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» toujours du mal ». Ce savant et judicieux Critique étoit donc bien éloigné de penser, comme Plutarque, que les écrits de cet Historien étoient pleins de malignité.

Convaincus de la bonne foi d'Hérodote, nous sommes surpris de la haine que lui a vouée Plutarque et de l'acharnement avec lequel il l'a poursuivi. Tant que le motif de cette haine ne sera pas connu, il restera, malgré toutes les apologies, un nuage capable d'offusquer en partie la gloire de notre Historien. Il est heureux pour nous que Plutarque n'ait pas déguisé le motif qui l'animoit, et qu'en cherchant à colorer sa haine, il ne se soit pas apperçu qu'il diminuoit la confiance qu'il vouloit que l'on prît en ses accusations. Quel est-il donc ce motif? il nous l'apprend lui-même dès le (1) commencement de son ouvrage. « C'est prin>>cipalement, dit-il, sur les Béotiens et » les (2) Corinthiens qu'Hérodote lance

(1) Plutarch. de Herodoti Malignitate, pag. 854. (2) J'ai répondu dans la Vie d'Hérodote aux accusations qui regardent les Corinthiens.

>> les traits de sa malignité, sans cepen>>dant épargner les autres Grecs. J'ai >> donc pensé qu'il étoit de mon devoir » de venger l'honneur de nos ancêtres, et » de prendre en main les intérêts de la » vérité contre la partie de son Histoire » où il les attaque ».

Hérodote avoit raconté que les Béotiens, non contens de trahir la cause commune de la Grèce et de se soumettre à Xerxès, avoient encore combattu contre les Grecs à la bataille de Platées avec le même acharnement que les Perses même. Plutarque, qui étoit Béotien, se crut, en bon citoyen, obligé de venger ses compatriotes. « Ce fait étoit si connu, » dit (1) M. l'Abbé Geinoz, qu'il n'osa » s'engager dans une apologie directe de » leur conduite : mais voulant, à quelque >> prix que ce fût, satisfaire son ressenti>>ment contre Hérodote, et rendre sus» pect le récit de la défection des Thé>>> bains et des Béotiens, il entreprit une » critique générale de son Histoire, où il

(1) Mémoires de l'Académie des Belles Lettres, tome xix, page 117.

» s'efforce de montrer que cet Historien >> n'est pas digne de foi, qu'il a altéré par » pure malignité la vérité de l'Histoire ; >> que sa méchanceté paroît, non-seule» ment dans les horreurs qu'il a mises sur » le compte des Béotiens, mais aussi dans » la manière indigne dont il a traité les >> autres Peuples de la Grèce ».

Après avoir prouvé qu'Hérodote étoit ami de la vérité et qu'il a pris tous les moyens de s'instruire, il ne me reste plus qu'à parler de sa manière d'écrire. Comme des éloges paroîtroient suspects de la part d'un Traducteur, je me contenterai de rapporter ce qu'en ont dit deux des plus habiles critiques, Hermogènes et Denys d'Halicarnasse, qui étoient d'autant plus en état d'en juger sainement, qu'ils étoient les hommes les plus savans et les plus spirituels de la Grèce.

« Sa diction, dit (1) Hermogènes, est >> pure, douce et claire; dans presque tout >> ce qu'il emprunte de la fable, il em

(1) Hermogen. de Formis Orationum, lib 11, pag. 147, lin. 7 et seq. ex Edit. Aldi.

>> ploie le style poétique. Ses pensées ont » de la justesse, ses expressions de la » grace et de la noblesse. La plupart de >> ses rhythmes, soit dans la composition, » soit à la fin de ses périodes, ont de la » dignité; ce sont des dactyles, des ana>> pæstes, des spondées. Il réussit mieux » que qui que ce soit à décrire, selon » la plus belle manière des Poètes, les >> mœurs et les caractères de ses différens » personnages. Aussi a-t-il en plusieurs >> endroits de la grandeur, et principa>>lement dans les discours de Xerxès à » Artabane (1), et dans les réponses de >> celui-ci >>.

Ecoutons maintenant Denys d'Halicarnasse. «Personne, dit (2) ce critique, » qui étoit en même temps un grand His»torien, personne, dis-je, n'a parmi les >> Historiens mieux traité qu'Hérodote » la partie de l'Histoire qui regarde les

(1) Voyez Hérodote, liv. vII, S. XLVI et suivans. Il y a Artabaze dans l'édition d'Hermogènes, donnée par Alde, qui est celle dont je me sers.

(2) Dionys. Halicarn. de veterum Scriptorum Censurâ, cap. III, pag. 124.

» actions. Quant à l'exécution, quelque>>> fois Thucydides le surpasse, quelque>>> fois il ne sauroit l'atteindre, et souvent » ils vont de pair. Dans les discours, ils » ont toujours le terme propre et con>> servent leur caractère. Hérodote l'em>> porte par la clarté, Thucydides par la » précision, et l'un et l'autre sont égale» ment énergiques. Hérodote a l'avantage » dans les mœurs, Thucydides dans les >> affections. Quant à la beauté et à la >> magnificence du style, ils ne different >> en rien l'un de l'autre, et tous deux ils >> excellent dans les qualités qui touchent à la diction. Dans la force, la vigueur, >> le nerf, la gravité et la variété des » figures, Thucydides a la supériorité; >> mais dans l'agréable, le persuasif, les >>> graces et cette heureuse simplicité, qui » ne sent point le travail et paroît naître >> du sujet même, Hérodote le laisse bien >> loin derrière lui; c'est cette sorte de >>> caractère qu'il conserve toujours avec >> le plus de soins.

» Mais s'il faut encore parler de ces >>> deux Ecrivains, dit le même Denys

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