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» Sur ces raisons, arrêt du 8 février 1782, en la deuxième chambre, qui adjuge la totalité de la maison aux héritiers du mari ».

[[ V. Les conclusions et l'arrêt du 18 fructidor an 13, rapportés au mot Testament, sect. 3. ]]

4o. Un mari qui a fait avec sa femme un avis de père et de mère, par lequel il a disposé entre ses enfans de tous ses biens présens et à venir, peut-il, en faisant une acquisition après cet avis, stipuler, par une Condition de Manbournie, qu'il pourra en faire sa volonté en tout état ; et en vertu de cette Condition, disposer de l'acquêt après la mort de sa femme?

Non; conditionner de la sorte un acquêt, après qu'on a disposé de tous ses biens présens et à venir, c'est déroger à l'avis de père et de mère, qui contient cette disposition universelle. Or, il est de principe, surtout en Hainaut, qu'un avis de père et de mère ne peut être changé, modifié ni révoqué, sans le concours des deux époux dont il est l'ouvrage.

C'est ainsi d'ailleurs que la question a été jugée par deux arrêts que j'ai extraits, en 1780, d'un recueil qui m'a été communiqué, comme je l'ai déjà dit, par M. Papin. Le premier a été rendu au souverain chef lieu, le 12 août 1673, et l'on remarque qu'il a passé de toutes voix. Le second est du conseil souverain de Mons: il a été rendu en 1694, et il a confirmé une sentence du conseil ordinaire du 23 avril de la même année. 50. Un fils de famille majeur qui fait un acquêt, peut-il le conditionner?

Il ne le peut pas sans le consentement de son père; mais avec ce consentement, rien ne l'empêche de faire une Condition de Manbournie. C'est ce qu'a jugé un arrêt du conseil souverain de Mons du 21 octobre 1710, que j'ai extrait du recueil manuscrit de M. Tahon, l'un des juges qui l'ont rendu. Les parties plaidantes étaient Philippe-François Huet et Jacques Dépouille.

On sent la raison de cette décision. Une Condition de Manbournie n'est, à proprement parler, qu'une donation à cause de mort. Or, il est certain qu'un fils de famille peut donner à cause de mort avec le consentement de son père. V. l'artilce Puissance paternelle, sect 3, §. 4, no. 14.

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première et enfans vivans d'elle. C'est ce qu'insinue le chap. 24 de la coutume, lorsqu'il déclare que les gens mariés non ayant enfans, qui ne peuvent obtenir le lot ou consentement de leurs héritiers présomptifs, pour aliéner leurs biens de patrimoine, doivent, s'ils sont dans un besoin pressant, s'adresser aux juges, et requérir la permission d'en faire la vente ou de les hypothéquer.

La même chose résulte encore plus clairement de l'art. 1 du décret des archiducs Albert et Isabelle, du 20 mars 1606: Si de patrimoine, y est-il dit, ayant femme première et d'elle enfans vivans à ce jour; si d'acquét, étant au même point d'icelui, ou bien en vertu de pouvoir retenu.

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On oppose à ces textes le chap. 7 de la coutume, qui porte : « Que jeunes enfans sans » père et mère ne puissent vendre, aliener ni » charger leurs héritages de main ferme, s'ils » ne sont âgés, le fils de vingt-un ans, et » les filles de dix-huit ans ou qu'ils fussent » mariés s'ainsi n'était pour mieux faire que » laisser...., par le sçu et consentement de » deux leurs plus prochains parens du côté » dont lesdits héritages viendront ». Donc (conclud-on), lorsque les mâles ont atteint l'âge de vingt-un ans, et les femelles celui de dix-huit ans, ils peuvent aliéner leurs biens de côté et ligne sans le consentemeut de leurs plus proches parens.

Ce raisonnement, qui ne consiste, comme on voit, que dans un argument à contrario, pourrait paraître juste, si le chap. 7 était le seul texte par lequel la coutume fixat la capacité d'aliéner les propres : car l'argument à contrario est reçu en droit, lorsque l'induction à laquelle il conduit, n'est pas contrariée par une loi expresse. Mais, outre le chap. 7, il y a le chap. 24, qui décide clairement que les gens, même mariés, non ayant enfans, ne peuvent pas disposer de leurs propres; et cette décision est encore confirmée par le décret de 1606. Ce n'est donc pas ici le cas d'argumenter à contrario, puisqu'on ne pourrait pas le faire sans aller contre le texte précis et formel de deux lois. [[ V. mon Recueil de Questions de Droit, aux mots Argument à contrario sensu.

