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2o Un recueil de pièces sur le droit de mer à Monaco, dont la dernière est de l'année 1517'.

3° Quelques feuillets, qui ont été coupées anciennement, au nombre de six2;

4° La chronique en question, d'écriture contemporaine à sa dernière date, portant le titre de Recort et memoria et finissant par les mots et si volles saber mon nom, mi apeli Gioam Badat3.

Ce volume qui a appartenu à Pierre Badat est donc parvenu à Jean Badat son petit-fils; car nous trouvons sa signature au bas de la première feuille du répertoire, signature précédée d'une épigraphe en deux vers rimés, en mauvais italien de l'époque, et suivie d'une sentence des saintes écritures:

Remdite a me ingrata que sai bene

Que non si pou salvar qui l'altrui tene

Jo. Badat.

Iniquos hodio habui.

Cette signature, outre qu'elle fait preuve de la possession du volume par les Badat, est aussi une garantie de l'authenticité de la chronique.

Il se présente cependant une difficulté: certaines corrections. faites, après coup, sur le manuscrit; mais une hypothèse bien naturelle peut tout concilier: Badat aura fait recopier ses mémoires par un scribe en y ajoutant ensuite quelques corrections. Voici quelques faits, qui prouvent mon assertion.

1o Il n'existe, à ma connaissance, aucune autre copie de la chronique.

2° L'écriture a tous les caractères de la seconde moitié du XVIe siècle.

3o La signature autographe de l'auteur.

4o Celle-ci, aussi bien que l'épigraphe, paraissent de la même main qui a écrit les corrections et l'en-tête Recort et memoria+.

1. Fos 139-197. 2. Fos 197-203. 3. Fos 203-208.

4. Au fo 100 du répertoire on trouve aussi l'annotation suivante, d'une écriture pareille aux corrections faites à la chronique: Transasio et terminasio orti Chaterine de Monte et grave Pallionis; instrumentum per P. Nitardi notarium, die 17 dec. 1470; est in archivio, vidi.

5° Jean Badat a dû composer sa chronique au fur et à mesure des événements, depuis 1538 probablement; car ceux plus éloignés de 1516 paraissent n'être signalés que de mémoire, puisque le quantième du mois fait défaut. Dans ses vieux jours, il aura fait mettre au net ses souvenirs sur le volume des statuts de Nice; en effet, la chronique est écrite d'une seule fois et d'écriture uniforme.

6° Finalement, une erreur commise par le scribe de Jean Badat nous ôte toute incertitude. En parlant du gouverneur de Nice, en 1524, la chronique l'appelle François de Chansy et Gioffredo écrit toujours ce nom avec cette forme ; c'est un lapsus calami, car le nom de fief appartenant au gouverneur de Nice François de Poypon dit Belletruche n'est pas Chancy mais Chaney l'erreur commise par Gioffredo prouve bien qu'il avait sous les yeux le volume même dont je publie aujourd'hui intégralement le texte.

Après Gioffredo sont venus, au siècle passé, plusieurs annalistes, dont les manuscrits n'ont pas obtenu les honneurs de l'impression, et divers écrivains niçois, qui n'ont rien su ajouter sur l'histoire de leur pays à ce qui avait été dit par leur éminent devancier. Lorsqu'ils arrivent à la période comprise dans les limites de notre chronique, ils ne se font pas faute de la citer à tort et à travers, les uns après les autres, Louis Durante surtout, comme s'ils avaient eu le manuscrit même dans les mains.

