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Au contraire, lorsqu'il est question d'un billet à Ordre, le cessionnaire ne peut, à défaut de paiement, recourir contre son endosseur, s'il n'a fait ses diligences contre le debiteur dans un délai déterminé par la loi; et même, après avoir fait ces diligences dans le délai fatal, il perd encore son recours, s'il ne l'exerce dans un autre délai que la loi détermine également.

4o. Les signataires d'un simple billet ne sont obligés envers celui au profit duquel il est souscrit, que chacun pour sa part de la dette.

Au contraire, dans un billet à Ordre créé par plusieurs personnes, la solidarité est toujours sous-entendue.

II. Le billet à Ordre diffère aussi de la lettre de change, et voici en quoi.

1o. La lettre de change porte essentiellement remise de place en place, et ne peut par conséquent être tirée que d'un lieu sur un autre.

Le billet à Ordre est le plus souvent payable dans le lieu où il a été souscrit. Il est même à remarquer que la lettre de change prend le caractère de billet à Ordre, quoiqu'elle n'en ait pas la forme, lorsqu'elle est créée dans le lieu même dont elle porte la date. V. l'article Lettre et Billet de change, S. 2, no. 2, et mon Recueil de Questions de droit, au mot Intérêts, §. 2.

2o. La lettre de change est, par sa nature, un acte commercial, et emporte à ce titre, l'assujetissement à la juridiction des tribunaux de commerce, ainsi qu'à la contrainte par corps.

Le billet à Ordre n'est réputé acte commercial, , que lorsqu'il est signé, soit par un commerçant, soit par un comptable des deniers publics, et pour ce qui le concerne; ou lorsqu'il a pour cause une opération de commerce, de change, de banque ou de courtage. Et ce n'est que dans l'un ou l'autre de ces deux cas, qu'il emporte la contrainte par corps; comme c'est uniquement dans l'un ou l'autre que les tribunaux de commerce peuvent en connaître.

III. A ces deux differences que le Code de commerce a maintenues entre la lettre de change et le billet à Ordre, l'ordonnance du mois de mars 1673 en ajoutait trois autres. 1o. Le porteur d'une lettre de change devait, faute de paiement à son échéance, la faire protester; et le protêt ne pouvait être supplée par aucun acte.

Le porteur d'un billet à Ordre n'était tenu, dans le même cas, que de faire ses diligences

contre le débiteur; et il était réputé avoir fait ses diligences contre celui-ci, lorsqu'il l'avait sommé ou poursuivi d'une manière quelconque. V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Protét, §. 1.

2o. Le protêt d'une lettre de change en faisait courir les intérêts de plein droit, au lieu que, pour faire courir ceux d'un billet à Ordre, il fallait une demande judiciaire. V. idid., au mot Intérêts, §. 2.

3o. La lettre de change etait réputée acquittée après cinq ans, à compter du jour de la dernière poursuite; au lieu que le billet à Ordre ne se prescrivait que par 30 ans. V. ci-après, S. 2.

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Mais de ces trois différences, les deux premières sont abrogées en ces termes, par l'art. 187 du Code de commerce : « Toutes. » les dispositions relatives aux lettres de change, et concernant l'échance, l'endosse»ment, la solidarité, l'aval, le paiement, » le paiement par intervention, le protêt, » les devoirs et droits du porteur, le rechange » ou les intérêts, sont applicables aux billets » à Ordre, sans préjudice des dispositions » relatives aux cas prévus par les art. 635, » 636 et 637, tit. 1, liv. 4 ».

La troisieme différence subsiste encore pour les billets à Ordre étrangers au commerce. Mais elle est abolie par l'art. 189 du même Code, pour « ceux des billets à Ordre » souscrits par des négocians, marchands ou >> banquiers, ou pour fait de commerce ». V. l'article Lettre et Billet de change, S. 4,

n. 21.

