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faudrait supposer que le rédacteur de la notice s'est trompé en parlant de « plusieurs ballades sur la guerre, dont l'une d'Eustache Morel ».

Mais je trouve très plausible l'opinion émise par l'auteur de cette notice, d'après laquelle la traduction de Végèce, de 1380, pourrait être l'œuvre d'Eustache Deschamps. En effet, outre diverses poésies sur la chevalerie, telles que la deuxième et la cinquième ballade de notre manuscrit, ce fécond poète a composé, en cette même année 1380, ainsi que me le faisait remarquer dernièrement M. G. Raynaud, plusieurs pièces destinées à servir d'« enseignements » au jeune roi Charles VI. On peut aussi supposer qu'il avait fait cette version sur commande, pour le personnage représenté comme donateur dans la miniature décrite ci-dessus, personnage qu'il faudrait déterminer.

Malheureusement ce ne sont là que de pures hypothèses, pour la vérification desquelles il faut attendre la découverte de quelque autre copie du Végèce en français que contient le manuscrit de Turin.

Jules CAMUS.

[Le ms. de Bruxelles décrit plus loin (p. 402) présente, pour la traduction en vers des Regulæ bellorum generales, quelques variantes qu'il m'a paru utile de relever.

V. 11, « Se ce que pour lui fait ». Latin « si imiteris quod fecit ille pro se ». V. 13, « ce qui (première leçon qu'il) p. t. sera »; latin « Et rursus, quidquid pro tua parte tentaris, contra illum erit, si voluerit imitari ».

V. 43-4, Le ms. de Brux. porte, à la suite d'un grattage, prouffitient, ce qui n'améliore guère le texte. Il faut probablement corriger : « Labour si fait l'ost proufitant | Qui par repos vient a neant » ; lat. « Exercitus labore proficit, otio consenescit. >>

V. 53, « Ses ennemis » ; lat. « Qui dispersis suis inconsulte sequitur, quam ipse acceperat adversario vult dare victoriam. »

V. 78, « li pieur eslire », mauvaise leçon; il faut probablement lire l'espion ; lat. « et statim deprehenditur explorator ».

V. 79, Les deux mss. ont qui, mais il faut que.

V. 80, Les deux mss. ont et, mais il faut est; lat. «< cum consilium tuum cognoveris adversariis proditum ».

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La lecture de la notice qui précède m'a donné l'idée de grouper quelques renseignements, recueillis peu à peu, sur les anciennes traductions françaises du de re militari de Végèce. Ce me sera une occasion de faire connaître quelques manuscrits intéressants par leur histoire comme par leur contenu.

Ces traductions sont au nombre de trois celle de Jean de Meung, datée de 1284; celle de Jean de Vignai, et enfin la version anonyme que M. Camus vient de faire connaître. La première est celle qui paraît avoir obtenu le plus de succès. Non seulement les copies en sont fort nombreuses, mais encore elle a obtenu le singulier honneur d'être mise en vers par un poète d'ailleurs peu éminent, Jean Priorat de Besançon. Je n'en dirai rien de plus : elle sera publiée très prochainement, pour la Société des anciens textes français, par M. Ulysse Robert, qui doit y joindre la mise en vers'.

1. L'édition de M. Robert, actuellement en cours d'impression, est fondée sur deux des quatre mss. du Végèce de J. de Meung que mentionne l'Histoire littéraire (XXVIII, 393 et 398) et qui sont les mss. du Fonds français de la Bibl. nat. 1230, 1231, 1232 et 2063. Il ne sera donc pas inutile de noter ici que la Bibl. nat. possède deux autres mss. de ce Végèce, fr. 12360 et 19104, tous deux du xve siècle, et, à ce qu'il semble, de médiocre valeur. Ajoutons enfin qu'en dehors de la Bibl. nat. il existe d'assez nombreux exemplaires de la même version, à savoir:

BERNE, 280 (Cat. Sinner, I, 621; Cat. Hagen, p. 305).

CARPENTRAS, 328, relié en velours noir, comme les mss. de Bouhier. Romania, XXV.

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II.

TRADUCTION ANONYME FAITE EN 1380

Au sujet de la version de 1380, signalée actuellement pour la première fois par M. Camus, je dois dire que si le ms. de Turin m'était inconnu, j'avais depuis longtemps noté un autre exemplaire de cette même version à la Bibliothèque royale de Belgique, sous le n° 11046.

Voici la description de ce ms., d'après des notes prises à Bruxelles il y a plusieurs années.

C'est un assez beau ms. sur vélin, écrit aux environs de l'an 1400, composé de 75 feuillets, à 28 lignes par page, dont les quatre premiers sont occupés par la table des chapitres. Cette table est précédée d'une rubrique ainsi conçue :

Ci commence le livre de l'art de chevalerie, fait de hault homme et noble jadis Flave Vegesce du René, conte1. Ce traitié contient quatre livres, et fut translaté de latin en françois l'an de grace mil .ccc.iiijxx.

Très beau ms. des dernières années du XIIIe siècle ou du commencement du Xive.

LONDRES, Musée brit. Roy. 20. B. XV.

Sloane, 2430.

OXFORD, Bodléienne, Douce, 149.

PARIS, Arsenal, 2551, 2915, 2916.

