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NOTICE

SUR LA

BIBLIOTHÈQUE COMMUNALE

DE LA VILLE DU MANS

Par M. DÉAN-LAPORTE, Membre titulaire

Mes connaissances bibliographiques étant très limitées, je ne prétends pas faire œuvre d'érudition dans cette modeste étude. En glanant dans les importantes collections de la bibliothèque du Mans où m'appellent d'autres travaux, j'ai rencontré de telles richesses que j'ai pensé être utile à mes concitoyens en les désignant à leur attention. On a dit souvent que les livres étaient des fleurs écloses au souffle de l'esprit humain; si nous aimons les fleurs, nous devons chérir les livres.

Je rappellerai ici les mots du poète :

Une gerbe de fleurs séchées,

Pas autre chose n'est ce livre ;

Les fleurs souffrent qu'on les délaisse;

Elles meurent d'être esseulées.

C'est pour que leur parfum renaisse

Qu'ici je les ai rassemblées.

SOCIÉTÉ DES ARTS

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Avant la Révolution de 1789, la ville du Mans ne possédait pas de bibliothèque publique; mais dans les nombreux établis sements religieux qui existaient alors et chez différents particuliers lettrés, il y avait des collections importantes de manuscrits et de livres.

La maison la plus riche était l'abbaye de Saint-Vincent appartenant aux Bénédictins de Saint-Maur, où est établi actuellement le séminaire diocésain. A elle seule, cette abbaye possédait 25.000 volumes, dont le catalogue est un modèle du genre; il comprend 11 volumes grand in-folio, et ses divisions sont si parfaites que les recherches sont extrêmement faciles. Ces documents servirent beaucoup à Dom Rivet pour son plan de l'Histoire littéraire de la France, dont les huit premiers volumes manuscrits sont conservés à la Bibliothèque communale. Cet ouvrage de valeur fut du reste repris et continué par des érudits, des membres de l'Institut, qui puisèrent longtemps aux mêmes sources.

D'autres bibliothèques étaient la propriété des Lazaristes de la Mission, des Cordeliers, des Minimes, des Oratoriens, de l'Evêché, des presbytères de Saint-Nicolas, de Saint-Ouen, de Saint-Jean de la Cheverie, etc. L'importante collection de manuscrits des Jacobins avait été pillée en 1562 pendant les troubles religieux et peu de ses raretés nous sont restées. Enfin la riche collection de l'Abbaye des Bénédictins de la Couture était réunie dans le local actuel de notre Bibliothèque.

Lors des décrets sur les biens des émigrés et la suppression des couvents, toutes ces richesses bibliographiques, au nombre de plus de 150.000 volumes, furent placées dans trois dépôts à la Couture, à Saint-Vincent et à l'Oratoire.

L'Aministration centrale ne put malheureusement exercer

un contrôle suffisant sur les apports de livres, et il est certain qu'un bon nombre d'ouvrages précieux furent détournés par ceux qui étaient chargés de les remettre à l'Etat, de sorte que, nous dit Anjubault en 1853, on déplore non seulement la perte de certaines collections complètes, mais la disparition de parties de collections, et il cite entre autres le premier volume manuscrit du Cartulaire de Saint-Vincent, qui est allé à la Bibliothèque impériale, tandis que le deuxième est resté au Mans.

En 1795, le Directoire du district nomma une Commission bibliographique chargée de dresser un inventaire qui fut envoyé au gouvernement. Le travail des commissaires, nous dit encore Anjubault, malgré leur aptitude et leur dévouement, fut fait avec une précipitation fâcheuse et se ressentit des préjugés d'alors: des ouvrages importants ne furent pas jugés dignes d'être conservés, parce qu'ils n'étaient couverts qu'en parchemin! Toujours l'histoire du bel habit! (1)

Heureusement, ils ne furent pas perdus pour le pays; on s'en débarrassa en composant des bibliothèques à l'usage de la Préfecture, de l'Evêché, du Séminaire, du Palais de Justice, de l'Ecole centrale et du Bureau d'Agriculture, devenu notre Société d'Agriculture, Sciences et Arts. Enfin un lot important alla échouer dans la ville de Montpellier, autorisée par le Ministre de l'Intérieur, on ne sait pour quelles raisons, à prendre ce qui lui était utile.

