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ainsi une preuve d'intérêt aux manifestations intellectuelles dont une éducation littéraire, très soignée dès le plus jeune âge, avait développé le goût.

Malheureusement, d'autres préoccupations vont détourner Charles de France de ces heureuses dispositions. Son influence allant grandissant dans l'État, il y tient déjà un rang honorable, et s'apprête, inconsciemment peut-être, à y jouer un rôle prépondérant.

s'appelaient Jean Pinot (du diocèse de Limoges), docteur en droit; Pierre de Janoillac (du diocèse de Bourges), également docteur en droit; Simon Surgi (du diocèse d'Évreux), docteur en médecine; François de Chaulx, Philippe de Buis, Jean Bertrand et Jean Bertaud (tous trois du diocèse de Limoges), régents ès arts.

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CHAPITRE III

LES DÉBUTS DE LA GUERRE DU BIEN PUBLIC

Dans une de ses lettres patentes, comme dans son discours à l'assemblée de Tours 2, Louis XI se félicite de voir à la fin de l'année 1464, régner par tout le royaume un calme et une tranquillité admirables, de constater que nobles, bourgeois, laboureurs, marchands, gens d'église, jouissent à l'envi d'un bien-être appréciable et conforme à leur condition respective. D'après le souverain, le commerce est prospère et les trànsactions faciles; et, la sécurité aidant, français et étrangers peuvent se livrer avantageusement au trafic qui crée la richesse d'un pays. Ces belles assurances officielles, ces paroles réconfortantes cadraient-elles exactement avec la vérité ?

Tout en faisant la part de l'exagération naturelle chez un monarque heureux de jouir des bienfaits de la paix et s'efforçant de la maintenir, il est bien juste de penser qu'après les longues années de grand trouble dues à l'occupation anglaise, après cette triste période de malaise général qui avait fait couler tant de sang et anéanti la fortune publique, le peuple appauvri se sentait renaître depuis qu'il pouvait espérer recueillir sans obstacle le produit de son travail et faire fructifier la terre sans être accablé d'impôts de guerre toujours renouvelés 3.

1. Ordonnances des rois de France, t. XVI, p. 308.

2. Les 18-20 décembre 1464, Charles de France s'y trouve avec le roi. 3. Bien qu'ayant promis de ne plus lever d'aides et de subsides pour le paiement des gens d'armes (Archives dép. des Basses-Pyrénées, E 70), le roi parvient tout de même à lever une contribution de 15000 livres tournois pour l'achèvement des travaux à effectuer aux châteaux de Dax, de Bayonne et de Saint-Sever (Bibliothèque nationale, coll. Doat, vol. 221, fo 122).

Mais Louis XI avait beau protester de son grand amour pour ses sujets, de sa volonté de remplir envers tous indistinctement ses devoirs de prince juste et zélé, de son ardent désir d'y être aidé par la coopération générale de ses sujets et particulièrement par les princes et seigneurs de sang royal: il y avait bien des opposants. Si l'on en doit croire les mêmes princes, cet idéal était loin d'être atteint, la justice s'exerçait bien différemment suivant la qualité des justiciables, de nombreuses réformes étaient attendues en vain. Du moins ces seigneurs se font-ils complaisamment l'écho de tels bruits, car, plus les plaintes seront nombreuses, plus il leur sera loisible de satisfaire leurs rancunes et de modeler leur conduite politique sur les manifestations de l'opinion populaire ; aussi ne craignent-ils pas de les propager et de chercher à les justifier, comptant faire servir à leurs secrets desseins le mécontentement général.

Ce mécontentement existe, et les plaintes ne sont pas exagérées. On peut réunir un petit faisceau de textes prouvant indiscutablement que le pays tout entier était alors dans une situation de misère réelle. On voit, par exemple, que la province de Normandie, en 1463, supporte à elle seule 400.000 livres tournois d'impôts, et que les Etats de la province élèvent la voix à ce sujet 1. Une révolte a éclaté à Rouen contre les officiers de finances, deux ans auparavant 2. A Angers, au mois de septembre 1461, a éclaté une insurrection populaire dite de la Tricoterie, à laquelle participèrent les pauvres gens de métier de la ville et des environs, écrasés d'impôts, qui se portèrent, armés de briques et de bâtons, vers les demeures des officiers royaux, de l'élu, des receveurs, des chanoines, et s'apprêtèrent à les piller 3. Pour la même raison, les habitants de Poitiers s'insurgent et se plaignent en outre d'être ruinés par les dévastations, rançonnements arbitraires et pillages des gens de guerre indisciplinés qui « prennent la substance du peuple » . A An

1. Bibliothèque nationale, ms. français 25713, no 33.

2. Chéruel, La Normandie sous Louis XI, dans la Revue de Rouen, V (1838), p. 120.

3. Archives municipales d'Angers, CC 3, ff. 202 et suivants; cf. A. Joubert, Études sur les misères de l'Anjou aux XVe et XVIe siècles (Angers-Paris, 1886), p. 33.

