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tement de la Côte-d'Or, du 6 messidor

an 5.

>> Si la commune de Bellefontaine inférait de cette circonstance, que l'on doit regarder comme nulles toutes les procédures qui ont précédé l'autorisation qu'elle n'a obtenue que le 6 messidor an 5, nous concevrions sa manière de raisonner, et encore aurions-nous à lui objecter, d'abord qu'elle ne s'est pas pourvue contre le jugement interlocutoire des arbitres forcés, du 26 vendémiaire an 4, et que ce jugement doit subsister, quoique nul en lui-même, tant que l'annullation n'en sera pas prononcée par l'autorité competente; ensuite, qu'elle se contredit elle-même, en arguant de nullité un jugement duquel d'ailleurs elle cherche, par son troisième moyen de cassation, à faire résulter une exception de chose jugée; enfin, qu'à tout prendre, il est tres-indifférent que les procedures antérieu res à l'autorisation du 6 messidor an 5, soient nulles ou valables, puisque l'instruction de la cause a été suffisamment complétée par les procédures faites postérieurement à cette autorisation.

» Mais la commune de Bellefontaine ne se borne pas à soutenir que les procédures anterieures à l'autorisation qui lui a été accordée le 6 messidor an 5, sont nulles : elle soutient encore que les procedures postérieures à cette autorisation, sont frappées de la même nullité.

» Et quelle est sa raison? Elle n'en donne point d'autre, si ce n'est que la section civile l'a ainsi jugé le 11 janvier 1809, au rapport de M. Gandon, entre les communes de Toulouse, de Colonne et autres.

>> Serait-il donc possible que, par cet arrêt, la section civile eût adopté un système aussi étrange? Serait-il donc possible qu'elle eût ainsi oublié cette grande règle de droit et de bon sens, utile non vitiatur per inutile?

» Nous n'avons pas eu besoin pour répondre que non, de lire cet arrêt ; mais la lecture que nous en avons as prise, nous a rendu la chose encore plus sensible.

» Dans le fait, les communes de Toulouse et de Fontenay, arrondissement d'Arbois, département du Jura, ayant demandé, par exploit du 23 avril 1791, la révision d'un arrêt du conseil du 22 novembre 1763, qui avait prononcé un cantonnement des bois usagers, entr'elles et quatorze autres communes voisines, celles-ci avaient, par leurs défenses, déclaré qu'elles demandaient ellesmêmes l'annullation de cet arrêt.

» L'affaire s'était instruite d'après cet errement jusqu'au 21 nivose an 5, époque où les

quatorze communes défenderesses qui, jusqu'alors, avaient plaidé sans 'autorisation, nommèrent des procureurs spéciaux pour solliciter un arrêté de l'administration centrale du département du Jura, qui les autorisat à défendre à la demande des communes de Toulouse et de Fontenay.

» L'autorisation obtenue, et après un jugement de première instance dont il est inutile de vous retracer les dispositions, il intervint un arrêt de la cour de Besançon, qui debouta les communes de Toulouse et de Fontenay de leur demande.

» Ces deux communes se pourvurent en cassation,et prétendirent,entr'autres moyens, que l'arrêt dont elles se plaignaient, avait violé le contrat judiciaire qui s'était formé entre les parties par l'acquiescement que les quatorze communes défenderesses avaient donné à la demande en révision de l'arrêt de

cantonnement.

» Qu'a prononcé la section civile sur ce recours? A-t-elle annulle l'arrêt de la cour de Besançon, sous le prétexte que l'autorisation, en vertu de laquelle les quatorze communes avaient plaidé en défendant, n'avait pas été donnée avant les premières procedures?

» Non, et au contraire, elle a maintenu cet arrêt en rejetant le recours des communes de Toulouse et de Fontenay. Seulement elle a motivé le rejet de ce recours, sur la considération que, tout ce qui avait été fait et dit par les quatorze communes, avant qu'elles eussent été autorisées à plaider, était nul et n'avait pu les lier d'aucune manière.

» Et c'en est assez pour établir que le premier moyen de cassation de la commune de Bellefontaine n'a pas l'ombre de fondement.

» La commune de Bellefontaine tirera-t-elle un meilleur parti de son deuxième moyen...?

