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milieu de ses ébats, de ses dévotions, de ses achats, de ses occupations, de ses premières études; nous connaîtrons à la fois son entourage, ses goûts, ses fournisseurs ordinaires, ses premiers maîtres. On ne s'étonnera donc pas de nous voir insister un peu longuement sur ce côté peu banal de cette biographie; on aime à s'attarder à la contemplation de ce milieu paisible et consolant, avant d'aborder les luttes politiques où s'affirmeront l'ambition, la ruse et le mystère.

La reine Marie d'Anjou se déplaçait volontiers; dans le courant de l'année 1454, elle vient s'installer au beau château de Chinon, et, le 10 décembre de la même année, elle quitte Chinon pour Mehun-sur-Yèvre 2. Naturellement, elle emmène toujours avec elle ses deux jeunes enfants, ses nombreux serviteurs et sa ménagerie. Charles « le bien aimé » reçoit de sa mère de fréquents petits cadeaux en un mois, « pour soy esbatre » et pour ses jeux, il a un écu d'or (27 sous 6 deniers) le 12 octobre, et autant le 31 « pour acheter des merceries à sa plaisance, d'un mercier venu au château de Chinon » 3; de nouveaux dons, plus ou moins importants, lui sont faits en janvier, février, mai, juillet, août et septembre de l'année suivante. Le 26 novembre 1454, il se rend avec sa mère en pèlerinage à «< saint Feslier », près de Selles-sur-Cher, et pour l'offrande aux reliques il a reçu un écu; en mars 1455, il va faire une neuvaine en l'église Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre, accompagné de Jeanne Mareschal, sa gouvernante, qui paie 40 sous tournois pour les offrandes et les cierges du jeune prince 5. Et comme Saint-Mathurin-de-Larchant est

1. Ch.-lieu d'arrondissement (Indre-et-Loire).

2. Ch.-lieu de canton, arrt de Bourges (Cher). Cf. G. de Beaucourt, ouvr. cité, t. VI, p. 17.

3. Archives nationales, KK 55, fo 7 vo.

4. Il s'agit d'un pèlerinage à saint Phalier, particulièrement honoré en Berry (Fr. Bruneau, La vie admirable du glorieux saint Phalier, 1643 ; et J. Veillat, Les pieuses légendes du Berry, 1864), et patron de la petite parroisse de Chabris (Indre); c'est évidemment de cette localité, peu distante de Selles-sur-Cher, qu'il s'agit ici.

5. Archives nationales, KK 55, fo 8.

6. Con de La Chapelle-la-Reine, arrondissement de Fontainebleau (Seine-et-Marne).

trop éloigné, on y envoie son valet de chambre, Jean Chambellan, au mois de mai, pour le remplacer 1.

Aux étrennes de l'année 1452, Charles VII donne à son fils une coupe, une tasse, une aiguière, une navette d'or (le tout coùtant 550 livres)2, et une très belle chaîne d'or, tous objets fournis par l'orfèvre Gilbert Jehan 3, un vouge, une brigandine, et un des trois diamants 5 achetés à un marchand de Paris, Pierre de Janoillac. L'année suivante, à la même époque, les étrennes. consistent en une autre chaîne d'or et en une pointe de diamant.

1. Archives nationales, KK 55, fo 140 vo.

2. Bibliothèque nationale, ms. français 32511, f 154.

3. "A Gilbert Jehan, orfevre, pour une chesne d'or à XXIII karaz, pesant ung marc trois onces deux gros, au pris de LXVIII escuz le marc, valent IIII XVI escus IIII s. II d. t., et pour la façon de la dite chesne, au pris de VI escus pour marc. VIII escus X s. X d. t., laquelle chesne, a été donnée par icellui seigneur [le roy] ledit premier jour de l'an à monseigneur Charles de France, en CIIII escus XIIII sols IIII d. t., la somme de VIIXX III livres XIIII livres d. t., à lui paiée par ledit commis par vertu desdits role, contrerole et quittance du XXIe jour d'octobre MCCCCLII (Bibliothèque nationale, ms. français 10371, fo 6).

4." A Anthoine de Vail, brigandinier du Roy nostre seigneur, lequel donna à monseignenr Charles, ledit premier jour de l'an, unes brigandines. pour don à lui fait par le roy nostre dit seigneur, XV escus valent XX livres XII sols VI d: t. " (Idem, fo 10 vo).

