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élèves, en vertu des concessions du pape, pour la validité de ces sortes de contrats, donne pour fils, concedit in filium, à Benoît Ferretti et à son épouse, l'enfant trouvé Ange (depuis nommé Michel), agé de douze ans. D'un autre côté, nous y voyons Benoît Ferretti et son épouse, qui, désirant se procurer, par une adoption calquée sur la nature, la consolation d'avoir des enfans, déclarent prendre le jeune Ange pour leur fils véritable, propre, légitime et comme naturel, avec faculté de leur succéder, tant ab instestat qu'en vertu de testament, dans tous leurs biens, de quelque nature qu'ils soient, concurremment avec les autres enfans qui pourront leur survenir, et promettent de l'élever, de le nourrir, de le vêtir, de le garder dans leur maison et dans leur famille, de ne jamais l'en expulser, de ne jamais lui donner occasion d'en sortir, de l'y rappeler et l'y retenir, dans le cas où il en sortirait, même sans cause; et en un mot de prendre sur eux, à son égard, tous les avantages, tous les devoirs et toutes les charges de la paternité. Anfin, le jeune Ange accepte l'adoption qui est faite de sa personne : il reconnaît Benoît Ferretti et son épouse pour son père et sa mère, il déclare vouloir être leur fils; il leur baise les mains in signum veræ filiationis, et il leur promet secours, respect et obéissance.

» Voilà bien tous les caractères matériels de l'adoption du droit romain, de l'adoption du Code civil des Français, de l'adoption proprement dite.

» Que manque-t-il donc à l'acte du 15 mai 1804, pour qu'il ait imprimé à Ange ou Michel Projetto, la qualité de fils adoptif de Benoît Ferretti?

» Ce qui y manque, ce n'est point la possession d'état; car nous voyons par l'acte de mariage de Michel Projetto, produit devant vous, sous la date du 29 mai 1811, que Michel Projetto a toujours porté le nom de son père adoptif, et que celui-ci l'a marié comme son fils par adoption.

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» Mais il y manque, suivant la cour spéciale extraordinaire de Rome, les réquisitions prescrites par le droit commun, auquel rien n'annonce qu'il ait été dérogé par aucune loi pontificale.

» Quelles sont donc les réquisitions prescrites par le droit commun pour la validité d'une adoption?

» L'arrêt attaqué ne s'explique point làdessus; mais on ne peut douter qu'il ne se réfère aux lois romaines; car c'est sous l'empire des lois romaines, et comme il le dit luimême, c'est sous l'ancien régime, qu'a été

faite l'adoption dont il s'agit. C'est donc d'après les lois romaines, et non d'après le Code civil, qu'il juge cette adoption nulle.

» Et effectivement, les lois romaines voulaient que l'adrogation, c'est-à-dire, l'adoption d'une personne qui n'était point sous la puissance de son père naturel et légitime, d'une personne qui, par cette raison, était sui juris et considérée comme père de famille, ne pût avoir lieu qu'en vertu d'une grâce spéciale du prince. Elles voulaient que l'adrogation permise par le prince, se fit er présence du magistrat et fût sanctionnée par un décret émané de son autorité. Elles voulaient que l'adrogeant eût au moins dix-huit ans de plus que l'adrogé. Elles voulaient que l'adrogé consentît expressément à son adrogation; et comme un enfant au-dessous de l'âge de sept ans est censé n'avoir point de volonté, elles ne permettaient d'adroger un impubère qu'après sa septième année accom~ plie; encore exigeaient-elles qu'en ce cas, l'adrogation fût précédée d'une sorte d'information de commodo et incommodo; que l'adrogé fût autorisé par son tuteur; que l'adrogeant assurât à l'adrogé le quart de ses biens, et donnát caution de restituer les biens de l'adrogé à sa famille, s'il venait à mourir avant l'âge de puberté. Elles voulaient enfin, que les femmes ne pussent pas adroger, parceque l'adrogation emportait l'assujétissement de l'adrogé à la puissance paternelle, de laquelle les femmes étaient incapables; mais elles leur permettaient d'adopter, en vertu d'un rescrit particulier du souverain. Tout cela résulte des lois 5, 32 et 33, D.; de la loi 10, C. 5, du §. 3. Inst. de adoptionibus; et de la loi dernière, C. de auctoritate præstandá.