>> Pour troisième moyen de cassation, la commune de Bellefontaine vous dit que la sentence arbitrale du 26 vendémiaire an 4 avait décidé, par ses motifs, que le décret forcé du 11 août 1746 n'était pas un titre suffisant pour mettre le sieur d'Anthès à l'abri de la réclamation élevée contre lui ; et qu'en conséquence, elle l'avait chargé de produire, dans le mois, d'autres titres justificatifs que ses prédéces seurs dans la seigneurie de Villecomte avaient légitimement acquis, avant ce décret, la propriété du bois Champ-Libert ; que cependant, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Dijon, considérant cette sentence comme purement préparatoire et réparable en definitive, avait donné au décret forcé du 11 août 1746, l'effet d'un titre légitime, dans le sens de la deuxième partie de l'art. 8 de la loi du 28 août 1792;

qu'il y a donc contrariété entre cette sentence et l'arrêt attaqué; et que, par suite, l'arrêt attaqué viole l'autorité de la chose jugée.

» Ici, deux questions s'offrent à votre exament:10. Les jugemens interlocutoires lient-ils les tribunaux qui les ont rendus, ou laissentils au juge la liberté de revenir, en définitive, aux moyens de droit ou de fait qu'il avait d'abord écartés ou négligés? 2o. La sentence arbitrale du 26 vendémiaire an 4 était-elle définitive quant à l'effet que pouvait produire le décret forcé du 11 août 1746, ou n'était elle à cet égard qu'interlocutoire?

» La première question n'est pas difficile à résoudre.

>> Les lois romaines qui, à l'époque de la sentence arbitrale du 26 vendémiaire an 4, avaient, dans l'arrondissement du tribunal civil de Dijon, une autorité véritablement législative, ont mis en principe que les juges et notamment les arbitres, peuvent toujours rétracter eux-mêmes leurs jugemens interlocutoires (1).

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» Il ne reste donc plus qu'à savoir, et c'est notre deuxième question, si la sentence arbitrale du 26 vendémiaire an 4 peut être considérée comme définitive, quant à la vertu du décret forcé du 11 août 1746, ou si elle n'est, à cet égard, qu'interlocutoire.

» Et nous devons dire qu'elle doit paraître definitive sur ce point, si l'on s'arrête à ses considérant; mais qu'elle ne doit paraître qu'interlocutoire, si l'on s'attache uniquement à son dispositif.

» Elle doit paraître définitive si l'on s'arrête à ses considérant; car il y est dit « que la » grosse décrétale, qui a transmis aux prédé» cesseurs du sieur d'Anthès, la ci-devant » terre de Villecomte, ne peut être regardée » comme un titre suffisant pour le maintenir » dans ce canton de bois, parcequ'elle se » trouve comprise dans l'exception décrétée » par l'art. 9 de la sect. 4 de la loi du 10 juin » 1793 »; et il est certain que, si ces considérant ont l'autorité de la chose jugée, il en résulte une décision definitive sur l'effet du décret forcé du 11 août 1746.

» D'un autre cote, elle doit paraître purement interlocutoire, si l'on ne s'attache qu'à son dispositif; car, par son dispositif, elle ne prononce rien sur l'effet du décret forcé du 11 août 1746, elle ne fait qu'ordonner au sieur d'Anthès de produire, dans un mois, des titres justificatifs de l'antériorité de l'acquisition du bois Champ-Libert par ses prédéces

(1) V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Interlocutoire, S. 5.

seurs, à la saisie-réelle dont ce décret forcé a été la suite; et non-seulement elle l'ordonne avant faire droit, mais elle l'ordonne avec la clause, faute de quoi faire et ledit délai passé, il sera statué sur la demande des habitans, ainsi qu'il appartiendra.

» Or, est-ce par les considérant ou par le dispositif d'un jugement que doit être déterminé son caractère?

» Sans doute, il en doit être du caractère d'un jugement,comme de sa bonté intrinsèque. » Pour savoir si un jugement en dernier ressort doit être cassé ou maintenu, c'est à son dispositif que vous vous attachez exclusivement; et tous les jours, vous rejetez des recours en cassation que vous seriez forcés d'admettre, si vous ne pouviez pas, dans les jugemens contre lesquels ils sont dirigés, substituer des motifs puisés dans la loi, à des motifs qui la contrarient ou qui l'appliquent à faux.

