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Là, le sieur Grumsel articule de nouveaux faits, et demande que ses adversaires soient interroges sur le tout. Les intimés avouent, à l'audience, plusieurs de ces faits et nient les autres.

La demande à fin d'interrogatoire est jointe au fond.

Par arrêt du 20 thermidor an 13,

« Attendu que la dame de Goër, mère et belle-mère des parties, morte le 8 mars 1791, avait fait un testament par lequel elle avait ordonné que tous ses biens fonds, forges et fourneaux, terres, prairies et bois situés dans la province de Luxembourg, resteraient en commun entre ses enfans, sans pouvoir les aliener, sinon du consentement mutuel et unanime, sans que la pluralité pût l'emporter; qu'en exécution de cette disposition testamentaire, acceptée par tous les héritiers, les biens de la testatrice et même ceux de son époux prédécédé sont restés indivis entre leurs enfans jusqu'à cette date; et que cette indivision ou communauté a subsisté même après la mort de l'épouse de l'appelant, l'un desdits enfans; que, parmi les biens de la testatrice, se trouvaient les forges et four neaux de St.-Ode, qu'elle exploitait elle même et dont l'exploitation a été continuée par tous ses enfans, qui ont partagé le profit commun que produisait ce genre de commerce; que, si l'exploitation de ces forges, continuée entre tous les enfans de la testatrice, a fait naître entre eux une société de commerce, cette société ne peut être considérée que comme dependante d'une communauté de biens dont elle faisait partie, et dont elle doit suivre le sort, puisque la mère commune n'a pas manifeste, pour ses forges et fourneaux, une volonté différente que pour le reste de ses biens fonds; qu'il résulte de là, que la société ne pouvant durer plus long-temps que la communauté, l'appelant ne peut s'opposer à la dissolution de cette société, puisqu'il ne s'oppose pas au Partage de la communauté;

» Que l'appelant, pour s'opposer à la dissolution de cette société, allègue 1o. Ja volonté de la testatrice; 2°. que les intimes ont fait leur renonciation sans boune foi; 3°. qu'ils l'ont faite à contre-temps;

» Qu'il ne résulte point évidemment du testament de la dame de Goër, qu'elle ait voulu établir une société de commerce entre ses enfans; qu'alors même que cette société serait prouvée, il ne s'ensuivrait pas qu'elle eût ordonné que cette société serait continuée entre ses petits-enfans, ni qu'elle eût défendu aux associés d'employer les moyens de droit TOME XXII.

pour en operer la dissolution; qu'ainsi, la demande des intimés n'est point en opposi tion directe avec la volonté de la testatrice, puisque cette volonté a été exécutée jusqu'à la mort de l'un des associés, l'épouse de l'appelant; puisque, par cette mort, la société a eté dissoute de plein droit, et puisque ladite testatrice n'a ni voulu ni même pu priver l'un de ses héritiers du droit de dissoudre, par une renonciation formelle, cette société dont la durée serait illimitée, et dont, par conséquent, l'un des associés pouvait, en y renonçant, provoquer la dissolution;

» Qu'il n'est nullement prouvé que cette renonciation soit faite sans bonne foi; que l'appelant fonde cette exception sur la volonté que trois des intimes auraient manifestée d'acquérir pour eux seuls les forges et fourneaux; mais que ce projet, fùt-il prouvé, n'est point un dol; que les intimés ont demandé que ces objets fussent mis en licitation publique; qu'alors il sera libre et aux intimes et à l'appelant, et à tout autre, de les acquérir, sans que l'on puisse accuser comme frauduleux, le projet de s'associer pour faire une pareille acquisition; que, d'ailleurs, cette imputation n'etant faite qu'à trois des intimés, elle ne peut blesser les droits des trois autres auxquels on ne reproche point le défaut de bonne foi, et qui ont aussi demande le Partage de la communauté et la dissolution de la société;