ROME, Vatican, Christ. 1628. Ce ms., que M. E. Langlois n'a pas mentionné dans ses Notices des mss. fr. de Rome, est indiqué par Montfaucon sous le no 772, mais il ne figure pas sur la table de concordance dont on se sert à la Vaticane. M. Mirot, membre de l'École française de Rome, qui a bien voulu le rechercher à mon intention, m'en a envoyé une description d'où il résulte que c'est un ms. assez richement enluminé des premières années du XIVe siècle. C'est très probablement le n° 1236 de Petau (Montfaucon, I, 92). Mais je ne sais rien de son histoire antérieure : l'incipit du 2e feuillet, qu'a bien voulu me communiquer M. Mirot, ne m'a fourni aucun moyen d'identification avec les mss. de Végèce qui ont figuré soit dans la librairie du Louvre, soit dans celle des ducs de Bourgogne.

TURIN, archives d'État, deux manuscrits du xive siècle, dont l'un au moins a appartenu à la famille de Savoie; voy. Pietro Vayra, Il museo storico della casa di Savoia nell' archivio di stato in Torino (Torino, Bocca, 1880), p. 101 et 104, note 1.

1. Traduction peu intelligente du titre FLAVII VEGETI RENATI COMITIS epitoma rei militaris.

Le premier feuillet du texte (fol. 5) est bordé d'une vignette assez élégante, toute semblable à celle qui entoure le feuillet correspondant du ms. de Turin'. La moitié supérieure de ce feuillet est occupée par un écu en losange écartelé au 1 et 4 d'argent à trois fasces de gueules, qui est Croy; au 2 et 3 d'argent à trois doloires de gueules, les deux du chef adossées, qui est Renti, avec un écu en abîme, écartelé : au 1 et 4 losangé d'or et de gueules, qui est Craon, et au 2 et 3 d'or au lion de sable, qui est Flandres 2.

L'écu écartelé de Croy et de Renti appartient à la famille de Croy depuis le mariage de Guillaume II de Croy avec Isabeau, fille d'André, baron de Renti (1334). Ce Guillaume II de Croy eut pour fils Jean II de Croy, tué à Azincourt (1415), qui épousa, avant 1388, Marguerite, fille de Jean de Craon 3. L'écu est peint sur un fond d'azur broché d'or et cantonné au 1 et 4 d'un objet en forme de poire, accroché à un crochet par un double anneau, et au 2 et 3 des lettres gothiques Lp. Il y a une barre au-dessus du p. Je n'ai aucune explication à offrir de ces derniers signes. Quant à l'écu lui-même il est évident qu'il a appartenu à une femme, puisqu'il est en losange. Je ne suis pas assez expert en art héraldique pour affirmer que cette femme était Marguerite de Craon, l'épouse de Jean, mais cela me paraît bien vraisemblable. Si l'on objectait qu'un traité sur l'art militaire n'est pas un livre à mettre dans la bibliothèque d'une femme, je répondrais qu'il n'est pas ordinaire non plus de peindre des armoiries à l'endroit qui est ordinairement réservé à la miniature de présentation. J'imagine que, la place de la miniature étant restée vide, la dame à qui le livre était échu par héritage y aura fait peindre ses armes en grandes dimensions, pour remplir le vide.

Puis vient le prologue :

Anciennement les estudes des bonnes sciences souloient estre mises en escript, et les livres que li saige en faisoient estoient premierement presentés aux princes, car il n'est riens qui soit commencié a droit, se, après Dieu, la faveur des princes n'y est, ne il n'est riens qui plus aviengne a aucun qu'il fait

1. M. Camus a bien voulu m'envoyer la photographie d'une partie de ce feuillet du ms. de Turin.

2. Ces armes se rencontrent sur divers mss.; entre autres Arsenal 5086, Bibl. roy. de Belgique 9009-11, etc.

3. Voy. Bertrand de Broussillon et P. de Farcy, La maison de Craon (Paris, 1893), II, 275-7.

au prince a savoir plus et meilleurs choses, car son senz est prouffitables a tous ses subgiez............

Début de la traduction :

Comment les Romains soubzmistrent a eulz le monde par l'art et exercitement des armes.

L'en ne voit que pour nulle autre cause le peuple de Romme soubzmeïst a sa seigneurie le monde, fort tant seulement qu'ilz s'exercitent (sic) en armes et avoit (sic) science de guerroier, et l'usage de chevalerie. Comment pour (sic) avoir vertu de (sic) petit peuple de Romme encontre la grant multitude de Gales? Comment se peut la petitesse des Rommains enhardir contre les Alemans et ceulz que l'en appelle Germains, qui sont de grant estature? Ne furent mie jadis les Espaignolz plus excellans des Rommains ou nombre et en force de corps?...

J'ai cité le morceau même transcrit d'après le ms. de Turin dans l'article précédent, pour qu'on puisse juger de la valeur du ms. de Bruxelles. On voit que cette valeur est médiocre.

La traduction se termine ainsi au fol. 73 :

Des autres choses qu'ilz peuent avenir es guerres, je me passe quant a oure, car l'usaige et le hantement de l'art de chevalerie treuve tous jours plus du fait et de la maniere de saigement guerroier que l'ancienne doctrine n'en pourroit monstrer.

Suit, comme dans le ms. de Turin:

Des rieules generaulz de l'art de chevalerie.

Tu, qui de guerres vueulz savoir,
Dois pour general rieule avoir
Que ce qui prouffit te peut faire
Soit nuisance a ton adversaire

Car qui peut bien entendre et lire
Et vueult du faire songieux estre
En labourant devendra maistre.
Amen. Explicit.

Vient enfin cet ex-libris:

C'est le livre nommé l'art de chevalerie ou il n'y a que une histoire', et est a mons Charles de Croy.

CHARLES.

1. Cette « histoire » n'est autre que les armoiries décrites plus haut.

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