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de (385) vaisseaux à cinquante rames. Etant arrivés à Tartessus, ils se rendirent agréables à Arganthonius (386), Roi des Tartessiens, dont le règne fut de quatre-vingts ans, et qui en vécut en tout cent vingt. Les Phocéens surent tellement se faire aimer de ce Prince, qu'il voulut d'abord les porter à quitter l'Ionie, pour venir s'établir dans l'endroit de son pays qui leur plairoit le plus; mais n'ayant pu les y engager, et ayant dans la suite appris d'eux que les (387) forces de (a) Crésus alloient toujours en augmentant, il leur donna une somme d'argent pour entourer leur ville de murailles. Cette somme devoit être considérable, puisque l'enceinte de leurs murs est d'une vaste étendue, toute de grandes pierres jointes avec art (b).

CLXIV. Harpage n'eut pas plutôt approché de la place, qu'il en forma le siége, faisant dire en même temps aux Phocéens qu'il seroit content s'ils vouloient seulement abattre une (388) tour de la ville, et consacrer une (389) maison. Comme ils ne pouvoient souffrir (590) l'esclavage, ils demandèrent un jour pour délibérer sur sa proposition, promettant, après cela, de lui faire réponse. Ils le prièrent aussi de retirer ses

(a) Il y a dans le texte les forces de Cyrus, voyez la

note.

(b) Il y a après cela, dans le grec : C'est ainsi que le mur des Phocéens fut bâti.

troupes de devant leurs murailles pendant qu'on seroit au Conseil. Harpage répondit que, quoiqu'il n'ignorât pas leurs projets, il ne laissoit pas cependant de leur permettre de délibérer. Pen-. dant qu'Harpage retiroit ses troupes de devant la ville, les Phocéens lancèrent leurs vaisseaux en mer, y mirent leurs femmes, leurs enfans et leurs meubles; et de plus, les statues et les offrandes qui se trouvèrent dans les temples, excepté les peintures et les statues de bronze et de pierre. Lorsqu'ils eurent porté tous leurs effets à bord de ces vaisseaux, ils s'embarquèrent et firent voile à Chios les Perses ayant trouvé la ville abandonnée, s'en emparèrent.

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CLXV. Les Phocéens demandèrent à acheter les îles Enusses; mais voyant que les habitans de Chios ne vouloient pas les leur vendre, dans la crainte qu'ils n'y attirassent le commerce au (a) préjudice de leur île, ils mirent à la voile pour se rendre en Cyrne (6), où vingt ans auparavant ils avoient bâti la ville d'Alalie pour obéir à un Oracle. D'ailleurs Arganthonius étoit mort dans cet intervalle. Ayant donc mis à la voile pour s'y rendre, ils allèrent d'abord à Phocée, et égorgèrent la garnison qu'Harpage y avoit laissée. Faisant ensuite les plus terribles imprécations contre ceux qui se sépareroient de la flotte, ils

(a) Dans le grec: Et que leur ile n'en fút exclue. (b) Corse.

jetèrent dans la mer une (391) masse de fer ardente, et firent serment (392) de ne retourner jamais à Phocée, que cette masse ne revînt sur l'eau. Tandis qu'ils étoient en route pour aller en Cyrne, plus de la moitié, touchés de compassion, et regrettant leur patrie et leurs anciennes demeures, violèrent leur serment, et retournèrent à Phocée. Les autres, plus religieux, partirent des îles Enusses, et continuèrent leur route.