» Que l'appelant fonde sa dernière exception sur l'état florissant des forges et fourneaux, sur les grands bénéfices que cette exploitation procure; mais que ces circons tances favorables ne prouvent pas que la renonciation à ladite société soit faite à contretemps; car, si ces objets doivent être vendus publiquement, il est évident que le prix de la vente sera proportionné à l'état brillant dans lequel ils se trouvent; et qu'il est avan tageux à tous de saisir ce moment pour en faire l'alienation; qu'il semble, au contraire, que l'exception de contre-temps pourrait être admise, si on alleguait à l'appui qu'il y a interruption dans cette branche de commerce, et que les forges sont dans l'inaction; qu'alors la perte à supporter par les associés, serait évidente; et que l'intérêt de tous pour rait exiger que le moment de la dissolution fût recule; mais que cet état prospère ne présente pas le même résultat; et que les associés ont trouvé qu'il leur était plus avantageux de se séparer et de disposer de leurs parts respectives, que de rester en communauté et de partager des bénéfices qui ne sont ja mais exempts de quelque danger, et auxquels 39

un peu d'incertitude est toujours attaché;

» Qu'il est démontré par tout ce qui précede, que les faits et articles ne sont pas pertinens, et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner aux intimés ou à l'un d'eux d'y répondre;

» Par ces motifs, la cour dit qu'il a été bien jugé.... ».

Le sieur Grumsel se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

« Si nous avons bien saisi les moyens de cassation que le demandeur vous propose d'une manière assez vague et assez confuse (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 22 juillet 1807), ils se réduisent à trois propositions: 1o. la cour d'appel de Liége a violé les lois romaines qui commandent l'éxécution des testamens; 2o. elle a violé les dispositions de l'ordonnance de 1667, qui permettent aux parties de se faire interroger mutuellement et en tout état de cause sur faits et articles; 3o. elle a violé les dispositions du droit romain et du Code civil, qui prohibent les renonciations intempestives aux sociétés dont la durée est indéfinie.

» De ces trois propositions, le demandeur ne soutient la première que très-faiblement; et, en effet, les lois romaines, malgré le respect qu'elles montraient, en général, pour les dernières volontés des mourans, ne laissaient cependant pas aux testateurs le pouvoir de forcer leurs héritiers à demeurer perpétuellement dans l'indivision. La loi 4, D. de conditionibus institutionum, dit bien qu'un testateur peut, en instituant plusieurs heritiers, leur imposer la condition de jouir en commun de sa succession pendant un temps limité; mais par là-même, elle fait assez entendre que la condition serait nulle, si elle avait pour objet d'empêcher à jamais tout Partage. C'est d'ailleurs ce qui résulte d'un raisonnement très-simple que font tous les interprètes : il est constant que les testateurs ne peuvent pas, par leurs testamens, imposer à leurs héritiers des conditions que ceux-ci ne pourraient pas s'imposer à eux-mêmes par des conventions passées entre eux: or, quoique l'on puisse convenir de demeurer dans l'indivision pendant un certain temps, on ne peut néanmoins pas convenir d'y demeurer à perpétuité, et une telle convention ne serait pas obligatoire c'est ce que décide la loi 14, S. 2 et 3, D. Communi dividendo; et vous savez, messieurs, que l'art. 815 du Code civil a érigé cette décision en loi nationale.

» Ainsi, de deux choses l'une : ou la dame de Goër a voulu que ses héritiers demeurassent perpétuellement dans l'indivision; et dans ce cas, sa volonté a pu être impunément

enfreinte par ses héritiers : ou elle n'a voulu maintenir l'indivision que pendant le temps que vivraient tous ses héritiers immédiats; et dans ce cas, sans examiner si elle a pu aller aussi loin, sa volonté a du moins reçu sa pleine exécution, puisque le Partage n'a été provoqué qu'après la mort de l'un de ses enfans.

» Mais, quelque sens que l'on donne à sa disposition, il est impossible d'apercevoir, dans l'arrêt attaqué, l'ombre même la plus légère d'une contravention aux lois romaines.

» La deuxième proposition du demandeur est-elle mieux fondée, ou, en d'autres termes, l'arrêt attaqué viole-t-il les dispositions de l'art. 1er. du tit. 10 de l'ordonnance de 1667?

