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même exigé par ses divers exploits ne permet pas de se le représenter comme jeune; ici il devient un « bacheler » qui veut << user sa jouvente » au service de l'empereur (v. 2122, 2252, 2667); c'est du reste pour être pourvu d'un fief qu'il est venu à la cour, comme les autres fils d'Aimeri dans la légende narbonnaise. Cette conception est pour le poète une source continuelle de contradictions: ainsi Guillaume, en partant pour l'Italie, en fait appel aux « povres bachelers >>

A clos chevaus, a destriers desferrez,

A guarnemenz desroz et despanez (v. 2254),

comme il le fait avec beaucoup plus de raison dans le Charroi quand il part pour «< acuitier » son fief de Nîmes; mais ici le trait est absurde, puisque Louis en personne l'acccompagne avec une puissante armée.

A. JEANROY.

LA DÉRIVATION

A L'AIDE DES SUFFIXES VOCALIQUES ATONES

EN FRANÇAIS ET EN PROVENÇAL

La dérivation à l'aide des suffixes vocaliques atones est très restreinte dans les langues romanes, plus encore sur le territoire de la Gaule qu'ailleurs : la raison en est si claire qu'il est inutile d'insister sur ce point. Par suite, un vif intérêt s'attache à la recherche des cas où l'on peut reconnaître ce procédé. Les notes suivantes sont extraites d'un cours fait à la Sorbonne pendant le semestre 1893-1894. J'avais pris Diez pour base en m'attachant à le mettre au courant de l'état actuel de la philologie romane. L'apparition de la seconde partie du tome deuxième de la Grammaire de M. Meyer-Lübke m'ayant conduit à reviser mes notes de cours, j'ai pensé qu'il y aurait quelque intérêt à en extraire ce qui peut compléter ou contrôler les résultats auxquels le savant professeur de l'université de Vienne est arrivé de son côté. J'y joindrai chemin faisant quelques observations suggérées par la lecture de son livre.

EUS, IUS. — M. Meyer-Lübke signale une série de noms d'arbres qui ont passé dans les langues romanes avec l'addition du suffixe eus, ius à leur radical, et remarque fort justement que les nouveaux substantifs ont dû désigner d'abord le bois de l'arbre, puis l'arbre lui-même: abieteum, arbuteum, avellanea, betulleum, fageum, iliceum, suberium'. La série demande à être complétée, en laissant de côté avellanea et autres mots à désinence féminine dont nous reparlerons plus loin.

1. Il est bon de faire remarquer que les formations de ce genre sont très anciennes on trouve déjà pineum pour pinus dans la Vulgate, II PAR., II, 8.

ARBUTTIUM prov. mod. arbous, arbousier. Les dérivés arbousset, etc., montrent qu'on a affaire à un radical avec tt et non avec t comme dans le latin classique.

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BETTIUM prov. mod. bes, bouleau. Les dérivés bessada bettiata, bessol bettiolum, etc., assurent l'existence d'un radical bett- à côté de bet-, seul attesté dans la forme latine betulla. On sait que le mot est celtique d'après les dernières recherches, le radical est betv-, ce qui explique fort bien l'hésitation entre le t simple et le t double 1.

CASSANIUM prov. chassanh, chêne, fréquent dans les registres consulaires de Saint-Flour. Le limousin actuel dit chassan: comme il laisse tomber l'n finale, chassan ne peut pas représenter le simple cassanum: on sait d'ailleurs que ce dernier est proparoxyton. CASTANIUM: castan, châtaigner, en rouergat (Vayssier); chastan, en limousin. Même remarque que pour cassanium. CERESIUM prov. cereis, cerieis, cerisier. Voyez les nombreuses variantes données par Mistral, sous cerié. Le mot apparaît en Rouergue dès les XI-XIIe siècles comme nom de lieu sous la forme cereis 3.

GARRICIUM: anc. franç. jarriz, jarris, variété de chêne (voy. le Dictionnaire de M. Godefroy).

ROBERIUM (pour roboreum 4): limousin rouvei, rouvre. RUMICIUM prov. rometz, ronce. Je crois que c'est à tort que Raynouard admet en ancien provençal l'existence des formes rome, romet: il faut lire romés, rometz. La forme actuelle roumés est décisive les nombreuses variantes réunies par Mistral au mot roume soulèvent des questions difficiles à résoudre, mais laissent hors de cause l'existence du latin populaire rumicium.

1. Thurneysen, Keltorom., p. 46.

2. Cf. le nom de lieu Le Chastang (Corrèze), au XIe s. Castanio. (Cart. de Conques, no 79.)

3. Cart. de Conques, no 457. C'est cette forme qu'on dit dans le ms. A, no 531, au licu de serier donné par Raynouard (cf. Levy, Prov. Suppl. Wort., vo cerier).

