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raison de lui en avril, comptant alors sur la trève qui isolera le duc de Bourgogne et ne lui permettra pas de venir au secours de son allié 1.

Mais, sur les entrefaites, le mal dont Charles de Guyenne se croyait guéri empira vite. Il ne fut plus question de ce mariage qui avait provoqué tant d'allées et venues, tant de missions coùteuses, tant de négociations difficiles. Louis XI d'ailleurs n'était pas seul à le combattre ; Édouard IV d'Angleterre y était également opposé, jugeant que « toute l'Angleterre seroit en grand peril d'estre destruicte » en raison de trop d'extension que prendrait alors son rival.

Ajoutons, pour terminer, que d'autres projets avaient dû être encore mis en avant pour l'avenir de Charles de France. Une proposition émana un jour du duc de Bretagne et de Gaston de Foix. Ce dernier, après avoir fait épouser trois de ses filles au marquis de Montferrat, au comte d'Armagnac, et à François II de Bretagne, en avait encore une autre, Éléonore, qui n'avait pas trouvé mari et qui d'ailleurs mourut sans en avoir trouvé. Ne lui déplairait-il pas de prendre pour gendre Charles de France ? Louis XI, qui en fut averti au mois d'août 1471, ne vit pas cette combinaison d'un très bon œil, et délégua encore le seigneur du Bouchage pour s'y opposer en son nom. « Vous savez le mal que ce me seroit », lui écrit-il 5, « et mettez y tous voz cinq sens de nature à l'en garder ». Était-il donc nécessaire de paraître si inquiet et si ému de cette nou

1. Voir au chapitre IX.

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2. Commines, édit. de Mandrot, t. I, p. 227. L'éditeur a déjà relevé la confusion qu'a faite Commines dans ce passage, lorsqu'il affirme qu'en 1472 le duc de Guyenne pouvait être encore considéré comme héritier présomptif du trône.

3. «Maistre Henry Millet a dit au receveur d'Anjou que, pour ce que le duc a sceu que monseigneur de Bourgogne vouloit marier sa fille à monseigneur de Guienne, ou que paroles ont esté tenues et pourparlees dudit mariage sans le sceu dudit duc, qu'il a fait ouvrir à monseigneur de Guienne et traicter de sondit mariage avec la fille de monseigneur de Foix » (Bibliothèque nationale, ms. français 2909, fo 8; publ. par Vaesen, Lettres de Louis XI, t. IV, p. 358).

4. De Mandrot, Imbert de Batarnay, seigneur du Bouchage, pp. 37-42; cf. Henri Courteault, Gaston IV comte de Foix, pp. 346-347.

5. Tome IV, p. 259.

En février 1472, l'affaire suit toujours son cours. Le duc de Guyenne envoie Guillaume de Soupplainville et Henry Milet à la cour de Bourgogne, et d'autres ambassadeurs en Bretagne 2. Guéri de sa maladie, il déclare désirer de plus en plus l'accomplissement de son mariage avec la fille de Charles le Téméraire, et libéré de toute attache puisque sa maîtresse est morte, il a hâte de voir cette union consacrer l'alliance nécessaire, permanente et indissoluble qu'il souhaite avec le duc de Bourgogne. Tout délai lui porterait grand préjudice. Ses ambassadeurs sont porteurs de pouvoirs écrits en vue de ce double programme : mariage et alliance politique; ils sont chargés de rappeler toutes les démarches antérieures, faites à Rome et ailleurs, dans ce double but. L'inimitié toujours croissante de Louis XI, subornant tous les amis et serviteurs du duc de Guyenne, les privant de leurs biens qu'il confisque, faisant abattre leurs maisons, retirant aux gens d'église leurs bénéfices, emprisonnant et faisant même disparaître tous les serviteurs du duc qui seront appréhendés dans le royaume, refusant d'augmenter son apanage des pays de Rouergue et d'Angoumois qui en avaient été distraits, menaçant les frontières du duché et appelant aux armes, a pour principale cause l'impossibilité où le roi se trouve d'empêcher les manifestations ourdies contre lui dans l'ombre et le mystère. Soupplainville et Milet proposent au duc de Bourgogne de fixer le douaire de la princesse Marie, et c'est lui qui se chargera de faire connaître à Louis XI et aux princes du sang la nouvelle du mariage; au nom de leur maître, ils promettent un dévouement loyal et sans bornes à Charles le Tėméraire. Les amis sur lesquels Charles de France est en droit de compter ont prévenu ce prince que le roi projette d'avoir

