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premiers temps de son mariage, dura toute sa vie. Bien des gens auxquels les jouissances du cœur ou de l'esprit paraissent des rêves, absorbés qu'ils sont par les jouissances matérielles, vont sourire de pitié en voyant Mme Schwetchine faire ses adieux à cette amie si chère et laisser à peine écouler quelques heures entre ces adieux et la première lettre dans laquelle elle lui exprime les tortures de la séparation. Mais peu d'années se sont écoulées que déjà la réflexion, la raison, le devoir figurent largement dans les lettres qu'elle lui adresse. Sa correspondance était étendue et la peint telle qu'elle était, amie sage, charmante, affectueuse, prudente, selon que l'exigeaient les circonstances. Nulle part nous ne pouvons mieux juger Me Schwetchine sous ce dernier rapport que dans les lettres, malheureusement en nombre si restreint, écrites par elle au Père Lacordaire (1). La différence qu'il y a entre ces deux intelligences. est immense. Son bon sens et son jugement exquis contrastent d'une manière frappante avec l'impétuosité sauvage des pensées et des sentiments du Père Lacordaire. Il est évident que les paroles qu'adressait alors Mme Schwetchine au célèbre orateur venaient d'une ame étroitement unie à Dieu, tandis que chez le Père Lacordaire, le sentiment religieux, bien que mûri dans les dernières années, luttait cependant encore contre le torrent des passions humaines. Avec quelle délicatesse elle s'efforce de l'attirer dans le sentier de la perfection, sans jamais oublier qu'elle est femme et qu'il est prêtre. Bientôt le ton des lettres du Père Lacordaire devient plus religieux, et il reconnaît, il avoue avec une simplicité rare ses imperfections passées.

L'amour de la patrie était profond chez Mme Schwetchine, et elle regardait cet attachement à son pays comme un devoir qui incombe aussi bien à la femme qu'à l'homme et qui doit régler leur conduite politique. De même que chez beaucoup de Russes, l'amour de son pays se montrait par son dévouement à son souverain; ses lettres en offrent de curieux exemples. Elle appelle Alexandre « le héros de l'humanité, et après avoir énuméré ses qualités, elle se réjouit de ce que « ce jeune sage soit son empereur! » Et lorsque son mari est durement appelé à Saint-Pétersbourg pour y entendre la sentence qui le condamne à l'exil de la cour, elle s'écrie: « Dieu sait que je n'ai jamais prononcé un seul mot de plainte contre mon souverain, que jamais ma pensée même ne l'a blàmé! » Voilà certes

(1) Cette correspondance a été publiée récemment par M. A. de Falloux.

une fidélité qui est passablement peu en harmonie avec notre manière de voir.

La tendre charité de Mme Schwetchine se manifesta dès son enfance. Agée de vingt-cinq ans, elle était déjà, à Saint-Pétersbourg, l'âme de toutes les bonnes œuvres; elle ne se contentait pas de faire simplement l'aumône, ni même de chercher à obtenir une amélioration morale; son ingénieuse bonté tàchait encore de procurer quelque plaisir ou quelque amusement à ceux qu'elle protégeait. Elle apportait des fleurs à ceux qu'elle visitait ou embellissait leur demeure par quelques gravures qu'elle leur donnait. La jeune sourde-muette, sans protection, sans amis, qu'elle avait adoptée, devint pour elle une domestique fidèle; Mme Schwetchine, malgré la vivacité de son caractère, supporta cette infortunée avec une charité qui ne se démentit jamais. Elle se chargea, à Vichy, d'un pauvre garçon que ses nombreuses maladies rendaient presque un objet de dégoût. Chaque fois que l'été la revoyait à Vichy, il était toujours un des premiers à venir la saluer, sûr d'être bien accueilli. Elle l'entretenait tout à fait, et lorsque la mort vint mettre un terme aux souffrances de cet infortuné, elle dit qu'il était, à son tour, devenu son bienfaiteur.

Pour connaître parfaitement Mine Schwetchine, il faut lire ses écrits. Ils n'étaient pas destinés à être publies; ce sont ou des réflexions, sorte de conversation avec elle-même, ou des pensées qu'elle épanche devant Dieu. Quelques-uns de ses aphorismes sont d'une délicatesse de sentiment vraiment touchante; qu'on en juge par les deux qui suivent: Les cœurs aimants sont comme les pauvres, ils vivent de ce qu'on leur donne. Nos aumônes forment notre seule richesse; ce que nous gardons forme notre pauvreté.

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Les prières et les méditations de Mme Schwetchine peuvent certainement servir de lectures spirituelles. Son ouvrage inachevé sur la vieillesse est magnifique; mais celui qui traite de la résignation est plus beau encore. Tout passage pris au hasard renferme les pensées les plus élevées. Nous en citerons quelques-unes :

« Le premier degré de soumission produit une respectueuse conformité à la volonté de Dieu; ce sentiment se transforme ensuite en une pieuse et confiante acceptation de cette volonté et finit par acquérir graduellement un caractère filial. »

<«<La foi rend la résignation raisonnable, et l'espérance la rend aisée. »>

« L'amour de Dieu nous arrache à notre long amour de nousmêmes. »

La patience est si voisine de la résignation, qu'elle semble souvent n'être qu'une même chose avec elle. »

Mme Schwetchine avoue que les épreuves les plus dures à supporter pour la résignation, sont les infortunes irréparables ici-bas. Telles sont la mort, la vieillesse, les infirmités physiques, la perte de la réputation, l'impénitence finale. « Mais la résignation, dit-elle, ne nous empêche pas de pleurer la mort de ceux que nous aimons; et la certitude que nous avons de notre propre mort contrebalance non-seulement cette affliction, mais même tous les maux de la vie. La vieillesse est une halte entre le monde passé et le commencement de l'éternité; les infirmités physiques nous font vivre dans l'atmosphère des beatitudes évangéliques. Nous sommes vraiment alors les pauvres du Christ, ou plutôt la pauvreté elle-même. Le monde oublie parfois, mais il ne pardonne jamais.