Nous devons nous occuper de ce dernier écrivain à propos de notre chronique, parce que la citation qu'il a faite de nombreux passages qui ne s'y trouvent pas, et l'extrait en langue italienne dont il donne un fragment, pourraient faire croire à l'exis

1. Vol. 4, p. 521 et 535.

2. Louis Durante, Histoire de Nice depuis sa fondation jusqu'à l'année 1792. 3 vol. Turin, 1823. Celui-ci surtout accumule ses citations tout à fait au hasard, sans que les écrivains qu'il nomme aient parlé des événements dont il s'agit; il cite les archives de l'abbaye de Saint-Pons qui ont été dispersées à la fin du siècle passé, les archives capitulaires de Nice, où les chanoines euxmêmes ignoraient l'existence du moindre parchemin avant l'exploration que j'en fis en 1886; il cite des manuscrits qui n'ont jamais existė, parfois il annonce qu'ils se trouvent à la bibliothèque du roi, aux archives qu'il ne connaît que de nom. Comme cet ouvrage est le plus connu à Nice, il était utile de dire combien il est peu digne de confiance.

tence d'une seconde chronique. Il cite en effet Jean Badat sous les titres suivants : Relation manuscrite de Jean Badat, Notizie istoriche di Giovanni Badat, Notes Ms. de Jean Badat, citoyen de Nice et témoin oculaire'. Racontant le sac donné à Nice à la fin du siège, il rapporte un chapitre de la chronique sous le titre de Relation de Jean Badat sur le sacage et incendie de la ville de Nice par les Turcs; chapitre qui commence de la façon suivante: Era notte buja, quando i barbari figli di Maometto entrarono in città con alcuni ladri Francesi per por la a sangue e sacco, etc. 2. Or, nous avons la ferme conviction que Badat n'a jamais écrit cette belle page d'éloquence; il ne devait pas écrire l'italien aussi correctement et le style n'est pas de l'époque où elle aurait été rédigée.

Nous allons le prendre en défaut d'une manière plus certaine encore, lorsqu'il raconte l'aventure d'un certain corsaire Occhiali, renégat calabrais, qui, en 1560, avait réussi à enlever deux courtisans du duc de Savoie et avaient failli s'emparer de ce dernier; on ne réussit à obtenir leur délivrance qu'en lui accordant de baiser la main de la duchesse, impasse dont on se tira en lui présentant pour cet hommage une demoiselle d'honneur. Or, Durante dit de cet épisode, qu'il l'a tiré en grande partie du ms.de Jean Badat intitulé Notizie Istoriche3. Notre texte ne contenant rien de semblable, on pourrait croire à un autre exemplaire plus complet, mais si on consulte Gioffredo à cet égard+, celui-ci, plus exact, citera plusieurs auteurs, Pingone, De Buttet, Tonso, Campana, Guichenon, Fighiera, mais nul souvenir de la chronique de Badats.

Une autre question se relie à la chronique et aux citations qui ont été faites afin de confirmer la tradition légendaire d'une femme du peuple, Catherine Segurane, qui aurait enlevé une

1. Durante, t. II, p. 283, 339, 219.

2. Ibid., p. 308 et 317.

3. Ibid., p. 345.

4. Gioffredo, t. V, p. 405.

5. Sur la fausseté de l'indication des sources historiques par Durante, nous ajouterons qu'il cite ici une relation écrite par Francesco Gioffredo di Nizza, auquel plus loin il donne le nom de Christophe (p. 282 et 291), tandis qu'il s'agit bien d'un François Gioffredo, mais de San Remo et écrivant vers 1600. Cfr. Gioffredo, Storia A. M., t. VI, p. 117.

enseigne aux Turcs, lors de l'assaut au bastion de la tour Cinq Caire le 15 août 1543. Durante, aussi ici, suivi par tous ses successeurs, cite à plusieurs reprises la Chronique à propos de cet épisode du siège, et voulant réfuter l'opinion qui appliquait le nom de donna Maufaccia, qui se trouve sur un petit monument en son honneur, plutôt au buste qu'à la personne, il dit : « Nous ne partageons pas cette opinion, car les notes manu<scrites de Jean Badat qui a vu et connu cette femme, la dési<< gnent comme excessivement laide et repoussante » 1. Or rien de pareil se trouve dans le texte; aucune femme n'y est nommée à la date du 15 août. Serait-ce une raison pour ne pas admettre cette tradition, qui est d'autre part appuyée par quelques éléments de preuve historique? Examinons-les, puisque la chronique a été muette. Gioffredo en parle et paraît y croire2; il s'appuie sur l'assertion seule de Pastorelli, mais ne cite point les chroniques de Badat et de Lambert.

