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»>immeubles, suivant la coutume de Paris: » une mise en Communauté de 30,000 livres » pour chacun; le surplus des biens et droits » des futurs époux, ensemble ce qui leur reviendra et échoira durant le mariage, tant » en meubles qu'immeubles, successions, do>> nations, legs ou autrement, sera et demeu>> rera propre à chacun des conjoints respecti>>vement, et aux siens de son cóté et ligne : Deux fils sont nés de ce mariage. Le sieur Baudon est mort à quatre-vingt-quatre ans. Dans le partage de sa succession, les enfans du premier lit ont élevé une difficulté relative aux bénéfices du bail des fermes commencé en 1756, trois ans avant le second mariage, et fini trois ans après; et ils ont demandé que prélèvement fût fait sur la seconde Communauté au profit de la premiere, de tous les bénéfices de ce bail, pour la moitié appartenir aux enfans du premier lit, et l'autre moitié être partagée également entre tous les enfans. Il a donc fallu examiner de nouveau de quelle nature sont les bénéfices d'un bail de la ferme générale, si l'on doit les considérer comme des fruits annuels, qui, à ce titre, tombent dans la Communauté; ou comme des capitaux et des fonds qui sont censés acquis dès l'instant de la signature du bail à chacun des fermiers généraux, .quoi que, dans le fait, ils ne se partagent qu'à la fin du bail.

Une sentence des requêtes du palais les a considérés comme des fonds, et en a ordonne le prélèvement sur la seconde Communauté. Sur l'appel interjeté de cette sentence par la dame veuve Baudon et ses enfans mineurs, les enfans du premier lit disaient, pour en soutenir le bien jugé, que trois titres différens se réunissaient pour exclure de la seconde Communauté les bénéfices des baux commences trois ans auparavant : 10. l'art. 279 de la coutume de Paris; 2o. la nature de ces bénéfices et les principes qui doivent en déterminer le sort, relativement à la Communauté; 3o. la clause de stipulation de propres, portée au contrat de mariage du sieur Baudon avec la demoiselle de Ligneville.

«Suivant l'art. 279 de la coutume (disaientils), le mari ou la femme qui convole, ne peut faire entrer dans la seconde Communauté, rien de ce qui lui est venu de la première ; et quant aux conquêts faits avec ses précédens maris, n'en peut disposer aucunement au préjudice des portions dont les enfans desdits premiers mariages pourraient amender de leurs mères.

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pris dans la prohibition. On n'en doute plus depuis le célèbre arrêt rendu sur les conclusions de M. d'Aguesseau, le 4 mars 1697. (V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Conquéts, S. 1). Il est également reconnu que la disposition s'entend de ce qui a été acquis pendant la continuation de Communauté, comme de ce qui l'a été pendant la Communauté même.

» Cela posé, reste un seul point à éclaircir, celui de savoir si l'on peut dire que les produits des fermes générales étaient censés acquis au sieur Baudon père, avant qu'il eût contracté la seconde Communauté.

» Pour pouvoir décider cette question, il faut bien connaître, premièrement, la nature du bail en général; secondement, la nature du bail des fermes générales en particulier.

» Qu'est-ce qu'un bail à ferme? C'est le contrat par lequel un propriétaire vend à un tiers le produit de la chose, pendant un certain nombre d'années: le bail à ferme est donc essentiellement une vente, les lois romaines le disent expressément : Locatio conductio proxima est emptioni et venditioni, iisdemque juris regulis consistit ( Inst., lib. 3, tit. 25).

» Si le fermier ne fait autre chose, par le bail, qu'acheter un certain nombre de récoltes, la conséquence qui résulte de la nature de ce contrat, c'est qu'au moment où il a signé le bail, il a, en vertu de ce bail, la propriété des récoltes qu'il a acquises, quoiqu'elles ne soient point encore échues; car l'échéance des récoltes les place de fait dans sa main}; mais elles y étaient de droit dès le moment du bail.

» C'est ainsi que, dans l'espèce d'une obli gation d'une seule somme payable en plusieurs termes, on ne peut pas dire que le créancier ne devienne propriétaire de chaque somme qu'au fur et à mesure des échéances ; il l'est de la totalité dès le moment même de l'obligation.

