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puisqu'ils sont la conséquence de leur imprévoyance. En définitive, et pour me résumer, je n'hésite pas à déclarer ici que la situation de l'agriculture du pays de Caux, prise dans sa moyenne générale, est bonne; mais j'ajouterai qu'elle peut s'améliorer encore, car elle peut arriver au niveau de celle que s'était faite Charles Dargent sur sa ferme de Renéville, couronnée de la prime d'honneur en 1861. Cet habile agriculteur entretenait une tête et demie de bétail sur chaque hectare de son exploitation, et grâce à la masse d'engrais qu'il en retirait, il obtenait des produits si abondants que chaque hectolitre de blé ne lui revenait pas à plus de 11 francs. A ce taux, il ne craignait aucune concurrence, et il prouvait qu'avec de l'ordre, du travail, de l'intelligence et de l'assiduité, on peut maîtriser la capricieuse et inconstante Fortune, vaincre les plus grandes difficultés, et arriver à briller dans la phalange des agriculteurs les plus renommés. Que l'exemple qu'il a donné comme cultivateur soit suivi par tous ses confrères du pays de Caux:-qu'ils arrivent tous à tirer de leurs terres ce qu'il savait tirer des siennes, et les plaintes formulées en leur nom (plaintes mal fondées, d'ailleurs, dans la plupart des cas) seront bien vite apaisées.

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Des applaudissements prolongés remercient M. Marchand de sa communication, aussi intéressante par le fond qu'attrayante et claire par la forme.

La seconde moitié de ce Rapport, relative à la partie économique de la question des céréales, eût pu donner lieu à une longue et vive discussion, car il s'en faut encore que les opinions soient unanimes sur ce grave sujet ; mais, le temps faisant défaut, l'assemblée passe à l'ordre du jour.

On passe à la question suivante :

Quelle est la race bovine du pays de Caux? Quels résultats ont donnés les croisements de la race normande avec la race de Durham?

M. Marchand demande la parole selon lui, l'introduction du sang Durham dans le pays de Caux a été une véritable calamité; on s'est laissé leurrer par de fausses apparences le pays de Caux est essentiellement producteur de lait et de beurre, il n'en veut pour preuve que l'énorme prédominance numérique des vaches sur les bœufs; or, qu'a-t-on obtenu par les croisements? un amoindrissement des facultés laitières: la race normande donnait, par jour, 9 litres 38 de lait et par an 142 kilogr. de beurre; la vache croisée ne donne plus que 8 lit. 50 de lait par jour et 122 kilogr. de beurre par an; donc, perte en lait, de 25 à 30 fr.; en beurre, 60 fr., résultat mauvais. La faculté d'engraissement précoce peut-elle compenser ces pertes? Il ne le croit pas, et d'ailleurs, selon lui, la viande des animaux de Durham est de qualité inférieure.

M. de La Londe du Thil, président du Comice de l'arrondissement du Havre, prend avec chaleur la défense de la race Durham, dont il a, depuis quinze ans, préconisé l'introduction en Normandie: M. Marchand se trompe, dit-il, s'il croit que les partisans de la race anglaise aient la prétention de faire disparaître du sol la vache cauchoise, dont ils reconnaissent les éminentes qualités laitières; ce qu'ils désirent, et ils l'ont atteint en partie déjà, c'est corriger par des croisements intelligents, ce qu'a de défectueux dans ses formes cette race osseuse, de dispendieux entretien ; or, les premiers croisements ont le plus souvent réuni à une beauté de formes peu commune un

poids considérable, sans pour cela renoncer au précieux héritage maternel, l'aptitude laitière; n'y a-t-il pas avantage, d'ailleurs, à propager une race qui, dès l'âge de deux ans, peut faire d'excellente viande de boucherie, dont l'état normal est pour ainsi dire l'embonpoint, et qui sait s'accommoder parfaitement et du mode de nourriture et des conditions climatériques de notre pays?

La discussion continue, entre MM. de La Londe du Thil et Marchand, sur le prix de revient d'un animal de six ans de race normande, comparé au prix de revient de deux animaux métis engraissés successivement et livrés à la boucherie à deux ans et huit mois.

