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à-dire, en prétendant que le droit ou la redevance lui appartient, et non à celui qui en jouissait.

Cette question s'est présentée à la grand'chambre du parlement de Paris, et a été jugée in terminis en faveur de la princesse et de la duchesse de Brunswick, contre les habitans des paroisses de la Neuville et Estreux, par arrêt du 5 mars 1728. En voici l'espèce :

La princesse et la duchesse de Brunswick jouissaient, depuis un temps immémorial, par elles et par leurs auteurs ducs de Guise, du droit de terrage sur le terroir de la Neuville et Estreux, membres du duché de Guise. Les habitans de ces deux paroisses convin. rent, au mois de février 1717, dans deux actes d'assemblée, de refuser de payer le droit, jusqu'à ce qu'on leur eût produit, ou le titre primordial et constitutif, ou des déclarations et reconnaissances de leurs prédécesseurs. Ces deux actes d'assemblée, et le refus de payer lors de la moisson, furent pris pour trouble par la princesse et la duchesse de Brunswick, qui firent assigner en Complainte possessoire aux requêtes du palais, les deux communautés en nom collectif, et quelques-uns des principaux habitans. Voici l'arrêt : :-« Notre dite » cour reçoit les parties de Gin opposantes à » l'exécution de l'arrêt par défaut; au princi» pal, a mis et met l'appellation et ce dont a » été appelé, au néant; emendant, évoquant » le principal et y faisant droit, maintient et » garde les parties de Huart dans la possession » et jouissance des droits de cens, terrages et » autres droits seigneuriaux, tant en grains » qu'en argent, qu'elles ont accoutumé de per» cevoir sur les maisons, terres et héritages » des paroisses de la Neuville et Estreux, sui» vant les cueillerets qui sont entre les mains » des fermiers ; condamne les syndics et habi» tans desdites paroisses de la Neuville et » Estreux, parties de Gin, à payer lesdits » droits de cens, terrages et autres droits sei» gneuriaux échues en l'année derniere 1717 » savoir les droits en argent, suivant les >>cueillerets, et ceux en grains, suivant l'es>>timation et évaluation qui en sera faite en » la manière accoutumée; sauf aux parties de » Gin à se pourvoir au petitoire; les défenses » des parties d'Huart réservées au contraire »>. Cet arrêt est imprimé.

Laquestion ne s'était point encore présentée dans des termes aussi précis. Cet arrêt juge bien disertement qu'un seigneur peut intenter Complainte pour raison du terrage et autres droits seigneuriaux, même dans le cas où le tenancier conteste le fond du droit.

Mais, quelque précise que soit cette déci

sion, quelque respect qu'elle mérite, il faut cependant convenir que la question peut encore souffrir difficulté. En effet, si l'on jette les yeux sur les anciens monumens de notre jurisprudence, on voit que, dans le temps de Charles V et de Charles VI, la Complainte n'était jamais admise entre le seigneur et ses vassaux: c'est ce que nous attestent Desmares, décision 323, et Jean Galli, question 349: c'est ce qu'on lit aussi dans l'ancien style de la cour; et ideò, y est-il dit, dicitur in gallico (de là vient cet adage français): entre le seigneur et le vassal, il n'y a point de nouvelleté.

C'est également la décision de Dumoulin sur la coutume de Paris, §. 1, glose 4, no. 44 et suivans. La Complainte, dit-il, ne peut jamais avoir lieu entre le seigneur et ses vassaux: interdictum uti possidetis nunquam habet locumquandò subditus contradicit superiori. On peut voir aussi Papon, liv. 8, tit. 4. Il y a des arrêts conformes à cette décision, un, entre autres, du 15 septembre 1534, sur les conclusions de M. l'avocat général de Montholon, qui juge que le substitut de M. le procureur-général du domaine de Bourbonnais n'avait pu intenter Complainte contre les habitans d'Iscure, pour dénégation des devoirs, droits et rentes dus au roi; mais qu'il fallait se pourvoir par action. Il s'agissait, dans cette affaire, d'un droit de blairie : sans avoir égard à la Complainte, on renvoya devant le séné chal de Bourbonnais, pour procéder sur l'action confessoire.

