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Nous avons parlé de la seconde de ces formalités, sous le mot Manbour, no. 4.

A l'égard de la première, il n'y a pas d'autres formalités à y observer que dans les déshéritances ordinaires. V. l'article Devoirs de loi.

II. Pour donner effet à une Condition de Manbournie qui tend à avantager une certaine personne, faut-il qu'elle soit rappelée dans un testament par celui qui l'a faite?

L'art. 3 de l'ordonnance de 1731 semble nous forcer d'adopter l'affirmative. Suivant cet article, il ne peut plus y avoir, dans tout le royaume, que deux formes de disposer de ses biens à titre gratuit : l'une, celle des donations entre-vifs; et l'autre, celle des testa, mens. Il paraît donc que les Conditions de Manbournie sont, par elles-mêmes, insuffisantes pour faire valoir les libéralités qu'elles contiennent.

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Telle est en effet l'opinion de Dumées dans sa Jurisprudence du Hainaut français, page 139: « Comment concilier (dit-il) cette ju»risprudence (qui ne permet de disposer à » cause de mort que par la voie de dessai» sine), avec l'art. 3 de l'édit du mois de fé. » vrier 1731? Voici comme on peut concilier » l'ordonnance et la coutume: celui qui veut » faire une donation à cause de mort, de ses » immeubles, doit faire un testament, ct y » disposer de ses immeubles comme il le juge » à propos; ensuite passer à la déshéritance, » selon le style de la province.... L'une de >> ces deux formalités manquant, la donation » à cause de mort sera nulle de plein droit, » d'une nullité prononcée, soit par la coutu » me, soit par l'ordonnance ».

Nous nous réservons d'apprécier cette opinion sous les mots Rapport à loi.

En attendant, nous observerons qu'il y a trois cas où elle ne peut pas être admise.

Le premier est lorsque l'acte de Condition de Manbournie est fait par un mari pour avantager sa femme. La raison en est que les donations entre époux sont formellement exceptées par l'art. 46 de l'ordonnance de 1731, de toutes les règles prescrites par cette loi, et, par conséquent de la disposition de l'art. 3.

Le second cas est lorsque la Condition de Manbournie a pour objet un acquêt, et`s'opere par les devoirs de loi qui se font pour réaliser ou ensaisiner le contrat d'acquisition. Il y en a une raison fort sensible: c'est qu'a lors, la Condition de Manbournie n'est pas, à proprement parler, une disposition à titre gratuit, mais une manière d'acquérir, et un mode, soit du contrat, soit de l'ensaisinement du contrat d'acquisition; en sorte que celui

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au profit duquel est faite la Condition, est regardé comme ún coacquéreur. Il en a été ainsi jugé par arrêt du parlement de Flandre, du 19 janvier 1784, rendu au rapport de M. Wacrenier, en faveur de Jacques Habeau, contre Laurent-Étienne Bernard. Un particu lier, en acquérant une rente hypothéquée par un simple rapport à la loi sur une main-ferme du chef-lieu de Mons, avait conditionné que cette rente appartiendrait, après sa mort, Jacques Habeau : et il avait nommé un Manbour pour garder cette Condition. L'acquéreur décédé, ses héritiers ont prétendu que la disposition faite au profit de Jacques Habeau, était nulle; et, entre autres moyens qu'ils faisaient valoir, ils disaient, d'après Dumées, que les Conditions de Manbournie sont nulles, lorsque le contenu n'en est pas rappelé dans un testament revêtu des formes prescrites par l'ordonnance de 1735, Les premiers juges avaient débouté les héritiers de leur de mande l'arrêt cité a confirmé la sentence. Nous parlons encore de cette espèce à l'article Manbour.

Le troisième cas est lorsque l'acte de Condition de Manbournie est revêtu des formalités essentielles aux testaniens, c'est-à-dire, lorsqu'il est écrit par l'un des officiers publics qui y interviennent, qu'il fait mention de la lecture qui en a été faite, et qu'il y est dit, lorsque le disposant n'a pas signé, qu'il a été interpellé de le faire; alors, en effet, cet acte a tous les caractères d'un testament judiciaire, et l'on sait que l'ordonnnance de 1735 confirme expressément l'usage de ces sortes de testamens dans les pays où ils sont reçus.