» Pour répondre à cette question, prenons le texte de l'ordonnance même : Permettons aux parties de se faire interroger, en tout état de cause, sur faits et articles PERTINENS, concernant seulement la matière dont est question. Ce n'est donc que sur les faits et articles pertinens, c'est-à-dire, qui peuvent influer sur le jugement du procès, que les parties peuvent se faire interroger respectivement. Or, les faits sur lesquels le demandeur a prétendu faire interroger ses adversaires, étaient-ils pertinens? La cour d'appel de Liége a décidé qu'ils ne l'étaient pas; et il n'entre pas dans les attributions de la cour suprême, d'examiner si, à cet égard, elle a bien ou mal jugé.

» La troisième proposition du demandeur est, comme nous l'avons dit, que l'arrêt dont il se plaint, a violé les dispositions du droit romain, renouvelées par le Code civil, qui prohibent les renonciations intempestives aux sociétés contractées pour un temps indéfini.

» Mais d'abord, ces dispositions ne sont pas directement applicables à la demande en Partage d'une communauté qui a été ordonnée par un testament, et qui n'est pas l'effet direct d'une convention parfaitement libre; et dès qu'elles n'y sont pas directement applicables, dès qu'elles ne pourraient s'y appliquer que par une analogie plus ou moins plausible, il est bien évident qu'il ne peut en résulter, pour le demandeur, aucun moyen de cassa

tion.

» Ensuite, la cour d'appel de Liége a de cidé, en point de fait, que la renonciation des adversaires du demandeur, à ce qu'il appelait leur société de commerce, n'était point faite à contre-temps; et que, quand même quelquesuns d'entre eux pourraient être accusés d'y avoir mis peu de bonne foi, on n'en pouvait rien conclure à l'égard des autres qui, comme eux, provoquaient le Partage, et contre les

quels le demandeur n'articulait rien de défavorable.

» L'arrêt attaqué est donc à l'abri de tout reproche; et, par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête du demandeur ».

Par arrêt du 22 juillet 1807, au rapport de M. Doutrepont,

« Attendu que le testament de feu la dame veuve de Goër a été ponctuellement exécuté, et qu'elle n'a pas voulu ni pu vouloir que la communauté qu'elle avait ordonnée entre ses enfans fût éternelle;

» Que la cour d'appel a décidé, en point de fait, que la dissolution de la communauté était demandée en temps opportun, et qu'elle n'a reconnu aucune mauvaise foi dans les procédés des adversaires du demandeur;

» Que l'ordonnance de 1667 n'ordonne l'interrogat que sur les faits pertinens, et que la cour d'appel a jugé, en point de fait, que ceux proposés par le demandeur ne l'étaient pas;

» La cour rejette le pourvoi...... ». ]]

La première des questions agitées dans l'espèce précédente, ne pouvait souffrir aucune difficulté d'après les règles de l'ancienne jurisprudence sous laquelle avait été fait le testament qui y donnait lieu.

Mais il s'en présente une d'un plus grand intérêt c'est de savoir jusqu'à quel point l'art. 815 du Code civil s'accorde avec ces règles, et en quoi il en diffère.

Fixons-nous d'abord avec plus de précision que nous ne l'avons fait dans les conclusions ci-dessus, sur les dispositions des lois romaines relatives à la matière.

Ces lois déclaraient nulle toute convention par laquelle des communiers se seraient engagés à ne jamais provoquer le Partage les uns contre les autres : si conveniat ne omninò divisio fiat, hujusmodi pactum nullas vires habere manifestissimum est, disait la loi 14,

S. 2, D. communi dividendo.

Pourquoi une pareille convention étaitelle nulle aux yeux des législateurs romains? Parceque l'indivision est une source de querelles entre les communiers, et que tout ce . qui tend à troubler le repos des familles, porte un caractère d'immoralité qui doit en déterminer la réprobation dans tout état bien administré. Non valent (dit le président Favre, dans ses Rationalia sur la loi citée) pacta quæ sunt contrà leges et bonum publicum. L. 7, S. 7, L. 38 et L. 42, D. de Pactis). Juris autem civilis sanctio et regula est nemi

nem cogi posse ut invitus remaneat in indivisione (L. ult C. h. t.), propter discordias quas, ut toties diximus, materia communionis excitare solet (L. 77, S. dulcissimis, D. de Legatis 2o.), et quas sedare publicè interest, ut concordia potiùs inter cives retineatur, quo potissimùm vinculo reipublicæ salus contineatur, quæ suprema lex semper esse debet.