4. Cf. l'ital. rovere, qui implique l'existence de la déclinaison robur, roberis, au lieu de roboris; voy. ci-dessous roberia.

RUSTIUM: prov. rouis, buisson 1.

SALICIUM: prov. saletz, saule. Le mot est dans les Auzels cassadors de Daude de Pradas, où Raynouard l'a relevé avec la traduction extravagante de « céleri ». Aujourd'hui encore on dit assolei au sens de « saule » en Limousin, assalé en Périgord, saguei en Velay (Mistral); l'abbé Vayssier enregistre pour le Rouergue solės (var. sorės, sarès), nom d'un petit saule à feuilles cendrées. Il y a dans la commune de Mongibaud (Corrèze) un village du nom de Coursaleix, qui est appelé au XIIe siècle soit Corpsalez en roman, soit de Curvo Salice en latin2. TAMARICIUM 3: Prov. mod. tamaris. Le français tamaris est naturellement emprunté du provençal, qui emploie aussi tamarisso tamaricia.

VERNIUM: prov. mod. vergne, vèrni, franç. vergne, autre nom de l'aune. Le simple existe sous la forme vern en anc. prov., aujourd'hui ver (Mistral).

VITICIUM prov. mod. bedis, saule, osier (Mistral). Il y a eu substitution du suffixe icius à la désinence propre de vitex, viticis dont l'i doit être bref.

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J'hésite à mentionner le prov. mod. suviè, chêne-liège, parce qu'il ne se rattache peut-être pas directement à subereum, comme le sarde suerdzu: il semble plutôt tiré de suve suber à l'aide du suffixe ié arium. Pour en finir avec le règne végétal, il faut signaler en latin vulgaire l'existence de *porreum qui seul peut expliquer les formes du provençal anc. poyre (Raynouard), moderne porri, pouerri, poiri (Mistral) et l'i du français poireau, et de *malvoviscium, représenté par le marseillais mauvissi, guimauve. Quant à panicium, il se trouve déjà dans les textes de l'antiquité, à côté de panicum (voy. Körting, Lat.-rom. Wört., 5856).

M. Meyer-Lübke enregistre trois noms d'animaux comme ayant reçu le suffixe eus soricia, vultureum et pulleum (béarnais poulh, dindon, lorraine poy). A ajouter :

1. Voy. Romania, XXIV, 586.

2. Cart. de l'abbaye de Vigeois, p. p. J.-B. de Montégut, dans Bullet. de la Soc. arch. du Limousin, t. XXXIX (1890), p. 23, etc.

3. Déjà dans Servius, Bucol. de Virgile, IV, 3.

CAMUCIUM OU CAMUSIUM : prov. chamous, franç. chamois. Le mot paraît tiré, avec une altération de la consonne initiale due peut-être à l'étymologie populaire, de l'anc. haut allem. gamuz, allem. mod. gamse, même sens. Camucium explique le prov. chamous et l'ital. camozzo; camusium, le franç. chamois et l'ital. camoscio.

LIMACIUM prov. anc. limatz, prov. mod. limas, limasi, etc., anc. franç. limas, limace.

MERGULIUM: prov. anc. morgoil, prov. mod. margoui, plongeon. VERRIUM: prov. mod. verri, verrat.

Je réunis ci-dessous un certain nombre de noms divers dont la formation relève du même procédé, pour augmenter la série ivoire, lange, linge, etc.

CAPILLIUM prov. cabelh, chevelure, fane de rave, épi, etc. CIMUSSIUM: bordelais cimui (Mistral), franç. dialect. cimois (Aunis, Saintonge, Poitou), lisière (voy. le Dictionnaire de M. Godefroy; cf. plus bas cimussia).

COCCIUM (pour concheum): prov. mod. cos, cuillère, seau (cf. l'esp. cuezo et plus bas coccia).

CORBIUM: rouergat gorbi, guorbi, panier de bât.

FERRIUM prov. mod. fèrri, forme employée, d'après Mistral, à Marseille et sur les bords du Rhône (cf. plus bas ferrias). MEDULLIUM prov. mezolh, moelle, mie de pain (Raynouard et Mistral).

STANNIUM prov. estanh, franç. étain. Il me semble que l'analogie de cuivre, ivoire recommande cette étymologie plutôt que celle qui consiste à supposer en lat. vulgaire l'existence de stagnum au lieu de stannum (Körting, Lat.-rom. Wört., 7736).

Jusqu'ici tous nos dérivés sont tirés de substantifs. Il faut faire une petite place à ceux qui sont tirés d'adjectifs et qui s'emploient soit substantivement soit adjectivement.

1. Mistral n'indique pas le mot fèrri comme adjectif, mais on le trouve conservé dans deux mots composés intéressants qu'il indique à leur ordre alphabétique beferri, en gascon bec-hèrri, coutre de la charrue, et fourchoferrio (limousin), fourche-fière.

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