Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

SAINT SPIRE

A BALLENCOURT & A CORBEIL

Le Culte des reliques de Saint Spire ou Exupère (1), premier évêque de Bayeux, remonte au temps de la fondation de Corbeil, on prétend même qu'elles en furent l'occasion principale. Les restes de l'Apôtre du Bessin, vénérés à Bayeux dès les premiers siècles de l'Eglise, furent transportés à l'intérieur du pays pour les soustraire aux déprédations des hommes du Nord qui envahissaient les régions du littoral. L'histoire, ou plutôt la légende, rapporte que ces reliques furent d'abord déposées au château de Palluau (2), près de Ballancourt, où l'on bâtit une chapelle pour les recevoir et où elles furent l'objet, pendant près d'un siècle, de la pieuse vénération des habitants de tout le pays circonvoisin.

Quatre-vingts ans plus tard, toujours selon la légende, en 943 ou 963, car on n'est pas d'accord sur cette date, Haymon, premier comte de Corbeil, trouvant que ces reliques insignes n'étaient point encore assez en sûreté dans le château de Palluau, situé au milieu de la campagne, vint, accompagné de nombreux chevaliers, mettre le siège devant ce château dont il s'empara ; puis il transporta les précieuses reliques dans sa forteresse de Corbeil, près de laquelle il fit construire, pour les abriter dignement, l'église qui

(1) Le nom véritable de ce saint est Exuperius, Exupère, forme qui s'est conservée à Bayeux, mais qui s'est profondément altérée chez nous; d'Exupère on a fait Supère, Supire, Cepire et enfin Spire, forme dernière qui a prévalu et qui remonte déjà très loin.

(2) Palluau, aujourd'hui Palleau, commune de Ballancourt, canton de Corbeil. On dit encore Palleau-la-Chapelle, pour distinguer ce lieu d'un endroit voisin, nommé Palleau-le-Moulin.

porte encore aujourd'hui le nom du grand Saint dont elle devait conserver pendant de longs siècles les restes vénérés.

La ville de Corbeil dut ses commencements à la forteresse et à l'église autour desquelles les habitations vinrent se grouper; l'église, incendiée par deux fois et partiellement reconstruite, existe encore; quant à la forteresse, réédifiée plus tard sous Louis VI, les grands moulins de Corbeil en occupent aujourd'hui l'emplacement ; i en reste seulement la grosse tour carrée qui fait saillie sur l'antique place Saint-Guenault, dénommée maintenant place Galignani. Cette tour, où fut enfermé Georges d'Amboise, le grand ministre de Louis XII, servit, pendant plusieurs siècles, de logement aux Capitaines de Corbeil.

C'est en souvenir de ce séjour de 80 ans des reliques du premier évêque de Bayeux dans le village de Ballancourt et des miracles qu'elles y avaient produits, que les habitants de ce lieu avaient conservé certains privilèges, auxquels ils étaient très attachés, et qui leur avaient été accordés dès l'origine, pour les dédommager de la perte de leurs chères reliques. Ces privilèges, qui durèrent jusqu'à la Révolution, donnaient le droit aux gens de Ballancourt de porter la châsse du Saint depuis l'église de Saint Spire, où elle reposait, jusqu'au seuil du cloître du même nom, le jour de la grande procession annuelle qui eut lieu, chaque année, pendant plus de huit siècles, le cinquième dimanche après Pâques, jour anniversaire de la translation des reliques à Corbeil. Pour accomplir ce pieux devoir, les Confrères de Ballancourt devaient être à jeun, pieds nus, revêtus d'aubes blanches et couronnés de fleurs; ils devaient au préalable s'être confessés et avoir communié. Et quand après tous les offices qui y étaient célébrés, la procession revenait du champ du Tremblay, les Confrères de Ballancourt reprenaient, à la porte du cloître, leur précieux fardeau et le reportaient dans l'église qui lui servait de temple et d'asile.

Si les gens de Ballancourt ne portaient la châsse que pendant un si faible trajet, c'est que la Confrérie de Saint-Spire de Corbeil, autrement importante et nombreuse, reprenait ensuite son droit de lui faire effectuer le reste du parcours.

La grande Confrérie de Corbeil remontait aux premiers temps du culte de Saint Spire dans cette ville; on tenait à honneur d'en faire partie, aussi les personnages les plus qualifiés se faisaient

inscrire sur ses registres, dont plusieurs sont encore conservés dans les archives de la paroisse. Les visiteurs de marque y apposaient parfois leur signature; c'est ainsi que, sur l'un d'eux, figurait celle de la reine Anne d'Autriche avec la date 1663. (1)

Cette Confrérie avait ses dignitaires; en 1788, M. du Perray en était le Procureur, MM. Ancel et Jassenne, conseillers, et Guérin, greffier.