Aussi l'a-t-on fait en vain dans une instance qui a été jugée solennellement au parlement

de Flandre.

Un particulier de Landrecie, qui ne possédait que des propres régis par la coutume du chef-lieu de Mons, en avait, par son contrat de mariage, accordé l'usufruit à sa femme, en cas de survie. Ce cas arrivé, sans qu'il fût ne aucun enfant du mariage, Hubert Beau

rain, héritier du mari, a soutenu que cette constitution d'usufruit était nulle, 1o. par défaut de pouvoir de la part du mari, qui n'avait ni ne pouvait avoir femme première et enfans vivans d'elle, avant de se marier; 2o. parceque le contrat de mariage n'ayant pas été réalisé par devoirs de loi, ne pouvait produire qu'une action personnelle que la veuve confondait en elle-même, attendu qu'elle était donataire de tous les meubles de son mari, c'est-à-dire, des seuls biens qui, dans la succession de celui-ci, fussent soumis au paiement de ses dettes.

Ces deux moyens rentraient, à proprement parler, l'un dans l'autre; car si le mari eût été caapble d'aliéner ou de charger ses propres, le défaut de réalisation n'aurait pas, comme on le verra à l'article Confusion, §. 2, dispensé Hubert Beaurain de faire valoir à la veuve l'usufruit dont il s'agissait, sinon en nature, au moins en équivalent. C'était donc sur la capacité du mari que tombait toute la difficulté.

Pour établir que le mari n'avait pas en cette capacité, Hubert Beaurain employait le chap. 24 de la coutume et le décret de

1606.

La veuve répondait, 10. que la nécessité d'avoir femme première et enfans vivans d'elle, pour pouvoir aliéner un bien propre, n'était pas établie, mais seulement supposée d'une manière vague par ces deux lois; que l'on ne pouvait fonder une incapacité aussi étrange sur des textes purement énonciatifs; que si, jusqu'alors, on avait pensé le contraire dans le chef-lieu de Mons, c'était une vieille erreur ; et qu'il était d'autant plus important de la déraciner, qu'elle choquait directement la disposition du chap. 7 de la coutume; 2o. qu'en tout cas, les donations par contrat de mariage devaient être exceptées de la règle générale ; qu'on le jugeait ainsi en Artois, pour les réserves coutumieres de cette province (V. l'article Nécessité jurée); quel'on devait, par conséquent, en juger de même pour les propres indisponibles de la coutume du chef-lieu de Mons; 3o. qu'enfin, Hubert Beau

rain lui-même avait assisté au contrat de mariage, et l'avait signé; que, par là, il avait approuvé la disposition que le mari avait faite de ses propres en faveur de son épouse ; que, par suite, il était non-recevable à impugner cette disposition.

De ces trois moyens, ni le premier ni le troisième n'ont fait impression sur les juges : l'un, parcequ'il contredisait à la fois le texte de la coutume et l'interprétation qu'une jurisprudence constante, uniforme et immémoriale en avait faite; l'autre, parcequ'il

est certain qu'un frère ou autre parent collatéral, qui signe par honneur un contrat de mariage, n'est pas censé en approuver les dispositions qui peuvent lui porter prejudice.

Mais le second moyen a fait plus de difficulté; et d'abord il est intervenu, au rap. port de M. Wacrenier, en février 1783, un arrêt qui, en adoptant l'exception qu'il tendait à établir en faveur des contrats de ma riage, a condamné Hubert Beaurain à laisser jouir la veuve de l'usufruit qui formait son gain de survie, si mieux il n'aimait lui en faire valoir l'estimation; et aux dépens.

