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dit en effet à Jérusalem, d'où il fut rappelé par la république de Venise qui voulait le replacer à Padoue, Fallope, qui lui avait succédé, étant mort en 1563. Mais en revenant, il fit naufrage auprès de l'île de Zante, où il mourut de faim, âgé de cinquante ans.

Telle a été la fin du célèbre Vesale. La durée de ses travaux ne fut pas à beaucoup près égale à la durée de sa vie. Vous l'avez vu; tout était terminé pour lui à l'âge de vingt-huit ans : alors il avait composé son ouvrage : De humani corporis fabrica, divisé en sept livres. Le premier donne la description des os, et les figures qui accompagnent cette description sont excellentes. Il réfute Galien à chaque instant. Il était impossible en effet qu'en observant directement la nature et la comparant avec le traité du célèbre médecin de Pergame, il ne s'aperçût pas promptement que Galien n'avait pas décrit les os de l'homme. Ainsi, il prouve que quand Galien a décrit dans la mâchoire l'os incisif comme distinct, c'est qu'il a fait sa description d'après les animaux, puisqu'il n'existe pas chez l'homme de suture entre la racine de la canine et celle de la seconde incisive, pas même dans le fœtus: tout au plus se trouverait-elle à l'état embryonnaire. Il y a également une erreur manifeste dans Galien, relativement aux os du sacrum et du sternum.

Les descriptions du palatin et de l'ethmoïde, données par Vesale, ne cont pas aussi bien faites que celles dont nous venons de parler. Ces deux os sont en effet les plus difficiles à décrire. Vesale rejeta cependant l'erreur des anciens qui croyaient que la pituite descendait du cerveau dans le nez; il montra qu'il n'y a pas de communication possible entre le cerveau et l'inté

rieur du nez : cependant cette erreur fut répétée longtemps après lui. Le second livre de son ouvrage traite des muscles; ils y sont mieux rendus que dans tous les anatomistes qui ont précédé Winslow. Les figures sont très belles, mais les petits muscles du larynx et de la face sont mal décrits, parce que pour les petites choses, quoique Vesale ait critiqué si amèrement Galien d'avoir fait usage des animaux et non des hommes, il s'est luimême servi d'animaux. Ce fait est très palpable pour le placenta ; il est évident qu'il a pris celui d'une chienne, et on a raison de le lui reprocher. Il a le premier parlé, dans l'ouvrage qui nous occupe, des ligamens de l'épine dorsale.

Les livres troisième et quatrième sont consacrés aux vaisseaux et aux nerfs. Ici il est moins parfait; il lui aurait fallu des injections; toutefois sa description était précieuse pour l'époque. Dans le cinquième livre il décrit l'intérieur de l'abdomen, et il donne quelques organes pris dans les animaux, notamment l'utérus, le foie; il décrit mieux leurs fonctions que la plupart de ses prédécesseurs. Le sixième livre est consacré à la description de la poitrine et des valvules du cœur. Il décrit leur usage; ce qui semblerait avoir dû le conduire à la découverte de la circulation du sang. Il fait voir qu'il n'a disséqué que des animaux; car l'os qu'il prétend exister dans le coeur de l'homme ne se rencontre que dans les ruminans et quelques autres quadrupèdes. Toutefois, il restitua au cœur sa véritable position, qui est un peu à gauche, et non point au milieu du thorax. Ses dessins n'ont pourtant pas été faits d'après l'homme.

Le septième livre décrit la tête, le cerveau;

il y dis

tingue les substances corticale et médullaire, ila corne descendante du ventricule; il rejette le rete mirabile et la continuation du ventricule antérieur dans le nerf olfactif. Il fait voir qu'il connaît déjà l'expérience de rendre le mouvement au cœur en insuflant les poumons, et quelques autres expériences physiologiques, quoique son livre ne soit pas précisément destiné à la physiologie. La beauté de ses figures en fit un ouvrage classique dès le premier instant où il parut; l'élégance du latin dans lequel il est écrit est très conforme à cette pureté du dessin.

