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CHRONIQUE

Le baron Jérôme Pichon, qui est décédé à Paris, le 25 août, à l'âge de 84 ans, n'était pas seulement un antiquaire, un bibliophile et un collectionneur hors ligne. Il s'était occupé du moyen âge à plusieurs points de vue, surtout en préparant une grande histoire de l'orfèvrerie en France, qui devait être l'œuvre capitale de sa vie, et qu'il n'a jamais rédigée. On lui doit l'édition du Ménagier de Paris, enrichie de notes extrêmement précieuses, et suivie du Chemin de povreté et de richesse de Jean Bruant. Il y a trois ans, il imprimait, avec M. Vicaire, le Viandier de Taillevent, et l'accompagnait d'une savante et curieuse introduction (Rom., XXI, 306). Il a aussi publié le petit poème de la Chasse du cerf (XIIe siècle). Il avait recueilli, sur la chasse, la cuisine, le ménage et d'autres aspects de la vie d'autrefois, une masse considérable de notes que le souci de la perfection et l'espoir de trouver toujours davantage l'ont malheureusement empêché de mettre en œuvre.

Notre collaborateur, M. le docteur Max Paufler, a été nommé lecteur pour le français à l'université de Fribourg-en-Brisgau.

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Notre collaborateur, M. Gauchat, professeur à l'université de Berne, a été chargé par les gouvernements des cantons romans de la Suisse de préparer et de diriger la publication d'un grand dictionnaire de tous les parlers suisses d'origine latine, qui fera le pendant de l'excellent Idiotikon qui se publie depuis quelques années pour les parlers germaniques. Nul n'était mieux désigné que M. Gauchat pour cette grande tâche, et le plan qu'il a déjà dressé fait voir qu'il en comprend toutes les exigences. Il faut souhaiter qu'il trouve des collaborateurs assez nombreux, assez zélés et assez capables.

Le 21 juin dernier, on a donné à Arras une représentation du Jeu de Robin et Marion d'Adam de la Halle. Les vers avaient été adroitement rajeunis par M. Émile Blémont, les airs restitués et accompagnés d'une discrète orchestration par M. Julien Tiersot. On trouvera le texte renouvelé dans une plaquette intitulée Commémoration d'Adam de la Halle (Paris, à la Revue du Nord), qui contient aussi des vers de circonstance de M. Jean Richepin et d'autres poètes; la partition pour piano et chant a paru chez l'éditeur Fromont. La « reprise » de la pastorale d'Adam a eu, d'après tous les comptes rendus (voyez notamment celui de M. Carl Voretzsch dans la Beilage de l'Allgemeine Zeitung du 2 septembre), le plus vif succès : les fleurs des champs cucillies il y a dix siècles par le délicat poète d'Arras n'avaient rien perdu de

leur fraîcheur. M. Sarcey, qui avait assisté, à Paris, à la répétition générale, s'est montré enchanté de l'œuvre et des interprètes, et a exprimé le souhait que « le plus ancien de nos opéras-comiques » fût représenté au théâtre consacré à ce genre. Ce serait assurément pour le public parisien une piquante et instructive nouveauté (bien qu'à vrai dire cette désignation de l'œuvre d'Adam ne soit pas tout à fait juste).

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Signalons, dans le même ordre d'idées, une très intéressante tentative de M. Georges Gourdon pour transporter à la scène moderne un de nos plus beaux sujets épiques: Guillaume d'Orange, poème dramatique, avec préface de M. Gaston Paris (Paris, Lemerre, 1896, in-12).

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- L'« Union pour l'action morale » vient de publier, en un beau fascicule in-4 avec musique, Huit chants héroïques de l'ancienne France, dont quatre appartiennent au moyen âge. C'est M. Pierre Aubry qui s'est chargé de l'arrangement musical, et G. Paris qui a écrit la préface.