III. La règle qui exige, de la part du dispo sant,une déshéritance ou dessaisine pour faire valoir la Condition de Manbournie, souffre une exception dans le cas où cette Condition porte sur un acquêt, et se fait dans l'année de l'acquisition, c'est-à-dire, dans l'année de l'ensaisinement du contrat d'achat. J'ignore sur quoi cette exception est fondée : la coutume ne l'autorise pas; mais la coutume, telle qu'elle est rédigée, ne contient pas la moitié des principes qui forment le droit coutumier du cheflieu de Mons; ainsi, on ne peut rien conclure de son silence. Du reste, tel est l'usage, et je trouve dans le recueil manuscrit de M. Tahon, conseiller au conseil souverain de Mons, qu'il a été confirmé par deux arrêts de ce tribunal le premier, intervenu en 1702, en faveur des exécuteurs testamentaires de la demoiselle le Duc; le second, rendu au mois de janvier 1708, entre Claude de Bettignies et consorts, d'une part, et Pierre Bernage, de

l'autre. Il s'agissait, dans cette dernière espèce, d'une Condition de Manbournie faite sans déshéritance, deux mois après l'acquisition de l'héritage qui en était l'objet : l'héritier en demandait la nullité; mais, dit M. Tahon, il fut débouté, d'après l'usage suivant lequel, lorsque la Condition se fait en dedans l'an de l'acquisition, il n'est requis déshéritance. Ce magistrat observe cependant que l'un des juges a opiné en faveur de l'héritier.

IV. On verra à l'article Rapport à loi, que, dans la coutume de Cambresis, il y a deux manières de disposer par cette voie d'un héritage : l'une avec désignation de la personne au profit de qui l'on entend faire la disposi tion; l'autre sans désignation, et à l'effet seulement que l'héritage rapporté appartienne à celui que l'auteur du rapport nommera par son testament. On demande s'il en est de même dans la coutume du chef-lieu de Mons, par rapport aux Conditions de Manbournie, et si en conséquence nous devons tenir pour valable une disposition de cette espèce, qui, au lieu de désigner nommément la personne que l'on veut avantager, s'en réfère à ce qui est ou sera spécifié, soit par un testament, soit par un codicille?

Dumées le pense ainsi ( Jurisprudence du Hainaut français, page 112), mais il est obligé de convenir que cette forme de conditionner n'est pas approuvée dans l'usage : elle n'est pas, dit-il, du goût de la plupart de nos praticiens.

En effet, j'ai trouvé dans un ancien manus. crit qui m'a été communiqué en 1780, par M. Papin, alors conseiller, et depuis procureur général au conseil souverain de Mons, 1o. que, le 19 juillet 1642, il a été déposé dans une enquête, par deux turbes d'avocats, que, suivant un usage constant dans le chef-lieu de Mons, on ne pouvait conditionner un héritage, pour appartenir, après le trépas du disposant, à celui qu'il nommerait par son testament ou codicille, mais qu'il fallait désigner nommément dans les devoirs de loi la personne au profit de laquelle se faisait la Condition de Manbournie ; 2o. que cette maxime avait été précédemment consacrée par un arrêt du conseil souverain de Mons, du 4 novembre 1627; 3o. qu'elle l'a encore été depuis par deux arrêts des 23 et 28 février 1643; 4o. qu'enfin, la question s'étant encore représentée le 17 janvier 1698, tous les juges sont convenus unanimement que tel était l'usage, et se sont tous accordés à le suivre, quoique, sur la question de savoir si, indépendamment de cet usage, on eût dû juger de même (ques TOME V.

tion qui n'était agitée qu'en passant), les avis aient été fort partagés.

La même chose a été jugée au parlement de Flandre. Philippe de Verchin avait fait une Condition de Manbournie au profit de la personne nommée ou à nommer par son testament fait ou à faire ; et il avait ordonné par son testament, que le bien ainsi conditionné, appartiendrait après sa mort à Adrien de Verchin, son neveu. Sur la plainte de l'héritier ab intestat, le prévôt de Bavay cassa la Condition de Manbournie et la disposition du testament qui y était relative; et sa sentence fut confirmée par arrêt du 28 juin 1765, au rapport de M. de Curgies.

