Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

>> d'Halicarnasse (1) dans sa lettre à Cn. >> Pompée, voici ce que j'en pense. Ceux >> qui veulent écrire l'Histoire doivent >> faire choix d'un sujet beau et propre » à plaire à leurs lecteurs : c'est presque » le plus nécessaire de leurs devoirs. Hé>> rodote me paroît en cela avoir mieux >> réussi que 'Thucydides. Le premier, en » écrivant l'Histoire des Grecs et des Bar» bares, s'est proposé de préserver de >> l'oubli les actions des hommes, comme >> il le dit lui-même. Tel est son début, >> tel est le commencement et la fin de >>son Histoire. Le second a écrit l'His>>toire d'une seule guerre, guerre qui » n'a été ni honnête ni heureuse; et plût >> aux Dieux qu'elle ne fût jamais arrivée! >>ou, puisqu'elle étoit arrivée, il auroit » été à souhaiter, qu'ensevelie dans le >> plus profond oubli, on en eût dérobé la >> connoissance à la postérité. Que ce sujet >> soit mauvais, Thucydides en fournit » lui-même la preuve dès le commence

(1) Dionys. Halicarn. Epistola ad Cn. Pompeium, cap. 111, pag. 206.

>> ment: car en racontant que (1) dans >> cette guerre beaucoup de villes Grec>>ques ont été dévastées par les Barbares » et par les Grecs eux-mêmes, et que » jamais on n'avoit vu, de mémoire » d'homme, tant de proscriptions et de » massacres, sans compter les tremble» mens de terre, les sécheresses, les ma» ladies (2) pestilentielles, et une multi» tude d'autres malheurs, il aliène dès le >> commencement l'esprit de ses lecteurs, >> qui ne doivent entendre parler que des » malheurs de leur Patrie. Un sujet, où >> l'on présente les actions merveilleuses » des Grecs et des Barbares a un grand >> avantage sur celui qui n'offre que des >> revers cruels et lamentables, et c'est en » choisissant un tel sujet qu'Hérodote a » montré plus de prudence et de talent que >>> Thucydides. Que l'on ne dise pas que » celui-ci a été forcé de peindre les mal>>>heurs de sa Patrie, quoiqu'il n'ignorât » pas que l'autre sujet ne fût plus beau, >> et qu'il ne l'a fait, que parce qu'il ne

(1) Thucydid. lib. 1, §. XXIII,

(2) J'ai ajouté ce mot d'après le texte de Thucydides. >> vouloit

>> vouloit pas s'exercer (1) sur la même >> matière que d'autres avoient déjà trai» tée. C'est tout le contraire : car dans sa » Préface, il attaque et déchire les actions » de ses ancêtres et ne trouve de beau et » d'admirable que ce qui s'est fait de son >> temps. Cela prouve manifestement qu'il » n'a pas entrepris cette Histoire contre » son gré. Hérodote n'en a point agi de » la sorte. Quoique Hellanicus et Charon » de Lampsaque eussent écrit avant lui » sur le même sujet, loin de se rebuter, >> il se flatta de faire mieux, et il >> vint.

y par

>> Un Historien doit savoir par où il >> faut commencer et quand il doit finir; >>> c'est son second devoir. Hérodote a >> montré encore en cela plus de talent » que Thucydides. Il fait voir d'abord » que les Barbares ont été les agresseurs, >> et qu'ils ont les premiers insulté les » Grecs; et il finit par la punition que

(1) Távrà iréposs. C'est ainsi qu'il faut lire, et c'est ainsi que cela se trouve dans toutes les éditions. Le Traducteur Latin paroît avoir lu raura, mais en admettant cette accentuation, irépos n'a plus rien qui le gouverne.

[blocks in formation]

>> ceux-ci en font, et par la vengeance » qu'ils en tirent.

[ocr errors]

par

» Thucydides commence son Histoire le temps où les affaires des Grecs » n'étoient (1) déjà plus si florissantes; ce >> que n'auroit pas dû faire un Grec, et » sur-tout un Athénien, qui tenoit, par >> sa naissance, un rang distingué dans sa » Patrie, qui commandoit les armées et » qui occupoit d'autres places honora>> bles; ou du moins, il auroit dû le faire › avec plus de retenue, et ne point attri>> buer ouvertement à ses compatriotes la >>> cause de cette guerre, lorsqu'il avoit >>> tant de raisons de la rejeter sur d'au>> tres. Il n'auroit pas dû entrer en ma>> tière par la guerre de Corcyre, mais >> par les grandes actions des Athéniens, >> aussi-tôt après la guerre de Perse, dont >> cependant il a fait mention dans un lieu >>> convenable, quoiqu'en courant et d'une >>> manière assez mesquine. Après avoir

(1) Il faut lire nécessairement dans le texte v xaxas ou bien xaxas. C'est ce que paroît avoir senti le Traducteur Latin; une ligne plus bas, je conjecture qu'il faut lire τῶν ἐῤῥιμμένων en la place de ἐν τῶν ἔτι ἐιρημένων.

>> raconté ces belles actions avec beau>> coup de bienveillance, comme l'auroit » dû faire un bon citoyen, il auroit dù » ajouter que les Lacédémoniens, par >>> crainte et par jalousie, entreprirent >> cette guerre sous de vains prétextes, et >> parler ensuite des affaires de Corcyre, >> du décret contre les Mégariens et de >> tout ce qu'il auroit voulu. Il pèche aussi » dans la manière dont il termine son » Histoire. Car il la finit par le combat >> naval que se livrèrent les Athéniens et » les Lacédémoniens près de Cynosséma, >> la vingt-deuxième année de la guerre, >> quoiqu'à l'entendre, il eût été présent » à la guerre entière et qu'il eût promis » d'en rapporter toutes les particularités. >> Il auroit mieux fait de ne rien omettre » et de terminer son Histoire par cet » événement merveilleux et bien flatteur » pour ses lecteurs, je veux parler du re>>> tour des exilés de Phylé, qui est l'épo>> que où les Athéniens recouvrèrent leur >> liberté.

>>> La troisième fonction d'un Historien >> est de bien considérer quels sont les

« VorigeDoorgaan »