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des capitaines et gens de guerre à son service sans être obligé d'apporter les rôles de montres qui, selon la règle, devaient être joints à leurs quittances pour le dernier trimestre écoulé 1, tant était grand le désarroi dans lequel on vivait à ce moment critique.

Dans la fàcheuse situation politique et financière où il se trouvait, Charles de France n'avait plus qu'à attendre des jours meilleurs. Il lui restait bien encore quelques places en Basse Normandie 2, et quelques fidèles dont les noms noùs sont déjà familiers Jean Blosset, qui porte le titre de bailli de Rouen *, et est en même temps capitaine des francs archers dans l'armée du duc de Bretagne 5, Girault de Samien, maître de l'artillerie, Jean de Lorraine, maréchal de Normandie, Louis

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1. Bibliothèque nationale, ms. français 20415, no 81.

2. Jean d'Estouteville, seigneur de Bricquebec, était capitaine pour le duc de vingt-cinq hommes d'armes et cinquante archers de la petite ordonnance, formant la garnison du Mont-Saint-Michel et de Tombelaine; en décembre 1465 ils touchent leurs gages (Bibliothèque nationale, Pièces originales, vol. 1083, no 201; et ms. français 21477, fo 2). Jersey demeurait entre les mains de Charles de France (voir le chapitre suivant). A Granville, et ailleurs sans doute, on signalait des hommes d'armes de son parti : « Pour ce qu'il est venu à la congnoissance de justice que plusieurs gens de guerre qui ne sont aucunement de soulde et ordonnance du roy se trouvent et vivent sur le pais à la grant charge du peupple, tant ceulx qui soulloient estre à Grantville de l'ordonnance que autres, dont plusieurs plaintes sont venus à justice, il est fait commandement de par le royaume dudit seigneur que toutes gens de l'estat et condition dessusdite se tirent en leurs maisons dont ilz sont, chascun en droit soy, dedens six jours prouchains venans, et que aucuns se facent assembler les ungs avecques les autres, sur paine, se aucun d'eulx sont treuvés ensemble deux ou trois au plus fort, sans autre information faicte après ce deffens public et le temps dessus dit, d'estre pugnis corporellement à l'exemple de tous autres » (Archives départementales de la Manche, série B; Registre plumitif du bailliage de Coutances pour l'année 1466, no 148).

3. Mentionnés dans le compte de Pierre Morin, approuvé le 27 janvier (Bibliothèque nationale, ms. français 21477, fo 2; Pièce justificative no XXVII). Commines (édit. de Mandrot, t. I, p. 96), exagère donc en disant que le due «ettoit deffoict et habandonné de tous ces chevaliers qui avoient esté au roy Charles ».

4. Archives départementales de la Loire-Inférieure, B 4, fo 6 vo.- Jean Blosset était originaire de Moulins en Bourbonnais (Bibliothèque SainteGeneviève, ms. 2000, p. 288).

5. Souvent appelé maître Girault tout court; cf. Lettres de Louis XI, t. V, p. 13, et Commines, édit. de Mandrot, t. I, p. 51.

Sorbier, grand écuyer, Pierre d'Urfé, Patrick Folcart, James Roux, Colinet de La Croix, Jean Carbonnel, Geoffroy de Chabannes, Charles d'Amboise, capitaine de sa garde, Thierry de Lenoncourt et Jean de Fontaines, capitaines, Guillaume de Sully, seigneur de Vouillon, Bertrand d'Alègre, seigneur de Busset, précédemment lieutenant du duc de Bourbon à Évreux, Jean Aubin, seigneur de Malicorne, sans compter son trésorier Pierre Morin, l'évêque de Verdun et Pierre d'Oriole.

Quant aux troupes bretonnes, elles réintégrèrent peu à peu leur patrie, par un froid intense, non sans saccager les propriétés, piller les fermes et les villages, enlever le bétail et emporter tout le butin, qui leur tombait sous la main, sur les charrettes dont elles s'emparaient au fur et à mesure de leurs besoins3. Tables, escabeaux, objets de fer et de métal, lits, couvertures, tout leur était bon à prendre. La population normande, après avoir déjà tant souffert *, subit une nouvelle crise funeste à sa prospérité.

Le duc de Bretagne et le duc de Normandie arrivèrent à

1. Il fut pourvu d'un commandement en Normandie dès la fin d'octobre (Bibliothèque nationale, Pièces originales, vol. 2902, doss. 64550, no 2); le 7 février, le duc de Bretagne lui accorde, ainsi qu'à seize personnes de sa suite, des lettres de sûreté lui permettant d'aller « sauvement à sa maison ou ailleurs en ses affaires ». (Archives départementales de la Loire-Inférieure, B 4, fo 8 vo), et le crée chambellan et grand écuyer. En août 1470, Louis XI lui accorde, en même temps qu'à Poncet de Rivière, des lettres de pardon (Commines, édit. Dupont, t. III (1847), p, 269, et Archives historiques du Poitou, t. XXXVIII (1909), p. 264) pour leur conduite dans la Ligue du Bien public; mais Pierre d'Urfé fut avec Poncet de Rivière un des rares personnages qui ne se rallièrent jamais à la politique de Louis XI; on le trouve en 1481 pensionné par le duc de Bretagne. Charles VIII le nomma grand écuyer de France (4 novembre 1483), puis sénéchal de Beaucaire et de Nîmes.