Dans le compte que j'ai rendu de l'édition de la Règle de saint Benoit de Nicole, par M. Héron, je lui ai reproché (p. 325) de n'avoir pas relevé au glossaire le mot deens, « dedans ». M. Héron me fait remarquer que deens dans ce passage est le lat. decanus, comme le montre le texte latin. Je profite de l'occasion pour prier les lecteurs d'effacer, à la p. 323, l'appel de note de la 1. 7 et de changer en l'appel de la 1. 22; l'appel 3 se place à la l. 24, après << propre ». — G. P.

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Viennent de paraître à la librairie Hachette: Extraits de la Chanson de Roland, publiés avec une introduction littéraire, des observations grammaticales, des notes et un glossaire complet, par Gaston PARIS, cinquième édition, revue et corrigée (in-16, xxxv-160 p.); Récits extraits des poètes et prosateurs du moyen âge, mis en français moderne par Gaston PARIS (VIII-232 p.).

Le t. II du Jahresbericht über die Fortschritte der romanischen Philologie, unter Mitwirkung von über hundert Fachgenossen herausgegeben von Karl VOLLMÖLLER, mitredigiert von G. BAIST, Otto E. A. DICKMANN, R. MAHRENHOLTZ, C. SALVIONI (Leipzig, Renner; Paris, Welter), a commencé à paraître il comprend les années 1891-93 et la première moitié de 1894. La première livraison (p. 1-128), que nous avons sous les yeux, est extrêmement intéressante. Après des articles sur des sujets un peu éloignés de la philologie romane, mais dont les romanistes font cependant bien de suivre les progrès (Linguistique générale et indogermanique par L. Sütterlin, Phonétique générale par E. Koschwitz, Langue latine par E. Skutsch) viennent les articles suivants: Latin populaire (W. Meyer-Lübke), Latin des juristes (W. Kalb), Latin du moyen dge (L. Traube), Grammaire romane (W. Meyer-Lübke), Langue italienne (W. Meyer-Lübke), Dialectes de l'Italie centrale (C. de Lollis), Dialectes du sud de l'Italie (H. Schneegans), Dialectes sardes (P. E. Guarnerio), Rétoroman (Th. Gartner), Provençal (E. Stengel), Textes provençaux (E. Levy). -Les noms des rapporteurs sur chacun de ces sujets disent assez qu'il ne s'agit pas de simples énumérations des livres et des articles parus dans la période étudiée, mais que ces livres et ces articles, et par conséquent les points les plus

divers de la philologie romane, sont l'objet de critiques compétentes et approfondies, parfois plus importantes qu'eux-mêmes. Nous ne pouvons naturellement rendre à notre tour un compte détaillé de ces comptes rendus. Nous nous bornerons à répéter que le Jahresbericht est indispensable à tous les romanistes, et plus particulièrement peut-être à ceux de notre pays, où on a moins de facilité qu'en Allemagne pour se tenir au courant de la science. Nous nous félicitons donc qu'il soit rené de ses cendres, et nous souhaitons bien sincèrement qu'il prospère. On trouve un intéressant exposé du plan et de la portée de l'œuvre dans la brochure intitulée: Ueber Plan und Einrichtung des Romanischen Jahresberichtes, von Karl VOLLMÖLLER (Erlangen, Lange, 1896). - M. Vetter paraissant avoir définitivement abandonné son projet de donner une édition du Tristan de Thomas, M. J. Bédier a repris ce projet et a commencé à travailler à l'exécution. Il publiera, en outre, prochainement une mise en prose moderne, d'après les anciens poèmes, de l'histoire de Tristan et Iseut, destinée à une publication illustrée.

M. Schläger prépare une édition critique du Charroi de Nimes et de la Prise d'Orange.

M. Wallensköld, professeur à l'université d'Helsingfors, prépare une édition de Florence de Rome, d'après les quatre manuscrits connus.