» Mais, d'abord, de toutes ces conditions, il en est plusieurs qui se trouvent remplies dans l'acte du 15 mai 1804.

» 1o. L'âge de Benoit Ferretti excédait certainement de plus de dix-huit ans, celui de Michel Projetto; et la preuve en est au procès.

» 2o. Michel Projetto avait près de douze ans à l'époque de son adrogation; il était par conséquent habile à y consentir.

» 3o. Michel Projetto était assisté et autorisé dans son acte d'adrogation, par le commissaire général de l'hospice dans lequel il avait éte placé, comme enfant trouvé, des l'instant de sa naissance; et ce commissaire lui tenait incontestablement lieu de tuteur.

» Ensuite, si l'adrogation de Michel Projetto n'a pas été précédée d'un rescrit particulier du souverain; si elle n'a pas été faite devant le magistrat; si le magistrat, avant de

la sanctionner, n'a pas ordonné une information de commodo et incommodo; si Benoît Ferretti n'a pas donné caution de restituer aux parens (alors inconnus et qui le sont encore aujourd'hui) de Michel Projetto, les biens qui pourraient lui écheoir avant sa puberté, dans le cas où il viendrait à mourir avant cet age; si toutes ces conditions requises par les lois romaines, pour la validité d'une adrogation, manquent dans l'acte du 15 mai 1804, du moins la cour spéciale extraor dinaire de Rome reconnaît, par l'arrêt attaqué, qu'il aurait pu être dérogé, à cet égard, aux lois romaines par une loi pontificale.

» Et en effet, on ne saurait disconvenir que le Pape, par cela seul qu'il exerçait la souveraineté dans les états romains, n'eût toute l'autorite qu'il fallait pour autoriser les adoptions hors des cas et avec moins de solennité que les lois romaines ne les autorisaient. Les lois romaines n'étaient, dans les états romains, que ce qu'elles étaient en Piémont, en Provence, en Languedoc : elles n'étaient lois qu'au défaut des brefs ou édits du souverain; et elles se taisaient, toutes les fois que le souverain avait manifesté une volonté contraire à leurs dispositions.

» Et si, comme le décide expressément la loi 38, D. de adoptionibus, le souverain pou. vait confirmer et valider par son autorité, une adoption qui avait été faite illégalement, adoptio non jure facta à principe confirmari potest, à combien plus forte raison lui étaitil libre de déroger, pour l'avenir, aux condi tions que les lois romaines prescrivaient pour la validité des adoptions, et de déclarer que les adoptions qui seraient faites à l'avenir dans telles ou telles formes, dans tels ou tels cas, réprouvés par les lois romaines, auraient leur entier effet.

» Or, voilà précisément ce qu'avaient fait les souverains de Rome long-temps avant l'acte du 15 mai 1804; voilà ce qu'ils avaient fait, non pas, à la vérité, pour toutes les adoptions qui pourraient avoir lieu dans leurs états, mais, ce qui suffit bien dans notre espèce, pour l'adoption des enfans trouvés de I'hôpital du Saint-Esprit.

» C'est ce que nous apprend un bref du pape Benoit XIV, du 21 décembre 1749.

» Dans ce bref, conçu en forme de motu proprio, le pontife commence par exposer que, de temps immémorial, les précepteurs généraux ou commendateurs de l'hôpital du Saint-Esprit, et en leur nom les commissaires généraux des bâtards de cet établissement, ont été dans l'usage de concéder ces bátards tant aux hommes qu'aux femmes,