IV. Nous venons de dire que les billets à Ordre qui ne sont souscrits ni pour fait de commerce ni par des commerçans, n'emportent ni l'assujetissement à la juridiction commerciale, ni la contrainte par corps. Telle était, en effet, l'ancienne jurisprudence, ainsi qu'on l'a vu aux mots Consuls des marchands, S. 2, no. 8. Et voici dans quels termes le Code de commerce l'a maintenue :

Art. 636. Lorsque les billets à Ordre ne porteront que des signatures d'individus non négocians, et n'auront pas pour occasion des operations de commerce, trafic, change, banque ou courtage, le tribunal de commerce sera tenu de renvoyer au tribunal civil, s'il est requis par le défendeur.

» 637. Lorsque.... ces billets à Ordre porteront en même temps des signatures d'individus négocians et d'individus non négocians, le tribunal de commerce en connaîtra; mais il ne pourra prononcer la contrainte par corps contre les individus non négocians, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion

d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage (1) ».

Rien de plus propre à répandre un grand jour sur ces dispositions que ce qu'en a dit M. Delepierre, dans le rapport qu'il a fait au nom du tribunat, sur le liv. 4 du Code de commerce, à la séance du corps législatif, du 14 septembre 1807 :

« Le premier soin à prendre pour faire concourir aux développemens du commerce, tant de ressources et de forces, c'est de régler avec sagesse l'administration de la jus tice qui lui est propre. Les bases sur lesquelles elle reposera, seront prises dans la nature même des choses, et constitueront un pouvoir qui, interrogeant les faits pour déployer son action, préviendra, et les applications fausses et les exceptions mensongères. Cependant, pour lui donner une organisation encore plus complète et plus rassurante, le tit. 2 du liv. 4 fortifie le principe de la juridiction réelle, de la disposition de l'ordonnance qui fondait sur la qualité des personnes, l'autorité des juges consulaires, et consacre un système mixte en vertu duquel les négocians, marchands et banquiers en titre, seront dans tous les temps justiciables des tribunaux de commerce, à raison de leurs obligations et de leurs négociations respectives, tandis que les autres citoyens ne seront assujetis à leur juridiction, qu'à raison des actes réputés commerciaux auxquels ils auront participé.

» Quand il serait vrai de dire que la loi aurait pu arriver jusqu'aux marchands, négocians et banquiers, par la seule voie, par le seul indice des faits, ce serait toujours un acte de sagesse que d'éviter une innovation trop brusque, que d'introduire des idées nouvelles à la faveur des anciennes, et d'assurer par une prudente transaction, le succès d'une utile réforme. Mais le concours de deux moyens tendant à la même fin n'a pas été admis uniquement dans ces vues; il nous a même paru nécessaire, pour concilier dans plusieurs circonstances les intérêts du commerce et du public. Quand on cherche à coordonner les objets divers qui sont la matière des fois, on s'aperçoit bientôt qu'ils ne peuvent se prêter tous à une mesure uniforme, ni se régler par un principe absolu. Il a bien fallu, par exemple, à l'occasion du billet à ordre, distinguer entre les signatai l'individu négociant de celui qui ne l'est

res,

(1) V. les articles Consuls des Marchands, §. 2, nos. I et 3; et Endossement, no. 14.

pas; il a bien fallu donner au dernier une sauvegarde contre ses besoins ou ses passions, lui défendre d'acheter, au prix de sa liberté, des ressources ou des jouissances éphémères, et maintenir, par cette interdiction, l'usage des conventions civiles, et l'autorité douce et paisible de la loi commune.

» C'est peut-être ici le lieu d'exposer, en peu de mots, le but de ce contrat, les combinaisons dont il sera susceptibles, et les effets qu'il produira sous chacune de ses modifications.