Le costume des Confrères était le même qu'à Ballancourt, c'està-dire aubes blanches, couronnes de roses et bâton fleuri; mais ils n'avaient plus les pieds nus, à cause du trajet assez long qu'ils avaient à parcourir, et dans une saison où le temps est assez souvent froid et pluvieux. (2)

La Confrérie s'en est allée avec la fête; les Confrères, ne se renouvelant plus, diminuaient chaque année. Vers 1850, il n'en restait plus que deux, très àgés, qui venaient, chaque année, dans leur costume traditionnel, accomplir leur pieux et antique devoir. L'un venait du hameau des Brosses, l'autre de Champrosay. Ils étaient les derniers survivants d'une compagnie qui ne se recrutait plus; avec eux disparut cette grande Confrérie, bien des fois séculaire, qui avait tenu une place si importante dans la vie sociale de nos ancêtres, et la grande procession dont ils étaient les acteurs, et non les moins importants, ne tarda pas à disparaître à son tour.

Elle était cependant bien imposante cette belle procession, où figuraient toutes les reliques de la ville et qui était suivie par une immense population venue de très loin à la ronde. Les rois de France, ainsi que les princes et princesses de leur maison, l'accompagnèrent fréquemment. C'est ainsi que l'on vit en 1519, le 6 août (3), le roi François Ier, avec les reines Louise de Savoye, sa mère et régente du royaume, et Claude de France, son épouse,

(1) Almanach de Corbeil de 1789, p. 19.

(2) La gravure de 1789 que nous reproduisons ici les représente chaussés, mais tous les auteurs anciens sont d'accord pour dire qu'ils accomplissaient leur trajet toujours pieds nus. Cet adoucissement leur aura été accordé dans les derniers temps.

(3) C'était une procession exceptionnelle, comme on en faisait souvent aux époques de calamité. Celle-ci avait pour but de demander la cessation d'une grande séche

resse.

suivre dévotement à pied les châsses qui faisaient alors la joie et l'honneur de la ville de Corbeil.

Claude Malingre, dans ses Antiquités de la ville de Paris, publiées en 1640, nous a laissé une description de cette cérémonie, qu'il n'est point inutile de reproduire ici. (1)

« Ledit jour (2), à dix heures se fait la procession, en laquelle assistent les << paroisses tant de la ville que des faubourgs et une multitude presque infinie de << peuple, et sont portées avec magnificence icelles châsses, par une quantité << d'hommes, tous revêtus d'aubes blanches, ayant des chapeaux de fleurs sur leurs << têtes, tenant des cierges blancs en leurs mains, et nus pieds, appelés les Confrères << de la sainte et dévote Confrérie des porteurs des châsses desdits saints; et la << dite procession, précédée de clérons, cornets à bouquins, hauts-bois et lumi<< naires, arrive au lieu du Tremblay, où, pour mémoire perpétuelle de la pre<<mière translation qui y fut faite, a été posée une haute croix de pierre et mise << aussi une grande table aussi de pierre sur laquelle l'on fait reposer les dites << châsses; et là se chantent plusieurs antiphônes et cantiques de louanges, comme << aussi se disent plusieurs suffrages et oraisons, et ensuite se fait la prédication, << laquelle finie, l'on s'en retourne en pareil ordre à l'église, où est célébrée la grand'messe fort solemnellement ».

Beaupied, qui fut Abbé de St-Spire de 1732 à 1753, et qui a été inhumé au choeur de cette église, a écrit la vie de St Spire et de St Leu, petit volume orné de deux gravures et assez difficile à rencontrer aujourd'hui, malgré ses deux éditions de 1732 et 1773. Parlant de la procession, Beaupied, mieux placé que personne pour bien savoir ce qui se passait, s'exprime ainsi : (3)

« On ne saurait exprimer la quantité des peuples qui viennent de toutes parts pendant ce temps, même des extrémités de la France; le nombre en est si

<< grand qu'à peine les Chanoines peuvent-ils passer dans le choeur de leur église, pour la célébration du service divin, même avec le secours de plusieurs halle«bardiers qui les conduisent. >>

Du Breul, l'historien de Paris (4), a aussi parlé de la procession de St Spire; dans son supplément, page 95, il dit que :

<< De Paris et de plusieurs autres lieux y accourt une affluence si grande de « peuple qu'à peine la ville suffit-elle pour la contenir. A ce jour solennel se fait << une très belle procession, où se porte la châsse de St Spire, à laquelle tout le

(1) Liv. 4, p. 145.

(2) 5. dimanche après Pâques.

(3) Edit. de 1773, P. 46.

(4) Paris, 1612.

THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

ASTOR, LENOX TILDEN FOU

« VorigeDoorgaan »