Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Plusieurs astronomes et géomètres avoient tenté d'expliquer ces sortes de variations, les uns, par diverses positions des deux planètes dans leurs orbites, par celles de leurs périhélies; d'autres, par des causes indépendantes de leurs attractions mutuelles, telles que l'action des comètes et la résistance de la matière éthérée; mais dans la Physique céleste, les grandes vérités qui tiennent aux lois de la nature, ne peuvent acquérir le caractère de l'évidence que par un accord du calcul et de la Géométrie avec les phénomènes. C'est à cet accord qu'est enfin parvenu M. Laplace; c'est en satisfaisant aux principes comme aux observations, qu'il a renfermé les grandes inégalités des deux planètes dans un espace de temps déterminé. Le célèbre Euler n'avoit encore découvert dans la solution du problème, que des équations bornées dans leurs périodes à un petit nombre d'années. Les équations trouvées par M. Laplace s'étendent à plusieurs siècles.

Lorsqu'il entreprit de s'élever jusqu'à la cause de ces grandes inégalités, son premier soin fut de s'assurer que les altérations observées dans les moyens mouvemens des deux planètes, étoient indépendantes de toute action étrangère, et ne pouvoient être attribuées qu'à leurs attractions mutuelles. Il trouva (1) qu'en ne considérant que les inégalités à longue période, l'action réciproque des planètes devoit produire une quantité toujours à très-peu près constante dans la somme des masses de chaque planète, divisées respectivement par

(1) 3e édition de l'Exposition du Système du Monde, liv. 4o, chap. 2, eț Mécanique Céleste, tome 1o, page 317.

les grands axes de leurs orbes; que les carrés des moyens mouvemens étant réciproques aux cubes de ces axes, si le mouvement de Saturne se ralentit par l'action de Jupiter, celui de Jupiter doit s'accélérer par l'action de Saturne; que le rapport des variations observées étant conforme à cette loi, il étoit vraisemblable qu'elles étoient un effet de leur action mutuelle; que puisque cette action ne peut produire dans leurs moyens mouvemens aucune inégalité constamment croissante, on devoit nécessairement en conclure qu'elles renferment dans leur théorie des inégalités considérables du genre de celles qui dans des temps marqués, augmentent, diminuent, s'anéantissent et se renouvellent; qu'elles n'en diffèrent enfin que par la grandeur des équations et la longueur de leurs périodes.

Ici se présentoit le fameux problème des trois corps, dont Euler, Clairaut et d'Alembert avoient donné les premières solutions, et qui, sous la main de M. Laplace, devoit recevoir de nouveaux développemens. Il n'étoit plus question de la lune troublée par le soleil, de deux astres qui par le rapport de leurs distances donnoient les moyens de représenter les effets des forces perturbatrices, par des suites de quantités suffisamment décroissantes pour s'arrêter dans les approximations cherchées aux premiers termes des séries: C'étoit Jupiter troublé par Saturne ou Saturne troublé par Jupiter. Le rapport de leurs moyens mouvemens sur lequel M. Laplace a principalement fondé sa Théorie, ne lui permettoit pas de se borner aux premières puissances des excentricités et des inclinaisons des orbites. Ses recherches sur les inégalités simplement proportionnelles à ces puissances, ou ne lui donnoient que des approximations insuffisantes,

ou ne lui laissoient entrevoir qu'un labyrinthe de calculs interminables : il se vit donc dans la nécessité de pousser ses approximations jusqu'aux cubes des excentricités et des inclinaisons des orbites, et dans la nouvelle route qu'il s'ouvroit à travers les plus grandes difficultés, il trouva des inégalités dépendantes de ces puissances et qui, susceptible d'acquérir par les intégrations de petits diviseurs, devenoient très-sensibles. Il marchoit dans des sentiers difficiles où nul avant lui n'avoit encore pénétré; il découvrit des vérités cachées dans les profondeurs de l'analyse qui lui montra et la nécessité de s'élever dans la théorie de Jupiter et de Saturné jusqu'aux quantités du troisième ordre, et dans leurs moyens mouvemens l'existence de deux grandes inégalités : elles se manifestèrent à ses yeux par la raison même que ces mouvemens, sans être exactement commensurables, approchent cependant beaucoup de l'être, et se rendirent sensibles dans les diviseurs carrés dépendans de cette commensurabilité, telle que cinq fois le moyen mouvement de Saturne est à fort peu près égal à deux fois celui de Jupiter.