» Après les pertes immenses que le commerce français a essuyées depuis quinze an nées, soit par une suite de notre révolution, soit par l'effet de la guerre maritime et des pirateries britanniques, le premier soin du législateur qui cherche à en ranimer les élémens, c'est d'attirer vers lui les capitaux dont il a besoin, pour renouveler ses entreprises au-dedans et au-dehors. Or, quel est le meilleur moyen d'exciter ceux qui possé dent des espèces, à les livrer à l'industrie commerciale? C'est de simplifier pour eux les formes du prêt et dû remboursement. L'usage des contrats civils entraîne peut-être trop de difficultés et de lenteurs, pour ménager jamais des ressources au chef d'atelier ingénieux, au négociant habile, qui a besoin de trouver des fonds à l'instant; d'ailleurs les manufacturiers et les commerçans ne peuvent pas toujours hypothéquer des immeubles la plupart d'entre eux n'ont souvent, pour toute propriété, que leur travail, leur bonne conduite et leurs talens. Il faut trouver pour cette classe précieuse qui emploie les bras du pauvre, qui met en œuvre les produits de notre agriculture, et exporte ceux de nos fabriques; il faut trouver un moyen d'emprunter, qui s'accorde avec la nature de ses besoins et celle de sa fortune. Le billet à Ordre le lui présente. Si les individus dont elle se compose, engagent leur liberté au prêteur qui vient à leur secours, c'est dans leur propre intérêt; car plus la garantie que le prêteur offre au capitaliste est puissante, moins les conditions du service qu'il en obtient sont onéreuses.

» Ainsi, l'emploi du billet à Ordre aura le double avantage de seconder l'industrie nationale et de réduire le prix de l'argent. Mais ce contrat n'est pas destiné seulement à produire ces deux effets déjà si importans : il sera susceptible d'être négocié, et en accroissant, sous cette forme nouvelle, la somme des valeurs mises en circulation, il tendra à rendre les espèces moins nécessaires, et par conséquent encore moins chères.

Ainsi, il agira successivement de deux manières, pour diminuer le taux de l'intérêt. » Le billet à Ordre est donc un véritable bienfait pour le commerce: c'est l'utile auxiliaire qu'attendait la lettre de change, c'est le complément du système ingénieux et fécond des effets négociables; sans efforts, sans embarras, il crée sur chaque place une sorte de banque de circulation, infiniment plus rassurante que ces banques de circulation collectives, dont les ressources sont souvent illusoires, l'administration toujours coûteuse, et quelquefois infidèle.

» Si, dans quelques circonstances, l'avarice tourne contre l'industrie un ressort créé pour la seconder, ce sera un mal, sans doute, mais qu'on ne préviendrait pas en s'en tenant aux termes de la législation actuelle. Au reste, cette passion vile, qui n'exerce ses ravages que dans les temps de souffrance, est à la veille d'être exilée sans retour du sol français. Le chef viligant qui s'occupe de l'enchaîner par des règles, l'extirpera bien plus sûrement encore, par l'influence de la prosperité dont il répand les semences à pleines mains sur toutes les parties de l'Empire.

"Voyons maintenant pour quel motif le projet admet en même temps, dans le billet à Ordre, le caractère civil et le caractère commercial. Ce mélange de deux natures d'engagemens, dont l'une repose sur les biens et la liberté des signataires, et l'autre sur leurs biens seulement présente au premier aspect l'image d'une bigarure.

»Mais en examinant les choses de près, on voit que, sans ce concours de signatures d'inégale valeur, le billet à Ordre n'atteindrait qu'un des buts que la loi se propose. En effet, ce contrat n'a pas seulement pour objet de faciliter les emprunts aux fabriques et au commerce, il doit devenir encore négociable; or, jamais il ne serait livré à la circulation, si le créditeur originaire, qui sera presque toujours un propriétaire ou un capitaliste, s'exposait, en le passant à l'ordre d'un tiers, à l'événement de la contrainte par corps. Il faut qu'il puisse s'en dessaisir sans danger et le jeter sur la place, aux risques seuls du négociant qui l'aura souscrit en sa faveur. L'un le cautionnera de sa fortune, l'autre de sa personne; et la réunion de ces deux garanties lui donnera toujours un degré suffisant de crédit pour le faire rechercher par le commerce.

» Le billet à Ordre, sous sa forme purement civile, circulera dans une sphère moins étendue; mais alors même il aidera au paiement des sommes dues par les fermiers aux

propriétaires, et par ceux-ci aux fournisseurs habituels de leurs maisons. Il fera office de monnaie dans une foule de circonstances que le mouvement de la société reproduit sans cesse, et où des valeurs négociables produisent souvent le même effet que des paiemens en espèces.

