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faire livrer pour 4,490 livres, qu'il paya en une lettre de change sur lui-même, qui ne devait échoir que le 11 décembre suivant.

Le 16 novembre de la même année, le sieur le Maître reparut à Courtrai, et conclut avec le sieur Zegers un nouveau marché de trois ballots de toiles, qu'il promit de payer en trois termes, et dont le sieur Zegers s'engagea de lui faire incessamment l'expédition.

Quelques jours après le départ du sieur le Maitre, le sieur Zegers reçut de ses correspon dans de Paris différentes lettres qui lui annon çaient que cet homme était absolument insolvable; qu'il avait même fait faillite depuis quel ques mois; qu'au reçu des premières marchandises qu'il lui avait livrées, il avait été obligé de les mettre en gage au Mont-de-Piété pour payer les droits de la ferme et les frais de voiture; que depuis, il les avait vendues plus d'un quart audessous de ce qu'elles lui coûtaient, etc.

Lorsque le sieur Zegers apprit toutes ces nouvelles, il venait d'envoyer un des trois ballots de toiles au sieur Azéma, son Commissionnaire à Lille, chez qui devait se faire l'entrepot du tout. On devine bien qu'il s'empressa d'avertir celui-ci de n'en pas faire l'expédition, et qu'il garda les deux autres. Mais il ne crut pas devoir annoncer brusquement au sieur le Maitre son intention de ne pas les lui livrer; et il pensa qu'en l'entre. tenant dans l'espérance de recevoir cette li-, vraison, il l'engagerait à faire honneur à sa lettre le change de 4,490 livres, qui allait échoir. Il chargea donc le sieur Azéma d'écrire au sieur le Maître qu'il venait de recevoir les trois ballots, et qu'il les lui expédierait incessamment.

Le sieur le Maitre donnadans le piége qu'on lui tendait, il paya la lettre de change.

Aussitot que le sicur Zegers eut reçu de son banquier l'avis de ce paiement, il écrivit au sieur le Maitre qu'il n'entendait plus tenir le marché des trois ballots de toiles, et qu'il ne les lui enverrait pas. Le sieur le Maître se rendit sur-le-champ à Lille : là, il fit sommation au sicur Azéma de lui remettre les trois ballots de toiles que celui-ci lui avait mandé avoir reçus du sieur Zegers; sur son refus, il le fit assigner devant les juges et consuls.

Le sicur Azéma soutint que, n'ayant agi que par les ordres du sieur Zegers, son commettant, il ne pouvait être personnellement responsable de rien, et que c'etait coutre le sieur Zegers même que le sieur le Maitre devait se pourvoir.

Lesieur le Maitre répondit,entre autres choses, que le sieur Azéma ne justifiait pas légalement des ordres du sieur Zegers; que des lettres

sous seing-privé étaient sujettes à désaveu; que par conséquent il était de toute nécessité que l'on fit constater authentiquement la vérité de leur contenu, que d'ailleurs le sieur Azéma s'était contredit lui-même, d'un côté en écrivant au sieur le Maître qu'il avait reçu du sieur Zegercles trois ballots de toiles, et de l'autre, en déclarant, lors de la sommation extrajudiciaire qui lui avait été faite avant l'assignation, qu'il n'avait jamais eu qu'un de ces trois ballots; qu'ainsi, à tous égards, il fallait nécessairement le condamner et mettre en cause le sieur Zegers, et que c'était le seul moyen de répandre le jour de la vérité sur les ombres mystérieuses dont on avait cherché à couvrir cette affaire.

Ces moyens ont fait sur les juges et consulз toute l'impression qu'en attendait le sieur le Maitre par sentence du 27 décembre 1780, il fut ordonné au sieur Azéma de faire intervenir le sieur Zegers. Le sieur Azéma en interjeta appel au parlement de Flandre mais elle y fut confirmée par arrêt du 7 février 1781.

En conséquence, le sieur Zegers fut assigné à l'audience des juges et consuls de Lille, du 20 du même mois. Il y parut, et déclara prendre le fait et cause de son Commissionnaire, qui, par ce moyen, demanda d'être déchargé des conclusions prises contre lui.

Le sieur le Maître a soutenu que ce n'était point contre le sieur Zegers qu'il devait plaider, mais contre le sieur Azéma ; qu'il ne connaissait que celui-ci pour partie, et que par conséquent il devait rester en cause.