5. " A Pierre de Janoillac, pour trois dyamans, c'est assavoir ung fosce, une tablette et ung cuer, donnés par ledit seigneur ledit jour en trois desdites menues estreines d'or à monseigneur Charles de France, monseigneur de Clermont et monseigneur d'Armignac, au pris de XXV escus la piece, valent IIIIXX X escus, qui valent VIxx III livres XV sols tournois " (Idem, fo 11).

6. Un des trois fut donné en présent à Dunois (Archives nationales, KK 51, fo 119 vo).

7. "A Gilbert Jehan, orfevre du Roy nostre dit seigneur, la somme de VIXX X livres tournois pour avoir fait une chesne d'or d'escus neufz, laquelle le Roy nostre dit seigneur a donnée à monseigneur Charles de France audit premier jour de l'an, pesant un marc une once six gros meins douze grains, au pris de IIIIxx XIX livres tournois le marc, valent VIXX livres VII s. VI d. t., et pour la façon, IX livres XII sols VI d. t., lesquelles parties montent ensemble à ladite somme de VIXX X livres tournois à lui paiée par ledit commis des deniers de sa recepte, par vertu desdits role et contrerole, comme par sa quittance du Xe jour de janvier l'an MCCCCLII ci rendue appert "; " A Pierre de Janoillac, la somme de IIc XX livres tournois pour six dyamens, c'est assavoir pour deux poinctes de dyamans, dont l'une est à faces, données l'une à monseigneur de Bourbon et l'autre à Jacques monseigneur de Bourbon, du pris de XXXV escus la piece, valent

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Nouvelles chaînes offertes en 1453 et en 1454. L'année suivante, il reçoit de sa sœur Madeleine un petit diamant de la valeur de deux écus, et de sa mère six écus; on lui achète en outre à Paris «< douze petites verges ou filets d'or émaillés à larmes blanches et noires à son plaisir »; et luimême distribue toutes ses générosités : à son père « quatre petits anneaux d'or avec un petit saphir en façon de heaulme », à sa mère, à sa sœur et à Mademoiselle de Laval 3, trois petits diamants de deux écus chacun. En 1459, les étrennes du jeune Charles consisteront encore en un diamant, et en une chaîne d'or formée de deux chaînons dont l'un est émaillé à la devise du prince et à ses couleurs qui sont: rouge, blanc et vert 5.

A huit ans, Charles de France monte déjà à cheval, et sa sœur de même. Parmi les dépenses du mois de novembre 1454, nous trouvons l'achat d'une demi aune de gros maroquin acheté à Selles-sur-Cher et remis à Jean Beaujeu, tailleur

LXX escus; deux autres poinctes dont l'une est pareillement à faces, données ledit jour, l'une à monseigneur Charles de France et l'autre à monseigneur du Maine, au pris de XXV escus la piece, valent L escus. thèque nationale, ms. français 10371, ff. 18 v et 25).

1. Idem, ff. 6, 18 et 30.

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(Biblio

2. « A Gilbert Jehan, orfevre dudit seigneur, pour avoir fait une chesne d'or à XXII karatz, donnée par le dit seigneur à monseigneur Charles de France audit premier jour de l'an, pesant ung marc deux onces six gros et demy, au pris de IIIIxx X livres I s. III d. t., le marc valent VI xx Ilivres XIIII s. II d. t., et pour la façon de ladite cheisne IX livres XII s. VI d. t., lesquelles deux parties montent ensemble à la somme de VI xx XI livres VI s. VIII d. t., à lui paiée et délivrée par ledit commis par vertu dudit premier roole, comme par sa quittance escripte le XXVIIe jour de mars mil CCCCLII lui appert" (Idem, fo 30).

3. Louise de Laval, sœur de Jeanne, qui avait épousé en septembre 1454 René d'Anjou.

4. Archives nationales, KK 55, fol. 144-145.

5. "A Monseigneur Charles, fils du Roy nostre dit seigneur, pour une cheisne d'or faicte à chesnons, l'un esmaillé aux couleurs et devise dudit seigneur, c'est assavoir rouge, blanc et vert, l'autre rache et bruny, que ledit seigneur lui a donné et fait faire par ledit Gilbert Jehan, pesant II M III livres VII onces II deniers ob. à XXII karatz, au pris de IIII xx XI livres XIII sols IIII deniers tournois le marc, valent II LVI livres III sols IX deniers obole tournois. A mondit seigneur Charles et le conte de Dunoys, pour deux diamens achetés à Gilbert Jehan, etc." (Archives nationales, KK 51, fo 119 et vo).