[[Toute cette discussion est devenue sans objet par la suppression des droits seigneuriaux. ]]

IV. La Complainte ne peut être formée pour une rente constituée, parceque ce n'est point un droit réel, n'ayant point d'assiette certaine sur un fonds, comme la rente fonciere, mais seulement une hypothèque géné obligation personnelle, lorsqu'il n'y a point rale; et quelquefois même ce n'est qu'une d'héritages hypothéqués.

[[ On a déjà vu qu'aujourd'hui les rentes foncières sont, à cet egard, assimilées aux rentes constituées; comme celles-ci, elles sont réputées mobilières par l'art. 529 du Code civil; elles ne peuvent donc pas plus que celles-ci, être réclamées par voie de complainte. ]]

V. C'est une grande question si un juge ou autre officier peut former Complainte à raison de son office.

Chopin, de moribus Parisiorum, tit. 1, n. 33; Papon, en ses arrêts, liv. 4, tit. 2, des offices royaux et autres, n. 31; Duluc

(Lucius), dans ses Placita, liv. 9, tit. 7, et liv. 3, tit. 1, n. 6; Loyseau, liv. 1 des offices, chap. 2, n. 64 et suivans, embrassent l'affirmative, et soutiennent que l'on peut intenter la Complainte en cas de saisine et de nouvelleté, sinon pour l'office subalterne qui dépend d'un seigneur haut-justicier, du moins pour un office royal, lorsqu'il s'agit directement du droit et du titre de l'office, et non des droits particuliers et singuliers de la justice, l'officier n'étant pas simple usager par droit de servitude, mais propriétaire et possesseur selon la nature et condition de l'office.

Rebuffe, Duluc, Papon et les autres rap portent un arrêt donné aux grands jours de Moulins, le lundi 13 octobre 1540, plaidant MM. Seguier et Marillac, par lequel la Complainte fut admise et reçue pour le titre d'un office royal.

Dumoulin, sur la question 137 de Jean Galli, n. 10, aux mots Non erat, et sur la coutume de Paris, glose 5, n. 57, 59, et après lui Bacquet, en son Traité des droits de jus tice, chap. 17, n. 6, sont d'avis contraire. Leurs raisons sont que la coutume de Paris ne reçoit point la Complainte pour une chose mobilière particulière, et notamment pour celle qui est incorporelle, en laquelle on ne sépare point la propriété et le pétitoire du possessoire; que la même coutume ne répute l'office immeuble en l'art. 95, qu'à l'effet de la saisie, des criées, du décret et des arrêts, que pour les droits successifs, l'exclusion de la communauté et l'affectation à la ligne de l'officier, et autres effets semblables; et que l'office est de nature pure mobilière en tous ses autres effets.

[Au surplus, les partisans de l'une et l'autre opinion sont d'accord que la complainte n'a pas lieu pour les offices seigneuriaux; et leur doctrine a été confirmée par un arrêt du parlement de Bordeaux du 26 janvier 1702, qui est rapporté dans la collection de la Peyrère, lettre 0, n. 5, édition de 1725. Voici les termes de l'arrêtiste : « Dieusidon » était en fonctions de la judicature de Saint» Angel. Le père Lavie, bénédictin, comme >> prieur de Saint-Angel, et en cette qualité » seigneur justicier, révoque ce juge, et ins»titue Estève. Celui-ci se fait connaître au » sénéchal, et s'en va faire sa fonction. Dieu » sidon forme Complainte, et demande la >> réintégrande, s'appuyant sur le sentiment » de Loyseau, qui est exprés au liv. 1 des of » fices, chap. 2, et qui distingue que le juge » ne peut pas former la Complainte contre le seigneur, mais bien contre tout autre. Pour » Esteve, on répondait, avec l'autorité de » Dumoulin sur la coutume de Paris, §. 1,

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» glose 5, in verbo le fief, n. 59, où il dit que » la Complainte n'a lieu qu'ès offices hérédi»taires: or, ceux des seigneurs ne le sont » pas ; et par là on défendait le jugement du »sénéchal, qui avait prononcé sur le pétitoire. » La cour, sans avoir égard à la réintégran»de, ordonna qu'on viendrait plaider à tou» tes fins ». Et M. le premier président dit, en levant la séance, après la prononciation de l'arrêt « que le motif de décision avait été » que la réintégrande n'a pas lieu en matière » d'offices de seigneur ».

