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pour y être gardés et observés selon leur forme et teneur, par forme de réglement général; mandant et commandant à tous les juges, justiciers et officiers ainsi le faire, sous les peines contenues auxdits arrêts ».

XVIII. Ce n'était pas seulement par des ordonnances spéciales à chaque forêt, que les grands-maitres exerçaient le pouvoir que leur attribuait l'art. 5 du tit. 19 de l'ordonnance de 1669, de régler le nombre de bestiaux à mettre en pâturage par les usagers des forêts de l'Etat ils l'exerçaient encore par des ordonnances générales et communes à toutes les forêts de leur département.

Ce fut du moins par une ordonnance générale que le grand maître des eaux et forêts du département de Paris régla, le 30 mars 1718, relativement aux forêts domaniales de ce département, la quantité de bestiaux que les usagers pourraient y mettre en Pâturage: «Faisons pareillement défenses (était-il dit » dans cette ordonnance, art. 14) à tous les» dits usagers, soit qu'ils soient propriétaires » de fiefs, fermes, ou de plusieurs maisons, » d'envoyer paitre plus de deux vaches et » leurs suivans de deux ans, pour chacun » usager, avec un taureau, pour toute la paroisse ou hameau, sans aucuns chevaux, » poulains, moutons, brebis et chèvres, à » peine de confiscation, etc. (1) ».

XIX. D'après ce qui est dit plus haut, no. 3, sur l'applicabilité de toutes les dispositions du tit. 19 de l'ordonnance de 1669 aux forêts appartenant à des particuliers, quoiqu'elles ne portent textuellement que sur les forêts de l'Etat, il ne peut être douteux que les particuliers, propriétaires de bois grevés de Paturage, ne puissent se prévaloir de l'art. 5 de ce titre pour faire régler le nombre de bestiaux que les usagers peuvent y conduire.

Mais quelle était, sous l'ancien régime forestier, l'autorité à laquelle appartenait le pouvoir de faire de semblables réglemens?

On vient de voir que, pour les forêts de l'état grevées de droits de Pâturage, les grands-maitres en étaient expressément chargés par l'art. 5 du tit. 19 de cette loi: régler le nombre des bestiaux, était pour eux un devoir en même temps qu'un pouvoir; aussi n'avaient-ils besoin, pour remplir l'un et exercer l'autre, d'aucune espèce de réquisition: ils y procédaient de leur propre mouvement et d'office.

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Il n'en était pas de même pour les forêts des particuliers.

Les grands-maitres ne pouvaient y exercer d'office aucune juridiction; et comme le réglement du nombre des bestiaux à mettre en Paturage par les usagers d'un bois, est évidemment un acte de juridiction, il est clair qu'ils ne pouvaient pas d'office s'immiscer dans un pareil réglement.

Mais ils le pouvaient sans difficulté, lorsqu'ils en étaient requis par les propriétaires. C'est ce qui résulte de l'art. 2 du tit. 26 de l'ordonnance de 1669: « Permettons (y » est-il dit) aux grands-maitres et autres » officiers des eaux et forêts, la visite et ins»pection dans les bois des particuliers, pour » y faire observer la présente ordonnance et » réprimer les contraventions, sans qu'ils y » exercent aucune juridiction, et prennent » connaissance des ventes, garde, police et » délits ordinaires, s'ils n'en sont requis PAR » LES PROPRIÉTAIRES ».

Pour bien entendre cette disposition, il faut la rapprocher de la note qu'y ont mise les avocat et procureur généraux Simon et Segauld, dans leur conférence de l'ordonnance de 1669, avec les édits et réglemens sur les eaux et forêts: « La visite, inspection » (disent-ils) et punition des contraventions » permises par cet article aux officiers des » maitrises, est restreinte aux cas exprimés par l'art. 1er, du même tit. 26, c'est-à-dire, » visiter les bois quand ils sont en coupe, » pour reconnaitre s'ils ont dix ans, si on » réserve seize balivaux en chaque arpent de » bois taillis, dix dans les bois de haute fu» taie, si les balivaux des précédentes coupes » qu'on exploite, ont quarante ans, ceux des » futaies cent vingt, et si l'exploitation est » bien faite. Tous les autres cas ne sont pas » de la compétence des officiers des eaux et » forêts, à moins qu'ils n'aient été requis, » mais de celle des officiers des seigneurs ».