» Les contestations qui pourront naitre du billet à Ordre simple, seront jugées par les tribunaux ordinaires. Ce billet n'est autre chose, en effet, qu'une cédule transmissible avec plus de célérité, mais à laquelle la loi ne peut ni ne doit ôter son caractère primitif en l'affranchissant des formalités du transport.

» Quand le billet à Ordre sera souscrit alternativement. d'individus négocians et d'individus non négocians, tous les signataires indistinctement, en cas de constestation, ressortiront des tribunaux de commerce, qui prononceront contre les uns la contrainte par corps, et ordonneront sur les autres l'exécution mobilière. Il fallait donner à la même autorité le droit de rendre ces deux espèces de jugemens, sur une matière indivisible de sa nature; et comme, dans les causes mixtes, c'est l'objet le plus grave qui entraîne celui qui l'est moins, il était juste de déférer aux tribunaux de commerce la connaissance de ce genre de différends ».

V. 1o. Un billet à Ordre dont le corps n'est pas écrit de la main du particulier non marchand qui l'a signé, est-il valable?

signé, est-il, par cela seul qu'il reconnait la 2o. Le particulier non marchand qui l'a signature qu'il y a apposée, non-recevable à en contester la validité?

3o. Ce particulier l'a-t-il rendu valable, en y ajoutant de sa main, avant sa signature, les mots approuvé l'écriture ci-dessus ?

4o. La demande en paiement d'un pareil billet peut-elle être formée, après la faillite de celui au profit duquel il a été créé, par un tiers-porteur qui n'a d'autre preuve de sa prétendue propriété qu'un endossement en blanc?

Ces quatre questions se sont présentées dans l'espèce suivante.

Le 8 octobre 1808, Jean-Baptiste Martin, propriétaire, demeurant à Carcagny, dépar. tement du Calvados, signe à Caen un billet écrit d'une main étrangère, et ainsi conçu : «Bon pour Soo francs. Fin de mai prochain, » je payerai à l'Ordre de M. Soufflant, la » somme de huit cents francs, valeur en » compte ». Avant sa signature, il appose, de sa propre main, ces mots : « Approuvé

l'écriture ci-dessus; » et à la suite de sa signature, il ajoute encore de sa main : « en mou » domicile en l'auberge du Grand-Cerf, rue » Saint-Pierre, à Caen ».

Le sieur Soufflant transporte ce billet, par un endossement en blanc, au sieur Jobey, marchand; et celui-ci l'endosse, de même en blanc, au profit du sieur Dupont de Labre, également marchand.

Le 1er juin 1809, ce billet est protesté faute de paiement. Le sieur Martin répond à l'huissier « qu'il n'acquittera point ledit bil» let, n'en ayant point reçu la valeur du » sieur Soufflant, et que c'est une surprise » qui lui a été faite ».

Le sieur Dupont de Labre fait citer au tribunal de commerce de Caen, les sieurs Martin et Jobey, pour se voir condamner solidairement, le premier par biens, le second par corps et biens, au paiement du montant du billet.

En comparaissant sur cette assignation, sieur Martin conclud

le

« A ce qu'il plaise au tribunal, attendu 1°. que le billet dont il s'agit, est nul, parce qu'il est constant que le sieur Martin n'en a pas reçu la valeur, et qu'il ne contient pas le bonet approuvé voulu par l'art. 1326 du Code civil;

» Attendu 2o. qu'il n'existe audit billet que des endossemens en blanc de Soufflant à Jobey, et de celui-ci à Dupont; et qu'ainsi, ce dernier n'a pas la propriété dudit billet, puisque, dans ce cas, l'endossement en blanc n'opere pas le transport, et n'est qu'une procuration (art. 136, 137, 138 et 187 du Code de commerce);

» Déclarer le billet du 2 octobre dernier nul, et, en tout cas, dire et juger que le sieur Dupont n'est pas le propriétaire dudit billet, et subsidiairement accorder au con. cluant, tous moyens tenans, mandement pour approcher les agens ou syndics de la faillitée Soufflant ».