4. Archives municipales de Poitiers, Délibérations, vol. VI, fo 42 yo.

goulême, à Condom', ailleurs encore, la population est diminuée de moitié, au début du règne de Louis XI. Les régions de Marmande et de Sainte-Foy-la-Grande sont dépeuplées; les terres y sont incultes 2. Dans le Bordelais le roi a pu constater par lui-même le triste état de la province, quand il vint assister au mariage de sa sœur Madeleine 3. Au mois de mars 1466, les États de Languedoc réunis au Puy exposent la lamentable situation du pays; ceux qui ne l'ont pas abandonné vivent dans une extrême misère. Les Dauphinois cherchent, pour éviter la ruine, et dans l'impossibilité de supporter de nouvelles taxes, à emprunter de l'argent aux banques lyonnaises, qui sont loin de s'y prêter de bonne grâce; d'après une lettre adressée par les États à Jean Bourré, l'un des meilleurs confidents du roi, leur pauvreté est si grande « qu'on n'y scet donner remede ». Le peuple, à Troyes, peut à grand peine accepter les charges ordinaires qui pèsent sur lui, tellement il est « foullé ». Même situation lamentable à Reims, où le roi promet des dégrèvements, à Laon, où les impôts ont triplé 7, et aux environs de Paris. De nombreux villages de la région parisienne sont à peu près abandonnés . Par peur des gens d'armes, les églises rurales sont devenues des lieux de refuge pour la population, lorsqu'elles n'ont pas été transformées en magasins à blé, à fumier, etc.; les conditions économiques sont le plus souvent déplorables 10; l'insécurité règne partout.

1. Ordonnances des rois de France, t. XV, pp. 27, 240. 2. Archives historiques de la Gironde, t. I, p. 178.

3. Dom Vaissète, Histoire de Languedoc, nouv. édit., t. V,

lezun, Histoire de Gascogne, t. IV, p. 329.

4. Bibliothèque nationale, ms. latin 9178, H. 181 et suivants. 5. Bibliothèque nationale, ms. français 6602, fo 99.

p. 21; Mon

6. Documents historiques inédits (Champollion-Figeac), t. II, p. 385. 7. Thomas Basin, Histoire, édit. Quicherat, t. II, pp. 11, 39 et 42. 8. Petit-Dutaillis, Un nouveau document sur l'Église de France à la fin de la guerre de Cent ans, dans la Revue historique, t. LXXXVIII (1905), p.

296.

etc.

9. Alliot, Visites archidiaconales de Josas (1902), pp. 211, 212, 214, 238,

10. Idem, p. 200: «Habitantes nimis sunt onerati de talliis et impositio nibus regis ».

Malgré cette situation, les émeutes sont encore assez rares. Thomas Basin fait remarquer que les Français sont depuis si longtemps pliés à l'obéissance qu'ils ne songent pas à se révolter contre l'exagération des subsides et des impôts.

La situation politique n'est guère plus satisfaisante.

A l'est et au nord, Charles comte de Charolais, qui vient de se substituer à son père malade dans la direction des affaires de Bourgogne, est un ennemi héréditaire que l'on n'a guère à ménager et dont on peut tout redouter.

A l'ouest, François II, duc de Bretagne, dont les démêlés avec Louis XI sont parvenus à la période agressive, n'a nulle raison de s'incliner devant celui qui cherche à soulever contre l'autorité ducale des populations fidèles, et se propose de ne pas demeurer plus longtemps la dupe ou la victime du roi de France; aussi se prépare-t-il sérieusement à la guerre, en signant un traité de paix et de commerce avec le roi Édouard IV 3, sans toutefois appeler les Anglais à son aide, comme Louis XI l'insinue perfidement 5.

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Au centre, Jean II de Bourbon, allié à la maison de Bourgogne, a naguère affirmé cette communauté d'intérêts par une visite à Gand, auprès du comte de Charolais qu'il a ensuite

1. Histoire des règnes de Charles VII et de Louis XI, édition Quicherat, t. II (1856), p. 422 : « Ipse Francorum rex tam latos et spatiosos imperii fines retinet, et longam atque inveteratam jam possessionem nactus est quaelibet et quantumvis gravia collationum atque vectigalium onera et tributa subditis imponere pro solo nutu et voluntate sua, sic quod nullus in regno nec provincia quidem una, sed nec plures simul aut etiam omnes, contra minimum suorum quaestorum ullo pacto auderent mutire ».

2. Lettre du 5 août 1464: « L'on dit que puis peu de temps ença le roy a dit et déclairé avoir intencion de destruire non seulement le duché de Bretagne, mais trois ou quatre des plus grands seigneurs de son royaume ». (Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. X, 1883, p. 132.)

3. Archives départementales de la Loire-Inférieure, E 102.

4. A. Dupuy, Histoire de la réunion de la Bretagne à la France, t. I (1880), p. 93.

5. A en croire Louis XI, le duc de Bretagne faisait alors savoir aussi au duc de Berry et à d'autres seigneurs que le roi avait le projet de céder aux Anglais la Normandie et la Guyenne, ou tout au moins partie de ces deux provinces; par une lettre missive du 24 août 1464, Louis XI fait démentir ce bruit, affirmant que « à ce ne pensasmes oncques ne pour rien ne vouldrions avoir pensé ». Lettres de Louis XI, édition Vaesen, t. X, p. 220.

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