» Voyons maintenant ce que c'est qu'un bail des fermes générales.

» C'est la vente que fait le roi à une compagnie, des revenus de l'état, pour un certain nombre d'années, ordinairement pour six ans. Aussi, chez les Romains, les fermiers des impots étaient-ils appelés redemptores.

» Les fermiers généraux achètent donc du roi le droit de percevoir ces revenus. La somme qu'ils payent au roi tous les ans, est le prix de la vente; ce qui leur reste de net, est leur profit; et c'est ce que l'on appelle les bénéfices. » Les fermiers se distribuent entre eux ces bénéfices de différentes manières et sous diffé

rens noms on les appelle intérêts des fonds d'avance, droits de présence, frais de bureau, bougies, etc. Ce ne sont, disait M. de SaintFargeau, dans son célèbre plaidoyer du 26 juin 1756, quelque nom qu'on leur donne, que des prélèvemens provisoires que font les associés sur le bénéfice qu'ils espèrent avoir en définitive.

» Si le bail des fermes est l'achat fait par les fermiers généraux, des revenus de l'état pour un certain nombre d'années, les fermiers généraux doivent nécessairement être réputés propriétaires du montant des revenus, et par conséquent du produit net qui leur en restera, du moment même où ils auront acquis le droit au bail; les revenus échoiront et seront perçus annuatim ; mais ce n'est ni l'époque ni l'échéance ni celle de leur perception qui en rendra le fermier gé néral propriétaire, il l'est devenu en signant le bail ; il a, de ce moment, acquis le droit à la chose, et parconséquent la chose même; car, en droit, qui habet actionem, rem ipsam habere videtur

» Trois exemples frappans viennent à l'appui de ces principes.

>> On prend un billet de loterie; la loterie ne se tire que six mois après : dira-t-on que le · lot n'est acquis que du jour du tirage? Non, il est censé l'être du jour même où celui à qui il est échu, avait pris le billet.

» Un homme acquiert un intérêt dans un vaisseau; le vaisseau part; la cargaison se vend dans le nouveau monde, et s'échange contre les productions du pays; il revient après une longue traversée; l'intérêt s'est augmenté; le capital est doublé, triplé : mais ce n'est qu'au moment de l'arrivée et de la vente des retours, que le profit est fixé. Dirat-on que ce profit n'est acquis à l'intéressé que du moment de sa distribution? On ne l'oserait pas; il est trop constant qu'il est acquis du moment où l'intérêt l'a été lui-même.

»Un homme achète, pour neuf ans, la coupe d'un bois taillis, espèce de contrat que, dans le commerce ordinaire, on appelle souvent du nom de bail. Les coupes ne se font que tous les ans. Dira-t-on que l'acquéreur ou le fermier, comme on voudra l'appeler, ne devient propriétaire de chacune des neuf coupes qu'à mesure qu'elles se font? Point du tout; car, en ce cas, il faudrait dire qu'il y a neuf ventes, parcequ'il y a neuf coupes.

» C'est donc une conséquence de la nature du bail des fermes générales, que les produits soient censés acquis au fermier dès l'instant où il a acquis le droit au bail, quoique ces produits n'échoient que successivement.

» D'après cela, doivent-ils tomber dans une seconde communauté, lorsque le droit au bail existait entre les mains de l'époux, avant qu'il contractat un second mariage? La question se trouve déjà décidée par les principes que nous venons d'établir. Le fermier géné ral, quand il a passé à de secondes noces, était propriétaire du droit au bail; il l'était par conséquent des bénéfices : car ces bénéfices ne sont que l'effet, que le produit du bail, et ils doivent suivre le sort du bail lui-même. Ce bénéfice, disait M. de Saint-Fargeau, dans la cause de la dame Dumas, est le résultat des fruits de la ferme. Ce ne sont point les fonds d'avance qui donnent le pouvoir de faire cette récolte......., mais c'est ce droit du bail qui est réellement la cause productive du bénéfice, puisque c'est ce droit qui autorise le fermier à percevoir les fruits dont la récolte fera son gain.

