, dans cet état, ne pouvait plus, ni disposer, ni contracter, ni plaider, sans le concours des syndics de ses créanciers unis: conséquemment aucun de ses créanciers n'aurait pu obtenir contre elle seule une condamnation valable; et par une conséquence ultérieure, si tel était encore l'état des choses, les arrêts obtenus par le sieur Bouret contre la dame de Guémenée, le 7 pluviose an 10 et le 26 nivóse an 13, seraient sans effet, soit contre la masse de ses créanciers, soit contre chacun de ses créanciers indivi, duellement.

» Mais, vous le savez: d'une part, l'union n'existe plus. On ne nous a pas donné une connaissance bien nette des causes qui en ont amené la dissolution; mais la dissolution n'en est pas moins constante: elle est présentée comme telle dans les motifs du jugement du 24 brumaire an 13, confirmé par l'arrêt du 26 nivóse de la même année; et elle est d'ail leurs prouvée par cela seul que les syndics de l'union sont tous, ou morts, ou démis sionnaires, et qu'aucun d'eux n'a été rem place. Car, qu'est-ce qu'un contrat d'union? Rien autre chose qu'un acte par lequel tous les créanciers d'un débiteur chargent des syndics de les représenter, et d'agir pour leurs intérêts communs; rien autre chose par conséquent qu'un mandat; et c'est un prin

(1) V. mon Recueil de Questions de droit, an mot Opposition (Tierce-), S. 1.

cipe assez notoire, que tout mandat prend fin, soit par le décès, soit par la renonciation du mandataire.

» D'un autre côté, la dame de Guémenée n'avait pas été dessaisie de la possession de ses biens, par le seul fait de sa faillite. Il est, à la vérité, des pays, et tels sont notamment ceux qui composaient ci-devant le ressort du parlement de Douai (1), où la faillite opere une dévolution générale de l'actif du débiteur à ses créanciers, et où, en conséquence, tout l'actif du débiteur failli est, à l'instant même, mis sous la main de la justice qui y commet un curateur. Mais c'est une règle tellement particulière à ces pays, que, dans le projet du Code de commerce qui, vraisemblable. ment, sera bientôt converti en loi, c'est comme innovation que l'on propose d'étendre cette règle à toute la France (2). La dame de Guémenée n'a donc été dessaisie de la possession de ses biens, que par l'abandonnement qu'elle a fait de cette possession à ses créanciers. Mais cet abandonnement n'a pu avoir son effet que pendant le temps que ses créanciers ont joui des biens de la dame de Guémenée, soit par les mains de leurs syndics, soit par celles du sieur Latache; et son effet a dû cesser, il a nécessairement cessé, du moment que la dame de Guémenée a repris personnellement la possession de ses biens, du moment que ses créanciers, en lui laissant reprendre personnellement la pos

session de ses biens, ont virtuellement renoncé au droit qu'elle leur avait transmis de les posséder eux-mêmes; du moment, en un mot, que, par la reprise de la possession personnelle de ses biens, la dame de Guémenée a eté remise au même état que si elle n'en eût jamais été dessaisie. Or, il est constant que, depuis sa radiation de la liste des émigrés, la dame de Guémenée jouit personnellement de tous ses biens qui, jusqu'alors, avaient été d'abord sous la main de ses créanciers

unis, ensuite sous le séquestre national; que, depuis la même époque, elle a touché librement tous ses revenus, elle a tout régi, tout administré, comme s'il n'y avait jamais eu d'union; que depuis la même époque, elle a vendu des domaines considérables, comme si jamais elle n'eût été dépossédée; que, depuis la même époque, elle a été universellement reconnue habile à ester en jugement, sans le concours de la masse de ses créanciers; et

(1) V. l'article Curateur, §. 1. (2) V. l'article Faillite, sect. 2.

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» Cela posé, notre seconde question va se résoudre d'elle-même. Dès qu'il est reconnu que la cour d'appel de Paris n'a ni dû ni pu recevoir la tierce - Opposition des sieurs Chantrel et Bienfait à ses arrêts des 7 pluviose an 10 et 26 niviôse an 13, il est bien aisé de voir comment elle a dú prononcer à cet égard. » Les sieurs Chantrel et Bienfait peuvent, comme créanciers de la dame de Guemenée exercer tous les droits de leur débitrice; mais ils ne peuvent pas, en cette qualité, en avoir ni en exercer d'autres. Comme créanciers de la dame de Guémenée, ils la représentent, ils sont ses ayant-cause: ainsi, tout ce qu'elle peut encore faire, ils le peuvent comme elle; mais ce qu'elle ne peut plus faire, leur est interdit.

» Or, quel droit reste-t-il à la dame de Guémenée, relativement à la créance du sieur Bouret, d'après les arrêts du 7 pluviose an 10 et du 26 nivôse an 12?

pressément à la dame de Guémenée le droit » L'arrêt du 7 pluviose an 10 réserve exde prouver que la rente viagère du sieur Bouret a été réduite à 21,000 livres; et ce droit, les sieurs Chantrel et Bienfait l'ont exercé avec tout le succès qu'ils pouvaient desirer. Ainsi, de ce chef, nulle matière à réclamation.