Cependant les législateurs romains autorisaient les conventions qui ne faisaient que suspendre le partage pendant un certain temps: c'était même la décision expresse de la loi que nous venons de rappeler, et elle était motivée sur l'intérêt que pouvait avoir la chose commune elle-même à n'être pas partagée dans telles ou telles circonstances: sin autem intrà certum tempus, quod etiam ipsius rei utilitati prodest, valet.

En était-il, à cet égard, des dispositions du testateur comme des conventions des heritiers? En d'autres termes, le testateur pouvait-il interdire à perpétuité le Partage entre ses héritiers? Pouvait-il du moins l'interdire pour un temps déterminé ?

Qu'il ne pût pas l'interdire à perpétuité, c'était une opinion universellement reçue; et elle était fondée sur le grand principe que le testateur ne peut efficacement rien prescrire qui soit contraire au bien public et aux bonnes mœurs.

Mais tous les docteurs qui, à ma connaissance, se sont occupés de cette matière, tenaient pour constant qu'il pouvait, sous le droit romain, interdire le Partage pendant un temps quelconque, même indefini, par exemple, durant la vie de telle personne; ad tempus etiam longum, vel quamdiù certa persona vixerit, disait Voet, sur le Digeste, liv. 10, tit. 2, no. 32.

Ce n'est pas qu'ils ne convinssent tous que cette prohibition était sans effet, lorsqu'elle n'était pas faite dans l'intérêt de l'un ou de plusieurs des héritiers. Dans ce cas, disaientils, elle n'est que ce qu'on appelle en droit nudum præceptum ; et elle n'est pas plus obligatoire pour les héritiers, que ne le serait, aux termes des lois 114, §. 14, D. de Legatis 10., et 38, S. 4, D. de Legatis 3o., la défense que leur ferait le testateur d'aliener les biens de sa succession, sans désigner les personnes en faveur de qui elle serait faite; pas plus que ne le serait, aux termes de la loi 71, D. de conditionibus et demonstrationibus, l'injonction que ferait un testateur à celui à qui il lègue une somme d'argent, de l'employer à s'acheter un fonds de terre.

Mais ils s'accordaient tous à regarder comme obligatoire la prohibition du Partage pendant un temps limité, lorsque l'un ou plusieurs des héritiers devaient en retirer quelque avantage (1).

Il s'en faut pourtant de beaucoup que les textes du droit romain qu'ils citaient à l'appui de cette opinion la justifiassent.

Ces textes sont la loi dernière, §. 3, D. de Legatis 20.; la loi 78, D. ad senatus-consultum Trebellianum; et la loi 3, D. de conditionibus institutionum.

Les deux premières, qui ne sont que la répetition l'une de l'autre, supposent un testateur qui enjoint à sa fille et à son épouse de mettre en commun, après sa mort, tout ce qu'il laissera et tout ce qu'elles auront en propre rogo ut quidquid ego reliquero et quod vos ipsæ habetis, commune vobis sit; et elles décident que la mère pourra exiger la moitié des biens du père, en offrant de mettre en commun tous ses propres biens : quæritur an aliqua pars hereditatis Lucii Titii à filid deberetur, et quota? Respondi, secundùm ea quæ proponerentur, dimidiam partem deberi, si modò uxor parata sit in commune bona sua conferre. Est-ce là décider que la mère ne pourra pas, après avoir mis ses propres biens en commun avec ceux du père, demander le Partage du tout, même pendant un temps quelconque ? Non certainement. C'est déclarer, et rien de plus, que la mère sera obligée, pour venir au Partage des biens de son mari, de joindre ses propres biens à la masse qu'ils composent, comme les enfans donataires sont obligés de rapporter à la suc. cession du père commun, ce qu'il leur a avancé de son vivant.