» Et quel est le principe qui vous guide dans cette manière de procéder? C'est que ce ne sont pas les motifs d'un jugement qui constituent le jugement même, et que le dispositif seul en forme l'essence comme, à proprement parler, il en a seul le nom (1).

» Or, ce principe reçoit également son application au cas où l'on met en question si un jugement doit être envisagé comme interlocu toire ou comme définitif. Ainsi, dès qu'un jugement n'est qu'interlocutoire dans son dispositif, on ne peut pas le réputer définitif à raison de ses considérant.

» Et s'il en était autrement, quel est donc le jugement interlocutoire que l'on ne pour rait pas métamorphoser en jugement définitif? Car enfin, tous les jugemens interlocutoires doivent être motives comme les autres (2); et il est presque impossible de les motiver de manière à ne pas decider ou préjuger la question de droit qui divise les parties. Il faudrait done, dans le système de la commune de Bellefontaine, regarder la maxime qui autorise tout juge à rétracter lui-même ses jugemens interlocutoires, comme une vaine théorie, comme une règle purement spéculative, dénuée d'intérêt reel, et inapplicable dans la pratique. Et c'est assez dire que ce système de la com mune de Bellefontaine n'est pas plus d'accord avec la jurisprudence constante de vos arrêts, qu'avec la saine raison.

» Passons au quatrième moyen de cassation, et voyons si, comme le prétend la commune de Bellefontaine, l'arrêt qu'elle attaque,

(1) V. l'article Question d'état, §. 2 (2) V. l'article Motifs des jugemens, no 13.

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» Observons d'abord que, de ces deux textes, le second est étranger à la matière. Il n'a pour objet que de déroger à l'art. 9 de la loi du 28 août 1792, lequel maintenait dans la propriété des terres vaines et vagues, les cidevant seigneurs qui les avaient possédées paisiblement pendant quarante années consécutives: « la possession de 40 ans exigée par » la loi du 28 août 1792 (porte-t-il) pour jus »tifier la propriété d'un ci-devant seigneur » sur les terres vaines et vagues, ne pourra, >> en aucun cas, suppléer le titre légitime; et >> ce titre légitime ne pourra être celui qui » émanerait de la puissance féodale, mais » seulement un acte authentique qui constate » qu'ils ont légitimement acheté lesdits biens, » conformément à l'art. 8 de la loi du 28 août » 1792 ». Or, dans notre espèce, ce n'est point de terres vaines et vagues, c'est d'un bois qu'il est question.

» Quant à l'art. 8 de la loi du 28 août 1792, il serait sans doute violé par l'arrêt qui vous est dénoncé, si, pour maintenir les héritiers d'Anthes dans la propriété du bois ChampLibert, cet arrêt se fondait uniquement sur la possession dans laquelle les héritiers d'Anthes étaient de ce bois depuis plus de 40 ans avant le 4 août 1789.

» Mais cet arrêt ne fait valoir la possession des héritiers d'Anthes, qu'en tant qu'elle est prouvée par des actes authentiques et légitimes d'acquisition. C'est donc à ces actes qu'il s'attache principalement. C'est donc sur ces actes que nous devons nous fixer, pour apprécier l'arrêt.

» Ces actes, quels sont-ils ? L'arrêt ne les désigne pas nominativement, mais il fait assez entendre que ce sont ceux dont se prévalaient les héritiers d'Anthes, et par conséquent ceux dont se compose la procedure sur laquelle est intervenu le décret force du 11 août 1746. C'est ce qui résulte surtout de son troisième considérant, dans lequel il est dit que la loi du 10 juin 1793 n'est pas applicable aux acquéreurs par expropriation forcée, et que, dans le fait, c'est la justice qui a vendu forcément le Champ-Libert.

» Cela posé, deux questions se présentent; et d'abord, le Champ-Libert a-t-il été compris dans le décret forcé du 11 août 1746?

» La commune de Bellefontaine soutient que non ; mais l'arrêt juge le contraire ; et il le juge en fait. Qu'il le juge d'après le texte du décret, ou par interprétation de ses clau

ses, il importe peu : dans un cas comme dans l'autre, sa décision est inattaquable devant vous; dans un cas comme dans l'autre, il doit être constant à vos yeux, que les auteurs des héritiers d'Anthes ont acquis le bois de Champ-Libert par le décret forcé du 11 août 1746.