Cet Honoré Pastorelli est le premier historien qui parle de l'héroïne niçoise3; il n'en donne pourtant pas le nom et se borne à dire que les Turcs perdirent une enseigne qui leur fut enlevée par une femme de Nice, « da una cittadina chiamata. donna maufacscia+ ». Cet écrivain mérite confiance, car c'était un magistrat consulaire, se piquant d'érudition, ainsi qu'en fait foi son petit livre publié un demi-siècle après l'événement; il en avait été presque témoin. Nous dirons la même chose de l'assertion de Fighiera qui est qualifié d'avocat en 1611 et mentionne Catherine Ségurane en 16345.

1. Durante, op. cit., t. II, p. 293, 295 et 296 n.

2. Gioffredo, t. V, p. 177.

3. Discorso del Monastero Antico delle Monache di Santa Chiara, p.25 (Nizza, 1608).

4. « De mesme lesditz Turchz et François meslés tous ensemble donnantz << troyz assaultz à la breche de le bastilion de la Peyrolière jusques passé la tour de cinq quayre... ils perdirent troyz enseignes des Turchz... l'une des<< quelles enseignes fust portée au dict chasteau et pendue, le contrebas de fer « dessoubz, à la vue des ennemys ». Lambert, loc. cit., col. 915.

5. Manuscrit des Archives de Turin, Nizza e Contado, Maz. 3, 3, intitulé Falto historico della Città e Contado di Nizza, et rédigé pour le duc de Savoie sous la date de 1634. L'auteur Antoine Fighiera était déjà qualifié di avvocato della Nunziatura en 1611; au mois de juillet 1631, il avait été appelé au château de Mirafiori, près de Turin, par le duc de Savoie pour cette relation, qui est pourtant dépourvue de tout mérite.

Je remarquerai maintenant pour mon propre compte, que le fait de la prise d'une bannière par les Turcs est affirmé par la chronique de Lambert. Ensuite il est avéré que les syndics, à une époque plus ou moins éloignée de l'événement', firent placer sur la porte Pairolière un buste représentant l'héroïne populaire et portant sur le socle la légende :

1543

Catarina Segurana

dicta donna
maufaccia

Sur une plaque séparée on trouve l'inscription suivante :

Nicæna amazon

irruentibus Turcis occurrit

ereptoque vexillo

triumphum meruit

Le buste et l'inscription, enlevés lors de la destruction de cette porte en 1780, furent d'abord oubliés, puis retrouvés et déposés à l'Hôtel de Ville et au musée municipal2.

Il nous paraît donc qu'on peut conclure, sans hésitation, en faveur de l'existence de Catherine Ségurane, malgré le tort apporté à sa cause par les assertions mensongères de Durante et de ceux qui l'ont copié, malgré même le silence complet de la chronique de Badat.

Celle-ci mentionne au contraire un trait de haute valeur morale concernant une autre Niçoise, noble dame Apollonie Grimaldi de Rimplas, femme du capitaine général de la ville et du comté de Nice, Etienne Doria, seigneur de Dolceacqua, auquel on venait de confier en 1544 ce commandement; lui, tout grand seigneur qu'il était, elle nouvellement mariée et au dessous de 19 ans, tous les deux ils se mirent à l'œuvre patriotique de la réparation du château, et, comme exemple aux habi

1. Durante (p. 296) prétend que le buste fut élevé en 1544. Les directeurs du musée de la ville ont fixé la date de la pose de la plaquette à l'année 1670. Ce n'est pas plus vrai, car en 1634, Fighiera parle déjà de ce petit monument; du reste j'ai vainement cherché cette délibération dans les actes consulaires qui se trouvent aux archives communales de Nice.

2. Le buste paraît y avoir existé déjà à la fin du siècle passé; sa plaque fut découverte en 1839 par le chanoine de Andreis.

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