Sentence qui, « en donnant acte au sieur » Azéma de la déclaration faite par le sieur » Zegers de prendre son fait et cause, décharge » le premier de la demande formée contre lui; » et en conséquence, ordonne au demandeur » de plaider contre ledit sieur Zegers, dépens » réservés ».

Appel de la part du sieur le Maître.

La cause portée à l'audience du parlement de Flandre, le défenseur de l'appelant disait que la sentence était irrégulière et injuste: irréguliere, parcequ'elle mettait le sieur Azéma hors de cause, avant que l'affaire fit jugée avec son garant ; injuste, parceque le sieur Azema était obligé personnellement envers le sieur le Maitre, 10. en ce qu'il avait abusé de sa confiance et l'avait trompe; 2o. en ce qu'il était son Commissionnaire, et que par conséquent il n'avait pas pu se dessaisir, à son préjudice, des trois ballots de toiles dont il s'agissait.

Pour prouver que le sieur Azéma était son Commissionnaire, le sieur le Maitre disait

que le seul envoi de marchandises', de la part du sieur Zegers, opérait une tradition, et par conséquent une translation de propriété des mains de celui-ci dans les siennes; que, par-là, ce dernier étant proprietaire de ces marchandises, ce n'avait pu être qu'en son nom et comme son Commissionnaire, que le sieur Azéma les avait détenues. Il a ajouté que c'était lui qui devait payer le sieur Azéma, et que celui-ci l'avait reconnu clairement par sa lettre d'avis, en y traçant la notice de ses frais de commission.

Voici ce que je répondais pour justifier la

sentence.

» C'est le sieur Zegers qui a envoyé au sieur Azéma les trois ballots de toiles dont il est question; c'est le sieur Zegers qui l'a chargé d'écrire au sieur le Maitre qu'il lui en ferait incessamment l'expédition; c'est enfin par les ordres du sieur Zegers seul, qu'il a agi : on ne peut donc le considérer que comme Commissionnaire du sieur Zegers.

>> En vain prétend-on que l'envoi fait par le sieur Zegers au sieur Azéma, a opéré une tradition du sieur Zegers lui-même au sieur le Maître; qu'il a rendu celui-ci propriétaire des trois ballots de toiles, et par suite, que le sieur Azéma n'a pu les recevoir que comme Commissionnaire du sieur le Maître : c'est une erreur manifeste, et qui est bien démentie, nonseulement par la loi 65, D. de acquirendo rerum domino, mais même par la sentence du 27 décembre 1780, confirmée par l'arrêt du 7 février suivant.

» En effet, si le sieur Azéma eût été Commis. sionnaire du sieur le Maître, si l'envoi qu'il avait écrit à ce dernier lui avoir été fait des trois ballots de toiles, avait opéré une tradition véritable de ces marchandises, et si, par là, le sieur le Maitre en eût été fait propriétaire, il n'aurait pu y avoir lieu qu'à condamner le sieur Azéma à les lui remettre, sauf son re. cours contre le sieur Zegers. Ce n'est cependant point là ce qui a été prononcé : il a été ordonné au sieur Azéma de faire intervenir le sieur Zegers; donc il a été jugé que le sieur Zegers pouvait avoir des raisons pour ne pas exécuter son marché et ne pas faire la livrai son; donc il a été jugé que le marché n'était pas encore exécuté, que la livraison n'était pas encore faite; donc il a été jugé que le sieur Azéma n'était point Commissionnaire du sieur le Maître, puisque autrement, la livraison faite entre ses mains aurait équipolle à celle qui eût été faite au sieur le Maitre lui-même.

» C'est donc avec raison que les juge et consuls ont déchargé le sieur Azéma. Il était inu

tile de le laisser plus long-temps en cause. Lorsque le commettant parait et avoue son Commissionnaire, le premier est le seul à qui l'on puisse s'en prendre, et le second doit être ren. voyé tout de suite. Nous n'avons pas de principe plus constant dans toute la jurisprudence Eh! Pourquoi aurait-on différé de décharger le sieur Azéma? C'était une opération qu'il aurait toujours fallu faire par le jugement définitif qui serait intervenu entre le sieur Ze. gers et le sieur le Maître, puisqu'il est de maxime qu'un Commissionnaire n'est tenu de rien personnellement envers les tiers avec lesquels il traite en sa qualité : le sieur le Maître est donc sans intérêt dans son appel. Que la décharge soit prononcée plus tôt ou plus tard, que lui importe »?