Dans un volume intitulé Recherches sur la poésie coutemporaine (Paris, 1896, in-12), M. Raoul Rosières a inséré un article qui touche à nos études : c'est « l'histoire d'un lieu commun d'Horace à Aubanel ». Il s'agit de l'évocation du renouveau au début d'une poésie. D'après M. R., les troubadours, qui ont propagé ce lieu commun dans les diverses littératures modernes, l'ont emprunté à la poésie latine, car « la poésie provençale est à la poésie latine ce que la langue d'oc est au latin ». C'est un « principe », ajoute l'auteur, «< qui va contre l'opinion de Diez et de la plupart des historiens de la littérature provençale, mais dont nos propres recherches nous ont toujours amené à constater l'exactitude et que nous démontrerons, s'il le faut, un jour ou l'autre plus amplement. » La démonstration ne sera pas aussi facile que le croit M. R., et le parallélisme ne saurait en tout cas être exact entre une évolution spontanée et une imitation voulue. Quant au «< lieu commun » dont il s'agit, il est bien vrai qu'il se rattache sans doute à une poésie latine antérieure à la provençale, mais à une poésie populaire et non aux compositions de Fortunat, d'Ausone ou d'Horace que cite M. Rosières. Il y a toutefois quelque intérêt dans ces citations, et il vaudrait la peine de rechercher, dans la littérature latine elle-même, et l'origine et tous les exemples de ces débuts printaniers. Ne trouverait-on pas que, comme toute la poésie lyrique latine, ils sont empruntés aux Grecs? Notons que dans un autre endroit de son livre (p. 247) M. R. indique la source, vainement cherchée jusqu'ici, où Victor Hugo a pris l'idée de son Mariage de Roland: c'est le ch. X du livre d'E. Quinet, De l'histoire de la poésie (1857).

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Aux pp. 375 ss. du volume de 1896 de la Zeitschrift für deutsches Alterthum, M. E. Dümmler a imprimé, d'après les cinq mss. connus, le poème

latin rythmique De Jacob et Joseph qu'Ed. du Méril avait publié d'après un seul d'entre eux. Le plus ancien de ces mss., celui de Cheltenham (autrefois de Reichenau), qui est du commencement du Ixe siècle, nous a seul conservé les 17 derniers des 69 quatrains de septénaires rythmiques (non rimés) dont se compose la pièce. Elle est intéressante pour l'histoire de la versification : la loi de l'accentuation binaire y est très régulièrement observée, à très peu d'exceptions près, dont plusieurs pourraient se corriger par de faciles interversions. On peut noter l'accentuation d'Aegyptus sur la première syllabe (gr. Alyurtos), de conjuges sur la deuxième, ainsi que de pendere confondu avec pendere.

· Livres annoncés sommairement :

Un procédé de formation du langage populaire, étudié particulièrement dans les dialectes d'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Inférieure: le redoublement de l'idée dans les composés, par J. JOSEL. Rennes, Oberthur, 1895, in-8, 49 p. Ce mémoire posthume, imprimé par les soins de M. E. Dottin, est l'œuvre d'un autodidacte qui avait des idées, mais qui manquait de méthode et de connaissances historiques. Il s'attache partout à voir dans les mots des combinaisons de deux mots influant l'un sur l'autre de la façon la plus diverse et souvent la plus invraisemblable (p. ex. racaille de retaille et raclure, trémousser de tracasser, remuer et mouvoir). Sauf l'explication du mot populaire pouiller, « habiller », comme tiré de dépouiller par erreur sur la valeur du préfixe (mais cette explication si évidente est-elle nouvelle?), il n'y a rien dans cette brochure dont la science puisse faire son profit. Ce qu'on peut dire, c'est qu'il est regrettable que J. Josel, qui était clerc de notaire à Saint-Vincent-des-Landes (Loire-Inférieure), n'ait pu cultiver, par une instruction méthodique, les remarquables facultés linguistiques qu'il possédait, et qui lui avaient donné, pour les recherches étymologiques, une passion qui, du moins, l'a rendu heureux.