» Quoiqu'on accumule, disait plus loin ce magistrat, le nombre des années, pour former un bail de trois, six ou neuf ans, il n'en est pas moins vrai que, dans tous ces cas, on ne perçoit les produits de la ferme qu'en vertu du droit au bail.

» Si le fermier général, au moment où il a contracté une seconde communauté, était propriétaire des bénéfices, par cela seul qu'il était propriétaire du droit au bail, qui en est la cause productive, il ne reste plus qu'à expliquer l'art. 279 de la coutume, qui exclud d'une seconde communauté tout ce que l'époux qui convole avait dans ses mains, provenant d'une nouvelle communauté, soit en immeubles, soit même en meubles.....

» Il ne reste, pour éluder ces principes, qu'une seule ressource: c'est de soutenir que les bénéfices des fermes générales sont des fruits, que c'est en cette qualité qu'ils tombent dans la seconde communauté, comme y tombent les fruits des propres des époux, quoiles propres qui les produisent en soient eux-mêmes exclus.

que

» Mais qu'est-ce que des fruits ou un revenu? C'est le produit d'un fonds quelconque, produit qui se renouvelle sans alterer le fonds. Nous connaissons deux sortes de fruits, des fruits naturels, des fruits civils. Un champ produit les uns; une maison, ou le capital aliéné d'une rente, produit les autres. Ni le champ, ni la maison, ni le capital de la rente ne s'altèrent, ne diminuent par cette production; ils restent au propriétaire. En est-il de même des bénéfices des fermes? Non; le bail, respectivement au fermier, n'est autre chose que l'acquisition qu'il fait du propriétaire, des fruits et des revenus de sa terre. Ainsi, le

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prix du bail est bien, pour le propriétaire, un fruit, parcequ'il est représentatif des fruits du fonds qu'il a affermé; mais pour le fermier à qui le fonds n'appartient point, ces fruits ne sont que la chose qu'il a achetée, par conséquent son propre fonds.

» Ainsi, dans la ferme générale, le canon du bail que les fermiers généraux payent au roi, est pour le roi un fruit ; mais le produit net, qui, ce canon acquitté, reste dans la caisse de la ferme, est pour chaque fermier un capital, un fonds ».

Après avoir ainsi raisonné, d'aprés l'art. 279 de la coutume de Paris, et la nature des bénéfices des fermes, les enfans du premier lit du sieur Baudon passaient à leur troisième moyen, résultant de la stipulation de propre, insérée dans le contrat qui avait précédé la celebration du second mariage. Voici com ment ils s'expliquaient à cet égard :

« Le sieur Baudon, de tout ce qu'il possède, ne met en communauté qu'une somme de 30,000 livres ; il en exclud tout le surplus de ses biens et droits; et non-seulement de ceux qu'il possède actuellement, mais de ceux qu'il pourra posséder par la suite, à quelque titre qu'il les possède : tous ses biens et droits échus ou à échoir, de quelque manière que ce soit. » De là, deux conséquences invincibles. » La première, c'est que le sieur Baudon étant propriétaire, en ce moment, du droit du bail de la ferme générale, ce droit a été exclu de la communauté implicitement et explicitement implicitement, parceque tout ce qui n'était pas les 30,000 livres mises en communauté, en est exclu; explicitement, parceque le sieur Baudon se réserve nominément ses biens et droits, par conséquent ses droits dans les baux de Henriet et de Bonnard, ce qui n'est autre chose qu'un droit.

» La seconde conséquence est que, si le sieur Baudon a exclu nommément de sa communauté avec la demoiselle de Ligneville, son intérêt dans les fermes générales pour les trois années que le bail avait à courir, il en a, par une suite nécessaire, exclu les bénéfices, qui n'en sont que l'émanation et l'accroissement.

» En effet (et nous défions la dame Baudon de répondre à cet argument), ce n'est que de deux manières que ces bénéfices ont pu tomber dans la Communauté; c'est-à-dire, ou comme fruits d'un propre, ou comme capi

taux mobiliers.

» Or, ils n'ont pas pu y tomber comme fruits, nous l'avons démontré.