» La deuxième question est celle-ci : un décret forcé par lequel un bien Communal'a été adjugé comme faisant partie d'un domaine seigneurial et appartenant au seigneur exproprié, forme-t-il, pour l'adjudicataire, un titre légitime d'acquisition, dans le sens de la deuxième partie de l'art. 8 de la loi du 28 août 1792; et en conséquence, l'adjudicataire qui, par ce décret, est devenu lui-même seigneur de la commune à laquelle ce bien avait autrefois appartenu, doit-il être maintenu dans la propriété de ce bien nonobstant les réclamations de la commnne fondées sur la premiere partie du même article?

» La négative serait incontestable, si la législation sur l'effet des adjudications par decret forcé, avait été, avant la loi du 28 août 1792, la même qu'elle est aujourd'hui, d'après l'art. 731 du Code de procédure civile; si, alors comme aujourd'hui, le décret forcé n'avait transmis à l'adjudicataire d'autres droits à la propriété que ceux qu'avait le

saisi.

» Dans cette hypothèse, en effet, l'adjudicataire serait, comme le seigneur exproprié auquel il succéderait, tenu de représenter à la commune le titre en vertu duquel celui-ci eut légitimement acheté le bien Communal ; et à défaut de cette représentation, la commune l'évincerait sans difliculté.

» Mais il en était autrement à l'époque où a été décrétée la loi du 28 août 1792. Il était alors de principe, que le décret force purgeait la propriété contre tous ceux qui n'y avaient pas formé opposition à fin de distraire. Ainsi l'avaient en partie suppose et en partie réglé, d'après une jurisprudence qui remontait aux temps les plus reculés, les art. 5, 6 et 14 de l'édit des criées du mois de novembre 1551. Et c'est aussi ce que décidait expressément, pour la province de Bourgogne, l'art. 29 du reglement du parlement de Dijon du 14 juillet 1614, confirmé par des lettres-patentes du 19 septembre 1616: « Après les sentences ou ar»rêts d'ordre et de collocation (portait cet » article), aucun ne sera reçu à proposer » moyens de nullité contre lesdites criées » pour empêcher le cours d'icelles, ni préten»dre aucune distraction ».

» Cette jurisprudence avait-elle lieu contre les communes ?

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» Il n'y avait certainement pas plus de raison pour les en excepter, qu'il n'y en avait pour en excepter les mineurs et l'église.

» Or, 1o. Il est certain que le décret forcé purgeait la propriété contre les mineurs. Brodeau sur Louet, lettre D, §. 32, assure qu'on le jugeait ainsi constamment ; et d'Hericourt, dans son Traité de la vente des immeubles par décret, chap. 9, no 8, en donne cette raison: « Il est de l'intérêt public » que les adjudicataires qui acquièrent de la » justice, ne soient point troubles dans leurs >> acquisitions >>.

» 20. La question n'est plus douteuse relativement à l'église. « Quelques communautés » ecclésiastiques (dit d'Héricourt, à l'endroit » cité, n. 7) et des bénéficiers ont prétendu » que le défaut d'opposition à fin de distraire, » ne pouvait les priver de ce qui leur appar » tenait dans les biens décrétés, parceque les » biens d'église ne peuvent être alienes qu'en » observant les formalités prescrites pour ces » aliénations. On cite même quelques an>> ciens arrêts pour cette opinion. » Mais ces » raisons et ces autorités n'empêchent pas que » l'on ne soit convaincu au palais que le dé» faut d'opposition à fin de distraire, ne purge » le droit de propriété que l'église pourrait » avoir sur les fonds décrétés. La raison en » est que les biens d'église sont régis par les » lois générales du royaume, quand il n'y a » point d'exception particulière en sa faveur: » or, l'édit de 1551 et la coutume qui déci »dent que le décret purge tous les droits » réels et fonciers, quand il n'y a point eu » d'opposition de la part de ceux qui en étaient » propriétaires, n'exceptent point l'église de » cette loi. L'église ne peut opposer, en ce » cas, le défaut de formalités requises pour » les aliénations de ses biens; car ces forma»lités ne sont nécessaires que quand c'est l'é» glise elle-même ou le bénéficier qui fait l'a» lienation par contrat volontaire ».