1. Marie de Bourgogne, née à Bruxelles le 12 février 1457, avait exactement quinze ans, et divers prétendants se disputaient sa main; outre Charles de Guyenne, on comptait Nicolas, duc de Calabre, qui mourut en août 1473, et Maximilien d'Autriche, fils de l'empereur Frédéric III, dont l'avarice s'accommodait mal de la somptuosité habituelle au duc de Bourgogne, et qui n'en devint pas moins son gendre.

2. Bibliothèque nationale, ms. français 5040, fo 96; publ. dans Commines, édit. Lenglet-Dufresnoy, t. III, pp. 164-169. Cf. Dom Plancher, Histoire de Bourgogne, t. IV, р. сссх.

3. Voir au chapitre X, plus loin.

CHAPITRE IX

ÉCHEC DE LA NOUVELLE COALITION

L'infortuné duc de Guyenne ne devait pas jouir longtemps des avantages consentis par son frère. Ses anciens alliés, déplorant sa réconciliation momentanée, n'eurent point de cesse qu'ils n'aient entendu le tonnerre gronder de nouveau après l'accalmie temporaire dont ils n'appréciaient pas les bienfaits, désireux qu'ils étaient de reprendre avec acharnement la lutte contre Louis XI. Le duc de Bourgogne prit les devants. Deux de ses ambassadeurs, Jacques de Luxembourg et Pierre de Miraumont, ont reçu mission de chercher à savoir si le roi a tenu ses engagements et si le duc de Guyenne est satisfait de son sort; de démentir le bruit, qui a sans doute pris naissance en France, d'après lequel Charles le Téméraire aurait eu l'intention de s'arroger sur les affaires du royaume une influence prépondérante; d'offrir l'ordre de la Toison d'or à Charles de France déjà pourvu par son frère de l'ordre de Saint-Michel; de lui proposer la main de Marie de Bourgogne ; de signer enfin avec lui de fécondes et nouvelles alliances au nom de leur maître.

L'éditeur,

1. Journal de Jean de Roye (interpolations), t. II, p. 220. B. de Mandrot, suppose avec raison qu'il faut lire « Pierre de Miraumont » là où le chroniqueur a écrit « Pierre de Remiremont ». Voir ci-dessus p. 247. Sur Guillaume de Miraumont, voir Bibliothèque nationale, ms. français 5725, fo 27.

2. Ses menées et ses relations sont toujours suspectes; en janvier 1470 sont arrêtés par ordre du roi des serviteurs du comte d'Armagnac qui se rendaient à la cour de Bourgogne (Bibliothèque nationale, ms. français 6758, fo 12 vo). - Dans le même temps, le bruit court, dans le pays de Bresse et à Lyon, que la guerre va éclater entre Charles de France et le duc de Bourgogne; aussi voit-on les Bourguignons et les Savoyards abandonner précipitamment Lyon (Archives municipales de Bourg-en-Bresse, BB 13, fo 41). 3. Bibliothèque nationale, ms. italien 1649, fo 252 (voir ci-dessus pp. 274 et 399).

Dans le même temps, Louis XI, qui fait très exactement délivrer chaque trimestre à son frère sa pension', ne reste pas inactif; comme on l'a vu plus haut 2, il envoie des ambassadeurs à Saint-Jean-d'Angély, où réside son frère. Trop crédule, celui-ci a la naïveté de leur confier le texte des propositions dont les ambassadeurs bourguignons sont porteurs et de la réponse très favorable, très sage et très raisonnable, qu'il a décidé de leur faire.

