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En reproduisant cette pièce, nous avons scrupuleusement suivi l'orthographe de notre exemplaire manuscrit, excepté pour le mot Bartavelle, qui est constamment écrit Batavelle ou Battavelle. Nous nous sommes cru autorisé à faire ce changement, parce que, dans les autres pièces, il y a toujours Bartavelle.

H.-J. F.

LA BEAUTÉ ET LA PUISSANCE DU SAUVEUR COMPARÉES, par un moraliste du xve siècle, aux merveilles de la création.

Monsieur,

Déjà, dans les diverses lettres que j'ai eu l'honneur de vous adresser, j'ai, surtout êt avant tout, cherché à reproduire les documents qui pouvaient le mieux faire connaître à vos nombreux et savants abonnés les mœurs et les usages du moyen âge, cette époque si sublime et encore si mystérieuse de notre histoire nationale. Aujourd'hui, j'ai lieu de croire qu'ils ne liront pas sans intérêt ceux que je vais emprunter au moraliste de la fin du xv siècle (1491) qui nous a légué le second mariage et espousèment : c'est assavoir de Díeu le filz et de l'ame pécheresse en la personne de Marie-Magdelaine.

Avant de transcrire les passages que l'auteur. consacre au Sauveur, permettez-moi de reproduire ici les paroles de repentir qu'il fait prononcer à Marie-Madeleine, au moment où elle va commencer une vie nouvelle. Seules elles pourraient nous initier aux mœurs du temps.

«Ah ! dit-elle, le dyable1, à cause de ce que voluntairement je me suis mise en son service, en délaissant mon Créateur, il occupe et gouverne tyranniquement la fortresse et chasteau de mon cuer. Yl l'a mis en ruyne, sans y avoir riens laissié drolt; ne les garites de prudence, ne les murailles de continence, ne les bollvercz de pacience et constance, ne les fondemens de humilité, ne les jardins de frugalité. Yl a vendengié mes vingnes de charité et messonné mes fromments de virginité; yl

1 Tu es, dit un moraliste du xe siècle, en très-grant péril d'estre traynné par les dyables et estranglé aux fourches d'enfer, et là, sans fin, tourmenté par les terribles bourreaulz quy y sont à cent mille milliers. (Bibl. de Valenciennes, ms. n° 232, fol. cxxx, ro.)

Le oliphant (éléphant), duquel est fait ovoire (ivoire), est une beste trèspure et très-chaste. Yvoire aussi est froit de sa nature et de sa condition, et, pour ce, par yvoire, on entend purté et chasté. (Ms. n° 290, ibid., fol. LXXXXVIII, ro.) Le Trésor des Histoires mentionne une beste, plus grant que ung oliphant, qui avoit trois cornes emmy le front. Les Macédoniens (les soldats d'Alexandre le Grand) le nommèrent Deucaraym. (Ms. no 493, fol. cxxxını, ro).

3 ]} dit plus loin ; « Quant Adam receut commandement de soy abstenir du fruit d'un seul arbre, et il demoura en chasteté virginale aussy longue

a touttes les belles entes (greffes) des vertus extirpé et exterminé'. » Alors que Marie a renoncé à toutes les folles joies du siècle, il fait parler comme suit le céleste messager auquel le Christ a confié son avenir.

a Au lieu des chansons mondaines, déshonnestes et vilaines, prens en ta main les quayers divins et chante à Dieu hymnes et psalmes; les doulces chansons de l'Escripture-Sainte. Refrappe du baston d'Heroules le chien enragié : c'est le dyable, et le deschire et navre de sa propre espée1. »

Après nous avoir ainsi successivement donné un curieux spécimen d'une forteresse du xve siècle, pour obtenir le droit de tracer le triste tableau d'une âme délaissée de Dieu, et nous avoir énuméré les occupations diverses de celle qui a soumis sa vie aux austérités de la pénitence, il va nous dire combien grande est la beauté de Jésus.

« Depuis la plante de ses pies jusques au plus hault de son chief n'y avoit nulle tache, ne disformité, et avoit les beaulz cheveulz pendans si bas et sy fort croissans, qu'il les failloit tondre une fois l'an.Yl a les cheveulz de couleur tele, comme sont noix avelaines, ains qu'elles soient meures, plains et onniz jusques environ les oreilles, et des oreilles en bas jusques aux espaules, crespés, s'eslevans au vent,