Il serait inutile de nous arrêter à l'examen du plus ou du moins de logique et de raison qu'il peut y avoir dans l'usage qui sert de fondement à cette jurisprudence. S'il fallait réformer tous les usages du chef-lieu de Mons qui seraient juges déraisonnables, il n'est peut-être pas vingt maximes du droit coutumier de cette partie du Hainaut qui pourraient résister à l'épreuve : et alors que deviendrait la tranquillité des familles? Il vaut mieux dire avec les jurisconsultes romains : Non omnium quæ à majoribus constituta sunt, ratio reddi potest; et ideò rationes eorum quæ constituuntur, inquiri non oportet; alioquin multa ex his quæ certa sunt, subvertuntur. (Lois 20 et 21, D. de legibus.)

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On objectera que, sur d'autres matières, a été jugé que l'usage ne peut pas autoriser, dans le ressort d'une coutume homologuée, des maximes contraires au droit commun. (V. les articles Dévolution coutumière, Licitation et Usage.)

Mais pour quelles coutumes a-t-on jugé de la sorte? Pour celles dont les décrets d'homologation proscrivent expressément tous autres usages que ceux dont elles contiennent la description, et défendent d'en introduire de nouveaux. Or, il n'y a rien de semblable dans le placard du 15 mars 1533, par lequel Charles-Quint a homologué la coutume du cheflieu de Mons; et d'ailleurs, nous l'avons déjà dit, cette coutume est si imparfaite, la rédaction en a été si négligée, que l'on n'y trouve qu'une faible partie des principes reçus, comme droit municipal, dans toute l'étendue de son territoire.

V. En finissant ce paragraphe, nous devons observer que l'on ne doit pas appliquer aux Conditions de Manbournie, qui se font autrement que par l'ensaisinement du contrat d'acquisition d'un héritage, la disposition de l'édit du mois d'avril 1675,qui défend aux mayeurs et échevins de recevoir aucune déshéritance et de

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donner aucune adhéritance, si ce n'est en vertu d'actes dûment grossoyés, signés et scelés du tabellion. (V. Devoirs de lois.)

Cette défense ne concerne que les déshéritances et adhéritances faites pour réaliser ou ensaisiner les dispositions déjà faites; et ce sont ces dispositions qui, pour éviter la peine de nullité, doivent être mises en grosse et tabellionnées avant la réalisation. Mais lorsqu'un particulier fait une Condition de Manbournie pour un héritage qu'il possédait précédemment, il ne réalise pas une disposition déjà faite : il crée une disposition nouvelle; et comme cette disposition est renfermée dans la Condition de Manbournie même, on sent bien qu'il n'est pas possible que la Condition de Manbournie soit précédée et faite en vertu d'un acte dûment grossoyé, signé et scellé du tabellion.

Il en serait autrement si la Condition de Manbournie se faisait au moment même de la réalisation du contrat d'acquisition du bien qu'elle aurait pour objet. Il faudrait alors qu'on représentât un contrat grossoyé aux juges appelés pour le réaliser; et comme le défaut de cette formalité entraînerait la nullité de devoirs de loi, il ne serait pas possible que la Condition de Manbournie subsistát.

S. IV. Quels sont les biens dont on peut disposer par condition de Manbournie?

Il n'y a pas de différence, dans le chef-lieu de Mons, entre le pouvoir d'aliéner et celui de disposer par Condition de Manbournie : l'un dépend des mêmes règles que l'autre.

Pour bien saisir ces règles, il faut commencer par distinguer les acquêts d'avec les propres; et à l'égard des femmes, les biens de celles qui sont libres, d'avec les biens de celles qui sont mariées.

I. La coutume du chef-lieu de Mons ne détermine pas précisément quelles sont les conditions requises pour qu'un propriétaire puisse aliener ses acquêts ou en disposer. Mais les archiducs Albert et Isabelle y ont supplée, en déclarant, par l'art. 1er. de leur décret du 20 mars 1606, que, suivant l'usage du chef-lieu de Mons, il faut, pour aliéner valablement un bien de cette nature, être au méme état d'icelui, c'est-à-dire, au même état que lorsqu'on l'a acquis, ou avoir retenu (par Cqudition de Manbournie) le pouvoir d'en disposer

en tout état.

Là-dessus cinq questions.

1o. Qu'entend-on, dans le chef-lieu de Mons, par être au même état d'un acquét ?