Cependant le contraire a été jugé au grandconseil de Malines, dans l'espèce suivante.

La comtesse de Mansfelt, mère, tutrice et gardienne noble du comte d'Hoogstraeten, son fils mineur, avait nommé Claude-François Vandevelde greffier des terres de Praet et d'Oedelen, qui étaient alors en saisie réelle ; et elle avait exprimé dans sa commission, qu'elle la lui donnait pour récompense de services.

Ces deux terres ayant été décrétées, le prince de Rubempre s'en rendit adjudicataire; et par une nouvelle commission qu'il donna au nommé Toëbast, révoqua celle du sieur Vandevelde.

« Celui-ci, dit l'arrêtiste d'après qui nous parlons (Coloma, tome 2, page 31), forma Complainte contre le nouveau pourvu et le prince de Rubempre, successeur de la collatrice; ce qui a fait naître la question, s'il lui était permis d'agir par Complainte avant de venir au petitoire?

» Quoique les officiers des seigneurs en Flandre soient destituables ad nutum, cependant ils ne peuvent être pris pour de simples mandataires; mais ils se reglent en tout et partout sur le pied de ceux qui ont obtenu une grace à titre de précaire; ce qui a fait dire à Rebuffe que la Complainte ne peut être intentée par un officier destitué, parcequ'il ne tenait son office que précairement, et que le seigneur a été maître de le révoquer quand il lui a plu. D'où résulte, à contrario sensu, que la Complainte a lieu lorsque l'officier n'est pas destituable,comme au cas où l'office a été donné à titre rémunératoire, et celui où il a été conféré pour tout le temps que vivrait le pourvu. » En ces cas, la Complainte a lieu, quoi qu'en dise Dumoulin, dont les raisons ont été réfutées par Loyseau.... Cependant Loyseau

y

fait une différence entre le compétiteur et le collateur, laquelle consiste en ce que l'officier peut intenter la Complainte contre son compétiteur; et il doit se pourvoir par requête contre son collateur, implorant doucement l'office du juge. Mais Loyseau avoue que cette requête retient la même nature et la même

force que la Complainte; ce qui fait que Voet, ad D., lib. 43, tit. 16, n. 2, l'appelle utile interdictum. Et comme cette différence était anciennement inconnue en France, selon un ancien arrêt rapporté par Joannes Galli, question 173, nous n'y prenons aucun égard en ces pays....

Vandevelde a soutenu sur ce principe qu'on devait lui adjuger la récréance de deux chefs premièrement à cause que le greffe lui avait été conféré pour les services qu'il avait

rendus à la collatrice; et en second lieu, à cause qu'il avait obtenu la provision pour en jouir sa vie durant.

De la part du prince de Rubempré et de son pourvu, on disait que l'énonciation vague de services rendus ne pouvait faire passer pour rémunératoire la collation dont il s'agissait; que d'ailleurs une tutrice et gardienne noble n'avait pu lier les mains à son fils, et encore moins à un tiers acquéreur; que c'était même une question, si le propriétaire d'une seigneurie saisie réellement pouvait en nommer les officiers.

Nonobstant ces raisons, il intervint au conseil provincial de Gand une sentence qui adjugea la récréance au sieur Vandevelde dépens réservés en définitive jusqu'au plein possessoire.

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Sur l'appel, le grand-conseil de Malines se trouva partagé en opinions. Ecoutons encore notre arrêtiste.

« Ceux qui opinaient pour la confirmation de la sentence, soutenaient qu'il n'était pas permis d'entrer dans les mérites du petitoire pour adjuger une simple récréance, qui n'était qu'un jugement sommaire, fondé sur une connaissance superficielle de la possession du destitué, le juge se réservant d'approfondir la matière, lorsqu'il procédera à la décision du plein possessoire. Et les autres, qui étaient du sentiment que la sentence devait être redressée, soutenaient que la gardienne en Flandre n'avait incontestablement aucun droit de conférer les offices qu'à titre de précaire, et qu'un pareil titulaire ne pouvait ja mais obtenir la recréance contre le vrai seigneur....