2. Par une singulière ironie, le compte que nous venons de citer porte aussi le nom de Gauvain Mauviel, lieutenant du bailli de Rouen, comme bénéficiaire d'une somme qui lui était due pour ses gages; mais le compte est du 27 janvier, et le 3 février (voir ci-dessus, p. 161) ce malheureux était décapité à Pont-de-l'Arche par ordre du roi.

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3. Basin, Chronique, t. II, pp. 162-163; Jacques Du Clercq, édit. Buchon, t. XL, p. 87. Plus tard (en 1472), le roi accordera des exemptions de tailles à plusieurs paroisses pillées par les troupes bretonnes (Bibliothèque nationale, ms. français 20616, fo 6).

4. En décembre 1463, une enquête avait été ordonnée sur les plaintes contre les pillages et méfaits des gens de guerre dans le bailliage de Cotentin (Bibliothèque de la ville de Caen, coll. Mancel, t. III, no 12).

Nantes dans les derniers jours de février 1466. Charles n'avait emmené avec lui que vingt-deux archers et trente à quarante gentilshommes. On négociait alors pour obtenir qu'il ne pût quitter le duché de Bretagne avant trois mois pendant ce temps on chercherait un moyen transactionnel qui satisfit les deux partis, et permît à Charles de vivre honorablement avec 10000 francs de pension 2. Les royalistes ne sont d'ailleurs pas satisfaits; ils redoutent qu'au mépris des conventions et des engagements pris, malgré l'état d'impuissance où le duc de Normandie se débat, ses conseillers ne trouvent le moyen de se servir encore de lui pour renouveler des tentatives de soulèvement, au détriment de la paix pourtant si nécessaire, car son séjour en Bretagne ne leur semble pas une sécurité suffisante. En effet, la campagne contre l'armée royale reprendra bientôt; de nouvelles intrigues vont faire leur apparition, et c'est François II qui tiendra les fils du complot.

Charles de France demeurera inactif et en apparence indifférent aux évènements qui vont se dérouler autour de sa chétive et modeste personne. Il continuera à mener, pendant de longs mois, une vie calme et insouciante. Il se laissera guider, comme dans le passé, par quelques ambitieux et intrigants qui profiteront de sa faiblesse pour le dominer et de son inertie pour le diriger.

1. Les deux ducs, qui sont encore présents à Caen le 5 février, passent à Torigny-sur-Vire le 6, le 7 à Avranches où ils séjournent, le 18 au château de La Bretèche (Ille-et-Vilaine), et arrivent le 21 à Nantes (Archives départementales de la Loire-Inférieure, B 4, ff. 7 vo à 9).

2. Lettre de Panigarola du 9 février 1466 (Archivio di Stato, Milano; Potenze estere, Francia), communiquée par M. B. de Mandrot.

CHAPITRE V

CHARLES DE FRANCE RÉFUGIÉ EN BRETAGNE

Le retour du duc de Bretagne dans son pays, suivi de Charles de France et de ses fidèles, ne pouvait passer inaperçu 1. Moralement prisonnier, le duc de Normandie va s'installer au château de l'Hermine, à Vannes ; il vivra là de longs mois, se tenant de loin au courant des évènements politiques et peu disposé à y prendre une part active. Malgré la précarité de sa situation budgétaire, il reçoit de son hôte la promesse d'une pension de 3000 écus 2, - il conservera une petite cour assez inutile et un train de maison peu en rapport avec ses besoins. Mais que faire ? Ceux qu'il abandonnera n'iront-ils pas rejoindre Louis XI, tout prêt à les accueillir, et à grossir le nombre des

1. La nouvelle s'en répandit partout, témoin cette lettre de Johan zu Vinstingen, qui écrit au magistrat de Strasbourg : « Ist mijn genediger Herre der Hertzoge von Calabre und zu Lothringen ytzundt erwidder gekert user Franckerich umb etlicher Botschaft willen die uns under ougen komen sint von dem Hertzogen von Barrij, des Konigs Bruder von Franckrich der sich von dem gemelten Konig gemacht, und zu dem Hertzogthum von Brythanien gefugt hat, davon als man sich versieht etwas mergklich Irrung entstehen würt, und habe im mijnen gemelten gnedigen Herrn uerer gnaden Meynung in den besten vorgelagt solicher Messen, das ich hoff sin gnade etwas gefallende darin habe, diser wolt ich uerern Gnaden unverkundet nit lassen. » (Archives communales de Strasbourg, AA 253). Ce même dossier contient d'ailleurs la traduction allemande d'une lettre de Louis XI, adressée de Poitiers, le 7 mars, au magistrat de Strasbourg, et le mettant au courant des événements (cette lettre manque au recueil Vaesen).

2. Dom Morice, Histoire de Bretagne, Preuves, t. III, col. 146. Le duc de Bretagne mande à son trésorier Pierre Landais de payer 3000 écus au duc de Normandie, 400 à l'évêque de Verdun, 200 à Jean Aubin, autant à Pierre d'Oriole, à Patrick Folcart et à Joachim de Velourt, par lettres du 19 juillet 1466 (Archives départementales de la Loire-Inférieure, B 4, fo 96).

CHARLES DE GUYENNE

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