M. Mabire, de Neufchâtel, vient à l'aide de M. Marchand et rompt une lance en faveur de la race normande avec cette verve gauloise que chacun lui connaît: les jeunes Durham, dit-il, sont de grands seigneurs à chacun desquels il faudrait un maître d'hôtel pour leur tenir table ouverte à toute heure du jour; or, rare est la maind'œuvre et chère à l'avenant : l'animal ainsi créé revient à un prix tellement exorbitant, qu'il est une cause de ruine pour son propriétaire. Il aime mieux une race rustique, exigeant peu de soins et se reproduisant facilement: il restera donc, par patriotisme et par intérêt, dévoué à la race normande.

M. Arthur Burel, le lauréat du jour, et M. Saint-Requier ont introduit depuis longtemps dans leurs étables la race de Durham, et ils croient que les critiques de M. Mabire ne prévaudront point contre elle. Après une dernière observation de M. Laguette, dont l'expérience ne peut être mise en doute, et qui se prononce en faveur de la race normande, la discussion est close, laissant à

chacun le soin de conclure pour le mieux de ses intérêts. En résumé:

Agricolæ certant, et adhuc sub judice lis est.

A propos de la fabrication du beurre dont il a été question, un membre blâme la mauvaise disposition générale des laiteries dans le pays de Caux : elles sont mal orientées, l'aération est insuffisante, et il y a beaucoup à faire pour arriver aux résultats qu'on est en droit d'exiger d'une contrée où le commerce du beurre se fait sur une aussi large échelle. Là-dessus, M. Mabire cite avec éloges les soins de propreté et l'activité des ménagères de son arrondissement: ce n'est pas, en effet, sans de minutieuses précautions que se fabrique ce délicieux produit qui a fait la fortune et le renom du pays de Bray; là, dans de vastes laiteries, bien aérées, reluisantes de propreté, le beurre se bat trois fois par semaine des lavages répétés, la fraicheur des mains des femmes qui l'apprêtent, tout concourt à lui donner cette finesse et cette qualité qui lui permettent de rivaliser avec les plus riches produits d'Isigny.

Là aussi (à Isigny), dit M. Victor Borie, la propreté la plus exquise préside à la préparation du beurre ; le battage a lieu dès le matin, avant que les rayons du soleil aient échauffé l'atmosphère, et aussitôt les lavages terminés, le beurre est expédié aux centres de consommation. Dans la Prévalaye, ajoute le même membre, le mode de fabrication diffère le beurre se fait avec le lait aussitôt la traite terminée, mais le rendement est moindre; il y a vu employer une baratte munie d'œils en verre à travers lesquels on peut facilement suivre les diverses phases de l'opération: aussitôt que les grumeaux appa

raissent, on laisse s'écouler le petit lait, puis deux ou trois lavages achèvent de donner au beurre ce poli et cette fermeté qu'exige le consommateur.

L'ordre du jour amène la discussion de cette autre question:

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Quels sont les procédés d'engraissement suivis pour la race bovine? Ces procédés sont-ils économiques et permettent-ils d'obtenir une bonne qualité de viande ?

M. Marchand, après avoir décrit la méthode adoptée par M. Jules Reiset, qui ne donne à ses bestiaux que de la pulpe de betterave, prétend que la nourriture en betteraves non préparées est préférable et mène avec économie à un engraissement complet; il critique, en outre, le système de fermentation généralement appliqué, et, à ce propos, il entre dans des considérations sur le phénomène en lui-même au point de vue chimique: il y a, dit-il, perte de parties nutritives par la transformation du sucre en mennite.

M. Laguette dit que le mode adopté par lui, depuis de longues années, pour l'engraissement, est celui-ci : par jour, 25 litres de betteraves, de 7 à 8 litres de mouture d'orge, une demi-botte de foin, soit 2 kil. 50; il obtient ainsi, dès l'âge de deux ans et demi, des animaux normands d'un engraissement parfait, ayant jusqu'à 60 kil. de suif; il blâme, ainsi que M. Félix Tennière, l'engraissement à la nourriture sèche qui lasse les animaux et finit à la longue par les rebuter; là-dessus, M. Marchand fait observer que la surface consacrée à la culture des racines est insuffisante, qu'elle est aujourd'hui limitée à 17 ou 18 millièmes du tout, et qu'il est désirable que la proportion en soit portée à un douzième; il conseille la culture

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