» Reste donc la supposition qu'ils ont pu y tomber comme capitaux mobiliers, comme

une échoite de la Communauté Mais cette supposition n'est pas moins inadmissible ; car la clause 'exclud positivement tous les biens et droits échus et à échoir, de quelque manière que ce soit, par conséquent les capitaux qui pourraient échoir pendant la communauté, par conséquent ce que la dame Baudon appelle les échoites de la Communauté.

» En un mot, il résulte de cette clause un point incontestable c'est qu'elle ne laisse plus entrer dans la future Communauté qu'une seule espèce d'objets, ce sont les fruits des propres ; et, encore une fois, les bénéfices ne sont pas des fruits, mais des fonds ».

Telle était la defense des enfans du premier lit du sieur Baudon. Nous en avons rapporté les principaux détails, afin d'écarter, par rapport à ceux qui les ignoreraient, le prétexte de dire que cette cause a pu être négligée, et que probablement la question a été jugée sans discussion suffisante. On est maintenant bien convaincu qu'il n'était pas possible de traiter cette affaire avec plus d'art et de force.

Reste à rappeler ce que répondaient la dame veuve Baudon et ses enfans mineurs : nous le ferons en peu de mots.

que

Ils ont établi leur droit aux bénéfices du bail des fermes, sur l'art. 220 de la coutume de Paris, qui veut que les conjoints soient communs en biens meubles et conquêts immeubles faits durant et constant le mariage. Ils ont soutenu que, de la même manière l'artisan apporte dans la Communauté le salaire de son travail, l'homme de lettres la récompense de ses talens, le militaire le prix de ses services, le négociant, la fortune qu'il acquiert; de même le fermier général y apporte les bénéfices produits par son état, qui sont les intérêts de ses fonds et le fruit de son travail.

Ils ont établi la ressemblance du bail de la ferme générale avec les baux des fermes ordinaires ils ont détruit le système qui tendait à faire considérer les bénéfices des fermes, comme des fonds censés acquis au moment de la signature du bail; et par l'exposé de ce qui se passe lorsque des fermiers généraux décedent dans le cours d'un bail, ils ont dé montré que leurs héritiers n'avaient rien à prétendre sur les bénéfices des années qui restaient à expirer; qu'ils avaient seulement, et par grâce, ceux de l'année du décès, à l'exception des droits de présence, que le fermier général seul pouvait recevoir comme une récompense de son travail; et que, lors de la signature du bail, il n'acquérait que le droit de percevoir les revenus de ses avances, droit

qui serait infructueux sans son travail et son activité.

A l'égard de la clause de stipulation de propres qu'on leur objectait, ils ont répondu que tout ce qui pouvait résulter de cette clause, en supposant qu'elle portât sur l'intérêt du sieur Baudon dans les baux d'Henriet et de Bonnard, c'est que son droit de bail aurait été exclu de la Communauté, mais non pas les bénéfices; qu'ainsi, dans le cas où, avant l'expiration des baux, la femme serait morte, le droit à ces baux serait resté au sieur Baudon; que, par là, cette clause aurait eu tout son effet; mais que, quant aux bénéfices, ils seraient restés dans la Communauté.

Sur ces raisons, adoptées par M. l'avocat général Séguier dans ses conclusions, et après un délibéré de plus de deux heures, à la suite de douze audiences, le parlement a prononcé, le 9 mars 1781, l'arrêt que voici :

«La cour reçoit Tocquiny de Villarçaux (mari de la troisième fille du premier lit), l'une des parties de Hardoin, partie intervenante; sans s'arrêter à ses interventions et demandes, faisant droit sur les appels interjetés par les parties de de Bonnières et de Martineau, a mis et met les appellations et ce dont est appel au néant, en ce qu'il a été ordonné, par la sentence dont est appel, que les répartitions, intérêts, droits de présence et autres bénéfices quelconques, relatifs aux baux dont il s'agit, et perçus pendant la seconde Communauté de François Baudon père, n'entreraient pas dans la masse de la seconde Communauté d'entre ledit Baudon père et la partie de de Bonnières (la dame veuve Baudon); et que toutes lesdites répartitions, intérêts, droits de présence et autres bénéfices quelconques, relatifs auxdits baux, feraient partie de la succession dudit Baudon père, et comme tels, partagés entre tous les enfans, tant du premier que du second lit également..,; emendant quant à ce, décharge les parties de de Bonnières et de Martineau (la dame veuve Baudon et ses enfans) des condamnations contre elles prononcées;