Hubert Beaurain a pris contre cet arrêt la voie de révision, et par un autre rendu le 5 décembre suivant, au rapport de M. Lecomte de la Viefville, le parlement de Flandre, les chambres assemblées, a déclaré qu'il y avait erreur; en consequence, a déchargé Hubert Beaurain des condamnations prononcées contre lui; a débouté la veuve de ses demandes, fins et conclusions; et l'a condamnée à tous les dépens.

Par cet arrêt, la maxime qu'on ne peut aliéner ni charger aucun propre du chef-lieu de Mons, sans avoir femme première et d'elle enfans vivans à ce jour, a été raffermie et consacrée d'une manière qui déconcertera sans doute quiconque à l'avenir oserait encore la contester.

Cette maxime, telle que nous venons de la présenter, ou plutot telle que la présente l'art. 1 du décret de 1606, amène deux conséquences bien intéressantes;

La première, qu'il ne suffit pas, pour pouvoir aliener un propre, d'avoir eu des enfans, mais qu'il faut en avoir actuellement : enfans vivans à ce jour;

après la vente ou la Condition qu'un mari a La seconde, que la naissance d'un enfant faite de ses propres, au mépris de la défense de la coutume, ne ratifie ni l'une ni l'autre, et n'en couvre pas la nullité primitive.

Cette seconde conséquence n'est cependant pas du goût de tout le monde. Pour la mettre dans tout son jour, supposons deux cas ou l'enfant, né après la vente qu'un mari a faite de ses propres, meurt avant son père, ou il

lui survit.

Il est très-sûr que, dans l'un comme dans l'autre cas, on peut exiger du vendeur, pendant la vie de son enfant, un nouvel acte de déshéritance qui puisse réparer la nullité de celui qu'il a passé avant d'être père.

Mais si on ne le fait pas, et que l'enfant meure avant son perc, l'héritier du père, lorsque celui-ci sera décédé à son tour, pourra

t-il revendiquer le bien et en dépouiller l'acquéreur? N'en doutons pas.

Quel serait, en effet, le titre en vertu duquel l'acquéreur prétendrait retenir ce bien ? Ce ne pourrait être qu'en vertu de l'ac tion personnelle qu'il a acquise par le contrat fait entre lui et le défunt, ou en vertu des devoirs de loi passés sur ce contrat. Or, 1o. le contrat ne peut pas lui donner ce droit, parceque, d'un côté, si l'héritier n'a appréhendé que les propres du défunt, il n'est tenu d'aucune dette, ni par conséquent soumis à aucune action personnelle; et que, d'un autre côté, lors même qu'il a succédé aux meubles et acquêts, il ne peut pas être condamné à abandonner en nature un bien qui n'est vendu que par un contrat simple, mais seulement à payer les dommages-intérêts de l'acquéreur, la règle quem de evictione tenet actio, eundem agentem repellit exceptio, n'ayant pas lieu en Hainaut, ainsi qu'on l'a prouvé à l'article Dévolution coutumière; 2o. les devoirs de loi dont le contrat a été revêtu sont nuls, puisque la coutume répute tels tous ceux qui, ayant des propres pour objet, n'expriment pas positivement que le vendeur ou disposant a femme première, et d'elle enfans vivans à ce jour.

Si l'enfant survit à son père, il pourra, comme l'aurait pu faire un héritier collatéral, et par les mêmes moyens que lui, évincer l'acquéreur du bien qui a été aliéné avant sa naissance, et contre la prohibition de la coutume. Pourquoi, en effet, y aurait-il sur ce point une différence entre le cas où un fils qui succède à son père, et le cas où celui-ci n'a pour successeurs que des parens collateraux? A cet égard, les droits d'un fils et ceux d'un collatéral sont les mêmes. On ne peut donc pas traiter l'un avec plus ni moins d'indulgence que l'autre.

On oppose à cette doetrine trois comparai

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» précédent mariage brisé et séparé, ne puisse » valablement vendre, donner ni autrement » aliener ses héritages, tant fiefs que main» fermes, ni aucunement en disposer........, » néanmoins (porte l'art. 22 du même titre), »si, depuis ladite alienation faite par per» sonne ainsi asservie, tous lesdits enfans al» laient de vie à trépas devant lui (c'est-à» dire, s'il devenait capable d'aliéner), telle » aliénation serait revalidée, et sortirait effet » par le décès desdits enfans >>.