Duméesrépond àcela en deux mots (Jurispru dence du Hainaut français, page 361): « On » change d'état (dit-il) lorsqu'on devient veuf »avecenfans; en ce cas, l'on ne peut plus ven» dre les mainfermes acquis constant mariage, » ou même auparavant ».

J'ai vu des jurisconsultes interpréter dans un sens plus étendu, les termes cités du décret de 1606, et en conclure qu'un homme ne peut pas disposer, pendant son mariage, des mainfermes qu'il a acquis avant de se marier. Leur raison est que le mariage, comparé à la position d'un célibataire, est un changement d'état; et que par conséquent il est compris dans la disposition du décret qui est générale, qui ne distingue point, qui, dès-là, n'est passible d'aucune modification.

Mais cette interprétation, outre qu'elle est démentie par l'usage, n'a pour base que des principes contraires à l'esprit de la coutume.

Le décret de 1606 est général, on en convient; cependant, on n'a jamais pensé qu'un veuf sans enfans fût incapable d'aliéner les acquêts faits durant son mariage; jamais la viduité sans enfans n'a été regardée comme un changement d'état, dans le sens du décret. Il n'est donc pas exact de dire que cette loi rejette toute distinction, et doit être entendue littéralement.

En second lieu, il est bien vrai que la femme change d'état par le mariage, et que par-là les acquêts dont elle a augmenté sa fortune étant fille, deviennent, dans ses mains, aussi indisponibles que ses propres; mais il n'en est pas de même du mari : maître de ses acquêts avant le mariage, il l'est encore apres le mariage. La raison de la différence est sensible: la femme, en se mariant, perd sa liberté naturelle elle cesse d'être sui juris; elle n'est plus, surtout en Hainaut, qu'un être passif. Le mari, au contraire, ne perd rien de son autorité : on verra dans l'instant que le mariage, lorsqu'il est suivi de la naissance d'un ou de plusieurs enfans, lui délie les mains par rapport à ses propres, qu'il ne pouvait pas aliener auparavant ; et l'on voudrait qu'il les lui liât par rapport à des acquêts dont il avait précédemment la libre disposition! Non, cela n'est pas possible, parce que cela serait absurde.

La coutume de Binche, qui est locale de celle du chef-lieu de Mons, établit clairement cette différence entre l'homme et la femme. Voici comment elle s'explique, art. 81 et 82: « L'homme marié, soit qu'il ait enfans ou non, » durant son mariage, peut déshériter ses » biens...... La femme, veuve ou fille, étant » à marier, pourvu que ladite femme veure

» soit sans enfans, peut pareillement disposer » à sa volonté de ses acquêts...... Mais étant » liée par mariage, encore qu'elle eût man» bour, ne peut d'elle-même, et de là en avant, » ni étant veuve et ayant enfans, disposer des » susdits biens ».

Le pouvoir du mari d'aliéner, et même de conditionner par manbournie, pendant le mariage, les acquêts faits avant le mariage, est encore établi, ou plutôt supposé fort clairement par l'art. 1er, du chap. 12 des chartes préavisées du chef-lieu de Mons. (V. Chartes préavisées et Mons.) En voici les termes ; «Quand une personne puissante d'aliéner, >> ordonnera par œuvre de loi ses héritages » patrimoniaux ou d'acquêts faits avant ma»riage, en manière telle que le dernier vi» vant de lui ou sa femme en jouisse sa vie » seulement, tels héritages qui ne seront au>> trement conditionnés, devront retourner » au lez et cóté dont ils seront venus ; à savoir » s'ils viennent du patrimoine du condition»nant, ou de son acquêt avant mariage, » aux hoirs de son côté..... ». Voilà bien un mari qui conditionne des acquêts faits avant son mariage; et sans doute il n'est pas possible de rien concevoir de plus clair.

Et qu'on ne dise pas que cette disposition n'est qu'un projet de loi. Projet tant que l'on voudra, il prouve toujours que les jurisconsultes qui ont préparé, dans le dix-septième siècle, une nouvelle rédaction de la coutume du chef-lieu de Mons, étaient bien persuadés que tel était l'esprit de cette loi municipale.