soit pour leur tenir lieu d'enfans, soit pour leur apprendre un métier, soit pour les nourrir et élever jusqu'à l'âge nubile, et d'obliger ceux à qui ils les concédaient, ou à les traiter en fils, ou à leur assigner une certaine partie de leurs biens; que néanmoins il est quelquefois arrivé que, sous le prétexte de la nullité de ces contrats, lorsqu'ils étaient passés avec des femmes, ou avec d'autres personnes asservies, par le droit commun ou par le statut municipal de Rome, à des formalités particulières, pour pouvoir s'engager valablement, les bátards ainsi affiliés ou placés jusqu'à l'âge nubile, ont été privés, après la mort des obligés, des droits de succession et des autres avantages qui leur avaient été promis; que, pour remédier à cet inconvénient, le Pape Innocent XIII, avait donné, le 30 juillet 1722, sur la demande du prélat Valiguani, alors précepteur de l'hôpital du Saint-Esprit, un bref par lequel il avait déclaré que la seule autorisation du commendateur suffirait pour valider les affiliations et concessions des bȧtards, et que ces affiliations et concessions ainsi autorisées auraient leur plein effet, sans qu'il fût besoin d'aucune autre solennité; mais que les successeurs du précepteur Valiguani n'avaient pas sollicité le renouvellement de ce bref, apparemment limité à sa personne. A cet effet (continue Benoît XIV), voulant que les contrats susdits ne soient plus, à l'avenir, exposés au danger d'étre querellés par le défaut desdits solennités..... ; et tenant pour répétée mot à mot dans les présentes, la teneur entière du bref d'Innocent XIII, concernant la forme dans laquelle on passe lesdits contrats d'affiliation, adop tion, adrogation, ou toute autre concession des bátards, des deux sexes au nom dudit hôpital.....; nous, en vertu de notre pouvoir supréme, voulons, décrétons et ordonnons qu'à l'avenir, dans les concessions des bâtards des deux sexes, parvenus à l'âge d'environ douze ans, que, d'après le louable et trèsancien usage, les précepteurs généraux ou commendateurs dudit hópital, ou les commissaires généraux desdits bátards, d'après l'ordre spécial des précepteurs généraux ou commendateurs, soit en fils ou filles, et quelquefois même, lorsqu'il s'agit de fille, à l'effet et avec l'obligation positive des adoptans, de les garder et retenir jusqu'à l'áge nubile, de les placer dans un couvent, ou de les marier, ou sous d'autres charges et conditions, et particulièrement de leur fournir des alimens et de pourvoir à leur établissement, ainsi qu'il est exprimé dans les actes publics passés à cette fin; les femmes qui, à l'avenir, rece

femmes, sous les conditions qu'il exprime, à
prendre pour fils ou filles des bâtards de
l'hospice du Saint-Esprit, qu'en voulant que
les actes notariés par lesquels les femmes
recevront ces bâtards pour fils ou filles, des
mains des commandateurs, ou des commis-
saires généraux agissant de l'ordre exprès des
commendateurs, reçoivent leur pleine et en-
tière exécution, il confirme, il sanctionne, il
érige en loi, l'usage louable et très-ancien
qui est commun aux hommes et aux femmes;
et que, s'il ne permet pas aux juges et aux
tribunaux de s'écarter, pour les femmes, de
cet usage et de la loi par laquelle il le con-
firme, plus forte raison ne le leur permet-

vront les susdits bátards en fils ou filles, ou
seulement jusqu'à l'âge nubile, pourvu qu'el-
les soient majeures, veuves, maîtresses de
leurs droits, dégagées de la puissance pater
nelle, ou vivant, séparées de leur père ou de
leur aïeul paternel, du produit de leurs biens,
ou qu'étant mariées, elles soient assistées de
leurs maris, s'obligeant solidairement avec
elles,pourront, valablement et légitimement,
sans aucun décret du juge ordinaire, et sans
recourir aux solennités requises dans les obli-
gations des femmes par le droit commun, par
les statuts locaux, méme par celui de Rome,
par ses contrats d'affiliation et de concession,
devant le notaire-archiviste dudit hôpital,
ou tout autre notaire au choix du prélat pré-il pas pour les hommes.
cepteur en exercice; déclarons que lesdits
contrats seront, en vertu de notre pouvoir
supréme, tenus pour valables et exécutoires,
tant en justice qu'ailleurs, comme s'ils avaient
été passés de l'autorité du juge ordinaire,
et
avec toutes les solennités nécessaires; et
qu'on le pratiquera ainsi, toujours et à per-
pétuité, à l'égard desdites affiliations et con-
cessions. Voulant et décrétant que notre pré-
sente cédule de motu proprio soit gardée et
observée, nonobstant le défaut d'exhibition
et d'enregistrement à la chambre apostolique
dans ses livres, ou tout prétexte de subrep-
tion, obreption ou de tout autre vice, ou
défaut de notre intention et volonté; et que
cela soit, toujours et à perpétuité, ainsi tenu,
jugé et interprété par tous les juges et tribu-
naux......; déclarant, dès à présent, nul et
comme non avenu tout ce qui pourrait être
par eux jugé au contraire.....