Ainsi, à l'exception de quelques objets dont il ne s'agit pas ici, les grands-maîtres ne pouvaient exercer aucune juridiction sur les bois appartenant à des particuliers, que lorsqu'ils en étaient requis par les propriétaires.

Mais de la même il suit que, lorsqu'ils en étaient requis par les propriétaires, ils pouvaient y faire les mêmes actes de juridiction que dans les forêts de l'Etat.

Et cette conséquence en amène tout naturellement une autre: c'est que, de même qu'ils pouvaient, dans ce cas, déclarer les bois des particuliers défensables, à l'effet d'antoriser les usagers à y introduire leurs bestiaux, ils pouvaient aussi, dans le même cas,

régler le nombre des bestiaux que les usagers avaient à mettre en Paturage dans ces bois.

XX. Mais aujourd'hui que n'existent plus ni les grands-maîtres des eaux et forêts, ni les officiers seigneuriaux sur lesquels ils avaient la prévention, en ce qui concernait les bois des particuliers, lorsqu'ils en étaient requis par les propriétaires, quelle est l'autorité qui les représente respectivement en cette matière ?.

On a vu plus haut, no. 3, que l'avis du conseil d'état du 18 brumaire an 14, approuvé le 16 frimaire de la même année, avait mis l'administration forestière à la place des uns et des autres quant au pouvoir de déclarer les bois defensables. Résulte-t-il de là que l'administration forestière leur est également subrogée quant au pouvoir de régler le nombre des bestiaux à mettre en Paturage par les usagers?

Voici une espèce dans laquelle cette question s'est présentée.

Le 8 septembre 1821, décision de l'admi nistration forestière qui, sur la demande de la commune de la Boissière, jouissant d'un droit de Pâturage dans la forêt de Merey, appartenant aux héritiers du duc de Bouillon, declare defensable un canton de cette forêt, et en même temps, sur la demande des propriétaires, fixe à 30 bêtes à cornes le nombre de celles que les usagers pourront y introduire.

La commune de la Boissière, mécontente de cette décision qui lui parait dégénérer en réduction arbitraire de son droit d'usage, fait assigner les héritiers de Bouillon devant le tribunal de première instance d'Évreux, pour les faire condamner à délivrer aux usagers un canton de bois suffisant pour un nombre plus considérable de bestiaux.

Jugement qui surseoit jusqu'à ce que la commune soit autorisée par le conseil de préfecture.

Le conseil de prefecture, requis en conséquence par la commune de l'autoriser à poursuivre son action, considère que la commune n'a pas besoin, en l'état, de recourir aux tribunaux; qu'une voie plus simple et moins dispendieuse lui est ouverte; qu'elle peut s'adresser au ministre des finances, pour en obtenir la réformation de l'acte forestier dont elle se plaint; et par ces motifs, il prend un arrêté par lequel, avant de statuer sur la demande en autorisation, il renvoie la commune à se pourvoir devant le ministre.

La commune dénonce cet arrêté au conseil

d'état, comme renfermant un déni de justice? mais sa requête est rejetée.

Elle s'adresse donc au ministre des finances, et tout en convenant que l'administration forestière est compétente pour déterminer la défensabilité des bois, elle soutient que cette attribution n'emporte pas celle de déterminer le nombre de bestiaux à envoyer dans les cantons defensables.

Avant de prononcer, le ministre demande l'avis de l'administration forestière; et le 11 janvier 1823, cette administration lui fait un rapport dans lequel, après avoir exposé les faits, elle s'explique ainsi :

« L'administration forestière est restée dans les bornes de ses attributions, en déterminant les cantons défensables et le nombre des bestiaux à y introduire. Ce n'est pas dans les titres et dans la possession des usagers qu'elle devait puiser sa détermination; elle a dù se régler sur la quantité d'hectares reconnus défensables, sur leurs produits en herbes et fruits sauvages, et proportionner le nombre des bestiaux à cette possibilité.