Remarquons d'ailleurs que leur disposition n'est, aux termes près qui sont un peu rajeunis, que la répétition du texte même de la coutume. Voici, en effet, comment est conçu le S. 2 du chap. 35 : « Quand aucuns ordon>>neront par œuvre de loi leur héritage de pa>>trimoine ou d'acquèt, sur telle forme que le >> dairain vivant de lui et de sa femme en joysse, >>tels heritages qui ne seront autrement condi»tionnés que par telles et semblables paroles, wet dont le dairain vivant n'aurait rien or»donné au contraire, doivent retourner au lez >> et côté dont ils seront venus ; c'est à savoir que » si iceux héritages viennent de patrimoine » de l'homme ou de son acquét avant sondit » mariage, ils retourneront, etc. ».

Il y a pourtant un cas où le mariage forme un changement d'état et opère une incapacité d'aliéner, même dans la personne du mari; c'est lorsque ce mariage est contracté par un veuf qui a déjà des enfans: en ce cas, les acquêts qu'il a faits pendant sa viduité, deviennent indisponibles, et il ne peut plus les aliéner ni les conditionner. Cela résulte des

maximes établies à l'article Dévolution coutumière; et c'est la décision expresse d'un arrêt du conseil souverain de Mons, que j'ai extrait du recueil manuscrit déjà cité. Un homme veuf avec enfans avait acquis un mainferme dans le chef-lieu de Mons, et il s'en était fait adhériter purement et simplement. Quelque temps après, il se remaria; et pendant son second mariage, il conditionna ce mainferme par Manbournie. Après sa mort, les enfans du premier lit attaquèrent la Condition. Le conseil ordinaire la déclara nulle, sur le fondement, dit l'arrêtiste, que le remariage avait affecté le bien aux enfans du premier lit; et sur l'appel qui fut interjeté de la sentence, elle fut confirmée par arrêt du 17 février 1698.

C'est ce que décide encore l'art. 6 du chap, 12 des chartes préavisées : Si une personne » étant veuve avec enfans, fait acquêt d'héri» tage ou rente, si elle se remarie, ne sera >> entendue capable d'aliéner ou conditionner » ses héritages, comme ayant changé d'état; » ne soit Condition auparavant «; c'est-à-dire, si ce n'est qu'avant de se remarier, elle ait fait une Condition de Manbournie pour se réserver le pouvoir d'àliéner cet acquêt en tout état.

2o. Mais la réserve de ce pouvoir peut-elle être conditionnée après l'acquisition, ou fautil qu'elle le soit au moment de l'acquisition

même ?

Ce dernier parti a été adopté par la coutume de Cambrai, comme on le voit à l'article Conditionner un héritage; mais il en est autrement dans le chef-lieu de Mons: l'usage y a établi qu'on peut faire une pareille Condition, tant que l'on conserve la capacité d'aliener les acquêts, c'est-à-dire, tant que l'on est au même point, au même état où l'on était lorsqu'on en est devenu propriétaire ; et en cela, rien que de très-conséquent : un propriétaire qui peut aliener d'un moment à l'autre, peut, à plus forte raison, se réserver le pouvoir de le faire : qui peut le plus, peut le moins.

Cet usage, au reste, est attesté par l'art.7 du chap. 12 des chartes préavisees: « Uu homme » ayant acquis héritage, ores (quoi) qu'il ne » l'aurait conditionne l'acquét faisant, pourra » néanmoins faire telle Condition que bon lui » semblera, si long-temps qu'il sera au point » de son acquêt ».

30. Le mari peut-il conditionner les conquêts à son profit ou à celui de ses héritiers sculement, et par ce moyen frustrer la femme du droit qu'elle aurait d'en prendre la moitié, si la communauté venait à se dissoudre ?

Il ne le pourrait certainement pas, si l'on suivait en Hainaut les principes qui forment notre droit commun sur les droits de la femme commune en biens avec son mari. Mais on a déjà vu, à l'article Communauté, §. 6, et l'on verra encore, à l'article Récompense, que, dans cette province, la femme n'est commune en biens que d'une manière trèsimparfaite. On ne doit donc pas s'étonner que le mari puisse, dans le chef-lieu de Mons, lui enlever, par des Conditions de Manbournie, la part qu'elle a de droit dans les conquêts.