<< Vous voyez, messieurs, que l'objet de ce bref n'est pas précisément de déroger, pour les hommes qui veulent adopter ou adroger des bâtards de l'hôpital du Saint-Esprit, aux solennités prescrites par le droit commun; qu'il reconnait que ces solennités sont devenues inutiles pour les hommes, par l'effet de l'usage louable et très-ancien dans lequel sont les commendataires, et, en leur nom, les commissaires généraux de cet hôpital, d'en concéder les élèves en fils ou filles; et qu'à l'égard des hommes, ces affiliations n'ont jamais été contestées; mais qu'elles l'ont été, à l'égard des femmes, par la raison que les femmes sont, d'après les statuts locaux, incapables de contracter aucune obligation, et qu'elles ne peuvent être relevées de leur incapacité que par l'observation exacte de certaines formalités prescrites par ces statuts; que c'est cette considération seule qui détermine le pontife à interposer son autorité; mais qu'en l'interposant, qu'en habilitant les

TOME XXII.

» Vous remarquez encore que, dans ce bref, Benoit XIV distingue plusieurs sortes de concessions que l'hôpital du Saint-Esprit fait de ses batards aux hommes comme aux femmes; que les unes sont qualifiées d'affiliations, d'adoptions; que les autres sont appelées adrogations; que d'autres n'imposent à ceux qui se chargent des bâtards, d'autre obligation que celle de leur apprendre un métier ou de les garder jusqu'à l'âge nubile; qu'il abandonne l'effet de ces diverses concessions à la volonté des parties et aux clauses. qui la manifestent; mais qu'il veut absolument que ces clauses aient tout leur effet; et, par conséquent, que, si ces clauses portent le caractère, soit d'adoption proprement dite, soit d'adrogation, elles soient exécutées comme adrogation, comme adoption proprement dite.

» Or, ce caractère, nous le trouvons tout entier dans les clauses de l'acte du 15 mai 1804. Ces clauses nous présentent, de la part de Benoit Ferretti, une véritable adrogation de Michel Projetto; elles nous présentent, de la part de l'épouse de Benoît Ferretti, une véritable adoption du même enfant. MichelProjetto est donc devenu, par la puissance de cet acte, le fils adrogé de Benoît Ferretti, comme il est devenu le fils adoptif de l'épouse de celui-ci : ou plutôt, pour parler un langage plus rapproché de nos mœurs, il est devenu le fils adoptif de l'un et de l'autre. Et il l'est devenu, nonobstant le défaut de rescrit spécial du souverain, nonobstant le défaut de décret du juge, nonobstant le défaut d'information de commodo et incommodo, nonobstant le défaut de caution de rendre les biens qu'il pourrait acquérir avant sa puberté; parceque toutes ces considérations particulières, auxquelles le droit romain avait subordonné l'adoption des impubéres sui juris, ont été abolies, à l'égard des

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élèves de l'hôpital du Saint-Esprit, par un usage que le bref de Benoît XIV a converti en loi.

» Maintenant que peut-on alléguer pour la justification de l'arrêt qui déclare que Michel Projetto n'était pas le fils adoptif de Benoît Ferretti?

» Il n'a fait, vous dit-on, que se conformer à l'interprétation qu'une décison de la rote romaine, du 24 avril 1761, avait donnée au bref de Benoît XIV, du 21 décembre 1749; et c'en est assez pour le mettre à l'abri de la cassation.

» Mais cette décision, dans quelles circonstances la rote romaine l'avait-elle rendue, et qu'en résulte-t-il pour l'espèce actuelle?

>>En 1703, acte notarié, par lequel le commissaire de l'hôpital du Saint-Esprit donne un enfant trouvé de cet hôpital, nommé Alexandre, et úgé de cinq ans, en adoption à Philippe Cocchi, artiste distingué, lequel déclare le subroger et l'adopter pour son fils; et promet de le garder dans sa maison, de l'élever, et de l'instituer, à sa mort, hé. ritier universel dans tous ses biens concur. remment avec ses autres enfans, s'il en a.