» Piales, dans son Traité des réparations des églises, dit la même chose, et c'est à cette opinion que se sont rangés les derniers arrêts (1).

» Il est donc bien constant que, si après l'adjudication par décret du 11 août 1746, et avant la loi du 28 août 1792, la commune de Bellefontaine cut prétendu evincer les héritiers d'Anthes, elle aurait échoué ; et que les héritiers d'Anthès l'auraient fait déclarer non-recevable, sur le seul fondement qu'elle s'était pas opposée au décret.

ne

(1) V. l'article (pposition aux criées, §. 2, n.4. TOME V.

» La loi du 28 août 1792 a-t-elle, à cet égard, changé quelque chose aux droits des parties?

» L'art. 8 de cette loi maintient dans la propriété des biens que les communes justifieront leur avoir autrefois appartenu, les ci-devant seigneurs qui prouveront, par un acte authentique, qu'ils ont légitimement acheté lesdits biens.

» Cet article n'exige pas, comme vous le voyez, que les ci-devant seigneurs ayent acheté des communes elles-mêmes: il veut, et rien de plus, qu'ils ayent acheté légitime

ment.

» Que faut-il pour qu'une acquisition soit légitime? deux choses que le titre de l'ac quisition soit revêtu des formes prescrites par la loi; et que le vendeur ait eu, en vendant, la capacité de transférer la propriété à l'acheteur.

» Sans doute, si une commune a vendu elle-même à son ci-devant seigneur un de ses biens Communaux, et qu'elle l'ait vendu avec toutes les solennités dont la loi voulait que ces sortes d'aliénations fussent revêtues, le contrat de vente forme, pour le ci-devant seigneur, un titre légitime d'acquisition. » Et au contraire, si la vente a été faite volontairement par un tiers possesseur qui avait usurpé le bien sur la commune, le titre, quoique régulier dans la forme, n'est cependant pas légitime au fond, parceque le vendeur, n'étant pas propriétaire, n'avait pas le droit de vendre; le ci-devant seigneur ne pourrait alors couvrir l'illegitimité originelle de son titre que par la prescription; et l'art. 8 de la loi du 28 août 1792 déclare, dans sa première partie, que les ci-devant seigneurs n'ont pas pu prescrire contre les commu

nes.

» Mais si c'est la justice qui, par un décret régulièrement interposé, à la suite d'une saisieréelle, sur l'usurpateur du bien Communal, a vendu elle-même ce bien à un ci-devant seigneur, cette vente n'est-elle pas, pour le ci-devant seigneur, un titre légitime d'acquisition?

» Eh! Comment ne le serait-elle pas? Elle est régulière dans les formes, et elle est faite par une autorité habile à investir l'acquéreur de la propriété du fonds vendu. Il ne lui manque donc rien pour sa parfaite légitimité; elle remplit donc la condition de laquelle l'art. 8 de la loi du 28 août 1792 fait, dans sa deuxième partie, dépendre le maintien du ci-devant seigneur dans la propriete des biens Communaux dont il s'est rendu acqué 24

reur.

» Cette vérité, déjà si palpable par elle même, le deviendra encore bien plus si l'on se reporte à l'esprit dans lequel a été décrétée la première partie de l'article dont il s'agit.

» Pourquoi cet article veut-il que les com. munes puissent revendiquer, sur leurs cidevant seigneurs, les biens qu'elles justifieront avoir anciennement possédés, et que leurs cidevant seigneurs ne puissent leur opposer, ni édits, ni déclarations, ni arrêts du conseil, ni lettres-patentes, ni jugemens, ni transac tions, ni possession contraires? C'est parceque la loi présume que ces divers moyens de couvrir les usurpations des ci-devant seig. neurs,ont leur source dans la puissance feodale; c'est parcequ'elle présume que, si, par ces edits, ces déclarations, ces arrêts du conseil, ces lettres-patentes, l'ancien gouvernement a autorisé ou consacré ces usurpations ; il ne l'a fait qu'à la sollicitation des ci-devant seigneurs et pour céder à leurs importunités; c'est parcequ'elle présume que, si les ci-devant seigneurs ont obtenu des jugemens favorables à leurs usurpations, ces jugemens ont été ou dictés par des maximes purement féodales, ou arrachés par le crédit; c'est parcequ'elle présume que, si les communes ont, par des transactions, abandonné à leurs ci-devant seigneurs les biens que ceux-ci avaient usurpés sur elles, elles y ont été foreées par l'impression que faisait sur elles la puissance dont le régime féodal investissait leurs ci-devant seigneurs ; c'est parcequ'elle présume que, si les communes ont laissé leurs ci-devant seigneurs, pendant trente ans ou plus, en possession paisible de ces mêmes biens, on ne doit attribuer leur silence qu'à la crainte d'irriter et d'armer contr'elles cette même puissance.