» Le même arrêt (d'après la maxime érigée, non en loi, mais seulement en jurisprudence, que l'exception de paiement est recevable même après le jugement de condamnation ), pourrait être censé réserver encore à la dame de Guémenée, le droit de justifier que, depuis sa reduction à 21,000 livres, la rente viagère du sieur Bouret a été éteinte, soit par un remboursement effectif, soit par quelque acte équivalent. Mais, ce droit, la dame de Guémenée l'a exercé elle-même : elle a soutenu dans l'instance terminée par l'arrêt du 26 nivóse an 13, qu'elle était entièrement libérée envers le sieur Bouret; et cet arrêt ayant rejeté sa prétention, le droit dont il s'agit, a été, par là, consommé dans sa per

sonne.

» C'est cependant ce droit que les sieurs Chantrel et Bienfait ont voulu exercer en

core après l'arrêt du 26 nivôse an 13, et c'est pour être admis à l'exercer, qu'ils ont formé une tierce-Opposition à cet arrêt. Mais bien évidemment ils y étaient non-recevables. Encore une fois, comme créanciers de la dame de Guémenée, ils ne pouvaient avoir plus de droits que leur débitrice; et il est incontestable que leur débitrice n'aurait pas pu être écoutée, si, après l'arrêt du 26 nivóse an 13, elle était venue reproduire les moyens qu'elle avait employés, lors de cet arrêt, pour établir sa prétendue libération.

» La cour d'appel de Paris devait donc, comme elle l'a fait, relativement à la réduction de la créance du sieur Bouret à 21,000 livres, accueillir les preuves rapportées par les sieurs Chantrel et Bienfait, sans qu'il fût besoin de statuer sur leur tierce-Opposi

tion.

» Mais elle aurait dû faire plus, relativement à la prétendue extinction entière de la créance du sieur Bouret; elle aurait dû, à cet égard, déclarer la tierce Opposition des sieurs Chantrel et Bienfait purement et simplement non-recevable; et ç'a été, de sa part, une très-grande irrégularité, que de discuter, de juger et de rejeter, comme insuffisantes, des preuves qu'on n'avait plus le droit de lui représenter, qu'elle n'avait plus

le droit d'examiner.

» Quoiqu'il en soit, cette irrégularité ne peut du moins pas former un grief pour les sieurs Chantrel et Bienfait, puisque, loin de leur prejudicier, elle leur a ouvert une chance qui aurait pu tourner à leur avantage.

» Et ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de cette irrégularité, pour venir prétendre que les preuves qu'ils rapporteraient de la libération de la dame de Guémenée, n'auraient pas dû être jugées insuffisantes; pour venir prétendre qu'en les jugeant insuffisantes, la cour d'appel de Paris a violé quelque loi. Car, si véritablement, ce que nous sommes loin de supposer, la cour d'appel de Paris avait violé une loi quelconque, en jugeant insuffisantes les preuves rapportées par les sieurs Chantrel et Bienfait, elle ne l'aurait du moins pas violée par le dispositif, mais seulement par les motifs de son arrêt; et comme il est de principe que, lorsqu'au motif illégal d'un arrêt, on peut substituer un motif avoué par la loi, il n'y a pas lieu à cassation, il resterait toujours à dire qu'à la vérité, la cour d'appel de Paris a erré dans la manière dont elle a apprécié au fond les preuves qu'on lui représentait ; mais que le résultat de son arrêt n'en est pas inoins regulier, puisque les preuves qu'on

lui représentait, étaient inadmissibles, et que, suffisantes ou non, elles devaient être repoussées sans examen.

» Cette observation, qui met le dernier trait à la réfutation du premier moyen de cassation des sieurs Bienfait et Chantrel, fait les en même temps tomber à l'avance, deuxième, troisième et quatrième moyens des mêmes parties; et nous estimons en conséquence qu'il y a lieu de rejeter la requête des sieurs Chantrel et Bienfait, et de les condamner à l'amende ».

Par arrêt du 27 avril 1807, au rapport de M. Coffinhal et sur délibéré,

« Considérant, sur le premier moyen fondé sur la contravention à l'art. 3 du tit. 35 de

l'ordonnance de 1667, que, n'ayant pas été

déclarés non-recevables dans leur tierce

Opposition, qui est au contraire restée saus effet par des motifs tirés du fond dont l'examen porterait uniquement sur une question de bien ou mal jugé, toute discussion sur ce moyen doit être écartée par cette seule cir

constance.......;

» La cour rejete le pourvoi...... ».

On voit que cet arrêt laisse la question de droit entière; mais elle avait déjà été décidée par un trop grand nombre d'autres arrêts, pour qu'elle eût pu éprouver la plus légère difficulté, si les circonstances particulières de l'affaire eussent permis à la cour de cassation de la juger de nouveau.

Voici d'ailleurs une espèce plus récente dans laquelle la même décision a été encore adoptée.

Le 24 prairial an 13, faillite du sieur Rigal de la Piedera, négociant espagnol.

Le 7 messidor suivant, le sieur Michel, qui ignore cette faillite, souscrit à Marseille, comme fondé de pouvoir du sieur Rigal, un compromis entre lui et le sieur Canonge, négociant français.

Le 14 thermidor de la même année, sentence des arbitres qui déclare le sieur Rigal débiteur d'une somme de 40,000 francs. Cette sentence est declarée executoire par le président du tribunal de première instance de

Marseille.

Le sieur Rigal, rétabli dans l'administration de ses affaires, appelle de l'ordonnance d'exequatur; et, de leur côté, ses créanciersunis forment une tierce-Opposition à la sentence arbitrale.

Le premier se fonde sur la circonstance que le compromis a été souscrit par un mandataire dont les pouvoirs avaient éte révo

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