Mais aucune de ces comparaisons ne peut affaiblir les principes que nous avons établis. Ce n'est pas la première, parceque tout ce que l'on en peut conclure, c'est que du contrat de vente et des premières œuvres de loi, il résulte une action personnelle pour obliger à une nouvelle tradition, mais non que la première tradition soit confirmée de plein droit, ou que l'héritier soit non-recevable à l'attaquer, dans une coutume surtout où l'on n'admet pas la maxime, quem de evictione tenet actio, eundem agentem repellit exceptio.

Ce n'est pas la seconde, parcequ'entre le cas sur lequel elle porte, et celui dont il s'agit, la différence est très-grande. Dans l'un, l'effet de la substitution s'anéantit entièredans l'autre, le fideicommis legal introduit ment par la survie du grevé au substitué; par la coutume, n'est que suspendu par la naissance d'un enfant, et il reprend toute sa force dès que cet enfant a cessé d'exister. Dans le premier, l'appelé à la substitution, le seul qui pouvait se plaindre de la vente, D'existe plus. Dans le second, au contraire, ceux au profit desquels est établi le fideicommis légal, subsistent tant que le lignage dure: à peine l'enfant est-il mort, que tous les lignagers rentrent dans la plénitude des droits d'expectative qu'ils avaient sur les biens du père, et que la naissance de cet enfant n'avait fait que tenir en suspens. Enfin, dans le premier cas, on peut opposer au grevé qui à aliéné et à son héritier, la maxime quem de evictione tenet actio, eundem agentem repellit exceptio; et, encore une fois, on ne le peut pas dans le second.

La troisième comparaison se détruit par la même réponse. Dans la coutume de Cambresis, l'impuissance d'aliéner, produite par la viduité avec enfans, n'est relative qu'aux enfans eux-mêmes, et n'a été introduite que pour leur avantage : dès que les enfans n'existent plus, personne n'a le droit d'attaquer l'alienation faite de leur vivant par leur père. Mais on vient de voir qu'il en est tout autrement dans la coutume du chef-lieu de Mons.

Remarquons d'ailleurs combien différe le génie de la coutume de Cambresis de celui de la coutume du chef-lieu de Mons. Dans la coutume de Cambresis, le droit commun est pour la faculté d'aliéner; ce n'est que par exception qu'un veuf avec enfans n'en jouit pas. Dans le chef-lieu de Mons, au contraire, l'impuissance de disposer fait la règle générale; ce n'est que par exception que l'on en sort; et cette exception, il faut, pour en user, se trouver dans la position et employer les formalités qu'elle exige : l'une ou l'autre de ces conditions manquant, vous retombez dans l'impuissance prononcée par la coutume. Cela est si vrai que, quoiqu'un homme ait réellement femme première et d'elle enfans vivans à ce jour, s'il n'en est pas fait une mention expresse dans les devoirs de loi, il n'en résultera qu'une action personnelle pour la réalisation de laquelle il faudra de nouveaux devoirs de loi qui l'expriment : sans cela, l'acquéreur ne pourra pas se maintenir dans le propre qu'il a acheté; il ne pourra même en répéter l'équivalent qu'autant que les enfans ou heritiers du vendeur auront appréhendé quelques biens libres de sa succession.

La question, au reste, a été jugée in terminis par un arrêt du parlement de Flandre, du 27 février 1783, au rapport de M. Vanrode; en voici l'espèce

Le 22 novembre 1774, Louis Delvigne, demeurant à la Flamengry, prévóté de Bavay, a vendu à Charles Robaut trois quartiers d'une prairie qui lui était propre. Les devoirs de loi ont été passés le même jour. Louis Del vigne était marié à cette époque, mais il n'avait pas d'enfant, et par conséquent la vente était nulle. Le 11 juillet 1777, il lui est né un enfant; le 20 février 1782, devenu par là capable d'aliéner, il a passé à Charles Robaut, en tant que besoin, de nouveaux devoirs de loi par lesquels il a ratifié les pre

miers.