Sur ces raisons, arrêt du 3 avril 1781, qui, après un délibéré, confirme la sentence, avec amende et dépens. ]

[[¡V. Un Commissionnaire répond de la saisie des marchandises qu'il a reçues en entrepot, lorsqu'il a négligé de remettre au voiturier à qui il les a confiées, les acquits, les certificats et les autres pièces qui doivent assurer à ces marchandises un libre passage parles différens bureaux des douanes où elles doivent être visités. V. mon Recueil de Questions de Droit, an mot Commissionnaire, §. 1.]]

[ VI. Les Commissionnaires des entrepôts ticiables des tribunaux consulaires? V. l'art. de marchandises sont-ils, en cette qualité, jus. Consul des Marchands.]

[[ VII. Celui qui a reçu des marchandises qu'on lui avait adressées, sans lettre de voiture qui leur indiquát une destination ultérieure, peut-il, pour se soustraire aux peines qu'il a encourues envers le fisc, faute d'avoir rempli certaines formalités avant de les recevoir, prouver par des lettres missives qu'il n'a point représentées lors du procès-verbal dressé contre lui, que ces marchandises ne lui avaient pas été adressées pour son propre compte, mais pour les faire parvenir dans un lieu plus cloigné?

Le 26 frimaire an 14, les préposés de la régie des droits réunis saisissent chez le sieur Chantreuil, aubergiste à Caen, des boucauts, des caisses et des balles de tabacs en carotes, pesant ensemble 2434 kilogrammes. Ils fondent cette saisie sur ce que le sieur Chantreuil n'est pas pourvu de licence.

Le sieur Chantreuil soutient qu'il en est dispense, en sa qualité de Commissionnaire de roulage.

Les préposés le requièrent d'exhiber sa patente, et de justifier par des lettres de voiture

que ces marchandises ont une destination ultérieure.

En convenant n'avoir point de patente, il exhibe deux lettres de voiture qui ne s'appliquent qu'à une petite partie de la marchandise saisie, et qui, n'étant adressées qu'à lui personnellement, n'indiquent pas une autre destination.

Deux jours après, le sieur Chantreuil communique des lettres missives de ses correspondans, par lesquelles il prétend prouver que les marchandises saisies ne lui appartiennent pas, et qu'il ne les a reçues que pour les faire parvenir à d'autres négocians.

Il est cité au tribunal correctionnel de Caen, et par appel à la cour de justice crimi nelle du Calvados.

Ces tribunaux décident que le sieur Chantreuil n'a pas besoin d'exhiber une patente pour exciper de sa qualité de Commissionnaire; que la notoriété publique suílit pour lui en donner le droit, et qu'il est autorisé à prouver par des lettres missives que les marchandises avaient une destination ultérieure. En conséquence, ils ordonnent la main-levée de la saisie et deboutent la régie de ses demandes, avec dépens.

La régie se pourvoit en cassation; et le 18 juillet 1806, arrêt au rapport de M. AudierMassillon, par lequel,

« Vu l'art. 18 de la loi du 6 fructidor an 4; l'art. 39 de la loi du 4 ventose an 12; le décret du 1er germinal an 13, art. 13; et celui du 4 messidor an 13, art. 1 et 2;

» Attendu qu'il résulte des lois et des décrets ci-dessus, que les mêmes marchands de tabac en gros et Commissionnaires sont tenus de prendre une licence; que les Commissionnaires de roulage en sont seuls exemptés pour les tabacs fabriques qu'ils reçoivent pour une destination ultérieure, à la charge d'en justifier par des lettres de voiture en bonne forme;

» Attendu que, pour que Chantreuil eût pu exciper de la qualité de Commissionnaire de roulage, il aurait fallu qu'il eût été pourvu d'une patente, l'art. 18 de la loi du 18 fructidor an 6 ne permettant à personne de fournir aucune exception en justice pour tout ce qui est relatif à son commerce, sans prendre une patente;