» Philippe Cocchi tient sa promesse quant à la nourriture et à l'éducation. Mais il meurt en 1721, célibataire et sans testament. Son frère recueille toute sa succession ab intestat, en jouit paisiblement jusqu'à sa mort, et la transmet à Pierre Olivier, son neveu, qu'il institue héritier universel. Plusieurs années se passent, sans qu'Alexandre élève aucune réclamation. Mais, en 1754, trente-trois ans après la mort de Philippe Cocchi, il intente, contre Pierre Olivier, une action en délaissement de l'hérédité de son père adoptif; et il produit, pour justifier sa demande, une longue et presque innombrable serie d'actes d'adoption d'enfans trouvés de l'hôpital du Saint-Esprit, qui remontent à l'année 1520, des jugemens qui ont ordonné l'exécution de plusieurs de ces actes, les brefs des papes qui en ont confirmé l'usage, et une déclaration de la congrégation des cardinaux interprètes du concile de Trente, du 25 septembre 1734, portant qu'il y avait empêchement dirimant de mariage entre un enfant trouvé de l'hôpital du Saint-Esprit et la veuve de son père adoptif. Cependant les premiers juges le déboutent. Il appelle, et sans succès. Par la décision citée, la rote romaine déclare qu'il a été bien jugé.

» Mais quels ont été les motifs de cette décison?

» Elle nous apprend elle-même que quel ques-uns des juges seulement ont été d'avis

que, dans tous les actes d'adoption ou d'adrogation qui étaient produits par Alexandre, et même dans les brefs pontificaux qui confirmaient l'usage de ces actes, il n'était question ni d'adoptions ni d'adrogations véritables, mais de simples affiliations, espèce de contrat innommé, susceptible de tous les pactes, de toutes les conventions qu'il plaisait à celui qui donnait et à celui qui recevait l'enfant, d'y faire insérer et nonnulli quidem domini firmissimè arbitrabantur in omnibus adoptionum seu arrogationum instrumentis hactenus exhibitis, atque in ipsis pontificiis brevibus, non veram adoptionem seu arrogationem, sed simplicem contineri ac significari innominatum contractum affiliationis nonnullis vallatum pactionibus et obligationibus, prout danti accipientique puerum seu puellam, magis placuit et arrisit.

» La décision rappelle fort au long tous les raisonnemens qu'employaient à l'appui de cette opinion, le petit nombre des juges qui la soutenaient. Mais elle fait assez entendre que cette opinion était combattue par la grande majorité; telle fut, dit le rédacteur, l'avis de quelques-uns des messieurs : hoc nonnullorum dominorum sententia. Du reste, toutes les voix se sont accordées à dire qu'il y avait, dans l'adrogation d'Alexandre, un vice qui la rendait insoutenable; qu'Alexandre avait à peine cinq ans au moment de son adrogation; qu'à cet âge, un enfant n'a point de volonté, et ne diffère presque en rien d'un homme frappé de demence ou de fureur; que les lois romaines n'admettaient l'adoption et l'adrogation qu'à l'égard des enfans âgés de sept ans au moins; que l'usage avait encore été plus loin relativement aux enfans trouvés de l'hôpital du Saint-Esprit ; qu'il n'avait permis de les donner en adoption qu'à l'âge de douze ans ou environ, c'est-à-dire, de douze ans au moins commencés; que cet usage avait même été confirmé par le bref de Benoît XIV; et que ce bref, en tant qu'il le confirmait, devait s'appliquer même aux adoptions antérieures à sa date; qu'aussi remarquait-on que, de tous les jugemens produits par Alexandre, qui avaient déclaré les enfans-trouvés de l'hôpital du St.-Esprit, habiles à succéder à leurs pères adoptifs, il n'y en avait pas un seul qui n'eût pour objet des enfans adoptés à l'âge de douze ans ou plus; que c'etait aussi d'un enfant adopté à l'âge de douze ans qu'il s'agissait dans la déclaration des cardinaux interprètes du concile de Trente de 1734; qu'au surplus, l'adrogation d'Alexandre eût-elle été valable, elle n'aurait encore pu lui être d'aucun secours, parcequ'il

avait laisse prescrire, par une possession plus que trentenaire, son droit à la succession de Philippe Cocchi.

» Qu'aurait jugé la rote romaine, si l'adrogation d'Alexandre eût été valable dans son principe, et qu'Alexandre en eût réclamé l'effet en temps utile? La décision nous laisse assez pressentir que, dans cette double hypothèse, Alexandre eût été admis à la succession de Philippe Cocchi, et que, par conséquent, il eût été jugé véritable fils adoptif de celui qui l'avait adopté. Nous osons même croire que la rote romaine n'eût pas pu prononcer autrement, sans se mettre en opposition avec la déclaration des cardinaux interprètes du concile de Trente de 1734; car décider qu'il y a empêchement dirimant de mariage entre l'adopté et la veuve de l'adoptant, c'est bien décider que la loi établit entre l'adoptant et l'adopté le même rapport qu'entre le père naturel et son fils.