Réduisant ensuite en nombres ses expression sanalytiques, M. Laplace trouva que la grande inégalité de Saturne (1) étoit de 48' 44", et sa période d'environ 919 ans; que l'inégalité correspondante de Jupiter devoit être renfermée dans la même période, mais affectée d'un

(1) Nous rapportons ici les déterminations données par l'auteur dans son Mémoire de 1784. Elles supposoient l'usage des tables de Halley. Ces déterminations ont un peu changé par l'addition de quelques nouveaux termes, faite par M. Laplace à sa formule, et les nouvelles corrections des élémens des tables. Voyez la Mécanique céleste, tom. 4,pag 338.

signe

signe contraire et diminuée dans le rapport d'environ 3 à 7; que les deux inégalités étoient à leur maximum en 1560; qu'à cette époque le moyen mouvement annuel apparent de Saturne étoit plus petit que le véritable de 20",1; que le moyen mouvement annuel apparent de Jupiter étoit plus grand de 8′′,6; qu'enfin, depuis ce temps les moyens mouvemens des deux planètes se sont rapprochés sans cesse de leurs véritables moyens mouvemens, et leur ont été égaux vers 1790.

Si dans la connoissance des mouvemens de Jupiter et de Saturne, la théorie a déchiré, pour ainsi dire, le voile de l'avenir, elle peut pénétrer aussi dans l'obscurité des temps passés, et remonter à près de cinq mille ans au-delà du temps présent. Nous remarquerons à cet effet, avec M. Laplace, que l'époque du renouvellement de l'Astronomie fut celle de la plus grande différence entre les moyens mouvemens apparens des deux planètes et les véritables; que de cette différence est née l'opinion des astronomes sur le ralentissement de Saturne et l'accélération de Jupiter; que si l'Astronomie ne se fût renouvelée que quatre siècles et demi plus tard, ils auroient au contraire accéléré la marche de Saturne et ralenti celle de Jupiter. Les observations anciennes faites sur les mouvemens de ces deux planètes peuvent donc servir à déterminer deux époques astronomiques, dont l'une remonte suivant les calculs de M. Laplace, à l'an 3102 avant l'ère chrétienne, et l'autre à l'an 1491 de cette ère. A ces deux époques, le moyen mouvement de Saturne étoit le plus lent et celui de Jupiter le plus rapide. Ces mouvemens, calculés en conséquence des grandes inégalités maintenant connues, se rapprochent beaucoup

R

de ceux que donnent les Tables indiennes de Chrisnabouram (1).

Il ne restoit plus à M. Laplace qu'à comparer sa théorie avec les observations tant anciennes que modernes. Parmi les premières, il choisit une observation de Saturne, faite faite par les Chaldéens (2) l'an 228 avant notre ère, et l'une des meilleures qui nous ait été transmise par Ptolémée. La différence qu'il trouva dans la longitude géocentrique observée et la longitude calculée, ne fut pas d'une minute. Il choisit encore parmi les observations chaldéennes une occultation d'étoiles par Jupiter, laquelle détermine le lieu de la planète pour le trois septembre de l'an 240 avant notre ère, à 13" 45', temps moyen à Paris. Le calcul la fit retrouver, à 6" près, dans la même position. Il s'éloigna beaucoup plus des observations de Ptolémée ; mais les erreurs nées des formules, ne passèrent pas les limites de celles que comportent en général les observations anciennes.

Les expressions analytiques eurent l'avantage de satisfaire avec une exactitude plus constante et plus grande, aux observations modernes. Pour trouver jusqu'à quel point elles pouvoient s'accorder ensemble, il employa

(1) Suivant les Tables indiennes, le moyen mouvement sidéral de Saturne dans l'intervalle de 365 jours, est de 12° 12′ 23′′, et celui de Jupiter de 30° 19′ 52′′. D'après le calcul, le premier de ces mouvemens étoit, l'an 3102 avant l'ère chrétienne, de 12° 12′ 25′′, et le second, de 30° 19' 51", en l'an 1491 de notre ère, le premier étoit de 12° 12′ 28", et le second de 30° 19′ 50′′.

Memoires de l'Acad. des Sciences, 1785, pag. 127.

(2) D'après l'observation faite par les Chaldéens le 1er mars de l'an 228 avant notre ère, à 4b. 33′ la longitude géocentrique de Saturne rapportée à l'équinoxe de 1750, étoit de 63 6° 41′ 10′′; elle étoit d'après la théorie, 63 6° 40′ 14′′, 5, différence 55",5.

« VorigeDoorgaan »