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lui et de la manière qui convenait à leur réputation qu'elle était expliquée. Pirolle avait une qualité qui devient de plus en plus rare dans notre société travaillée par tant d'instincts égoïstes, livrée à des préoccupations si positives, entraînée par tant d'intérêts d'un matérialisme impitoyable: il était homme de cœur et d'expansion; il savait agir, parler, écrire, se compromettre pour ses amis. S'il a manqué quelquefois de mesure dans ses éloges ou dans ses critiques, c'est quand il a craint de manquer l'occasion d'obliger ou d'être utile à la cause qu'il défendait. Il n'a jamais su s'arrêter lorsqu'il s'est agi de rendre un service à ses amis et il a toujours oublié son intérêt dans cette poursuite généreuse et incessante.

On a dit que l'homme de la nature ne se trouve nulle part, c'est-à-dire l'homme originairement libre de tout lien social, isolé de ses semblables, ou n'ayant du moins avec eux que des rapprochements instinctifs et passagers. Eh bien! Pirolle a passé sa vie dans un isolement à peu près complet; il était fier de son jardin, il aimait à labourer ses plates-bandes, à tailler ses arbres, à greffer ses arbrisseaux, à semer les graines de ses fleurs; il mettait tout son bonheur à suivre le développement d'une graine, à mesurer l'accroissement de la plante, à favoriser l'épanouissement de ses fleurs et à assurer la maturité des semences. C'est là l'occupation la plus pacifique, ayant toujours l'espérance et les bienfaits à sa suite; elle ne coûte ni larmes, ni regrets. C'est le travail le plus digne de notre reconnaissance et de notre considération; il porte avec lui sa récompense; il adoucit les mœurs, il abrite la vertu, il maintient la santé, la vigueur, et quand arrive la fin du voyage, l'homme s'endort paisiblement plein de confiance en une autre vie, comme Pirolle s'est endormi dans ses jardins, car il avait bien rempli sa tâche. Et pourtant ce cercueil qui contenait la dépouille mortelle d'un homme de bien qui avait consacré sa vie entière à être utile à son

pays et à ses concitoyens, fut apporté dans le cimetière du Mont-Parnasse par le corbillard des pauvres, et on allait le déposer dans la fosse commune, sans le généreux empressement d'un ami, d'un admirateur du talent du défunt peut-être, qui loua ad hoc, pour cinq ans, un emplacement très-modeste, ce qui semble accuser une des lacunes de la civilisation. Mais si les cendres de Pirolle sont éparpillées dans quelques années d'ici, la profondeur des regrets, la durée du souvenir de ses bonnes actions prouveront que l'homme utile et l'homme de bien a des autels dans l'ame de ceux qui savent le connaître et l'apprécier

FABLES,

PAR M. D. MACHEREZ.

Le Notaire et le Poète.

Hé bien! mon cher, que faites-vous de bon,
Demandait à certain poète,

Le plus riche tabellion?

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S'enrichir au Parnasse est chose peu commune. Le mérite des vers n'est plus apprécié,

On en est si rassasié.

Comment! repartit le notaire,

C'est gratis pro Deo,

Que votre vie entière

Vous vous torturez le cerveau ?

Faites donc comme moi : sans consulter Boileau,
Sans m'inquiéter même où placer la virgule,
En quatre mots, mon cher, j'ai baclé ma formule;

Le

paysan me paye, et c'est là le vrai point,
Sans regarder, je vous assure,

Si mon vers a bien la mesure.

Le positif en tout, du reste je fais foin.
Le poète comprit et ne répondit poin.

Je ne sais pourquoi dans le monde
C'est rarement le grand esprit
Qui sait le mieux faire son nid,
Et chez qui la fortune abonde.
Au lieu de la chercher si haut,
Je crois au contraire qu'il faut
Descendre à ce moyen étage
Où l'on trouve tant de nigauds,
Dont par maint tripotage,
On fait aisément ses badauds.

Que de brillants partis ne seraient que des sots
Hors de ce vil maquignonnage.

Les deux Araignées.

Dans la sombre encoignure

D'un sale cabinet,

Une araignée avait étalé son filet,
Et faisait si grande capture

Des faibles moucherons,
Qu'une autre vint des environs
Tout à côté déposer ses pénates.
L'insecte aux longues pattes
Eut bientôt fait et suspendu
Le plus ingénieux tissu.

Puis allant visiter sa nouvelle voisine,
Qui lui faisait assez piteuse mine;
Je viens, dit-elle, sans façon
Vous inviter à voir ma petite maison.
J'espère que mon voisinage,
Ne vous causera nul ombrage,
Et qu'en bonnes sœurs nous vivrons.
Comment répondit l'envieuse,

C'est bien le plus cher de mes vœux;
Mais au revoir, vivez heureuse;
Quelque chose appelle mes yeux.
Va, se dit-elle, en exhalant sa haine,
Tu n'auras pas longtemps profité de l'aubaine;
Et sans perdre de temps,

Le même soir, coupant les filaments
Qui tenaient suspendue
La nouvelle venue,

Celle-ci tombe à plat

Sous la griffe d'un chat.

Oh! la chose est bien reconnue;

Gens de même métier,
N'allez point vous loger sur le même palier.

Le Chien et l'Ours.

Un chien voyait dans certain carrefour
Un ours de gigantesque taille,
Danser au son du fifre et du tambour,
Et faisant rire la canaille;

Car le maître inbumain,

A grands coups de gourdin,
Frappait la pauvre créature,
Et battait ainsi la mesure.
Après la danse, l'ours enfin
Tout meurtri reprit son chemin,
Suivant son maître par derrière.

Le barbet l'accostant,

Pauvre ami, lui dit-il, que je plains ta misère !

J'en ai le cœur touché, vraiment.

Mais comment peux-tu suivre

Cet impitoyable tyran?

Toi, si fort, si puissant,

Dans les forêts, heureux tu pourrais vivre.

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