Les choses en cet état, Philippe-Joseph Delvigne, parent du vendeur, s'est présenté pour retraire l'héritage; et il a été question de savoir, entre autres choses, si l'an et jour ne devaient être comptés que du 20 février 1782, date des nouveaux devoirs de loi, et si par conséquent Philippe Joseph Delvigne était venu à temps; ou si la naissance de l'enfant du vendeur avait confirmé de plein droit les devoirs de loi primitifs, et si en conséquence on devait, en comptant l'an et jour du 11 juillet 1777, déclarer le retrayant nonrecevable, comme étant venu trop tard.

De ces deux partis, le premier a été adopté par une sentence des mayeur et échevins de

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Il y aurait encore beaucoup moins de difficulté à suivre ce parti, si l'acte passé par un homme qui n'est devenu père et capable d'aliener que postérieurement à cet acte, était une Condition de Manbournie. Car une dis

position de cette nature ne produit pas même d'action personnelle, lorsqu'elle est nulle, dans son principe, par le défaut de pouvoir de celui qui la fait.

Nous avons déjà dit, et l'on verra plus particulièrement aux articles Nécessité jurée et Loer, qu'un homme qui, sans avoir femme première et d'elle enfans vivans à ce jour, veut aliéner ses propres du chef-lieu de Mons, a deux voies pour y parvenir, savoir, l'autorisation du juge, et le lot ou consentement de ses héritiers présomptifs. On demande s'il peut, en usant de l'une ou de l'autre voie, se rendre habile à faire une Condition de Manbournie?

Il n'y a point de difficulté sur la négative juge ne s'accorde que sur la preuve de la népar rapport à la première : l'autorisation du cessité de celui qui veut aliener, et comme dit le chap. 24 de la coutume, pour mieux faire que laisser. Or, il ne peut jamais y avoir de nécessité de disposer à cause de mort et de déranger l'ordre des successions ab in

testat.

A l'égard de la seconde, il y a plus de doute. D'abord, quand les parens ont donné leur consentement à une Condition de Manbournie, sont-ils recevables à la critiquer? En second lieu, l'art. 11 de la charte donnée pour le chef-lieu de Mons, en 1483, permet expressement aux impuissans ou incapables de déshériter et conditionner leurs propres par le lot de leurs prochains. Enfin, la question a été ainsi jugée par un arrêt du conseil souverain de Mons, du 16 juillet 1636.

Tout cela est spécieux; mais, 1o. c'est un principe de droit commun, que le consentement donné par des héritiers présomptifs aux dispositions qui les dépouillent, est nul, parcequ'on le présume extorqué par la crainte de déplaire à celui dont ils espèrent recueillir la succession; 2o. Le chap. 24 de la coutume du chef-lieu de Mons, homologuée en 1533, a dérogé implicitement à la charte de 1483 ; il y est dit que le lot des héritiers présomptifs peut être suppléé par l'autorisation du juge ce qui amène la conséquence qu'il ne peut y avoir lieu au lot, que dans le cas où l'autorisation du juge peut être de quelque effet; or, on vient de voir que l'autorisation du juge n'est d'aucun secours en matière de Condi

tions de manbournie : elle ne peut donc pas à cet égard suppléer au lot des héritiers; le lot des héritiers y est donc également sans effet. 3°. On dira peut-être que cela n'est pas assez précis pour que l'on puisse en induire une abrogation de la charte de 1483; mais la réponse est dans la maxime, optima legum interpres est consuetudo; car il est certain que l'usage a ainsi expliqué le chap. 24 de la coutume. La preuve en est écrite dans les chartes préavisées, chap. 32, art. 19: « Combien (portent-elles ), qu'on puisse ven»dre et autrement disposer des héritages ou >>rentes de patrimoine par le lot de ses plus prochains parens, ne se pourront toutefois » faire aucunes Conditions par lot ». M. Boulé, premier président du ci-devant conseil provincial de Valenciennes, dit la même chose dans ses Institutions au droit coutumier du Hainaut, tit. 6, §. 2: Pour les Conditions, les lots ne sont reçus. Ce sont ses termes.