» Les concessions de droits d'usage ne sont pas semblables aux contrats qui font la loi perpetuelle des parties: elles ne constituent

pas

que

des droits rigoureux et positifs; elles sont toujours soumises à ce qu'exige, soit l'intérêt public, soit l'intérêt du propriétaire. La loi selon veut qu'ils ne puissent être exercés la possibilité de la forêt et autant que son état peut le permettre. Si elle ne peut plus posseder le droit, il est éteint ou aneanti. S'il

survient des innovations ou des réformes dans le régime du fond, le droit d'usage se réforme ou se modifie suivant ce régime. Quant au mode de l'exercer de la part des communes, leurs obligations sont aussi rigoureuses que multipliées. Chaque habitant demeure exclu personnellement de l'entrée des bois; les bestiaux n'y sont admis que dans les cantons defensables où ils sont conduits par les routes et chemins désignés, sous la conduite d'un seul påtre dont la commune répond. Ils doivent avoir une sonnette au col, être marqués d'une marque différente pour chaque commune ou hameau ayant droit de troupeau à part, et ne rester en forêt que depuis le lever jusqu'au coucher du soleil.

» Ces principes, contenus dans tous les anciens réglemens, ont été consacrés par Fordonnance de 1669, et adoptés, pour les bois des particuliers, par le décret du 17 nivóse an 13, et l'avis du conseil d'état du 16 frimaire an 14. Ils donnent à l'administration forestière le droit de déclarer les cantons défensables. Cette déclaration serait imparfaite, si

elle ne déterminait en même temps le nombre des bestiaux à y introduire. L'usage constant suivi sur ce point par les différens états annuellement arrêtés par l'administration dans des cas semblables, prouve suffisamment que le droit de fixer le nombre de bestiaux que peut comporter l'étendue des cantons ouverts au parcours, est une suite nécessaire de la déclaration de défensabilité. Si on en mettait beaucoup plus que le canton n'est capable d'en nourrir, ce serait alors qu'après avoir consomme toute l'herbe, les bestiaux se jetteraient sur les jeunes rejets, ou se precipiteraient dans le surplus de la forêt dont ils causeraient la ruine.

» Le puissant intérêt de la conservation des forêts, ainsi que les principes de la législation, proscrivent donc le système de la

commune ».

Le 5 novembre de la même année, décision du ministre ainsi conçue :

« Le ministre secrétaire d'état des finances, » Vu un mémoire présenté par la commune de Laboissière, département de l'Eure, pour obtenir l'annullation d'une décision des admi

nistrateurs des forêts, en date du 8 septembre 1821, laquelle, en déterminant le nombre d'hectares de bois déclarés defensables dans la forêt de Merey appartenant aux héritiers de Bouillon, limite à trente le nombre de bêtes aumailles que la commune pourra y envoyer en Paturage en vertu de ses droits d'usage, tandis que les bestiaux pour lesquels elle jouit de ces droits, sont au nombre de 73 vaches, 7 anes et 7 porcs, suivant l'état qui en a été régulièrement dressé par le maire et signifié aux héritiers de Bouillon; ledit mémoire concluant à ce que cette décision soit annulée pour cause d'incompétence, quant à la fixation du nombre des bestiaux, et à ce que ladite commune soit délaissée à se pourvoir devant les tribunaux ordinaires pour faire statuer à cet égard contradictoirement avec les héritiers de Bouillon.......;

» Vu l'avis émis par le comité des finances, le 18 octobre dernier;

» Considérant que, si l'administration des forêts a incontestablement le droit exclusif de déterminer, dans les bois des particuliers, quelles sont les parties défensables, aucune Joi ni aucun acte du gouvernement ne lui attribue le droit de limiter le nombre des bestiaux que les usagers doivent ensuite en voyer en Pâturage ou pacage dans les cantons déclarés défensables;

» Qu'en effet, le tit. 19 de l'ordonnance de 1669, dont les art. 2 et 5 font seuls mention de la fixation du nombre des bestiaux des

usagers dans les bois et forêts du domaine, ne contient aucune disposition qui en fasse l'application aux bois des particuliers;