L'ardeur que Vesale avait mise à attaquer Galien dans les erreurs qu'il avait commises, Galien qui était le dieu de la médecine depuis les Arabes, le rendit l'objet de la haine de tous les médecins, de tous les anatomistes de ce temps. Nous avons vu avec quelle fureur son ancien maître se déclara contre lui; ce fut pour se défendre qu'il publia un livre intitulé De radice China (1), imprimé à Venise en 1546. Sa défense est simple; il y prend toutes les parties du corps qui ne sont pas faites dans l'homme comme elles le sont dans les animaux, et montre sur tous ces points que ce n'est qu'à l'animal que convient la description de Galien. Toutes les fois que les mêmes parties se rencontrent dans les hommes et dans les animaux, comme elles ne peuvent être décrites que de la même manière, on ne peut savoir d'après quels êtres Galien a fait ses descriptions ; mais quand il existe des différences, il est impossible de ne pas voir son erreur. Je vous ai cité le seul exemple

(1) Du quinquina, qui venait de rendre la santé à CharlesQuint, et qu'on prenait alors pour une racine.

de l'os intermaxillaire, mais j'aurais pu y en ajouter une foule d'autres. Dans son ouvrage Vesale s'est corrigé lui-même sur quelques erreurs qu'il avait commises. La violence avec laquelle tout le monde écrivait contre lui le dégoûta des discussions; il jeta au feu des notes qu'il avait préparées.

Fallope, son successeur à Padoue, écrivit un ouvrage intitulé Observationes anatomicæ, dans lequel, en traitant Vesale avec des formes différentes de celles qu'avaient employées à son égard les autres médecins, il l'attaquait sur quelques points et défendait les Anciens à plusieurs égards. Vesale, qui alors était en Espagne à la cour de Charles-Quint, lui répondit par un ouvrage. intitulé Anatomicarum observationum Falopii examen. Il le composa de mémoire, puisque, comme je vous l'ai dit, il ne put trouver une tête osseuse d'homme dans toute la ville. Il continua dans cet ou vrage à comparer les descriptions de Galien avec les objets mêmes, et à démontrer, autant que possible, que Galien n'avait décrit que des animaux. Il fit connaître dans cet examen quelques découvertes des anatomistes de son temps; par exemple, celle de l'Étrier de l'oreille, due à Ingrassias, l'un des plus grands anatomistes de cette époque. L'ouvrage intitulé De radice Chinæ et l'examen des observations anatomiques de Fallope sont deux écrits dans lesquels Vesale cherche à se défendre des attaques de ceux qui prétendaient protéger Galien contre lui. Ce qu'il y a de certain, c'est que la grande Anatomie de Vesale est le point de départ de toute l'anatomie moderne. Les ouvrages de Fallope et de tous ses successeurs sont appuyés sur le sien. C'est de lui qu'il faut dater la véritable anatomie humaine,

telle que nous l'avons perfectionnée et la perfectionnons encore. Tout ce qui a été fait auparavant peut être considéré comme un objet de curiosité, comme un élément de l'histoire de la science; mais à partir du grand ouvrage de Vesale, on peut marquer chaque découverte particulière, dire ce que chacun a ajouté à la grande masse que cet anatomiste a rassemblée dans son ouvrage, et tracer chronologiquement les différens progrès que la science a faits jusqu'à nos jours.

Dans la séance prochaine j'examinerai les travaux des contemporains de Vesale, et je conduirai, si je le puis, l'histoire de l'anatomie jusqu'à la découverte de la circulation du sang, qui clôt l'histoire de l'école italienne; car Harvey, quoique Anglais de naissance, a fait ses principales études à Padoue, et, dans ses grandes découvertes, il n'a, pour ainsi dire, que développé les conséquences de son maître Fabricius d'Aquapendente.

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