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» Les voix étant ainsi partagées...., la sentence fut confirmée suivant l'usage du grand-conseil de Malines. (V. Partage d'opi. nions.) L'arrêt est du 30 avril 1721.]

[[La suppression de tous les offices seigneuriaux rend aujourd'hui cette question sans objet.

A l'égard des offices actuels, comme il n'en est aucun qui soit vénal ni héréditaire, il est

bien évident qu'ils ne peuvent jamais faire la matière d'une Complainte.

VI. La Complainte peut-elle avoir lieu du propriétaire au fermier qui prétend continuer malgré lui, à titre de bail, une jouissance dont le titre est résolu ?

Le 6 floréal an 11, Bonneron et Gailleton nier, par un bail portant la condition expresse acquièrent un immeuble affermé à Fourqu'en cas de vente, il sera résolu de plein droit.

Le 2 nivose an 12, ils font transcrire leur contrat et voulant entrer personnellement en jouissance, ils font faire par leurs ouvriers quelques travaux dont l'objet est de convertir en jardin l'héritage qu'ils ont acquis.

Fournier s'oppose à ces travaux, force les ouvriers à se retirer, et détruit tout ce qu'ils ont fait. Bonneron et Gailleton le font citer devant le juge de paix, comme les ayant troublés dans leur possession, et conclurent à ce qu'il soit condamné à cesser le trouble, avec 9 francs de dommages-intérêts. Fournier produit son bail, et prétend avoir droit de jouir comme fermier.

Le 16 ventose an 12, jugement qui, attendu que le bail a été résolu de plein droit par la vente, défend à Fournier de troubler ultérieurement Bonneron et Gailleton, et le condamne à 5 francs de dommages-intérêts.

Fournier se pourvoit en cassation, et se prévaut de ce que Bonneron et Gailleton ne lui ont pas fait notifier le titre de leur acquisition.

Mais il ne pouvait résulter de cette eirconstance qu'un mal jugé, et les sentences des juges de paix ne peuvent être cassées que pour incompétence ou excès de pouvoir. Aussi, par arrêt du 6 frimaire an 14, au rapport de M. Gandon,

« Considérant que la possession du vendeur se continue dans l'acquéreur, et qu'ainsi, Bonneron et Gailleton avaient qualité pour former l'action possessoire; que l'action par eux intentée tendait à faire cesser le trouble qu'ils éprouvaient, et était une action posses soire, et que, par sa nature et la qualité de la demande, elle était de la compétence du juge de paix en dernier ressort (1);

» La cour rejette le pourvoi... ».
V. ci-après, §. 6, n. 5.

VII. Mais il ne peut pas y avoir de Complainte entre le fermier et un tiers qui le trouble dans la jouissance de l'objet que le bailleur du premier lui a affermé. V. l'article Servitude, S. 35.

(1) Le juge de paix avait-il réellement prononcé et avait-il pu prononcer en dernier ressort ?V. l'article Dernier ressort, §. 1, no. 3.

VIII. Que la Complainte puisse avoir lieu pour un cours d'eau, c'est ce qui résulte clairement de l'art. 10 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790, et de l'art. 3, n. 2, du Code de procédure civile.

Voici cependant une espèce dans laquelle un tribunal d'arrondissement a jugé le contraire.

François Paradis possède dans le territoire de Charonne, un pré dit le Pré Barbin, qui confine au Pré de la Magdelaine, apparte nant à François Perroux.

A l'extrémité de celui-ci, il existe un canal qui est alimenté par les eaux pluviales et par les fontaines voisines.

Ces eaux, après avoir parcouru le pré de la Magdelaine, se dirigeaient par une pente naturelle, vers le pré Barbin, et y entraient au moyen d'une ouverture pratiquée dans le mur qui séparait les deux prés.

En 1803, Perroux ferme cette ouverture, et par-là interrompt le cours des eaux.

Paradis le fait citer en Complainte devant le juge de paix, et conclud à la réparation du trouble, avec 50 francs de dommages-intérêts. Le 6 août, jugement préparatoire qui l'admet à la preuve de ses faits de possession, déniés par Perroux.

Cette preuve faite, jugement définitif du 20 du même mois, qui le maintient dans la possession et lui accorde 10 francs de dommages et intérêts.