» Mais, si l'arrêt de la cour spéciale extraor dinaire de Rome, qui vous est dénoncé, ne peut pas être justifié par la décision de la rote romaine du 24 avril 1761, ne peut-on pas du moins le justifier par un autre moyen?

»Ne peut-on pas dire que l'art. 229 du Code pénal, dans la définition qu'il nous donne du Parricide, n'entend pas, par enfunt adoptif, l'enfant qui a été adopté dans une autre forme que celle qui est déterminée par le Code civil?

» Nous ne le pensons pas. Quelle raison y aurait-il, en effet, de restreindre jusqu'à ce point une disposition aussi générale, aussi indéfinie, aussi illimitée, que l'est celle de l'art. 129 du Code penal? Cette disposition embrasse tous les enfans adoptifs; elle doit donc leur être appliquée à tous. Elle ne peut pas l'être sans doute à ceux qui ne sont enfans adoptifs que de nom; mais ceux qui ne sont enfans adoptifs que par l'effet d'une adoption véritable, ceux qui ont reçu, par une adoption véritable, tous les droits d'enfans naturels et légitimes, ceux à qui une adoption véritable a impose tous les devoirs d'enfans proprement dits, pourquoi ne la leur appliquerait-on pas?

» Une chose du moins bien certaine, c'est qu'on ne peut pas se dispenser d'en faire l'application aux enfans adoptifs qui sont compris dans la loi transitoire du 25 germinal an 11; car, en disant que toutes adoptions faites par actes authentiques depuis le 18 janvier 1792 jusqu'à la publication des dispositions du Code civil relatives à l'adop tion, seront valables, quand elles n'auraient été accompagnées d'aucune des conditions

depuis imposées pour adopter et être adoptés, cette loi est bien censée dire que ces adoptions confèrent aux enfans qui en ont été l'objet, tous les droits des enfans adoptifs du Code civil, et leur en imposent tous les devoirs; et il est évident que l'art. 229 du Code pénal se réfère tout aussi bien aux enfans adoptifs dont il est parlé dans cette loi, qu'aux enfans adoptifs dont il est parlé dans le Code civil.

» Or, d'une part, la loi du 25 germinal an 11 a été publiée dans les ci-devant états romains. Elle l'a été au mois d'août 1809, et elle est insérée dans le bulletin des lois que la consulte extraordinaire a fait imprimer à Rome.

» D'un autre côté, c'est par un acte authentique, c'est depuis le 18 janvier 1792, qu'a été faite l'adoption de Michel Projetto.

» L'adoption de Michel Projetto devait donc avoir, aux yeux de la cour spéciale extraordinaire de Rome, tous les effets d'une adoption qui eût été faite depuis la mise en activité du Code civil; elle devait donc faire considérer Michel Projetto, d'après l'art. 229 du Code pénal, comme coupable du crime de Parricide dans la personne de Benoit Ferretti.

» Il est vrai que, sous l'ancienne jurisprudence, c'était une question si la peine du Parricide devait être appliquéc à l'adopté qui tuait l'adoptant.

» Mais outre que l'affirmative était soutenue par Voët, sur le digeste, titre De lege Pompeid de parricidiis, no. 3, et étayée par ce jurisconsulte de raisons qui nous paraissent inexpugnables, cette question n'en est plus une depuis la publication du Code penal, et c'est depuis la publication du Code pénal qu'a été commis le crime de Michel Projetto.

» Quoi de plus juste d'ailleurs, quoi de plus moral que la disposition de ce Code! «En plaçant sur la même ligne (disait l'o

rateur du corps législatif, en lui présen» tant cette disposition, à la séance du 17 » février 1810), en plaçant sur la même » ligne le père naturel et le père adoptif, » le projet de loi rend hommage à la parter» nité légale, consolante image de la pater» nité réelle; il consacre cette grande et » utile leçon de morale, que les liens de » la recounaissance ne doivent pas être >> moins sacrés que ceux de la nature ».

» Mais de tout cela conclurons-nous que vous devez casser l'arrêt de la cour spéciale extraordinaire de Rome, qui n'a condamne

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