Il ne paraît donc pas y avoir une ombre au tableau dans les relations des deux frères 3; l'atmosphère est sereine, la paix règne, malgré les tentatives et les suggestions contraires. Le duc de Guyenne tient le serment qu'il a prêté sur la croix de SaintLaud. Sollicité par des messagers fréquents, il est venu en personne, accompagné de quelques fidèles, rendre visite au roi, à Montilz-lez-Tours; il l'a accompagné à Amboise". Le roi fait acheter du drap (décembre 1469) pour calfeutrer les fenêtres des chambres où son frère doit loger 7, eu égard à la rigueur de la saison; il pousse la gracieuseté jusqu'à envoyer chercher chez un apothicaire de Tours, Guyon Moreau, «plusieurs eaues rozes d'espic, vin aigre rozat et autres choses odorantes par lui baillées et délivrées pour mettre et odorer les chambres où le

1. Voir un reçu de 6000 livres pour un trimestre de sa pension accordée au titre de liste civile, signé le 29 novembre 1469 (Bibliothèque nationale, ms. français 20415, no 85; Pièce justificative no LXXX). Cf., pour l'année 1470, ms. français 32511, fo 317.

2. A la fin du chapitre V.

3. Voir Lettres de Louis XI, édition Vaesen, t. IV, pp. 51 et 56 (promesse de la place de Montoussé en Bigorre).

4. Les comptes royaux mentionnent des envois de messagers à SaintJean-d'Angély en novembre 1469 (Bibliothèque nationale, ms. français 6758, fo 1), en décembre (Idem, ff. 3, 5 vo, 6, 6 vo, 8), en janvier 1470 (Idem, fo 16 vo). En mars, le roi fait rembourser à un hôtelier du faubourg de NotreDame-la-Riche à Tours la dépense occasionnée par la présence chez lui d'un serviteur de son frère (Idem, fo 87).

5. Lettres de Louis XI, t. IV, p. 68.

6. Aussitôt le bruit ne se répand-il pas que la guerre va peut-être éclater entre le duc de Bourgogne et le « duc de Berry, régent de France » (Archives municipales de Bourg-en-Bresse, BB 13, fo 41): «Nova deventa super facto guerre inter ducem de Barry regentem Francie et ducem Burgondie, die tercia decembris anno LXIX. »

7. Bibliothèque nationale, ms. français 6758, fo 80.

le roy de Secille, Monseigneur le duc de Guienne et autres seigneurs ont logé es chasteaux d'Amboise et de Montilz » 1; il fait rembourser à un hôtelier, « à l'ymage Nostre Dame sur les ponts de Tours », 17 livres 10 sous, montant de ce qui lui est dû pour le logement et la nourriture de cinq des chevaux de Jean d'Auton, écuyer d'écurie du duc, pendant vingt-huit jours consécutifs. Comme chacun des membres formant la suite de Charles, le maître d'hôtel Pierre de Corquilleroy est particulièrement bien accueilli, et par cédule spéciale, l'année suivante, recevra de Louis XI une somme de 200 écus d'or à distribuer aux «< menus officiers de l'hôtel » du duc de Guyenne pour leurs étrennes 3.

Le séjour au château de Montilz-les-Tours dura jusqu'à Noël. Quittant Amboise quelques jours plus tard, Charles de France rentra à Saint-Jean-d'Angély, enchanté de l'accueil que son frère lui avait réservé. Mais tout le monde n'était pas aussi satisfait. Se trouvant un peu plus tard à Bordeaux, au château du Hà, le duc reçut certain jour une lettre du duc de Calabre; après l'avoir lue, il la montra à Balue qui se tenait près de lui et qui, en ayant pris connaissance, la lui rendit en disant': << Veez cy que monseigneur a gaigné d'estre allé à Amboyse » ! Les cadeaux, les avances, les sourires de Louis XI cachaient toujours un nouveau danger.

Se croyant sûr de la fidélité de son frère, qu'il a ainsi comblé d'amabilités, et fier de sa tactique, le roi tourne ses rancunes vers le duc de Bretagne et vers ses ennemis du midi, les Armagnac et les Nemours principalement ; avec Charles le Téméraire, il est tantôt insinuant, tantôt perfide; suivant les circonstances, il intrigue contre Édouard IV, ou lui multiplie les témoignages de sympathie; il réussit à amener à lui quelques seigneurs bretons; il accueille avec faveur ceux qui lui ont été le plus hostiles; au besoin il emploie l'argument décisif, l'argent. Et ainsi plusieurs mois se passent sans que Charles de

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1. Bibliothèque nationale, ms. français 6758, fo 80 vo.

2. Idem, fo 80.

3. Idem, fo 78 vo.

4. Déposition d'un témoin (Bibliothèque nationale, ms. français 15537, fo 212.

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