La coutume ne donne pourtant pas expres. sément ce pouvoir au mari ; le §. 2 du chap. 35 est le seul endroit où elle parle des Conditions faites par celui-ci ; et ce qu'elle porte à cet égard, n'est pas assez formel pour qu'on en induise une faculté aussi extraordinaire que celle dont il est question; mais l'usage a supplée à son silence. Écoutons encore les rédacteurs des chartes préavisées, chap. 12: « Art. 3. De tous heritages acquis constant mariage incontinent le trepas de l'homme advenu, la moitié de la propriété eschera à son plus proche héritier et l'usufruit avec l'autre moitié de la propriété, compétera à sa femme s'il ny a Condition au contraire.

» 4. Héritage ou rente acquis, et quy ne sera conditionné par l'homme acquesteur, sy la femme vient à décéder, la moitié dudit héritage et rente compétera à ses hoirs, saulf la totalité de l'usufruit, comme dit est, au mari survivant.

5. Si un homme acquiert héritage ou rente, selon que se couche ordinairement és embrefures, ne sera pourtant la femme excluse de la moitié d'iceux, ne soit qu'expressément en soit ordonné par Condition.

» 8. En tous acquestz faits par deux conjoints, la femme sera entendue conquérante; et estant vefve sans enfans, pourra librement disposer de sa moitié, ne soit que, par Condition de son mari, elle en soit excluse ».

La faculté que ces dispositions donnent au mari de conditionner à son profit singulier les acquisitions qu'il fait, ne doit pas seulement avoir lieu quand les deux époux sont domiciliés sous la coutume de Mons; elle peut également être mise en exercice, lorsque le mariage a été contracté et qu'ils sont domiciliés dans une autre province. Mais dans ce dernier cas, la femme a, contre le mari, une action de demi-denier, parceque les droits de la communauté doivent se régler par la coutume du lieu où les époux avaient ou se proposaient d'établir leur domicile au temps du mariage. Nous avons rapporte à l'article

Communauté, §. 6, un arrêt du grand conseil de Malines, qui justifie cette assertion.

Du reste, il n'est point douteux que le contrat de mariage ne puisse oter au mari la faculté dont il s'agit ; à la vérité' il pourra, nonobstant toutes les stipulations possibles, s'approprier à lui seul, par une Condition de Manbournie, l'héritage qu'il acquerra ; mais sa femme aura une action personnelle pour s'en faire céder la moitié en nature ou en équivalent, au choix du mari.

Nous disons, au choix du mari; et pourquoi? Parcequ'en Hainaut les contrats personnels ne produisent qu'une action en équivalent. V. ce mot.

Est-on censé interdire au mari la faculté de faire de pareilles Conditions de Manbournie, lorsqu'on stipule seulement par le contrat de mariage, qu'il y aura communauté d'acquêts entre les époux ?

Voici un arrêt du parlement de Flandre, qui juge que non. Je le rapporte mot pour mot, tel qu'il m'a été donné par un des magistrats qui l'ont rendu.

» Deux conjoints domiciliés à Avesnes, ville du Hainaut français, régie par la coutume du chef-lieu de Mons, étaient convenus par leur contrat de mariage, d'être uns et communs en tous biens meubles, conquêts et immeubles; et ils avaient stipulé que les meubles appartiendraient au dernier vivant, et que, s'il n'en disposait pas, la moitié appartiendrait, à la mort du survivant, aux héritiers du mari, et l'autre aux héritiers de la femme. Le mari, pendant le mariage, achète seul une maison, et insère dans le contrat la Condition qu'il pourra en disposer à sa volonté en tout état, ainsi que sa femme, si elle survit. Celle-ci vient à mourir : le mari, par une nouvelle Condition de Manbournie, dispose de la totalité de la maison à son profit singulier. Il décède à son tour. Les héritiers de sa femme demandent la moitié de la maison, sur le motif que, par le contrat de mariage, les conjoints étaient communs en biens; que la disposition du mari était une contravention à ce contrat ; que, par la stipulation citée de pouvoir disposer des meubles, on s'était interdit la faculté de disposer des conquêts.

» Les héritiers du mari soutenaient, au contraire, qu'il avait suivi le texte de la coutume, qui permet de disposer par œuvre de loi des conquêts, et de les conditionner comme on veut; que le contrat de mariage n'y dérogeait en aucune façon, puisqu'il ne faisait que rendre les expressions de la coutume mème, qui autorise les Conditions.

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