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Et c'est ce qu'ont jugé quatre arrêts que j'ai trouvés dans le recueil manuscrit que m'a communiqué M. Papin. — Il y en a deux du souverain chef-lieu : l'un, dont la date n'est pas rapportée, a été rendu entre Nicolas Desesile et la veuve Barté ; l'autre est de l'année 1631. Les deux autres arrêts sont émanés du conseil souverain de Mons: le premier est intervenu dans une révision solennelle, entre Jean-Baptiste Bodens et Guillaume-François Anseau ; le second est du 20 février 1696.

Mais voici une autre question. Un maria, comme l'exige la coutume, femme première : il a de plus un enfant d'elle; mais cet enfant a fait profession dans un monastère. Dès-là, son père est, dans l'ordre civil, comme s'il n'avait pas d'enfans. On demande si, dans cette position il pourra aliéner ou conditionner ses propres.

Cette difficulté s'est présentée au conseil souverain de Mons en 1716.

Le sieur Briquet, qui n'avait qu'un enfant engagé dans les liens du monachisme, disposa de ses propres, par Condition de manbournie, au profit de sa femme, à qui il en laissa la jouissance, avec pouvoir d'en faire sa volonté. Après sa mort, la veuve, usant de cette faculté, fit un testament par lequel elle disposa de ces biens. Mais à peine fut-elle décedée, que le sieur Cossée, avocat au conseil souverain de Mons, héritier ab intestat du mari, contesta cette disposition.

Deux moyens appuyaient sa prétention. Premièrement, disait-il, on ne voit pas sur quoi est fondé l'usage dans lequel sont les maris du chef-lieu de Mons de conditionner leurs propres au profit de leurs femmes : le chap. TOME V.

35 de la coutume, par lequel on cherche à justifier cet usage, est trop obscur pour qu'on puisse en tirer une induction certaine; et dans le doute, on doit, sans contredit, décider contre la faculté d'avantager avec aussi peu de bornes une femme qui, de droit commun, est incapable de recevoir.

En second lieu (continuait l'héritier du mari), l'existence d'un enfant mort civilement doit être considérée pour rien : tout religieux profès est étranger à sa famille. Il n'importe donc que le sieur Briquet ait eu un fils lors de la Condition de manbournie qu'il a faite au profit de sa femme : ce fils était alors frappé de mort civile; on ne pouvait le regarder que comme n'existant pas.

M. Tahon, qui était l'un des juges de cette affaire, nous apprend quelle impression firent ces moyens sur le conseil de Mons. On ne s'arrêta pas au premier, dit-il, parceque, d'une part, le chap. 35 de la coutume n'est pas, à proprement parler, le siége de la question, puisqu'il n'est fait que pour déterminer le temps dans lequel est censée s'ouvrir la succession d'un tiers, dont le survivant des époux avait la liberté de disposer, quoiqu'il se soit contenté d'en jouir toute sa vie; et que, de l'autre part, si le §. 2 du chap. 35 est obscur, il est bien éclairci, non-seulement par l'usage qui, de temps immémorial a autorisé ces sortes de Conditions, mais encore par le §. 20 de la charte de 1410, qui est formel sur ce point.

:

Mais (continue M. Tahon) il y a eu plus de difficulté sur le second moyen. A la vérité, onest convenu qu'à juger la question en thèse, on devait regarder l'enfant profes comme incapable d'habiliter par son existence purement naturelle, un mari à faire de tels avantages à sa femme; et l'on avait, pour penser ainsi, une raison déterminante et sans réplique quel est, s'est-on dit, le but de la coutume, en défendant l'aliénation des propres à tout homme qui n'a pas femme première et enfans vivans d'elle ? C'est bien sûrement de conserver ces sortes de biens dans les familles. La coutume a prévu, d'une part, que, si elle en permettait la disposition à un homme sans enfans, il ne manquerait pas d'user de la liberté qu'elle lui laisserait; de l'autre, que, si elle accordait cette liberté à un père, la tendresse qu'il aurait pour ses enfans, l'empê cherait d'en faire un mauvais usage. Or, cette dernière présomption ne peut pas avoir lieu dans le cas où tous les enfans sont religieux profes; que le père aliene ou qu'il n'alicne pas, leur sort sera toujours le même. On ne peut donc pas appliquer à ce cas le motif qui

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