La troisième loi n'est pas moins insignifiante. Transcrivons-en les termes (que je n'avais fait que lire rapidement, je l'avoue, lorsque je la citai dans les conclusions rapportées ci-dessus):

Si qui ità sint instituti : SI SOCII UNA BONO

RUM MEORUM PERMANSERINT USQUE AD ANNOS

SEDECIM, HEREDES SUNTO, inutilem esse institutionem, secundùm verhorum significationem, Marcellus ait. Julianus autem, quo

niam et antè aditam hereditatem iniri societas potest, quasi rei futuræ, valere institu tionem, quod verius est.

La loi déclare donc valable, contre l'avis du jurisconsulte Marcellus, l'institution que le testateur a fait dépendre de la condition

(1) V. Lebrun, traité des successions, liv. 4, tit. 1, n..

que les institués demeureraient associés dans ses biens pendant 16 années.

Nous disons associés, et il faut bien faire attention que c'est de cette expression même que se sert le testateur dans la formule qui est l'objet de la loi. L'intention du testateur, en employant cette expression, n'est donc pas seulement que ses institués restent dans l'indivision pendant le temps qu'il determine; c'est encore qu'ils y restent eh qualité d'associés, c'est-à-dire, qu'ils commencent par former entre eux un contrat de société pour tout ce temps. Et la preuve que la loi suppose cette intention au testateur, et qu'elle prend le mot socii dont il a fait emploi, dans son acception stricte et littérale, c'est qu'elle termine par motiver sa decision sur la possibilité que les institués remplissent, en faisant entre eux un pareil contrat avant de se porter héritiers, la condition de laquelle le testateur a fait dépendre leur institution.

Maintenant pourquoi Marcellus regardaitil cette institution comme nulle? Était-ce parcequ'elle imposait aux institués une charge illégale, celle de demeurer seize ans en société? Non, car, d'un côté, l'association pendant seize années n'était pas prescrite comme charge, mais ce qui est bien different, comme condition. Et d'un autre côté, si le jurisconsulte Marcellus n'en eût considéré que l'illégalite, il n'en aurait point tiré la conséquence que l'institution était nulle; il en aurait simplement inferé que la condition devait être réputée non écrite, personne n'ayant jamais doute qu'une disposition testamentaire ne dut avoir tout son effet nonobstant l'illégalité de la condition que le testateur y avait apposée.

Aussi voyons-nous que Marcellus ne fondait la nullité de l'institution que sur la manière dont elle était conçue, secundùm verborum significationem; et en effet, à prendre littéralement les termes de l'institution, les institués ne pouvaient être héritiers qu'autant qu'ils possederaient les biens du testateur en commun pendant seize années; et cependant ils ne pouvaient en acquérir la possession en commun qu'autant qu'ils seraient héritiers: quippè, dit Godefroy, sur ce texte, heredes esse non possunt antequàm socii bonorum præsentium, neque socii, antequàm heredes, quia nondùm domini. C'était donc une de ces institutions que les lois romaines appelent perplexes, et qu'elles annullent comme telles, parcequ'elles sont subordonnées à des conditions qui s'excluent mutuellement, comme si un testateur disait : j'institue Titius, si Mévius est mon héritier;

་་

» et si Mévius est mon héritier, j'institue » Titus (1) ».

Pourquoi donc la loi réprouve-t-elle l'avis de Marcellus, et décide-t-elle que l'institution est valable? Parcequ'il est possible que les institués contractent pour seize ans, avant l'acceptation de l'hérédité, une société dans laquelle ils la feront entrer comme bien futur, et qu'en accomplissant, par ce moyen, la condition de laquelle dépend leur institution, ils deviennent, en se portant ensuite héritiers, propriétaires des biens du testateur : quoniam antè aditam hereditatem, iniri societas potest, quasi rei futuræ.