>> Mais lorsqu'un seigneur a acheté de la justice, aux enchères publiques, et par décret forcé, un bien que le possesseur sur lequel était pratiqué ce décret, avait usurpé sur la commune du lieu, quel abus a-t il pu faire, en cela, de sa puissance feodale? Ce n'est point lui qui a provoqué la vente, c'est le créancier du possesseur; ce n'est point à lui, c'est au possesseur seulement qu'on peut reprocher l'usurpation faite sur la commune ; ce n'est point lui qui a empêché la commune de former au décret une opposition à fin de distraire, la faute en est toute entière à la commune elle-même; ce n'est point de la commune qu'il a acheté, il n'a acheté que de la justice, et par conséquent il n'a pas pu, en achetant, abuser de la puissance qu'il avait sur la commune, pour acheter à vil prix. En un mot, la puissance féodale n'a pu influer, ni

directement ni indirectement, sur son acquisition; elle n'a pu ni la nécessiter, ni en régler les conditions et le mode: et dès-là nul motif, nul prétexte pour assimiler cette manière d'acquérir à celle que l'art. 8 de la loi proscrit dans la première partie de son texte. Dès-là, nul motif, nul prétexte, pour ne pas appliquer à cette manière d'acquérir l'exception écrite dans la seconde partie du même article, en faveur des ci-devant seigneurs qui représenteraient un acte authentique par lequel ils auraient légitimement acheté les biens revendiqués sur eux par les

communes.

» Est-il vrai, au surplus, comme l'a énoncé dans ses motifs, la sentence arbitrale du 16 vendémiaire an 4, que cette manière d'ac quérir soit proscrite ni plus, ni moins que celle dont il est parlé dans la première partie de l'art. 8 de la loi du 28 août 1792, par l'art. 9 de la sect. 4 de la loi du 10 juin 1793 ? Non; et il s'en faut de beaucoup.

les

» D'un côté, la liaison qui existe entre cet article et ceux qui le précédent et le suivent immédiatement, prouve assez qu'il n'a pour objet que les terres vaines et vagues; car dans l'art. 8, comme dans l'art. 10, terres vaines et vagues sont les seuls biens réputés Communaux par leur nature, qui occupent le législateur.—A la vérité, par l'art. 8, le législateur étend aux terres vaines et vagues toutes les dispositions de l'art. 8 de la loi du 28 août 1792; mais il ne s'ensuit point de là que de ce qu'il ajoute par l'art. 9 à l'art 8 de la loi du 28 août 1792, il soit dans son intention de l'étendre à toutes les espèces de biens Communaux. D'un autre côté, quand nous regarderions l'art 9 comme embrassant dans ses dispositions toutes les espèces de biens Communaux, et par conséquent les bois, qu'en résulterait-il pour l'affaire qui fixe, en ce moment, votre attention?

» Pesons bien les termes de l'art. 9. L'esprit de la présente loi n'étant point de troubler les possessions particulières et paisibles, mais seulement de réprimer les abus de la puissance féodale et les usurpations, elle excepte des dispositions de l'article précédent toutes concessions, ventes, COLLOCATIONS FORCÉES, partages ou autres possessions, depuis au de-là de quarante ans jusqu'à l'époque du 4 août 1789, en faveur des possesseurs actuels ou leurs auteurs, mais non acquéreurs VOLONTAIRES, ou donataires, ou légataires du fief à titre universel.

>> Remarquons d'abord que cet article ne déclare l'exception qu'il établit, inapplicable aux possesseurs actuels des fiefs dans lesquels

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