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GÉN ÉRALE

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Religion. – Politique. — Histoire. – Économie sociale.
Littérature. - Sciences. Beaux-Arts. — Correspondance internationale.

Bulletin bibliographiquc.

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Bruxelles,
COMPTOIR UNIVERSEL D'IMPRIMERIE ET DE LIBRAIRIE,

VICTOR DEVAUX ET Ce.

RUE SAINT-JEAN, 26.
- O. DILLET, rue de Sèvres, 18.

PARIS.

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1865

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LES PREMIERS MONUMENTS CHRÉTIENS A ROME.

(Suite et fin) (1).

Miltiade occupait la chaire de Saint-Pierre quand l'édit de Milan vint ajouter la sanction solennelle de la loi au grand fait de l'existence de l'Église. Ce fut le premier Pape qui habita le Lateran et le dernier déposé dans le cimetière de ses prédécesseurs. La joie de la paix succédant aux angoisses de trois siècles de souffrances, se traduisit aussitôt par un empressement marqué à prendre possession du sol et de la lumière. Les tombeaux souterrains restent cependant en plein usage jusqu'à la mort de Constantin, mais en même temps des basiliques s'élèvent sur les cryptes des saints. Sous Constance et ses successeurs, les sépultures sur terre augmentent, tandis que la pratique de l'ancien système diminue, et désormais ces deux progressions, l'une croissante, l'autre décroissante, poursuivront une ligne parallèle jusqu'à l'invasion d’Alaric , dernier terme de l'usage ordinaire des catacombes.

Il y eut, vers le milieu du ive siècle, une sorte de renaissance pour les vieux cimetières. Un pontife, dont le nom ne peut être passé sous silence, Damase, élu en 366, dépensa ses années et ses ressources à conserver, à restaurer, à embellir ces antiques monuments de la foi. Avant lui, on avait construit déjà des sanctuaires splendides au-dessus des tombeaux les plus respectés ; mais pour en conserver l'intégrité, on avait pris la coutume d'abaisser le niveau des murs jusqu'à celui du sépulcre (2), coupant ainsi la colline et sacrifiant à une mémoire plus illustre des groupes

entiers de loculi et de souvenirs. Tel ne fut pas l'usage adopté par Damase, et, grâce à lui, au lieu d'édifices plus somptueux, mais moins touchants, il nous est encore donné de contempler les tombes des simples fidèles, d'étudier et d'admirer dans leur eņsemble plusieurs des monuments fameux de l'âge héroïque du christianisme. Il n'est pas une région de la Rome souterraine où l'on ne salue le nom ou la trace de Damase, vú l'on ne reconnaisse des substructions, des réparations, des escaliers (1) Voir notre livraison de juin, tome ler. 2) On peut voir les traces de cette coutume à Saint-Pierre, Saint-Paul, SaintLaurent, Sainte-Agnès, Saint-Alexandre.

Tone II. – fre livr.

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faits par ses ordres. Partout, les lucernaires étaient augmentés en nombre et les vestibules agrandis; Prudence parle de revêtements en marbre de Paros et nous retrouvons encore des débris de colonnes, de grilles et de chapiteaux dus à la munificenee du Pontife. Il fit rechercher avec amour les martyrs perdus sous les terres, amoncelées probablement pendant la persécution dioclétienne, et il orna leurs tombeaux de magnifiques épitaphes, de poëmes originaux qui l'ont fait ranger par saint Jérome au nombre des écrivains de l'Église. Cette littérature souterraine est une des beautés des cryptes romaines et c'est une bonne fortune quand on en découvre les fragments ; ceux qui les ont lus ne peuvent oublier la tendresse de ce style cadencé, la netteté et l'élégance de ces caractères profonds gravés sur des plaques de marbre blanc par la main d'un artiste dont M. de Rossi a découvert le nom (1), sorte d'alphabet hiératique qu'on a imité souvent sans le copier jamais.