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Histoire des relations de la France avec Venise, du XIIIe siècle à l'avènement de Charles VIII, par P.-M. PERRET, précédée d'une notice sur l'auteur, par P. MEYER. Paris, Welter, 1896. 2 vol. in-8, XXXII-596-470 pages. Cet ouvrage posthume, et que l'auteur, enlevé par une mort prématurée, n'a pu même entièrement achever, est purement historique et par conséquent n'aurait aucun droit à figurer ici, s'il ne s'y trouvait, parmi les appendices (II, 239-304), un document français fort curieux et jusqu'à présent, croyonsnous, complètement inconnu. C'est une « description ou traictié du gouvernement et régime de la cité et seigneurie de Venise », dont feu Perret connaissait trois mss. : un, exécuté avec beaucoup de luxe, vers l'an 1500, pour l'amiral Louis Malet de Graville († 1516), et appartenant à M. le duc d'Aumale; les deux autres, copies du premier, faites au XVIe siècle, conservés à la Bibliothèque nationale. Cette description est l'œuvre d'un homme réfléchi et parfaitement informé. Elle entre en des détails minutieux pour tout ce qui concerne l'administration, l'élection des magistrats, le com

merce, etc. Par un singulier scrupule d'exactitude, elle donne la figure des boîtes à scrutin employées dans les divers conseils de la république. Une vue de Venise à la fin du xve siècle (ici reproduite à petite échelle en phototypie) orne le ms. du duc d'Aumale. Perret n'a pu, avant de mourir, rédiger la notice qu'il se proposait de faire sur ce curieux document, qui mérite d'être signalé aux érudits vénitiens.

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Dott. Aless. BELLUCCI, Inventario dei manoscritti della Biblioteca di Perugia. Forli, L. Bordandini, 1896. Gr. in-8, 244 pages. Cette bibliothèque contient peu de mss. très précieux. Le nombre de ceux qui sont antérieurs au XIVe siècle est fort restreint. Toutefois elle renferme beaucoup de recueils de vers ou de prose qui ont de l'intérêt pour l'histoire de la littérature italienne au xve siècle. Le n° 431 est un chansonnier italien du xve siècle dans lequel, comme en plusieurs autres que l'on connaît déjà (cf. Zeitschr. f. rom. Phil., XI, 371, et Rom., VIII, 73), des chansons françaises sont mêlées aux pièces italiennes (lire trop vos mesprennés et non mes prennés, p. 77). Le catalogue nous a paru fait avec soin et méthode. Souvent, il est vrai, on aurait pu identifier plus complètement certains écrits latins; mais l'auteur n'avait sans doute pas sous la main les instruments de recherche nécessaires. On regrette surtout l'absence d'une table. Cette table avait été rédigée (voy. p. 11). L'auteur, l'ayant perdue, n'a pas eu le courage de la recommencer.

Il Tristano Riccardiano, edito ed illustrato da E. G. PARODI. Bologna, Romagnoli, 1896. In-8, ccx-467 p. (Collezione di opere inedite o rare... pubblicata dalla R. Commissione pe' testi di lingue). — La version toscane du Tristan en prose ici publiée, qui remonte au XIIIe siècle, n'est pas seulement précieuse au point de vue linguistique, comme l'a montré l'éditeur dans la seconde partie de son introduction et dans son lexique; elle n'est même pas seulement intéressante pour l'étude des différentes rédactions italiennes de nos grands romans bretons (Introd., I, 1-2, et Appendice); elle a une certaine importance comme représentant une forme particulière, et en certains traits plus primitive que nos manuscrits français, comme M. Parodi a essayé de le montrer à l'aide du travail si méritoire de M. Loseth (Introd., I, 3). Cette publication intéresse donc les romanistes de plus d'une façon, et il n'est pas besoin de dire, étant donné le nom de l'éditeur, qu'elle est exécutée avec autant de critique que d'érudition. Il Trattato De vulgari eloquentia per cura di Pio RAJNA. Firenze, Le Monnier, 1896. In-4, CCXV-206 p. (Società dantesca italiana). Cette belle publication est d'une importance que le nom de l'auteur et celui de l'éditeur nous dispensent d'indiquer plus longuement à nos lecteurs. Nous leur dirons. seulement que le texte de l'oeuvre de Dante est publié d'après les trois manuscrits connus, de Grenoble (G), de Milan (T) et de Rome (V) (dont chacun est représenté par un fac-similé héliotypique), et que le commentaire s'attache exclusivement, mais avec la critique la plus sûre et la plus exacte, à tout ce qui peut servir à la constitution du texte. La longue introduction

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