Appel au tribunal civil de Châlons; et le 6 juin 1809, jugement qui déclare ceux du juge de paix nuls et incompétemment rendus, attendu qu'un cours d'eau de la nature de celui dont il s'agit, n'est pas susceptible d'une possession caractérisée et propre à servir de base à une action possessoire.

Mais Paradis se pourvoit en cassation; et par arrêt du 19 juin 1810, au rapport de M. Cochard,

que

>> Attendu 10. que l'action dirigée par Paradis contre Perroux, était qualifiée au possessoire; qu'il n'avait conclu qu'à 50. fr. de dommages-intérêts résultant du trouble; attendu 2o. que le juge de paix était compétent pour en connaître; et bien que, la proposition d'incompétence rendit ses jugemens sujets à l'appel, elle n'autorisait cependant pas le tribunal de Châlons-sur-Saone à la reformer, sous le prétexte d'un prétendu excès de pouvoir (1); d'où il suit qu'en les annulant par un semblable motif, le tribunal d'appel a formellement contrevenu à l'art. 10 du tit. 3 de la

(1) V. l'article Dernier ressort, §. 1, n. 3.

loi du 24 août 1790, qui attribue aux juges de paix la connaissance exclusive des actions possessoires;

«La cour casse et annuelle....

S. IV. Du genre de trouble requis pour qu'il y ait lieu à Complainte. ]]

I. Il faut, pour intenter Complainte, que le possesseur soit troublé dans sa possession; sans cette circonstance, il n'a que la voie d'action petitoire.

Le trouble se fait de deux manières, ou par fait ou par paroles. Par fait, lorsque le possesseur est chassé par violence, par voie de fait, et qu'on le spolie de son héritage; par paroles, quand, en plaidant, ou par écrit, dans quelque acte ou exploit, quelqu'un se qualifie seigneur ou propriétaire d'un titre ou d'un droit qui nous appartient : on prend en ce cas l'acte ou l'exploit pour trouble, et l'on forme Complainte.

[[ Ainsi, il y a deux sortes de troubles, l'un de droit, l'autre de fait; et tous deux donnent lieu à la Complainte.

« Trouble s'entend (dit Loysel, liv. 4, tit. 5, règle 12), non-seulenrent par voie de fait, mais aussi par dénégation judiciaire ».

Brodeau, sur l'art. 96 de la coutume de Paris, n. 7, dit également qu'il y a lieu à Complainte, en cas de « trouble par simples pa

roles verbales, dites judiciairement en plai»dant, ou rédigées par écrit dans des actes » ou procédures judiciaires, par lesquels on » débat, ou on dénie, ou on révoque en doute » le droit et la possession de l'adversaire pos

»sesseur ».

Bourjon, tome 2, ch. de la Complainte, sect. 1, établit la même chose : «Toutes les » fois qu'il y a trouble, il y a lieu à Com» plainte. Trouble de fait, trouble de droit ; » de fait, lorsque quelqu'un se met en posses»sion d'un heritage; de droit, lorsqu'un » tiers saisit entre les mains de mon fermier » ou locataire. ».

Turbat autem quisque etiam per simplicem oppositionem; ideò in foro dicere solent, opposition vaut trouble, etiamsi fructibus manum nunquàm admoverit. Ce sont les termes de d'Argentré, sur l'art. 106 de l'ancienne coutume de Bretagne.

l'endroit cite, que, « si le possesseur d'un héRemarquez cependant avec Bourjon, à »ritage est assigné pour représenter les titres >> en vertu desquels il possède », on ne peut pas dire qu'il y ait trouble. « Telle est à pré» sent ( ajoute cet auteur) la jurisprudence du » châtelet. J'ai vu ci-devant qu'une pareille >> demande était regardé comme trouble;

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Depuis plusieurs siècles, l'église collégiale et paroissiale de Notre-Dame-en-Vaux de Chàlons prétendait avoir une portion du nombril de Jésus Christ. Le 19 avril 1707, M. de Noailles, évêque de Châlons, se transporta dans cette église, examina la relique; et, après avoir reconnu que l'on ne pouvait décider quelle matière c'était, la mit dans une boite de vermeil qu'il emporta, et en dressa procès-verbal sans rien ordonner. Les chanoines de cette église se pourvurent en Com plainte aux requêtes du palais ; et en vertu d'une ordonnance de soit partie appelée, qu'ils obtinrent, ils firent assigner M. l'évêque de Chalons le 1er. juillet 1707, pour voir dire qu'ils seraient maintenus et gardés dans la possession ancienne et immémoriale en laquelle ils étaient d'avoir dans leur église la relique du saint nombril de Notre-Seig neur; qu'en conséquence, il serait condamne à le remettre dans le reliquaire, etc.