Le 17 juin 1809, jugement qui ordonne qu'à la diligence du sieur Martin, les syndics de la faillite du sieur Soufflant seront mis en

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mais ne

A l'audience du 10 octobre de la même année, les débats s'ouvrent entre le sieur Dupont de Labre, le sieur Martin et le sieur Jobey.

Le sieur Dupont conclud à la condam. nation solidaire des sieurs Jobey et Martin. Le sieur Martin reproduit ses conclusions primitives.

TOME XXII.

Quant au sieur Jobey, il soutient que le billet dont il s'agit, est un effet de commerce; que l'approbation qui en précède la signature suffit pour en assurer la validité; que le sieur Martin est un propriétaire retiré à la campagne, et par conséquent sujet à l'exception qui modifie l'article cité du Code civil; qu'au surplus, en sa qualité de signataire du billet, il ne peut pas exciper de la forme irrégulière des endossemens. Et il conclud à ce que le sieur Martin soit tenu de le garantir et indemniser de la condamnation que le sieur Dupont pourra obtenir contre lui. Le même jour, jugement en dernier ressort, par lequel,

« Considérant le titre qui est entre les que mains du demandeur, est reconnu par les défendeurs; que le sieur Martin a approuvé l'écriture du billet et a fait élection de domicile, et qu'il a connu qu'il était à Ordre, et présentait la forme d'un effet de commerce, forme qu'il a lui-même reconnue, en consentant de payer au domicile elu; qu'encore bien qu'il ne soit pas marchand, il ne serait cependant pas juste que l'espèce de supercherie qu'il a faite, en donnant à ce billet la forme d'un acte de commerce, tournât au détriment du porteur et des endosseurs qui l'ont pris dans cette confiance;

>> Par ces motifs, le tribunal, par jugement en dernier ressort...., a dit défaut contre le sieur Larsonier (syndic des créanciers Soufflant), et pour le profit des autres parties, sans avoir égard à la nullité proposée par le sieur Martin, le condamne solidairement, avec le sieur Jobey, celui-ci par corps, et ledit Martin par biens seulement, au paiement de la somme de 800 francs mentionnés au billet dont il s'agit, avec intérêts et dépens;

>> Faisant droit sur les conclusions judiciaires du sieur Jobey, le tribunal lui a accordé condamnation récursoire par biens sur le sieur Martin, en principal, intérêts et dépens ».

Le sieur Martin se pourvoit en cassation contre ce jugement.

« Violation de l'art. 1326 du Code civil, violation des art. 136, 137, 138 et 187 du Code de commerce: tels sont (ia-je dit à l'au dience de la section civile, le 22 janvier 1812) les moyens de cassation que vous propose le demandeur.

>> Le premier vous présente trois questions à résoudre.

» Et d'abord, de ce que le sieur Martin a reconnu, devant le tribunal de commerce, qu'il avait signé le billet dont il s'agit, le tri

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bunal de commerce a-t-il pu conclure que le sieur Martin était non-recevable à exciper de l'art. 1326 du Code civil?

» La négative vous paraîtra sans doute incontestable. L'art. 1326 du Code civil ne dit pas que le défaut d'approbation, en toutes lettres, de la somme promise par une obligation sous seing-privé, emportera la preuve ou la présomption que cette obligation n'a réellement pas été signée par la personne dont elle contient la signature. Mais il dit que, quoique signée de cette personne, l'obligation sera nulle; ou du moins c'est ce qu'il est censé dire, puisqu'il détermine la forme substantielle de tout billet ou promesse sous seing privé, par lequel une partie s'engage envers L'autre à payer une somme d'argent ou une chose appréciable, et que, dans tout acte sous seing privé, comme dans tout acte public, l'omission d'une forme substantielle emporte nullité (1),

» C'est ainsi, au surplus, que la question a été jugée sous la déclaration du 22 septembre 1733, dont l'art. 1326 du Code civil ne fait que renouveler les dispositions.