ment qu'il juna; mais, quant il eubt mengié, il en fut débouté (du paradis terrestre). Et, puis aprez qu'il eubt remply son ventre en terre jusques à saturité, il eubt compaignye charnele avec sa femme, et toutesfois, il n'avoit pas pour penture de la chayr, mais des fruitx d'arbres, grains et herbes. Moyse, à ventre wid, receut la loy escripte du doit de Dieu, et, ce temps pendant, le peuple, mengaut et beuvant, commença à danser et à fondre ung ydole et à préférer ung veau d'Égypte à la Majesté divine.-Et ainsy le labeur de 11 jours fut perdu par la saturité et gourmandise d'une heure; car Moyse, ce cognoissant, rompy prestement ses tables en la présence du peuple mauldit et ydolâtre. Il sçavoit bien que ce peuple engraissié, et remply et yvre, ne pourroit, à ventre plain et farsy, oyr la parolle de Dieu; ains qu'il recalcitreroit et se partiroit de son facteur et saulveur, (Bibl. de Valenciennes, ms. no 233, fol. ccxxi, vo-ccxxiii, ro.)

1 Ibid., fol. cvii, ro et vo.

3 Ibid., fol, ccLxIx, r'; cclxix, ró; CCLXX, ro. Se onques chat ne fut plus diligent, ne ententif pour prendre la rate, ou la soris, à l'issue d'ung pertruis, comme est lors le dyable ententif à prendre et ravir les ames à l'issir du corps et au partement de ce monde.-Et encores, onques chiens acharnelz ne deschirèrent, ne dévourèrent le lièvre, ou le chat, quant ilz le tiennent, si asprement, comme les dyables font les âmes, tantost qu'elles viennent en leurs mains. (Le Miroir de la Mort, xv• siècle, ms. no 232 de la bibl. de Valenciennes, fol. LXXI, r'.)

ung petit plus luisans et plus verbruns, meslez d'une rougeur et verdeur comme la mer; et sont séparez et gravez par le mylieu du chief, à la manière et comme sont les Nazaréens1.

«Que te dirai-je de sa puissance?

« Yl a fait, et forgié, et áorné les ciels et les a asseuré, comme s'ilz estoient fondez surfer ou airain. Yla estendu le aquilon (c'est le ciel estant en notre emispère, orizon et regard) sur la vacuité de l'air, à la façon d'ung pavillon. Yl a pendu la terre sur un riens. Yl y a encloz la mer de ses huys et ports, et lui a donné pour son vestement des nues. YI l'a environné de ses termes et y a mis huys et veraulx, disant : Tu viendras jusques icy, sans procéder plus avant, et cy romperas-tu tes enflées fluctuations et ondes".

« Yl deffent aux vn luisans estoilles, nommées pléades, et vulgairement l'estoille pouchinière, qu'elles ne se pevent jamais conjoindre, posé que elles soient bien prez l'une de l'autre ?.

<< Yl a la puissance de oster aux roix leur cengle et ceinture militaire, quy signifie puissance. (Job, c. xII, v. 18.) Yl scet oiseaulz, bestes et poissons prendre, mesurer, nombrer, chanter en musicque, subtillement faire maintes euvres autenticques*.

<< Yl est la pierre et roibe des lièvres quy, en temps de persécution, fuyent de place en place; la montagne haulte aux cerfs, qui prendent les couleuvres pour penture, lesqueles ce petit enfant fera widier hors de leurs trous et fosses 5, quant le lupart et le chevrot reposeront paisiblement ensamble, et que le beuf et le lyon mengeront ensamble de la paille, sans ce que le beuf acquières en soy une férocité, en habi

1 Fol. cxx, ro.

6

Il dit (fol. xxxix, vo): Le parescheux se tourne et ratourne en son lit, comme fait l'huys en ses gons. (Job, ccxxvi, xxxviii.)

• Ibid., fol. cxx11, r•; Job, c. xxxvIII.

Fol. CXLV, vo.

• En Job (c. xxx) est escript: Ce que mon ame ne daignoit paravant touchier, est maintenant, pour destresse et angoisse, ma penture et ceulz quy mangoient, au temps de ma prospérité, les herbes, les escorces des arbres, les racines et les genoivres, par grande famine, poureté et misère, se gabent et truffent maintenant de moy. (Fol. CLXVIn, va.)-Les eez (abeilles, les ruches sont encors nommées vassaudées, bachaudées auprès de la Bassée Nord), aiment les fleurs et les laoustes (sauterelles), la rousée, et les chevaulz, l'avaine, et le bosquet, la noisette, et le dromadaire, la dade (figue de Carie), et la couleuvre, le lait. (Fol. ccxxxvi, vo.)