Le 16 du même mois, M. l'évêque de Châlons fut reçu appelant comme d'abus de l'ordonnance des requêtes du palais; et l'affaire portée à l'audience de la grand'-chambre, ce prélat soutint, dit Augeard, tome 2, §. 34, que « le fait qui avait donné lieu à la contes«tation était un pur fait spirituel, dont la » connaissance appartenait aux évêques, » puisqu'il ne s'agissait que de la vérité ou de » la supposition d'une relique; qu'ainsi on » n'avait pas pu se pourvoir devant le juge » séculier; Messieurs des requêtes du palais » ayant permis d'assigner sur un fait qui con» cernait la religion et son culte, et dont ils » ne pouvaient jamais connaître, avaient en>>trepris sur la juridiction ecclésiastique; par » conséquent qu'il y avait abus dans leur » ordonnance, la voie d'appel comme d'abus » ayant lieu. lorsque le juge laïque entre » prend sur la juridiction ecclésiastique; de » même qu'on est en droit de s'en servir quand » le juge ecclésiastique a fait quelque entre» prise sur la juridiction royale ».

Les intimés demeuraient d'accord que la voie d'appel comme d'abus était une voie de droit; mais ils prétendaient qu'ils avaient pu se pourvoir en Complainte ; et que, puisque

la Complainte était de la connaissance exclusive des juges séculiers, il n'y avait aucune quêtes du palais sur la juridiction ecclésiasentreprise de la part de Messieurs des retique.

M. l'avocat général le Nain dit que, M. l'évêque de Chalons ayant emporté la relique en question dans le cours d'une visite, et faisant les fonctions d'évêque, ce n'était point le cas d'intenter contre lui-même une action possessoire, qui ne peut jamais avoir lieu contre le magistrat et le juge qui fait fonction de juge, et par conséquent que les intimés n'avaient pas pu se pourvoir aux requêtes du palais.

En conséquence, par arrêt du 13 mars 1708, la cour dit qu'il y avait abus; déclara la procédure nulle, et condamna les intimés aux dépens, sauf à eux à se pourvoir par les voies de droit.

[[Sur cette question et sur celle qui est l'objet du no. précédent, V. l'article Complainte au parlement de Flandre, et dans mon Recueil de Questions de Droit, l'article Complainte, §. 1.

III. La Complainte peut elle avoir lieu contre un acquéreur de domaines nationaux, et contre le fermier d'une autorité administrative? V. ci-rprès, §. 6, n. et 5.

S. V. Du temps dans lequel l'action en Complainte doit être intentée, et de la manière dont il doit y être sta tué. ]]

La Complainte doit être formée dans l'an et jour du trouble : après ce temps, on n'est plus recevable, et il faut se pourvoir au pétitoire ; la raison en est qu'en matière d'interdit ou action possessoire, est potior qui possidet de facto ultimo anno. L'art. 61 de l'ordonnance de 1539 porte en termes expres qu'il ne sera reçu aucune Complainte après l'an, parceque, pour lors c'est l'autre partie qui a possédé pendant l'an depuis le trouble, qui a la possession et qui est en état elle-même d'intenter Complainte, ayant acquis la prescription de la possession par une jouissance paisible d'une année. [[ C'est aussi la disposition de l'art. 23 du Code de procédure civile. ]]

Au reste, en matière de Complainte, ou l'on juge définitivement, ou l'on rend une sentence interlocutoire. Si la possession est suffisamment prouvée par l'une des parties, on la maintient et garde en la possession et jouissance de l'héritage, et on fait défenses à l'autre de la troubler. Cette sentence s'appelle la pleine maintenue. S'il n'y a pas lieu de juger definitivement, pour lors on adjuge par provision la possession à celui qui a le droit

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