A partir de l'An VII, la Bibliothèque se trouva constituée avec 25.000 volumes et fut ouverte au public. Le reste, qui n'avait reçu aucune destination, fut vendu à plusieurs reprises au poids du papier, et plus de 8.000 volumes s'éparpillèrent à vil prix dans la ville, où on en rencontre quelquefois dans les collections particulières portant l'estampille de la Bibliothèque centrale.

(1) Pesche, Dictionnaire, 3° vol. 587.

En 1809 notamment, il y eut une vente importante; et plus tard, en 1814, on préleva sur les dons faits par MM. Auvray et Desarmant une quantité de volumes qui furent vendus, et dont le prix fut versé entre les mains du receveur municipal, à l'effet, dit l'instruction préfectorale, d'acquérir de nouveaux livres (1).

En 1825, le Ministre de l'Intérieur ayant refusé d'approuver le budjet du Conseil général en ce qui concernait la Bibliothèque, celle-ci devint exclusivement communale; et depuis lors elle est administrée par la Ville.

A partir de ce moment les collections augmentent rapidement, les différents ministères sont généreux et offrent tous les ouvrages remarquables publiés sous leurs auspices, les dons des auteurs s'y joignent, ainsi que de fréquents achats faits par la Ville.

Tous les envois de Paris se font par l'entremise de la maison de roulage Gontié et Loraux « par voie de terre à la garde de Dieu. » (2)

Jusqu'ici les collections étaient placées simplement sur les rayons; mais comme elles s'augmentaient chaque jour, et que la surveillance devenait plus difficile, la Commission décida de mettre des portes aux bibliothèques. Par convention intervenue entre M. de Chateaufort, maire du Mans, et M. Crètu, marchand de fer à Paris, le 10 juillet 1828, ce dernier fournit à la ville 38 portes-cadres en fer, grillées, coûtant chacune 69 livres, 5 sols, 6 deniers (3).

A titre documentaire se place ici un incident, que je crois utile de rappeler en le résumant.

Dans une lettre datée du 8 mai 1829, le bibliothécaire informe le Maire du Mans que la Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts, possède illégalement 250 volumes, dont il joint la liste, ayant appartenu au dépôt central, et le prie

(1) Archives communales, 27. (2) Archives communales, 27. (3) Archives communales, 30.

d'user de son pouvoir afin que ces volumes retournent à la Ville. La Société dans sa Séance du 19 janvier 1830 proteste avec beaucoup de bon sens et d'énergie; elle répond aux lettres du préfet et du Maire « qu'elle est entrée légalement « en possession de ces volumes par un arrêté gouvernemen<«<tal du 9 ventôse an VI, avant même la formation de la << Bibliothèque départementale; mais que pour être agréable « à l'Administratiou, elle consent à faire, sous le contrôle. « d'une Commission nommée par le préfet et le maire, un « échange des doubles qu'elle possède » (1).

Un peu plus tard, en 1839, un écrivain de grand mérite, en faisant des recherches, remarqua que près de 500 volumes portés aux catalogues de 1812 et 1814, avaient disparu. Il en prévint le Maire par lettre. Celui-ci fit faire des enquêtes discrètes et réussit à retrouver les ouvrages, qui reprirent leur véritable place.

Telle est l'historique de l'origine de la Bibliothèque communale.

Sa fondation est faite surtout, étant donné leur provenance, d'œuvres spéciales à la théologie, la philosophie scolastique, la lithurgie, le droit, l'histoire religieuse, etc.

Aujourd'hui, grâce aux dons constants de l'Etat, de la Ville, des particuliers et de nombreux bienfaiteurs, qui lui ont légué des collections d'un prix inestimable, elle est devenue une des plus riches de la province. Le XVe tome de son Catalogue enregistre le chiffre respectable de 51.200 volumes, dont 493 manuscrits et 204 incunables.

(1) Archives Société d'Agriculture.

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