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et revint, vers le Mont-Forceral et le pic de Bugarach, achever la jonction des triangles qu'il avoit été forcé de laisser incomplète.

Ces deux stations furent les plus pénibles et les plus difficiles qu'il eût encore trouvées. Le pic de Bugarach, élevé de 600 toises, n'en a pas deux d'étendue. Il est bordé de précipices, souvent enveloppé de nuages et battu par des ouragans furieux. « On n'y peut arriver, » écrivoit Méchain à M. Delambre, qu'en s'accrochant > aux buis, aux broussailles, et en gravisant les rochers. » Cette marche est de quatre à cinq heures; la des>cente est encore plus pénible et plus scabreuse. Les >> autres stations, quoique moins élevées, étoient d'un > accès aussi difficile. »

C'est sur les sommets de ces rochers escarpés, éloignés de trois ou quatre lieues de toute habitation, que Méchain et ses coopérateurs étoient obligés de placer des signaux, de passer les jours et les nuits couchés sur un peu de paille, à l'abri d'une simple tente, pour attendre les momens propices aux observations, de revenir plusieurs fois aux mêmes stations et avec les mêmes difficultés replacer des signaux abattus par les vents.

Méchain fit dix voyages au mont Forceral, y coucha plusieurs nuits à la belle étoile, pour observer quatré angles. Il étoit presque découragé; mais que ne peuvent une volonté ferme, un travail opiniâtre et la noble ambition de vaincre tous les obstacles dans une grande entreprise qui doit fixer les regards de l'avenir?

Méchain termina heureusement ces deux pénibles stations. Il poussa ensuite la mesure de ses triangles, en revenant vers le nord jusqu'à Carcassone. Cette mesure fut achevée vers la fin de novembre, époque où M, Delambre

avoit

avoit étendu ses triangles jusqu'à Bourges. Les deux astronomes avoient alors mesuré, tant au nord qu'au midi, environ trois cent trente mille toises, et ils étoient encore séparés dans leurs opérations par un intervalle d'environ deux cent vingt mille.

Pendant l'hiver de 1796, M. Delambre fut occupé à déterminer la latitude (1) de Dunkerque par un trèsgrand nombre d'observations des étoiles circompolaires. Méchain déterminoit dans le même temps celle de (2) Perpignan. Ces sortes d'opérations plus tranquilles les délassoient de leurs travaux pénibles des autres saisons de l'année; elles reportoient leurs regards vers le ciel, objet chéri de leurs études accoutumées.

Ces observations délicates furent faites au moyen du cercle de Borda, avec toutes les précautions qu'elles exigent, tant pour vérifier l'instrument, lui donner exactement la position qui lui convient, éviter les erreurs qui dépendent du niveau, que pour corriger les distances au zénith, observées près du méridien, réduire les distances apparentes aux distances vraies, et suivre la marche de la pendule.

Dès que M, Delambre eut achevé ses opérations relatives à la latitude de Dunkerque, il revint sans délai aux stations qu'il avoit laissées près de Bourges, et dans le courant de 1796, il s'avança vers le midi d'environ cinquante

(1) Latitude du signal de la tour de Dunkerque, déterminée par M. Delambre, 51° 2' 10".

Base du Système métrique, etc., tome 2, page 295.

(2) Latitude de Perpignan déterminée par Méchain, 42° 41′ 53′′. Ibid., tome 2, page 502. Kk

mille toises. Les deux astronomes consacrèrent encore l'hiver de 1797 à faire simultanément et avec les précautions qui leur étoient ordinaires, les observations des latitudes d'Evaux (1) et de Carcassone (2), et telle fut leur exactitude, que la déclinaison de l'étoile polaire conclue de leurs résultats séparés, se trouva la même à moins d'un cinquième de seconde.