La sollicitude de Damase semble avoir ranimé la piété envers ces lieux sacrés ; après une décroissance marquée, on voit tout d'un coup en 370 et 371 l'usage des sépultures souterraines revenir en pleine vigueur ; mais ce n'est là qu'un éclair précédant l'abandon, et le respect du Pontife pour les saints explique aussi ce second phé. nomène. Avec les nécessités qui l'avaient provoquée, avait cessé, en effet, l’excavation régulière et normale des cimetières. L'attrait des sépulcres vénérés, des monuments illustres conservait seul le prestige; aussi , se pressait-on autour de ces groupes fameux; des loculi étaient creusés partout où le permettait un espace demeuré vide, sans égards pour les peintures, pour la beauté et la solidité des souterrains. Il était temps de mettre fin à une coutume qui menaçait l'existence même des hypogées. Damase donna l'exemple et, malgré l'intensité de son désir, il renonça à reposer dans ce cimetière de Calixte où dormaient ses prédécesseurs et qu'on appela plus tard la Jérusalem des martyrs. Un de ses poëmes reçut la confidence de ses regrets. A la fin de l'inscription placée dans la crypte papale du 11° siècle, après l'énumération de toutes les gloires de la nécropole, on lit, non sans émotion, ces deux vers :

« Hic fateor, Damasus, volui mea condere membra
« Sed cineres timui sanctas vexare piorum. »

« Ici, je l'avoue, moi Damase, j'aurais voulu ensevelir ma dépouille; mais j'ai « craint d'insulter aux cendres des saints. »

(1) Furius Dionysius Philocalus.

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A la même époque, l'Église cessa de se charger des travaux. Retranchés des opérations du trésor ecclésiastique, ils devinrent l'ouvre exclusive des fossoyeurs, qui conservèrent le droit de vendre des tombes à leur profit. De nombreuses inscriptions attestent cette dernière phase de l'inhumation cimetériale; mais on semble avoir Até au delà de ces moyens indirects pour abolir un usage désormais funeste; à la dissuasion paraît avoir succédé la défense; une épitaphe de 381 porte ces mots: « Accepit sepulcrum intra limina sanctoe fum, quod multi cupiunt et rari accipiunt. « Son tombeau fut placé près des saints; beaucoup le désirent, peu l'obtiennent. » – Du reste, trente ans encore, et un grand événement va poser le dernier terme à la possibilité des excavations. Alaric paraît, et le silence étrange de l'épigraphie après son passage est une preuve frappante des ruines et des désastres qu’un pillage de trois jours suffit pour accumuler à Rome. La dispersion, la confusion, les massacres, les ravages ne permirent plus de rendre les mêmes honneurs aux tombeaux ; aussi, après 410, trouve-t-on à peine quelques rares exemples d'inhumations souterraines ; après 454 , aucun. Le corps des fossoyeurs lui-même s'éteint et les premiers lustres du pe siècle écoulés, il n'en est plus fait mention dans l'histoire. D'ailleurs, tout dans les livres liturgiques de l'Église romaine, dans les prières pour les morts, dans la bénédiction des lieux de repos, se rapporte désormais à des sépultures dans les basiliques, ou autour d'elles; les cryptes ont cessé d'être des cimetières; elles ne sont plus que des sanctuaires solennels des martyrs.

Du ve au vin siècle, ces sanctuaires devinrent l'objet d'une ardente dévotion. Des fidèles affluèrent de tous les coins du monde romain. Maintenant encore, on peut suivre les traces de ces pieux visiteurs. Comme les voyageurs antiques sur les monuments de Grèce, d'Égypte et de Nubie, comme les chrétiens eux-mêmes sur les rochers du Sinaï, les pèlerins des Catacombes ont laissé des indices de leur passage. Ce sont des noms, des acclamations dans le style ordinaire de l'époque: « Vivas in Deo. » « Vivas in Christo, » des prières pour les morts et pour les vivants, parfois des invocations aux martyrs tracées dans la crypte même où ils reposaient ; c'est enfin tout un ensemble de souvenirs, précieux souVent par l'ardeur de la foi, la tendresse des sentiments, l'élégance du langage. On les trouve tracés avec la pointe d'un instrument sur les enduits, les stues, les marbres, et ils deviennent parfois, grâce aux allusions qu'ils renferment, de véritables documents d'histoire et de topographie.

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