» Attendu qu'en supposant que Chantreuil eût été Commissionnaire de roulage, il aurait été tenu de justifier par des lettres de voiture en bonne forme, que les marchandises trouvées chez lui avaient une destination ultérieure: attendu que les lettres de voiture qu'il a représentées, ne pouvaient s'appliquer qu'à une petite partie des marchandises saisies; et que,

ne portant point d'autre adresse que celle de Chantreuil, elles ne faisaient pas preuve d'une destination ultérieure; que cette preuve ne pouvait pas être remplacée par des lettre missives de correspondans, produites quelques jours après la saisie; et que l'arrêt de la cour de justice criminelle du département du Calvados a violé les lois susdites, en admettant des preuves non autorisées par la loi, et en dispensant Chantreuil de celles que la loi exigeait expressément; » Par ces motifs, la cour casse et annulle...>>

VIII. L'art. 31 de la loi du 24 avril 1806 portait « les marchands en gros, les cour»tiers, facteurs et Commissionnaires de bois» sons, les distillateurs et bouilleurs de

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profession, seront assujettis aux exercices des » employés, à raison des boissons qu'ils auront » en leur possession ».

seront

L'art. 5 du décret du 5 mai suivant ajoutait << les marchands en gros et autres dénommés en l'art. 31 de la loi du 24 avril, » tenus; dans les trois jours après la pu»blication du présent décret, de déclarer au » plus prochain bureau de la régie (des droits » réunis), les quantités et qualités des boissons » qu'ils possèdent, tant dans le lieu de leur » domicile, qu'ailleurs ».

D'après ees disposisions qui sont renouveles par la loi du 28 avril 1816, on a demandé si un Commissionnaire de boissons qui récoltait des vins ou des cidres sur ses propres biens, était obligé de les comprendre dans sa déclaration ?

Un arrêt de la cour de justice criminelle du département de la Loire-Inférieure, du 6 avril 1808, avait jugé pour la négative en faveur du sieur Vaniseghem, Commissionnaire de boissons à Nantes. Mais sur le recours en cassation de la régie, arrêt est intervenu, le 21 juillet suivant, au rapport de M. Babille, par lequel,

« Vu l'art. 5 du décret du 5 mai 1806 et l'art. 34 du même décret,

» Et attendu que, d'après l'art. 5, les Commissionnaires de boissons doivent déclarer au bureau de la régie, toutes les boissons qu'ils possèdent, en quelque lieu qu'elles se trouvent, non-seulement comme Commissionnaires, mais encore comme propriétaires; et qu'il est certain que Vaniseghem n'a déclaré au bureau de la régie, que les boissons relatives à son commerce en commission;

» Attendu qu'en exceptant de cette déclaration les boissons provenant de sa récolte, il a contrevenu à cet art. 5, dont la disposition est générale pour toutes les boissons étant en la possession des Commissionnaires, à quelque

titre que ce soit, et ne comporte aucune ex-
ception; que, par suite de cette contraven-
tion, la saisie des boissons non déclarées était
bonne et valable, et Vaniseghem avait encouru
les peines prononcées par l'art. 34 de ce décret;
et qu'en le renvoyant purement et sim
plement de l'action de la régie, sous le prétexte
que l'art. 5 n'exigeait point de déclaration
pour les boissons que les Commissionnaires
peuvent posséder comme propriétaires, la
cour de justice criminelle qui a rendu l'arrêt
attaqué, a violé la disposition de cet art. 5, et
par suite celle de l'art. 34 ci-dessus cités ;
«Par ces motifs, la cour case et annulle.... »

S.VI. Des Commissionnaires des voitures.

Les Commissionnaires de voitures ont deux sortes de fonctions à remplir.

I. La première, c'est d'annoncer ou de procurer aux marchands qui ont des marchandises à faire passer d'un lieu à un autre, les voitariers qu'ils trouvent disposées et propres à remplir leur objet.

[ Ces Commissionnaires sont-ils garans des voituriers qu'ils choisissent; et sont-ils responsables des fautes ou du dol de ceux-ci, lorsqu'il n'est pas prouvé qu'ils ont mis dans leur choix une imprudence inexcusable? Voici une espèce dans laquelle cette question a été agitée au parlement de Flandre.