» Au principal, deboute les parties de Gerbier et de Hardoin (les enfans du premier lit) de la demande par elles formée contre la partie de de Bonnières, à fin de prélèvement sur la masse de la seconde Communauté, au profit de la succession de François Baudon, des répartitions, intérêts, droits de présence et autres bénéfices quelconques, relatifs aux baux d'Henriet et de Bonnard, et perçus pendant la seconde Communauté...; condamne les parties de Gerbier et d'Hardoin aux dépens des causes principales, d'appel et de

mandes; la sentence au résidu sortissant son plein et entier effet ».

Ainsi, l'arrêt a jugé que les bénéfices des fermes générales étaient des fruits que le sieur Baudon avait portés dans la seconde Communauté, que la veuve en avait la moitié, et que l'autre moitié était partageable entre tous les enfans.

Nous croyons qu'il y aurait encore moins de difficulté sur la question, si elle eût eu pour objet les profits d'un bail à ferme ordinaire; et en effet, il est sans exemple, que l'on ait osé soutenir qu'ils ne tombent pas dans la Communauté, lorsque le bail est antérieur au mariage. Deux considérations ont dû, à cet égard, fixer tous les doutes et réunir tous les suffrages.

La première, c'est que, dans les baux des fermes des biens ruraux, le produit est tout entier le fruit de la collaboration commune; c'est par un travail opiniátre, c'est au prix de ses sueurs que le fermier arrache à la terre ses productions. Qu'il la laisse stérile, oiseuse, son bail sera dans sa main un vain titre qui ne lui produira rien. Pourquoi donc convient-on unanimement que la Communauté s'enrichit, en ce cas, du bénéfice que le fermier aura fait sur son bail? Parceque la Communauté a été l'époque du travail qui a, en quelque sorte, enfanté ce benefice; parceque c'est de la Communauté qu'ont été tirées les mises de fonds, les impenses journalières que le fermier a été obligé d'exposer pour faire fructifier son bail; parceque les deux époux ont partagé les soins, les travaux qu'entraînait cette exploitation. Comment supposerait-on que les bénéfices sont acquis au fermier du moment du bail, lorsque, cessant son travail, ces bénéfices seraient absolument nuls?

La seconde considération, c'est que ces bénéfices ne sont jamais qu'en proportion avec le travail; qu'ils sont modiques; qu'à peine le plus souvent suffisent-ils à la nourriture et à l'entretien du fermier, de sa compagne et de ses enfans.

Enfin, on s'est encore déterminé par les difficultés qui se seraient rencontrées dans l'évaluation de ces bénéfices. Pour calculer ces produits, il aurait fallu assujettir le fermier des champs à tenir des registres de recette et de dépense, et à ouvrir une comptabilité en forme. Était-il possible d'exiger ni même d'espérer de pareils soins de la part de citoyens chers, il est vrai, à la patrie par leurs travaux, mais si dépourvus en même temps de toute autre espèce de connaissance?

Au surplus, quoique tous ces motifs ne puissent pas s'appliquer aux bénéfices des fermes générales, il n'en est pas moins sûr, aux ter

mes de l'arrêt du 9 mars 1781, que ces béné fices tombent dans la Communauté.

Eh! Comment n'y tomberaient-ils pas, tandis que nous y voyons tous les jours tomber les intérêts que produisent, pendant le mariage des rentes viagères créées auparavant? V. l'article Usufruit, S. 4, no. 7.]

§. III. Des dettes passives et des autres charges de la Communauté.

I. Les dettes mobilières dont chacun des époux était tenu au moment de la célébration du mariage, sont à la charge de la Communauté légale. Les coutumes de Paris, d'Orléans, du Maine, d'Anjou, de Bourbonnais, de Bretagne et d'Auxerre, contiennent à cet égard des dispositions précises. C'est d'ailleurs le droit commun et général des coutumes où il y a Communauté. [[ Code civil, art. 1409. ]]

Les dettes mobilières sont celles qui sont exigibles en deniers ou en effets mobiliers: telles sont des sommes d'argent dues par promesse, par obligation, etc., ou de certaines quantités de bled, d'huiles, de vin, etc.