» Le 1er, octobre 1768, billet de 1430 livres, fait solidairement au profit de Duplessis, par Lefebvre, boulanger à Enghien, et par Lévêque de Bury, son gendre. Le corps de ce billet est écrit en entier de la main de la femme de Lévêque de Bury. Celui-ci le signe, ainsi que Lefebvre, sans approbation de la somme. Lefebvre paie à compte de ce billet, en différens temps, 750 livres. Le 13 juin 1782, Duplessis fait assigner Lefebvre et Lévêque de Bury en condamnation solidaire des 620 livres restant. Lévêque de Bury ne désavoue ni la signature ni l'écriture de sa femme; mais il demande la nullité du billet, en affirmant qu'il n'a point profité de la somme, et se prévaut de la déclaration du 22 septembre 1733.

Le 21 avril 1782, sentence qui condamne Lefebvre, attendu sa qualité de boulanger; mais décharge Lévêque de Bury, en affirmant qu'il n'a reçu, ni en tout, ni en partie, le montant du billet, et qu'il n'en a point profité.

(1) Ceci ne doit pas être entendu à la lettre. Le billet dont il s'agit, est nul en ce sens qu'il ne constitue pas, par lui-même, une preuve légale et suffisante pour motiver une condamnation; mais il ne laisse pas de former un commencement de preuve par écrit, qui, soutenu, sbit la preuve testimopar niale, soit par des présomptions graves, précises et concordantes', peut et doit déterminer les juges à Lenir pour walable et obligatoire la reconnaissance qu'il contient. F. l'article Billet, §. 1, no. 2.

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» Appel de la part de Duplessis, et le 19 avril 1784, arrêt confirmatif.

» Nous verrons dans un instant que la i cour a jugé de même, le 17 août 1808, par un arrêt de cassation rendu au sujet d'un billet souscrit avant le Code civil, et sous l'empire de la déclaration de 1733.

» La seconde question est de savoir si, en écrivant de sa main, avant sa signature, les mots approuvé l'écriture ci-dessus, le demanTart. 1326 du Code civil. deur n'a pas suffisamment rempli le vœu de

» Et nous nous hátons de répondre que tembre 1733, l'art. 1326 du Code civil porte non. A l'exemple de la déclaration du 22 sepexpressément que l'approuvé doit contenir, en toutes lettres, la somme promise par le billet dont le corps n'est pas écrit en entier de la main du signataire; et il est évident que les seuls mots approuvé l'écriture ci-dessus ne remplissent pas cet objet. C'est d'ailleurs ce qu'avaient jugé, sous la déclaration du 22 septembre 1733, trois arrêts du parlement de Paris, des 22 août 1711, 10 avril 1764 et 29 juillet 1775, rapportés dans la nouvelle édition du recueil de Denisart, au mot Billet, S. 2, no. 2; et un arrêt de la cour du 17 thermidor an 10, confirmatif d'un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 16 ventóse an 9, attaqué par le sieur Arrighi.

» Mais l'art. 326 du Code civil est-il applicable aux billets à Ordre souscrits par des particuliers non marchands? C'est la troisième et la plus importante des trois questions que nous avons annoncées.

» Déjà la cour a reconnu, par un arrêt formel, que les billets à Ordre étaient compris dans la disposition générale de la déclaration de 1733. Le 7 thermidor an 11, elle a cassé, au rapport de M. Rousseau, un arrêt de la cour de Bruxelles qui avait déclaré nul l'endossement d'un billet à Ordre, sous le. prétexte qu'il ne contenait pas l'expression de la somme portée dans le billet même, et que le signataire n'était ni marchand, ni banquier, ni laboureur, ni artisan. Et elle en a notivé la cassation sur ce que la déclaration de 1733 ne prescrit l'écriture ou l'approbation de la main des souscripteurs, que pour le CORPS DES BILLETS A ORDRE, et non pour de simples endossemens.

» Il en serait autrement sans doute d'une lettre de change. Une lettre de change étant essentiellement un acte de commerce, une lettre de change emportant de plein droit soumission à la juridiction commerciale et contrainte par corps, ou en un mot, une

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