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Souverain, qui ne laisse imparfaite aucune de celles qui peuvent être utiles aux sciences, ordonna qu'elles fussent reprises. Le Bureau des longitudes, chargé de les surveiller, confia la prolongation projetée à MM. Biot et Arago, astronomes pleins de zèle et d'activité, doués du talent de l'observation et de toutes les connoissances nécessaires pour la conduire heureusement à son terme. Le gouvernement espagnol leur adjoignit deux jeunes mathématiciens capables de les seconder, MM. Chaix et Rodriguez.

Cependant les deux collaborateurs trouvèrent, à leur arrivée en Espagne, de grands obstacles à surmonter. Ils étoient sous un ciel nouveau où tout leur étoit étranger, mœurs, coutumes et langage. Ils avoient à parcourir la chaîne de montagnes qui devoit être le théâtre de leurs opérations, à reconnoître les stations de Méchain, à rassembler ses instrumens é pars.

Il se présentoit un obstacle encore plus grand, qui seul pouvoit faire échouer l'entreprise, c'étoit la jonction de l'île d'Ivice à la côte d'Espagne, jonction qui ne pouvoit s'effectuer que par la formation d'un triangle immense, dont le sommet seroit dans l'île et la base sur le continent, et dont un des côtés seroit d'environ trentecinq lieues, et l'autre de quarante-et-une. Comment observer à de si grandes distances? Quels signaux employer et quelle espérance de succès pouvoit-on concevoir ? L'entreprise d'une semblable opération étoit aussi hardie que l'exécution en étoit difficile.

Pour vaincre les difficultés qu'elle présentoit, les deux astronomes s'attachèrent d'abord à faire un bon choix de stations. La première qu'ils adoptèrent étoit la même que Méchain avoit choisie sur la côte de Valence, au sommet d'une montagne connue sous le nom du Desierto de

las palmas. C'est là que s'établit provisoirement M.Arago, avec des cercles pour observer.

M. Biot passa dans l'ile avec M. Rodriguez; ils y prirent pour un des sommets du triangle une montagne appelée Campvey, située un peu plus au nord que celle à laquelle s'étoit arrêté le choix de Méchain. Ils trouvèrent dans cette position l'avantage d'appercevoir vers le sud la petite île de Formentera, la possibilité de la joindre à leurs triangles et de prolonger encore la méridienne d'environ deux cinquièmes de degré. M. Rodriguez s'établitsur le sommet du Campvey,où furent placées, pour servir de signaux pendant la nuit, des lampes à courant d'air, garnies de grands miroirs de métal, propres à réfléchir la lumière.

Il ne restoit plus qu'à déterminer la troisième station. Celle que Méchain avoit indiquée étoit une colline du cap Cullera, élevée de 200 mètres. Une autre colline, appelée le Mongo, paroissoit devoir mériter la préféférence. Elle est trois fois plus élevée que celle du cap Cullera, présente une cime isolée qui s'avance dans la mer et peut être aisément apperçue de l'ile d'Ivice, par un temps serein.

M. Biot se détermina pour cette dernière position, y fit placer comme sur le Campvey, les grands réverbères qui devoient servir de signaux, et bâtir une petite maison où l'on pût se mettre à l'abri des ouragans furieux qui tourmentent le sommet escarpé de ce roc.

Ces premières dispositions étant faites, il se hâta d'aller retrouver M. Arago, au désert de las Palmas. II étoit impatient de connoître les effets qu'il devoit attendre des signaux; il n'eut pas lieu d'en' concevoir une idée bien favorable. M. Arago ne les avoit point encore apper

çus

çus, quoiqu'il eût vu plusieurs fois, au coucher du soleil, les montagnes d'Ivice bien terminées, s'élever dans le lointain au-dessus de l'horizon de la mer. Les miroirs étoient-ils mal dirigés? La cabane dressée sur le Campvey étoit-elle emportée par les vents et jetée dans la mer, ou la lumière qui devoit briller dans la nuit, étoit-elle entièrement absorbée dans l'épaisseur atmosphérique qui la séparoit de l'observateur? devoit-elle être toujours invisible et l'opération impossible?

M. Biot n'étoit pas sans inquiétude sur le succès. Il étoit dépositaire d'une lettre de Méchain, dans laquelle cet excellent observateur exprimoit vivement ses doutes sur la possibilité de l'entreprise.

Cependant les deux astronomes, constans dans la résolution de la conduire à sa fin, s'obstinoient à rester sur leur rocher. Ils veilloient toutes les nuits pour chercher dans l'obscurité une foible lumière qu'ils ne pouvoient découvrir.