6. Archives nationales, KK 55, fo 135.

de robes de la reine, pour faire «< une housse à mettre et couvrir la selle du cheval quand Monseigneur chevauche » ; et une égale quantité servira au même Beaujeu « pour lui tailler et faire un chaperon à chevaucher ». Coppin Sauvage, sellier allemand suivant la Cour, est chargé de la confection de harnais en beau cuir et d'étrivières, et l'on donne mission à Jean de Chinon, éperonnier demeurant à Bourges, de forger «ungs estrieulx à mettre lesdites estrivières » 2.

Au chapitre des réparations, il est curieux de noter qu'un tapissier de haute-lisse, Jacquemin de Bergères, est chargé de raccommoder, moyennant 4 écus et demi, une tapisserie dont est tendue la chambre de Charles de France et qui a été fort endommagée par les rats 3. A Chinon, on pave le chemin qui mène de sa chambre à la chapelle ; à Mehun, on attache de la très grosse toile au manteau de la cheminée de sa chambre pour l'empêcher de fumer 5.

Jean Beaujeu fait les costumes du jeune prince, qui a une garde-robe fort bien garnie, à en juger par les nombreuses dépenses qu'elle nécessite. Le 9 janvier, on lui taille une robe de drap écarlate dont l'étoffe est achetée à Tours chez Jean de Neufbourg; le 4 avril, nouvelle robe écarlate; le 19 juillet, le même marchand fournit du drap bleu de Rouen pour une autre robe; le 24 octobre et le 8 décembre, Pierre de Janoillac fournit cinq aunes de velours noir et cinq aunes de velours cramoisi pour deux nouvelles robes 6. Jean Morin, marchand suivant la Cour, fournit le satin gris pour doubler « tout le bas et les manches d'une robe décoppée faite à la plaisance de Monseigneur >>7. Tout le reste est à l'avenant. Monseigneur a plusieurs corsets en damas noir ou en velours noir, garnis et doublés de fine toile blanche ou de coton 8, et Martin Hersant,

1. Archives nationales, KK 55, f. 24 et 39 vo.

2. Idem, fo 118 vo.

3. Idem, fo 79 yo.

4. Idem, fo 117 v.

5. Idem, fo 118.

6. Idem, ff. 24 vo, 32 v°, 40 vo.

7. Idem, fo 33 vo.

8. Idem, ff. 33, 39 vo,

CHARLES DE GUYENNE

41, 86.

orfèvre du roi, est chargé de fournir vingt-huit fers d'argent et de les dorer pour attacher aux lacs de ruban de soie (rouge vert, noir) et aux aiguillettes qui ferment et lacent les collets et poignets de ces corsets 1. Monseigneur porte des ceintures de cuir étroites, les jours ordinaires ; il en a de plus riches; car on achète, le 23 décembre, à Raoulin de La Rue un tissu étroit de soie noire, « ferrée d'une ferrure d'or émaillée, façon de Paris, pour le ceindre sur sa robe de velours cramoisy 3 », et l'orfèvre Martin Hersant a utilisé vingt-deux grains d'or (à 22 carats) pour refaire « l'ardillon et une broche ronde traversant par les charnières de la boucle de la ceinture » 1.

Au début de la belle saison (4 avril), on paie au tailleur du jeune prince un manteau d'écarlate 5. L'hiver, Guillemin Le Boulanger, qui cumule les fonctions de valet de chambre de la reine et de fourreur, lui fournit un superbe manteau de martre et de gris, en même temps qu'il double de fourrure sa robe d'écarlate, et qu'il en orne les collets, poignets et parements de dix martres zibelines valant plus de 68 sous pièce ; trentetrois bêtes de gris entrefin sont employées à fourrer les bottines de cuir récemment commandées au cordonnier Jean Marchant pour mettre à la chambre, lorsque le prince se lève la nuit 7. Jean Marchant est d'ailleurs souvent occupé à confectionner des chaussures pour Monseigneur, et à lui préparer les semelles avec du blanchet ; chaque trimestre, on compte au moins douze paires de souliers, valant chacune 3 sous 6 deniers tournois, et pour l'hiver on lui en remet quatre paires à doubles semelles, qui sont payées un peu plus cher 9.

On achète à Paris de la toile de Hollande pour tailler les chemises du jeune Charles; c'est de la toile de Troyes qui sert à confectionner les mouchoirs, ainsi que les béguins qu'il

1. Archives nationales, KK 55, fo 76.

2. Idem, ff. 87 vo et 88.

3. Idem, fo 86.

4. Idem, fo 76 vo.

5. Idem, fo 24 yo.

6. Idem, fo 46.

7. Idem, fo 48.

8. Idem, ff. 24, 25 et 93.

9. Idem, fo 93.

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