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la plus scrupuleuse attention les fleuves et les rivières dont ils sont arrosés, les animaux qui leur sont particuliers, les productions de la terre, les moeurs des habitans, leurs usages tant religieux que civils; il a consulté leurs archives, leurs inscriptions, leurs monumens; et quand ces moyens de s'instruire lui ont manqué, ou lui ont paru insuffisans, il a eu recours à ceux d'entre les naturels du pays qui avoient la réputation d'être les plus habiles dans leur histoire. Il poussa même le scrupule si loin, que, quoiqu'il n'eût aucun juste sujet de se défier de la véracité des Prêtres de Memphis, il se transporta (1) cependant à Héliopolis et ensuite à Thèbes, pour voir si les Prêtres de ces deux dernières villes s'accorderoient avec ceux de Memphis.

On ne peut refuser sa confiance à un Historien qui prend tant de peines pour s'assurer de la vérité. Si cependant, malgré toutes ces précautions, il lui est quelquefois arrivé de se tromper, je crois

(1) Herodot. lib. 11, §. III.

qu'il mérite plus notre indulgence que notre blâme.

Hérodote n'est pas moins exact sur toutes les parties de l'Histoire Naturelle que sur les faits historiques. Quelques anciens Ecrivains ont relégué au rang des fables des particularités, qui depuis ont été vérifiées par les Naturalistes modernes, beaucoup plus habiles que les anciens. Le célèbre Boerhaave n'a pas craint de dire en parlant d'Hérodote hodiernæ (1) observationes probant fere omnia MAGNI VIRI dicta. Le témoignage d'un Savant si distingué doit être, auprès des gens sensés, d'un plus grand poids que les frivoles déclamations de ces demi-Savans, qui n'ont qu'une légère teinture des sciences.

Il s'est trouvé dans tous les temps des gens qui, ne pouvant atteindre à la réputation de cet illustre Ecrivain, ont cherché à le déprimer. Un certain (2) Caystrius, dit Porphyre dans sa première Dissertation sur la Philologie ou les Belles

(1) Elementa Chymia, tom. 1, pag. 550.

(2) Eusebii Præparat. Evangel. lib. x, cap. 111, pag. 466, B.

Lettres, accuse Hérodote d'avoir pris presque mot pour mot d'Hécatée de Milet ce qu'il a écrit dans son second livre sur le Phénix, l'Hippopotame et la chasse au Crocodile. Le même Porphyre avance (1) dans la même Dissertation, que Polion avoit fait un livre entier sur les plagiats d'Hérodote. Ces accusations sont sans doute bien graves. Mais par qui sontelles intentées? par deux écrivains obscurs, qui croyoient s'illustrer en attaquant un homme célèbre. Si ces accusations eussent eu le plus léger fondement, Plutarque, qui cherchoit toutes les occasions d'abaisser notre Historien, n'auroit pas manqué de les faire valoir. Mais il auroit cru, sans doute, avoir trop à rougir, s'il eût avancé des faits aussi dénués de vraisemblance que ceux-là. Je ne crois pas devoir m'arrêter davantage sur ces frivoles accusations. Mais en voici de bien plus graves.

Plutarque, qui n'étoit pas moins judicieux que savant, qui connoissoit tous les

(1) Eusebii Præparat. Evangel. lib. x, cap. 1, pag. 467,D.

ouvrages de ses devanciers, et qui étoit à portée de consulter les monumens et les inscriptions, accuse Hérodote, non-seulement de mensonges et de fictions, mais encore d'altérer les faits par pure malignité, et de flétrir, par des impostures et des calomnies, la gloire de la Grèce en général et celle de chaque Peuple en particulier. Ce ne sont pas des traits qu'il lance en passant, et, pour ainsi dire, à la dérobée; c'est un traité complet, qu'il a intitulé de la Malignité d'Hérodote, où il tâche de prouver toutes ces assertions.

Si ces accusations étoient fondées, cet Historien, convaincu en plusieurs occasions de mauvaise foi, deviendroit suspect dans le reste, et l'on ne pourroit plus compter sur son témoignage. C'est cependant dans ses écrits que nous puisons la plupart des connoissances que nous avons de l'antiquité, et ses ouvrages sont le fondement ordinaire et le principal objet des recherches des Savans. Il est donc très-important de savoir si Hérodote mérite les reproches odieux que lui fait Plutarque. Ce seroit ici le lieu de les exami

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de les discuter et de les réfuter. Mais Joachim Camérarius l'ayant fait en partie dans la Préface de l'édition d'Hérodote qu'il donna à Bâle en 1557, et M. l'Abbé Geinoz, savant non moins distingué par l'étendue de ses connoissances que par la droiture de son caractère, ayant vengé plus amplement cet Historien dans quelques (1) Mémoires lus à l'Académie des Belles-Lettres, j'ai pensé qu'il étoit d'autant plus à propos de renvoyer à ces ouvrages, que j'ai répondu moi-même, dans la Vie d'Hérodote et principalement dans mes notes, aux accusations de Plutarque, qui avoient été négligées par ces deux (2) Savans. Je me contente seulement d'ajouter un trait que j'emprunte de Denys d'Halicarnasse. « Hérodote, dit-il, est (3) » doux; il se réjouit du bien et s'afflige

(1) Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, tome xix, page 115 et suivantes. Je les ai fait réimprimer dans le sixième volume.

(2) J'ai ajouté à cette édition le Traité de Plutarque de la Malignité d'Hérodote, et je l'ai accompagné de notes où je réfute ce critique.

(3) Dionys. Halicarn, Epistola ad Cn. Pompeium, tom. II, pag. 209, lin. 12.

Tome I.

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