• La chievre prent et mengue le sahut (sureau) et quiebroch flourissant ; là où il y a beaucoup de biens, il y a beaucoup de mengeurs. (Fol. xvi, v..)

tant avec le lyon, ains le lyon prendra en soy une débonnaireté 1. « Les ours et les bosques se tiendront quois sans estre plus sy soubdains; les grues, les formis et les eez viveront sans roy, sans prudence et conduite; le lyon ne craindra plus le crespe ne le chant du coq *. »

Notre moraliste avait souvent, il est vrai, observé les merveilles de la création, car il nous remet sans cesse en présence des œuvres de Dieu. Ainsi, après nous avoir dit : « Ou bois s'engendre le ver quy le mengue et ronge, aussy fait ou drap la mote (sic) et ès arbres la honnine3, » il traduit comme suit le passage du prophète Joel (c. 1, v. 4) : « La laouste mengue le résidu et les reliefz de la honnine, et le haneton mengue le résidu de la laouste, et le miellas mengue le résidu du haneton 7. »

Avec Job, qu'il connaît si bien, il va nous dire : « Y) advient souvent ce que dist Job: Quant on crient la bruyne, on a de la nesge (c. vi, v. 16), et quy cuide fuyr les armures de fer, il est trait d'ung crennequin d'achier“. »

Il venait de déclarer « que souvent celuy quy fait une fosse tresbuches dedens, et qui desfait la scop, ou la haye, il est mors d'une couleuvre 9. »

P.-S.

DE LA FONS-MÉLICOCQ.

Permettez-moi, monsieur, d'ajouter ici quelques lignes

1 Fol. CXLIII, vo.

* L'écureuil, étant encore nommé bosque auprès de Valenciennes, il nous est permis de penser que notre moraliste avait reçu le jour dans nos parages. • Luxure est comme le ez, quy porte en la bouche du miel et ung aiguillon en la queue; elle ne donne point à boire son miel sans fiel. (Fol. cxL, ro.)

* Fol. ccxxxvi, vo.—Par le lyon, on entent orguel; par l'ours, fierté et cruauté; par le leup, gloutonnie; par le renart, barrat, déception et tricherie, et ainsi des aultres bestes. (Ms. n° 290, fol. LXXXXVII, ro.)

5 Fol. LXXVI, V.-La chenille est encore nommée honnène auprès de Béthune.

• C'est le rubigo de la Vulgate.

• Fol. 11xxvi, vo.- Comme dit Job (c. v, v. 5), un affamé venra qui messonnera et mengera son aoust. (Fol. xxxv, vo.)

8

p.

12.

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Fugiet arma ferrea et irruet in arcum æreum. (C. xx, v. 24.) Fol. ш2v, v. — Voyez notre artillerie de la ville de Lille, Ce passage de Job nous rappelle que le Trésor des Histoires rapporte que, sous Constantin Copronyme, le palagre de mer fut engellé bien vi miles de parfond, et, avec ce, cheist si grant plenté de neges, quoncques tant n'en cheist pour une foiz, et sembla à pluseurs que le monde deust finer. (Fol. cxı, vo, 2o vol.)

Ibid., fol. LXXYII, Vo.

au sujet des monstres, nommés quoves par l'auteur du Trésor des histoires (voy. le no 149, 1er mars 1863, de ce Bulletin, p. 119, note 2), puisque la légende qui les concerne est aussi d'un haut intérêt pour l'histoire des mœurs. Wace, dit M. Ed. Duméril (Etudes sur quelques points d'archéologie et d'histoire littéraire, p. 253) raconte que saint Augustin ayant été chassé par les habitants du Dorsetshire, qui attachèrent par mépris des queues de raie à son manteau, il pria Dieu de donner un témoignage apparent de son mécontentement et vit immédiatement sa prière exaucée :

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De son côté, Nicole Gille dit (Ann. des Gaules, fol. xxv, éd, de Galiot Dupré) qu'ils attachèrent à ses habillements des reynes ou grenouilles, Et depuis ce temps, par pugnition divine, ceulx qui naissoient audit territoire ont des queuls par derrière comme bestes brustes et les appelle-on ang lois couez (Consult. M. le comte de Bastard, Bulletin du comité de la langue, t. IV, p. 751, note additionnelle, dans laquelle il cite la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 20 octobre et 24 novembre 1854.

UNE LETTRE DE LA BRUYÈRE.

Un recueil des lettres italiennes de Gregorio Leti a été imprimé à Amsterdam, chez G. Gallet, en 1700, 2 vol. in-12. Cette correspondance d'un pamphlétaire, jadis fameux, est aujourd'hui, nous le croyons du moins, bien rarement consultée. Ayant eu l'occasion de la feuilleter, nous avons eu la satisfaction d'y rencontrer une lettre de La Bruyère, datée de Paris, du 4 juin 1678, lettre qui nous semble être restée inconnue aux divers éditeurs de l'admirable livre des Caractères. Elle est en italien et probablement traduite du français. Nous la remettons dans notre langue sans nous dissimuler ce que le texte doit souffrir de cette double opération. Le sens du moins sera conservé. «Votre nom

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