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Qu'importe que la vertu soit restée sans tache ou qu'elle se soit purifiée dans le repentir? »

La souffrance nous enseigne à souffrir; la souffrance nous enseigne à vivre; la souffrance nous enseigne à mourir. »

C'est par ces citations que nous finissons cette causerie sur la femme remarquable qui a offert un si magnifique exemple à notre génération, et dont la perte laisse un si grand vide chez ceux qui

l'ont connue.

Traduit de l'anglais par Mme PH. VAN DER HAEGHEN.

LA SALLE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION

AU VATICAN.

Tous les visiteurs du Vatican se souviendront de la salle du second étage de la partie du palais qui est antérieure au règne de Sixte-Quint, où se trouvaient réunies la Transfiguration de Raphaël, la Communion de saint Jérôme du Dominiquin et la Madone de Foligno, outre quelques autres tableaux d'un mérite peu inférieur à celui de ces trois chefs-d'œuvre. C'est cette salle qui vient d'être transformée par le pinceau de M. Podesti en monument de la définition du dogme qui complète, dans la foi chrétienne, la couronne de lumières célestes qui entoure la bienheureuse Vierge, Mère de Dieu.

Le plan de la salle forme un parallelogramme qui peut avoir six mètres du nord au midi et neuf mètres de l'est à l'ouest. Sa hauteur jusqu'à la naissance de la voûte, doit être de sept mètres et demi. Ses parois se terminent par une corniche horizontale, et soutiennent une voûte formée par l'intersection de deux courbes segmentaires.

Du côté du nord, la paroi est percée de deux grandes fenêtres qui s'ouvrent sur la grande cour du Belvedère. A l'est et à l'ouest, on trouve une petite porte, vers l'angle méridional, qui, à l'est, fait communiquer la salle avec les chambres de Raphaël, et, à l'ouest, avec la nouvelle galerie que vient de former le Saint-Père avec les tableaux qui lui ont été offerts à l'occasion de la beatification et de la canonisation des saints dont les noms ont été ajoutés au martyrologe pendant les dix-neuf années déjà écoulées de son pontificat. En entrant par cette galerie, -sans nous arrêter à contempler, soit le magnifique tableau du Bienheureux Jean Berchmans de Gagliardi, soit la charmante et suave Vision de la bienheureuse Marie des Anges de Rhoden, ou quelque autre de ces mille et mille émanations du génie chrétien, qui nous distrait toujours de notre chemin direct chaque fois que nous allons au Vatican, tournons résolûment à gauche, vers l'ouest, pour commencer l'inspection de la salle de

l'Immaculée Conception, par la fresque de la Discussion dogmatique. Elle couvre l'espace entre la ligne de base et le plafond. La statue de la Vierge Immaculée en occupe le centre; et quelques-uns des discutants se tournent vers elle avec amour, emportés par leur dévotion qui les distrait bien naturellement de la discussion. Sur le premier plan du tableau, la Théologie est figurée par une matrone à l'aspect le plus noble, siégeant entourée des œuvres de ses disciples. Des groupes de cardinaux, d'évêques, de prêtres et de religieux remplissent les deux côtés du tableau dans les différentes attitudes de la discussion. La plus grande partie de ces figures consiste en portraits contemporains. On y reconnaît aisément ceux de M Borromeo, majordome de sa sainteté, de Me Pacca, son maître de chambre; de Mer Sibour, le deuxième des archevêques de Paris morts de nos jours en accomplissant leurs devoirs de pasteur. Sur le devant du tableau, à droite du spectateur, se détache la noble figure du grand écrivain italien si récemment enlevé à l'Église militante et à sa belle et malheureuse patrie, le P. Bresciani. A la base, au-dessous de ce grand tableau, on trouve, entre deux médaillons d'apôtres, un paneau en grisaille représentant le Saint-Père, au consistoire, entouré des cardinaux.

En nous tournant à gauche, vers le midi, nous nous trouvons en face de la grande fresque de la Définition du dogme. Pie IX, debout sur l'estrade du trône, dans la basilique de Saint-Pierre, tient de la main gauche le livre rouge, et entonne le Te Deum. Il est illuminé du rayon de soleil historique, qui, traversant une des fenêtres du dôme, le couvrit de lumière immédiatement après la lecture de la bulle. Le tableau représente ce moment. La bulle, déjà promulguée, est dans les mains du cardinal doyen, qui se tient au bas des marches du trône tourné vers le Pape. Deux prélats sont à ses côtés, ainsi que les évêques des rites orientaux. De chaque côté du Saint-Père se tient un cardinal diacre. Le prince assistant auprès d'eux est le prince Orsini. Les cardinaux évêques sont rangés de chaque côté du trône. Derrière eux, à la droite du spectateur, viennent les prélats de la maison du Pape, parmi lesquels on distingue Mgr Talbot; puis les avocats consistoriaux, les chanoines de Saint-Pierre, et enfin les cardinaux diacres placés à leur banc d'œuvre, ayant à leur tête le cardinal Antonelli.

A gauche, derrière les cardinaux évêques se trouvent les membres du sénat romain, ou magistrats municipaux, en toge officielle; des prélats et le groupe nombreux des cardinaux prêtres. C'est du

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