La loi n'a donc pas d'autre objet direct que de décider que l'institution dont elle s'occupe est exempte du vice de perplexité, et qu'elle doit avoir son effet au moyen de la société que les institués ont formée entre eux avant de se porter héritiers.

A la vérité, elle décide aussi indirectement qu'il n'y a rien d'illegal dans la condition apposée à cette institution; car si elle ne considérait pas cette condition comme legale, elle n'aurait pas besoin d'indiquer la manière dont cette condition peut être remplie à l'effet de faire valoir l'institution; elle n'aurait pas besoin de dire que les institués peuvent remplir cette condition en contractant une société à raison des biens de la succession, avant d'accepter la succession elle-même.

Mais, remarquons-le bien, cette condition n'est légale aux yeux de la loi, que parce. qu'elle peut être accomplie par un contrat de société formé entre les institués avant leur adition.

La légalité de la condition n'a donc pas pour fondement, aux yeux de la loi, le pouvoir qu'aurait le testateur d'obliger les institués à rester seize ans dans l'indivision, mais bien le pouvoir qu'ont les institués euxmêmes de s'engager à y rester tout ce temps.

Et dès là, c'est évidemment abuser de la loi que d'en inférer que, si, au lieu de dire, j'institue tels et tels, s'ils contractent, à raison de mes biens, une société pour le terme de seize ans, le testateur eût dit : j'institue tels et tels à la charge de demeurer, pendant seize ans, dans l'indivision, cette dernière disposition fut obligatoire.

Il y a, en effet, une grande différence entre l'une et l'autre maniére de disposer. Par la première, le testateur fait de l'exercice du pouvoir qu'ont les institués de renoncer,

(1) V. La loi 16, D. de Conditionibus institutio

num

par une convention et pour un temps limité, à la faculté de demander partage, la condition de l'institution par laquelle il les appelle à son herédité. Ce n'est qu'à cette condition qu'il les institue; et ils ne sont pas institués si cette condition manque. Mais par la seconde, il ne fait pas dépendre leur institution, soit d'une convention par laquelle il est en leur pouvoir de se lier, soit de tout autre événement casuel ou potestatif; il commence par les saisir de la succession dès l'instant de son décès; et ce n'est qu'après cela qu'il leur impose, comme obligation émanée de sa seule volonté, la charge de demeurer seize ans dans l'indivision.

Or, de ce qu'il peut disposer de la première de ces deux manières, il ne s'ensuit pas qu'il le puisse également de la seconde.

Qu'un testateur dise : je lègue telle somme à Pierre, s'il va résider en tel lieu, il fait une disposition conditionnelle; et la condition qu'il y appose, n'ayant d'autre objet que de fournir à Pierre de quoi faire face aux dépenses que lui occasionera son changement de domicile, il est certain que Pierre ne pourra exiger le legs qu'après avoir rempli cette condition.

Mais si un testateur dit : je lègue à Pierre telle somme, à la charge de fixer son domicile en tel lieu, il fait une disposition modale; et la loi 71, §. 2, D. de conditionibus et demonstrationibus, décide que Pierre peut exiger le legs sans se soumettre à la charge qui lui est imposée, parcequ'elle porte atteinte à la liberté naturelle qu'il a de demeurer où il lui convient le mieux (1).

Rien donc à conclure ici de ce que la loi 4, D. de conditionibus institutionum, suppose au testateur le pouvoir de faire dépendre son institution de la condition que ses institués feront usage de la faculté qu'ils ont de renoncer, par une convention librement consentie entre eux, à la faculté de sortir d'indivision pendant un temps quelconque.

Et inutilement Voet objecte-t-il qu'il n'y a pas de raison pour refuser au testateur le pouvoir d'imposer à ses héritiers une charge à laquelle ils peuvent s'assujétir eux-mêmes par une convention.

C'est sans doute très-bien raisonner que de dire : « les héritiers ne peuvent pas s'obliger » réciproquement, par une convention, à » demeurer perpétuellement dans l'indivi>>sion; donc le testateur ne peut pas non plus

(1) V. Les articles Condition, sect. 2, S. 5, art. 5; et Légataire, 3. 7, art. 2, no. 14.

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