CLXVI. Lorsqu'ils furent arrivés en Cyrne, ils élevèrent des temples, et demeurèrent cinq ans avec les Colons qui les avoient précédés; mais comme ils ravageoient et pilloient tous leurs voisins, les Tyrrhéniens et les Carthaginois mirent les uns (393) et les autres en mer, d'un commun accord, soixante vaisseaux. Les Phocéens ayant aussi équipé de leur côté pareil nombre de vaisseaux, allèrent à leur rencontre sur la mer de Sardaigne. Ils (594) remportèrent la victoire, mais elle leur (595) coûta cher; car ils perdirent quarante vaisseaux, et les vingt autres ne purent servir dans la suite, les éperons ayant été faussés. Ils retournèrent à Alalie, et prenant avec eux leurs femmes, leurs enfans et tout ce qu'ils purent emporter du reste de leurs biens, ils abandonnèrent l'île de Cyrne, et firent voile vers (396) Rhegium.

CLXVII. Les Carthaginois et les Tyrrhéniens ayant tiré au sort les Phocéens qui avoient été faits prisonniers sur les vaisseaux détruits, ceux

ci en eurent (397) un beaucoup plus grand nombre. Les uns et les autres les ayant menés à terre, les assommèrent à coups de pierres. Depuis ce temps-là, ni le bétail, ni les bêtes de charge, ni les hommes même, en un mot, rien de ce qui appartenoit aux Agylléens ne pouvoit traverser le champ où les Phocéens avoient été lapidés, sans avoir les membres disloqués, sans devenir perclus, ou sans tomber dans une espèce d'apoplexie. Les Agylléens envoyèrent à Delphes pour expier leur crime. La Pythie leur ordonna de faire aux Phocéens de magnifiques sacrifices funèbres, et d'instituer en leur honneur des jeux gymniques et des courses de chars. Les Agylléens observent encore maintenant ces cérémonies. Tel fut donc le sort de ces phocéens. Ceux qui s'étoient réfugiés à Rhégium, en étant partis, bâtirent (398) dans les campagnes d'Enotrie la ville qu'on appelle aujourd'hui Hyèle. Ce fut par le conseil d'un habitant de Posidonia, qui leur dit que la Pythie ne leur avoit pas ordonné, par sa réponse, d'établir une colonie dans l'île de Cyrne, mais d'élever un monument au (399) Héros Cyrnus (a).

(a) Il y a dans le grec: Ce qui regarde Phocée en Ionie se passa de la sorte. Hérodote finit presque toujours sa narration par ces mots : Voilà ce qui arriva, &c. ou bien il termine un discours par ceux-ci : Ainsi parla un tel.... Homère s'exprime toujours de même. Ces répétitions, bien loin d'avoir de la grace en françois, rendent la narra

CLXVIII. Les Téiens se conduisirent à-peuprès comme les Phocéens. En effet Harpage ne se fut pas plutôt rendu maître de leurs murs, par le moyen d'une terrasse, qu'ils s'embarquèrent et passèrent en Thrace, où ils bâtirent la ville d'Abdères. Timésias de Clazomènes (400) l'avoit fondée auparavant ; mais les Thraces l'ayant chassé, il n'en jouit pas. Les Téiens d'Abdères lui rendent maintenant des honneurs comme à un Héros.

CLXIX. Ces peuples furent les seuls parmi les Ioniens, qui aimèrent mieux abandonner leur patrie que de porter le joug. Il est vrai que le reste des Ioniens, si l'on excepte ceux de Milet, en vinrent aux mains avec Harpage, de même que ceux qui avoient quitté l'Ionie, et qu'ils donnèrent des preuves de leur valeur, en défendant chacun sa patrie; mais ayant été vaincus et étant tombés en la puissance de l'ennemi, ils furent contraints de rester dans le pays, et de se soumettre au vainqueur. Quant aux Milésiens, ils avoient, comme je l'ai dit plus haut (a), prêté serment de fidélité à Cyrus, et jouissoient d'une parfaite tranquillité. L'Ionie fut donc ainsi réduite en esclavage pour la seconde (b) fois. Les

tion froide et languissante ; et c'est ce qui m'a fait prendre le parti de les supprimer.

(a) Voyez ci-dessus, §. CXLI.

(b) Elle avoit été subjuguée pour la première fois par Crésus. Voyez ci-dessus, §. VI, XXVIII.

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