Ils passèrent ainsi deux mois entiers dans l'incertitude, arrêtés dès les premiers pas par un obstacle qu'ils se flattoient souvent de vaincre et regardoient aussi quelquefois comme invincible. « Combien de fois, dit > M. Biot (1), assis au pied de notre cabane, les yeux » fixés sur la mer, n'avons nous pas réfléchi sur notre » situation, et rassemblé les chances qui pouvoient nous >> être favorables ou contraires! Combien de fois, en >> voyant les nuages s'élever du fond des vallées et monter » en rampant sur le flanc des rochers, jusqu'à la cime

(1) Notice sur les opérations faites en Espagne pour prolonger la méridienne de France jusqu'aux îles Baléares, par M. Biot, pages 9 et 10. Mm

» où nous étions, n'avons-nous pas recherché dans leurs » oscillations les présages heureux ou malheureux d'un » ciel couvert ou serein! » Qu'on se figure l'agitation que devoient éprouver deux jeunes astronomes pleins de zèle et d'ardeur, qui voyoient leur temps se consumer dans de vaines tentatives, et reculer indéfiniment le terme de leurs travaux à peine commencés.

Ils avoient presque perdu tout espoir de succès, lorsqu'ils tentèrent un dernier moyen de découvrir le signal du Campvey. Pleins de confiance sur le grand éclat quidevoit en rejaillir, ils avoient cru qu'ils pourroient aisément l'apercevoir, en promenant leur lunette au hasard sur le ciel pendant la nuit. Il la firent enfin mouvoir lentement sur le plan de leur cercle auquel ils avoient donné une situation horizontale, et l'ayant dirigée du côté de la montagne d'Ivice, qui ressembloit le plus à celle de Campvey, ils ne tardèrent pas à découvrir la lumière dont l'apparition avoit été si desirée, mais réduite par le grand éloignement à la simple apparence d'une étoile de cinquième ou sixième grandeur. Le Navigateur qui découvre la terre, après un long voyage, le géomètre qui trouve la solution d'un problème épineux, après l'avoir long-temps poursuivie, n'éprouvent pas une joie plus vive que celle que ressentirent les deux observateurs à l'aspect du signal de l'île d'Ivice. Leur émotion étoit telle, qu'ils ne pouvoient observer sans commettre beaucoup d'erreurs; mais leur vœu le plus cher étoit rempli; ils étoient sûrs du succès.

Ils recommencèrent bientôt leurs observations avec

un nouveau courage, sans s'inquiéter des obstacles qu'apporteroient à leurs travaux les vents et la tempête, qui souvent emportoient leurs tentes et déplaçoient leurs

signaux ; ils savoient que pour venir à bout de leur entreprise, ils n'avoient plus besoin que de zèle et de constance,

lls achevèrent toutes les opérations qu'ils avoient à faire à leur station du désert de las Palmas, depuis le milieu de novembre 1806, époque de la découverte du signal d'lvice, jusqu'à la fin de janvier 1807. M. Chaix vint les y rejoindre et partager leurs fatigues et leur habitation.

S'étant ensuite transportés aux autres sommets du grand triangle, ils observèrent à chacun d'eux tous les angles dont il étoit le centre et déterminèrent la base de ce grand triangle par trois combinaisons différentes, qui donnèrent des résultats dont le plus grand écart n'étoit que de deux mètres sur 140 mille ou d'une toise environ sur 35 lieues.

Vers le mois d'avril 1807, temps auquel ils avoient achevé de mesurer les triangles des îles, M. Biot se rendit à Paris pour faire construire un nouveau cercle dont ils avoient besoin pour les observations de latitude qui devoient être faites l'hiver suivant. En l'absence de son collègue, M. Arago poursuivit, avec une ardeur qui ne fut point ralentie par les chaleurs brûlantes de l'été, la jonction des triangles du Continent avec ceux que Méchain avoit observés dans la Catalogne, et toute la chaine trigonométrique fut terminée avant la fin de l'automne.

A cette époque M. Biot reprit la route d'Espagne, rejoignit à Valence les compagnons de ses travaux et se rendit avec eux dans la petite île de Formentera, point le plus austral de l'arc. Ils y passèrent ensemble l'hiver de 1808, et déterminèrent la latitude de l'île au moyen près de quatre mille observations tant de l'étoile polaire que de ẞ de la petite Ourse. Ils déterminèrent aussi l'azimut B

de

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