Vers le commencement d'avril de 1797, M. Delambre sortit d'Evaux, et se remit en campagne pour continuer ses opérations sur douze stations qui lui restoient encore. Elles furent toutes achevées le 27 août 1797. Son dernier angle fut mesuré à Rodez, terme auquel il devoit s'arrêter. Il ne restoit plus alors à Méchain, pour arriver au même point, que neuf ou dix stations; déjà tous ses signaux étoient placés ; il avoit tout disposé, afin de terminer avant l'hiver la portion qui lui étoit échue; mais l'inconstance du ciel, les difficultés imprévues des localités, et sa santé qui s'étoit affoiblie, trompèrent ses espérances. il avoit été arrêté deux mois entiers dans la montagne Noire, située à une distance d'environ douze mille toises au nord de Carcassone, sans pouvoir y trouver deux heures de suite pour observer. Il étoit douloureusement affecté de voir reculer encore le terme de ses opérations; mais il annonçait la ferme résolution de ne point quitter le lieu de ses stations avant de les avoir terminées.

(1) Latitude d'Evaux déterminée par M. Delambre, 46° 10′ 42′′. Base du Système métrique, etc., tome 2, page 471.

(2) Latitude de Carcassone déterminée par Méchain, 43° 12′ 54′′. Ibid., tome 2, page 489.

M. Delambre à qui cette résolution étoit connue, ne réitéra point l'offre qu'il lui avoit précédemment faite, de marcher à sa rencontre au-delà des limites assignées, jusqu'à l'entière jonction de leurs triangles. Il quitta Rodez et revint à Paris se préparer à la mesure des bases de Melun et de Perpignan. Dans le mois de septembre 1797, il détermina, de concert avec M. Laplace, les deux extrémités de celle de Melun, qui, n'étant pas visibles l'une pour l'autre, nécessitèrent des travaux préparatoires qui ne furent achevés qu'au bout de six semaines.

Quiconque établiroit une comparaison entre des mesures ordinaires de longueur, prises sur le terrein au moyen d'une chaîne et de quelques jalons plantés de distance en distance, et la mesure d'une base qui doit servir de fondement à celle des degrés terrestres, n'auroit qu'une idée très-imparfaite de cette espèce d'opération et des difficultés qu'elle présente. Dans les premières, il suffit d'une grossière approximation qui n'exige que des précautions communes et des connaissances bornées. La seconde doit tenir compte des parties presque insensibles de l'espace, et pour atteindre à cette précision si difficile, le géomètre appelle à son secours les sciences et les arts réunis; il a besoin de l'habileté d'un grand artiste la construction des instrumens, de la pour de la sagacité du chimiste et du physicien pour les expériences qui doivent constater la dilatation des métaux, et faire éva luer avec une grande justesse les moindres variations de température; il a besoin des ressources de l'analyse, de la connoissance approfondie de toutes les méthodes géométriques; souvent il a besoin de s'en créer lui-même pour les opposer aux obstacles qu'il rencontre.

Toutes les précautions qui pouvoient assurer la mesure

la plus exacte des deux bases, furent prises, pour ainsi dire, avec surabondance. Les grandes règles de platine qui devoient être employées pour cet objet, furent exécutées avec un soin particulier, sous les yeux et d'après les idées de Borda. Elles étoient au nombre de quatre, de deux toises de long, d'environ six lignes de large, et d'une ligne d'épaisseur. Chacune d'elles étoit recouverte jusqu'à six pouces de l'une des extrémités, d'une lame de cuivre fixée à l'autre extrémité, et libre de s'étendre par l'effet de la dilatation, le long de la règle de platine,

Le rapport des dilatations des deux métaux étoit connu par les expériences multipliées de Borda, Lavoisier et M. Lenoir. Si le cuivre se dilatoit, il indiquoit une dilatation proportionnelle dans le platine, et formoit un thermomètre métallique qui portoit la précision au-delà des cent millièmes de la toise.

Les règles, à cause de leur peu d'épaisseur, auroient pu fléchir ou se courber; mais pour les maintenir dans une direction toujours rectiligne, elles étoient portées sur des pièces de bois solides, bien dressées; un toit les recouvroit et les mettoit à l'abri des rayons du soleil, afin que le cuivre et le platine fussent ensemble dans tous les instans sous l'influence de la même température, condition nécessaire à la justesse des thermomètres métalliques.

Des pointes de fer, disposées convenablement sur chaque toit, et qui devoient se projeter sur une mire placée à une distance de cent toises, servoient encore à l'alignement des règles. Les moindres chocs dans leur contact, auroient pu causer de légers déplacemens,qui,souvent répétés, pouvoient produire des erreurs considérables. Pour les éviter, les règles placées à la suite les unes

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