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Les sieurs Mathon, négocians à Lille avaient chargé le sieur Azéma, préposé des sieur Faech, Richyner et Socin, négocians à Bale et Commissionnaires de voitures pour le transit, de faire passer à Marseille un ballot de cinquante-quatre pièces de batiste et mille sept cent trente pièces de dentelles, pesant trois cent soixante livres; et ils lui avaient payé pour le transport 16 livres par quintal, c'est-à-dire, 57 liv. 10 sous, et 45 sous pour les menues dépenses à faire en déclarations, acquits, etc.

Le sieur Azéma a confié ce ballot à un voi. turier connu, et en qui jusqu'alors tous les marchands avaient eu confiance. Le voitu rier arrive à Nuits prés de Dijon, et s'arrête à son auberge ordinaire. Pendant la nuit, le ballot est décordé, la caisse enfoncée, et il se trouve quatorze cent trente-quatre pièces de dentelles d'enlevées. Dès la pointe du jour, l'aubergiste s'aperçoit du vol, et en avertit le voiturier, qui rend plainte. Le procureur du roi fait informer. On retrouve quelques pièces de dentelles mais les voleurs restent ig norés.

Les sicurs Mathon se pourvoient contre le sicur Azéma, pour lui faire payer le prix des

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Sentence des consuls de Lille, du 29 janvier 1765, qui adjuge aux sieurs Mathon leur demande, avec dépens.

Appel de la part du sieur Azéma. Les sieurs Faech, Richyner et Socin, ses commettans, interviennent, et prennent son fait et cause,

L'affaire portée à l'audience, M. Savary, leur défenseur, a dit que tout dépendait de bien connaître la qualité d'un Commissionnaire de voitures.

« Les marchands (a-t-il ajouté), seraient em. barrassés de trouver eux-mêmes des voitures dans leurs besoins : ils passeraieut toujours un temps considérable à les chercher; et comme ils ne pourraient souvent leur fournir une attendissent les occasions de compléter leur pleine voiture, il faudrait que les voituriers charge, ce qui ralentirait singulièrement l'activité du commerce: au lieu que tous les marchands et tous les voituriers s'adressant aux Commissionnaires, il est très-rare qu'il manque de voitures pour les marchands, et de charge pour les voituriers.

» Voilà ce qui a fait établir des Commissionnaires de voitures dans toutes les villes de commerce. On en tire encore un double avantage, que le transport doit coûter moins, et que les débouchés d'un marchand ne sont pas connus des autres, parceque le Commissionnaire expédie en son nom et garde le secret.

» Quels sont donc les devoirs et les engagemens de ces Commissionnaires? Ils sont préposés par les marchands pour faire ce que ceuxci feraient eux-mêmes; ainsi, ils doivent choisir un voiturier connu, et avoir soin de le charger d'une lettre de voiture, des déclarations requises, d'un acquit-à-caution. Cela fait, leur mandat est fini; et de même que les marchands de Lille qui sont priés d'envoyer des marchandises à Lyon, ne répondent ni des événemens de la route, ni des fautes des voi. turiers, on ne peut pas non plus imposer cette obligation aux Commissionnaires. Les uns et les autres, en ce cas, sont mandataires pour choisir un voiturier et lui procurer les actes nécessaires à la sûreté du transport, mais non pour garder les marchandises et surveiller le voiturier. ».

Les sieurs Mathon répondaient que le sieur

Azema ou ses commettans ne devaient pas être considérés comme de simples Commissionnaires de voitures; qu'ils étaient entrepreneurs du transit ; et qu'en cette qualité, ils étaient garans de tous les événemens ordinaires, parce qu'on leur payait quarante sous de plus par quintal qu'aux voituriers à qui l'on s'adressait directement.

« Pour concevoir (a répliqué M. Savary) cette partie essentielle de la cause, il faut remonter jusqu'à l'origine de l'entreprise du

transit.

>> Lorsque Louis XIVeut fait la conquête des Pays-Bas, les négocians de Lille demandèrent et obtinrent de sa bonté le privilége de faire passer par la France, sans payer aucun droit, les marchandises destinées pour l'Italie, l'Espagne, le Levant, etc. : c'est ce qu'on appelle le privilége du transit.