» Que, lorsque l'administration des forêts a constaté, dans les bois des particuliers, quelles sont les parties défensables, elle a consomme son ministère; et que, du moment où elle a ainsi reconnu et déclaré que les bois n'ont plus rien à craindre de la dent des bestiaux, s'il s'élève des contestations entre les particuliers et les usagers, sur le nombre des animaux, c'est aux tribunaux seuls à statuer à cet égard d'après les titres et droits des particuliers;

» Décide ce qui suit:

» La décision de l'administration des forêts, en date du 8 septembre 1821, est maintenue en ce qu'elle détermine le nombre d'hectares de bois déclarés defensables dans la forêt de Merey;

» Cette décision est annulée dans la disposition qui fixe le nombre des bestiaux à y envoyer en pacage et en fait la répartition entre les trois communes usagéres :

» Sauf à la commune de Laboissière à se

pourvoir, en cas de contestation, devant les tribunaux pour faire statuer à cet égard ».

Les héritiers de Bouillon se sont pourvus devant le conseil d'état contre cette decision; mais leur requête a été rejetée par une ordon nance du roi, du 4 février 1824; et elle l'a ete, s'il en faut croire M. Sirey (jurispru dence de la cour de cassation, tome 24, partie 2, page 382), « attendu que, lorsque » l'administration des forêts a constaté, dans » les bois des particuliers, quelles sont les » parties defensables, elle a consommé son » ministère; que, si, après qu'elle a reconnu » et déclaré que lesdits bois sont défensables, » il s'élève des contestations entre les pro» priétaires et les usagers, sur le nombre des >> animaux que ceux-ci peuvent envoyer dans » la forêt, c'est aux tribunaux seuls a statuer » à cet égard, d'après les titres et droits des » parties; que, par conséquent, notre minis» tre des finances a décidé avec raison que » l'administration forestière a excédé ses » pouvoirs en déterminant la quotité des » bestiaux que les trois communes devront » envoyer dans la forêt de Merey ».

Mais la vérité est que ces motifs, adoptés par le conseil d'état et consignés dans le projet d'ordonnance présenté à la signature du roi, ne sont pas ceux de l'ordonnance ellemême, et qu'elle est uniquement motivée sur ce que les héritiers de Bouillon n'ayant pas eté parties dans la décision ministérielle, devaient, avant de l'attaquer par appel devant

en

le conseil d'état, l'attaquer par opposition rien de spécial quant aux forêts de l'état, er devant le ministre.

Les héritiers de Bouillon ont suivi la mar. che que leur traçait cette ordonnance : ils ont adressé au ministre des finances un mé moire tendant au rapport de sa décision; voici la substance des moyens qu'ils y ont fait valoir.

« Pour établir que les administrateurs généraux des forêts ne peuvent pas argumenter du droit exclusif qu'ils ont de déclarer defen sables les bois des particuliers, à leur prétention de régler le nombre de bestiaux que les usagers de ces bois doivent être admis à y introduire, la décision du 5 novembre 1823 se fonde sur ce que le titre de l'ordonnance de 1669, dont les art. 2 et 5 font seuls mention de la fixation du nombre des bestiaux des usagers dans les bois et forêts du domaine, ne contient aucune dispoition qui en fasse l'application aux bois des particuliers.

» Elle convient donc implicitement que les administrateurs generaux des forêts seraient fondes dans leur prétention, si les dispositions du tit. 19 de l'ordonnance de 1669 relatives au réglement du nombre des bestiaux, n'étaient pas limitées aux bois de l'Etat, si elles étaient communes aux bois des particuliers.

» Mais, dès lors, comment peut-elle se soutenir ?

» Il est vrai que, des le premier article de son tit. 19, l'ordonnance annonce qu'elle ne va disposer que pour les forêts de l'Etat : « permettrons (y est-il dit ) aux differentes » communautés, habitans, particuliers usa »gers dénommés en l'état arrêté en notre » conseil, d'exercer leurs droits de pacage et » Pâturage pour leurs porcs et bêtes aumail»les, dans toutes nos forets, bois et buissons, » aux endroits qui auront été déclarés defen"sables par les grands maitres....., et dans » toutes les landes ou bruyères dépendantes » de nos domaines ».