Si l'un et l'autre des époux a contracté, avant son mariage, une dette mobilière solidairement avec d'autres débiteurs, la Communauté est chargée de toute la dette, sauf son recours contre les codébiteurs.

Mais si, lorsque l'époux s'est marié, il n'était personnellement débiteur que pour par tie d'une dette mobilière, quoiqu'il en fût tenu hypothécairement pour le tout, la Communauté ne serait chargée que de l'obligation personnelle. Ainsi, dans le cas où l'un des époux aurait, avant son mariage, hérité le tiers d'une succession, sa Communauté ne serait obligée que pour le tiers des dettes mobilieres hypothécaires de cette succession. Et si, à cause de l'insolvabilité des cohéritiers, le total de ses dettes venait à être payé des deniers de la Communauté, l'époux dont les biens auraient été libérés par ce paiement, devrait à la Communauté une indemnité pour les deux tiers des dettes dont il s'agit.

Quoiqu'en général toutes les dettes mobilières dues par les époux lorsqu'ils se marient, soient à la charge de leur Communauté, cette régle reçoit une exception relativement aux dettes mobilières, dont l'objet est le prix d'un propre de Communauté de l'un ou de l'autre des époux. [[ Code civil, art. 1437. ]]'

Supposons, par exemple, qu'avant de vous marier, vous ayez acheté une métairie pour une somme de 20,000 livres, et que cette somme ne se soit point trouvée acquittée lors de votre mariage : la Communauté n'en sera pas chargée, quoique la dette soit mobilière,

puisqu'elle consiste dans une somme d'argent. Il faudrait en dire autant des deniers dont vous seriez débiteur pour un retour de partage d'immeubles d'une succession qui vous serait échue avant votre mariage.

Cette doctrine est fondée sur ce qu'il serait trop dur qu'un époux fit payer à la Communauté, un bien qu'il retient pour lui seul et qui lui est propre.

Remarquez que, quoique le mari devienne débiteur des dettes de la femme qu'il a épousée, et que les créanciers aient contre celle-ci un titre exécutoire, ils ne peuvent néanmoins pas procéder par voie d'exécution contre le mari, sans avoir prealablement obtenu contre lui une sentence qui le condamne à payer, ou qui déclare exécutoires contre lui les titres que les créanciers ont contre sa femme.

Remarquez aussi que, pour éviter les fraudes par lesquelles la femme pourrait rendre inutile la règle qui ne lui permet pas de contracter sans le consentement de son mari, aucune dette à la charge de la Communauté, la jurisprudence des arrêts a établi que la Communauté n'est point obligée de payer les dettes de la femme, lorsqu'elles ne sont justifiées que par des actes sous signatures privées, quoiqu'ils aient une date antérieure au- mariage, à moins que le créancier ne prouve la vérité de cette date. V. l'article Autorisation maritale, sect. 4.

II. Quant aux dettes passives immobilières, l'époux qui en est débiteur en se mariant, y demeure seul obligé, et la Communauté légale n'en est pas tenue. C'est pourquoi si, avant de vous marier, vous avez vendu un immeuble dont vous n'aviez pas encore mis l'acquéreur en possession, vous êtes seul tenu d'acquitter la dette envers cet acquéreur, et de lui délivrer l'objet de la vente.

Cette règle a lieu, non-seulement à l'égard de la dette d'un immeuble certain et déterminé, mais encore pour celle d'un immeuble indéterminé. Ainsi, en supposant que mon frère, qui n'avait point de terres et dont j'ai recueilli la succession, vous ait légué dix arpens de terre à prendre dans les environs de Paris, et que ce legs ne se soit point trouvé acquitté avant mon mariage, la Com. munauté légale avec ma femme ne doit pas en être chargée; c'est pourquoi si, durant mon mariage, je fais l'acquisition des arpens de terre légués pour les délivrer au legataire, il faudra que je récompense la Communauté de ce que j'en aurai tire pour cette acquisition. (1)

(1) [[ Aujourd'hui, un pareil Legs serait nul. V. l'article Legs, sect. 3, 3. 3, n. 4. ]]

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