» Il n'était pas possible d'en faire usage sans avoir des Commissionnaires, non-seulement à Marseille, où les marchandises se déposent pour attendre le dernier transport, mais encore sur la route de Lille à Marseille, parcequ'il n'est guère de voituriers qui veuillent la faire tout entière; que les uns ne vont que jusqu'à Lyon, d'autres jusqu'à Chalons, d'autres jusqu'à Reims, et la plupart d'une de ces villes à l'autre seulement.

>>Si chaque marchand devait avoir ses Commissionnaires à Reims, à Châlons, à Lyon, à Marseille, outre qu'il serait difficile de les trouver, et que, ne les connaissant pas, on aurait moins de confiance en eux, c'est que les frais de commission, de lettres, de comptes, seraient considérables. Enfin, les opérations de chacun se trouveraient à découvert, et l'un courrait sur les pratiques de l'autre.

» Une compagnie de négocians de Bale, qui, des le principe, sut apprécier toutes ces difficultés, combiner les moyens de les aplanir, et d'en tirer même un avantage particulier, s'annonça sous le titre de Commissionnaires ou d'entrepreneurs de voitures pour le transit. Elle établit des préposés à Lille, à Reims, à Chalons, à Lyon et à Marseille. Ces preposés s'offrirent de procurer des voituriers aux négocians pour toutes les destinations; ils louèrent des magasins pour renfermer les marchandises avant leur départ et à leur arrivée ; ils se chargerent de prendre les déclarations et les acquits sous leur nom, afin de couvrir tous les débouchés du commerce et d'empêcher les négocians de se faire tort l'un à l'autre....

» Cette facilité engagea les négocians à s'adresser aux Commissionnaires. Ils offrirent 16

livres par quintal pour le transport jusqu'à

Marseille, et ce prix est demeuré fixé par l'usage.

» Cette compagnie n'a point de privilége particulier, encore moins exclusif. Chacun pourrait faire ce qu'elle fait. Les négocians ne sont pas obligés de s'adresser à ses préposés ; ils pourraient envoyer eux-mêmes leurs marchandises et choisir leurs voituriers, et ils le font quelquefois : tout est volontaire et libre de part et d'autre. Un avantage réciproque a fait naître cette correspondance, et elle cessera d'avoir lieu lorsque les négocians ou les Commissionnaires n'y trouveront plus leur compte. D'après cela, on conçoit aisément quels doivent être les engagemens de cette compagnie. C'est en effet une compagnie de Commissionnaires pour les voitures du transit. On ne les appelle entrepreneurs du transit qu'improprement. Les associés ne se chargent pas de faire parvenir à Lyon, à Marseille et ailleurs, les marchandises des négocians; mais ils se chargent de leur choisir des voituriers pour toute la routé, comme les négocians pourraient en choisir eux-mêmes. » Le négociant à qui l'on demande des marchandises pour Lyon, a rempli tout son mandat, et ne court plus de risques, lorsqu'il a chargé un voiturier connu, qu'il lui a délivré les déclarations et les acquits nécessaires. Si le négociant emploie un Commissionnaire de voitures, c'est pour le représenter en cette partie. Ce Commissionnaire est donc déchargé, lorsqu'il a fait tout ce que le négociant aurait fait lui-même. Si le négociant s'adresse aux Commissionnaires du transit, c'est pour qu'ils fassent faire, par chacun de leurs préposés, ce qu'il aurait pu faire en personne à chaque endroit où il faut changer de voiture. Si les préposés l'ont fait, tout est fini à leur égard. Comme le négociant répond de sa probité à choisir le voiturier, et de sa diligence à lui fournir les déclarations, acquits et lettres de voiture requises, le Commissionnaire est responsable des mêmes choses; il a même la garde des marchandises, tant qu'elles sont dans son magasin; et la compagnie est, à cet égard, responsable de tous ses préposés; mais ses obligations ne s'étendent pas plus loin.

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Cependant la sentence du 29 janvier 1765 a jugé que cette compaguie a des engagemens particuliers, et qu'elle doit être garante des marchandises pendant la route. Mais où sont écrits ces engagemens prétendus? La compagnie les a-t-elle pris par des affiches, par des annonces, par un traité public? On ne saurait rien produire, on n'ose même alléguer rien de semblable. Sur quoi donc fonder l'obligation que l'on veut imposer à cette société ? Elle a

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