» Mais il n'en est pas moins constant (1) que toutes les dispositions de ce titre sont communes aux bois des particuliers et aux droits de Paturage dont ils sont grevés.

» Il n'en est pas moins constant, par une conséquence nécessaire, que le nombre des bestiaux à mettre en Paturage par les usagers, peut, d'après l'art. 5. de ce titre, être limité pour les bois des particuliers comme pour les bois de l'Etat.

» Dira-t-on, pour justifier la décision ministérielle du 5 novembre 1823, que, si l'art. 5 du tit. 19 de l'ordonnance de 1669 ne renferme

(1) V. ci-dessus, no. 3.

tant qu'il prescrit les réglemens du nombre des bestiaux à mettre en Páturage par les usagers, du moins c'est uniquement ces forets qu'il a en vue dans l'attribution qu'il fait aux grands-maitres du droit de faire de pareils réglemens; et que, dès lors, l'administration forestière, quoiqu'aux termes de l'avis du conseil d'état du 18 brumaire-16 frimaire an 14, elle tienne la place des grands-maitres, est évidemment sans pouvoir pour régler le nombre des bestiaux à mettre en Pâturage par les usagers dans les bois des particuliers. » Mais tout ce qui résulterait de ce raisonnement, c'est que l'administration forestière n'a point à cet égard d'attribution exclusive, et qu'elle ne devient competente que par la réquisition des particuliers à qui appartiennent les bois grevés de droits de Pâturage.

» En effet, de ce que les grands maitres ne pouvaient d'office exercer le droit dont il s'agit, que sur les bois de l'Etat, s'ensuit-il qu'ils fussent, en cette matière, sans attribution quant aux bois des particuliers?

» Non, ils pouvaient régler de même le nombre des bestiaux à introduire par les usagers dans les bois des particuliers, lorsqu'ils en étaient requis par les propriétaires (1).

» Ainsi, nul doute que, s'il eût encore existé, en 1821, un grand-maitre des eaux et forêts dans le département de l'Eure, avec toutes les attributions écrites dans l'ordonnauce de 1669, il n'eût pu, sur la réquisition des héritiers du dac de Bouillon, régler le nombre des bestiaux que la commune de la Boissière devait être admise à mettre en Patu. rage dans la forêt de Merey; et qu'il n'eût été sans pouvoir à cet égard, que dans le cas où les héritiers du duc de Bouillon eussent préféré s'adresser aux juges ordinaires pour obtenir ce réglement.

»Or, ce que le grand maître des eaux et forêts de Normandie pouvait faire en cette partie sous l'ancien régime, l'administration forestière ne le peut-elle pas aujourd'hui ? La réquisition des propriétaires qui, sous l'ancien régime, aurait été suffisante pour inves tir le grand - maitre du droit de régler le nombre des bestiaux à introduire par les usagers dans la forêt de Mercy, ne doit-elle pas suffire aujourd'hui pour investir l'administration forestière du même droit?

» L'affirmative ne peut pas être révoquée en doute, s'il est vrai, comme l'énonce l'avis du conseil d'état du 18 brumaire an 14, approuvé le 16 frimaire suivant, que les ad

(1) P. ci-dessus, no. 19.

ministrateurs généraux des forêts, tiennent régler, quant aux forêts de l'état, le nombre la place des grands-maitres.

» Et dans le fait, c'est parcequ'ils tiennent la place des grands-maitres, que cet avis déclare qu'il est dans leurs attributions de déclarer defensables les bois des particuliers, ni plus ni moins que ceux de l'Etat.

» Dira-t-on que le réglement du nombre de bestiaux à mettre en Pâturage dans un bois, est essentiellement un acte de juridiction? Cela est vrai; mais n'y a-t-il done rien de juridictionnel dans l'acte de l'administration des forêts qui déclare un bois defensable? Reportons-nous à l'arrêt de la cour de cassation, du 25 mai 1810 (transcrit cidessus, no. 3): nous y lisons en toutes lettres que les usagers ont la faculté de s'adresser à l'administration forestière et de demander les bois asservis à leur droit de Pátuque rage, soient vérifiés contradictoirement, parties dument appelées, et déclarés, s'il y a lieu, défensables. C'est assurément là un acte de juridiction bien caractérisé.

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les

Dira-t-on que c'est par exception au droit commun que l'administration des forêts est investie du pouvoir de declarer les bois défensables, et que toute exception doit être restreinte dans ses termes précis ?

» Mais l'avis du conseil d'état du 18 brumaire-16 frimaire an 14 ne la déclare investie de ce pouvoir que parcequ'elle tient la place des grands-maîtres, et conséquemment par une raison qui s'applique au droit de régler le nombre des bestiaux, tout aussi bien qu'au droit de déclarer les bois défensables.

» Si d'ailleurs c'était par exception au droit commun que l'administration forestière exerce le pouvoir ci-devant attribué aux grands-maitres, de déclarer les bois defensables, il n'y aurait pas plus de raison pour étendre ce pouvoir jusqu'à celui de régler le nombre des bestiaux à mettre en Pâturage dans les bois de l'Etat, qu'il n'y en aurait pour lui donner la même extension relativement aux bois des particuliers. Il faut donc admettre de deux choses l'une : ou que l'administration des forêts représente les grandsmaitres à l'effet de régler, sur la réquisition des propriétaires, le nombre des bestiaux à mettre en Páturage dans les bois des particuliers, ou qu'elle ne les représente pas à l'effet de régler d'office ce nombre dans les bois de l'Etat.

» Or, en raisonnant comme le fait la décision du 5 novembre 1823, on arrive nécessairement à la conséquence que l'administration forestière a qualité, d'après l'art. 5 du tit. 19 de l'ordonnance de 1669, pour TOME XXII.

des bestiaux que les usagers doivent être admis à y introduire; force est donc de reconnaître aussi qu'elle a également qualité pour régler ce nombre, quant aux bois des particuliers ».

J'ignore ce que le ministre des finances a répondu à ces raisonnemens; je sais seulement qu'il a rejeté l'opposition des héritiers du duc de Bouillon, et maintenu sa décision du 5 novembre 1823. Reste à examiner s'il a bien jugé.

Toute la question consiste à savoir si la disposition de l'avis du conseil d'état du 18 brumaire-16 frimaire an 14 qui est relative au droit de déclarer les bois defensables, peut et doit être étendue au droit de régler le nombre des bestiaux; car autant il est clair que, si cette extension peut et doit avoir lieu, il y avait erreur dans la décision du 5 novembre 1823, autant le bien-jugé de cette décision était indubitable dans l'hypothèse contraire.

Mais cette question, comment la résondre? Par une règle que nous fournissent les lois romaines, ces réservoirs inépuisables de maximes éternelles comme la raison. Les dispositions législatives, disent les lois 12 et 13, D. de legibus (1), ne s'appliquent pas seulement aux cas pour lesquels elles sont faites; elles peuvent et doivent encore être étendues aux cas non compris dans leur texte, auxquels sont applicables les motifs qui les ont dictées. Cependant, ajoutent les lois 14 et 15 du même titre (2), il faut restreindre sévérement à leur objet celles qui ont été introduites contre la raison du droit; et jamais on ne peut en tirer des conséquences pour d'autres matières.

Ainsi, deux conditions doivent nécessairerement concourir pour qu'une disposition legislative puisse être étendue d'un objet à un autre il faut d'abord qu'il y ait entre les deux objets une analogie parfaite : il faut

(1) Non possunt omnes articuli singillatim aut legibus, aut senatusconsultis comprehendi; sed cùm in aliqua causá sententia eorum manifesta est, is qui jurisdictioni præest ad similia procedere atque ità jus dicere debet.

Nam, ut ait Pedius, quotiens lege aliquid, unum vel alterum introductum est, hona occasio est cætera quæ tendunt ad eamdem utilitatem, vel interpretatione, vel certè jurisdictione suppleri, (2) Quod verò contrà rationem juris receptum est, non est producendum ad consequentias. In his quæ contrà rationem juris constituta sunt, non possumus sequi regulam juris. 57

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